Réunion de l’APALA à Bordeaux : Novembre 2003 (1ère partie : Ophtalmologie).

dimanche 30 novembre 2003 par Dr Hervé Masson15292 visites

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Réunion de l’APALA à Bordeaux : Novembre 2003 (1ère partie : Ophtalmologie).

Réunion de l’APALA à Bordeaux : Novembre 2003 (1ère partie : Ophtalmologie).

dimanche 30 novembre 2003, par Dr Hervé Masson

Nous inaugurons ici une nouvelle rubrique : les comptes-rendus des réunions régionales. Souvent plus proches de la pratique "quotidienne" des allergologues, elles sont toujours très riches. L’association pour la promotion de l’allergologie en Aquitaine (APALA) avait choisi le thème des "Fausses routes de l’allergie" ou comment éviter de se fourvoyer dans une mauvaise direction. Cette première partie a fait le point sur la pathologie oculaire.

Allergie et œil

par Bruno Mortemousque du CHU de Bordeaux

Complexité clinique et étiologique :
Le diagnostic d’une pathologie oculaire allergique est difficile et nécessite la collaboration entre ophtalmologistes et allergologues.

Il fallait déjà s’entendre sur la terminologie : les pathologies de l’œil sont parfois décrites et prises en charge de manière très différente. De l’ophtalmologiste qui "néglige" totalement l’allergie à celui qui la voit partout.

 Les blépharites : Inflammation des paupières, pouvant intéresser la totalité et/ou le bord libre, d’origines variées (allergique, infectieuse, toxique, mécanique,....)

 Les conjonctivites : Inflammation infectieuse, allergique, toxique ou mécanique, de la muqueuse conjonctivale.

  • La muqueuse conjonctivale est de loin celle la plus exposée du corps humain
  • De plus, elle possède une structure immunologique propice au développement et à l’amplification de réactions inflammatoires immunoallergiques.
  • Elles peuvent toucher la conjonctivite bulbaire qui recouvre le globe oculaire ou tarsale. Pour dépister l’atteinte tarsale supérieure, il faudra savoir retourner la paupière. Ce geste simple devrait être systématique.
  • Le chémosis correspond à l’œdème de la conjonctive
  • Sur la conjonctive on pourra retrouver des papilles qui sont de petites élévations de la conjonctive centrée par un vaisseau, correspondant à une infiltration leucocytaire et de tissu amorphe. Elles sont plus rares sur la paupière inférieure.
  • Les follicules sont des zones d’hyperplasie lymphoïde, avasculaires au centre, siégeant surtout dans le cul-de-sac conjonctival inférieur.
  • Les papilles évoquent plus l’allergie, les follicules plus l’origine toxique.

 Les kératites sont des inflammations de la cornée d’origine infectieuse, immunitaire, toxique ou physique, pouvant être ulcérées ou non. En matière d’allergologie, nous ne parlerons que de kératite superficielle.

L’examen de l’œil est un temps important. Il comporte un examen des paupières et de la conjonctive, une évaluation de l’état lacrymal et la recherche de répercussions cornéo-conjonctivales.
 L’examen de l’œil doit porter sur les paupières et la conjonctive. Retourner la paupière est un acte simple que devrait réaliser les allergologues.
 Le film lacrymal est composé de 3 couches recouvrant la cornée :

  • Une phase muqueuse, recouverte par
  • Une phase aqueuse, recouverte par
  • Une couche lipidique.
  • Pour l’explorer, l’ophtalmologiste réalisera deux examens :
    • Le Break up time (BUT)  : Il évalue la qualité du film lacrymal. Il correspond au temps nécessaire à la fragmentation d’un film de fluorescéine déposé sur l’oeil. Il est pathologique s’il est inférieur à 10 secondes.
    • Le test de Schirmer : il évalue la quantité de sécrétion lacrymale. Réalisé sans anesthésie, explorant la sécrétion réflexe, il est pathologique si il est inférieur à 15 à 20 mm. Avec une anesthésie locale, explorant la sécrétion basale, il est pathologique en dessous de 10 mm.

      La question essentielle reste tout de même : est-ce une ALLERGIE ou non ?

Les conjonctivites peuvent être classées en :

  • Conjonctivite aiguë allergique (AAC)
  • Conjonctivite allergique saisonnière (SAC)
  • Conjonctivite allergique perannuelle (PAC)
  • Kérato-conjonctivite Printanière (VKC)
  • Conjonctivite gigantopapillaire (GPC)
  • Kérato-conjonctivite Atopique (AKC)

 La conjonctivite aigue

  • peut survenir à n’importe quel age mais plus souvent chez les enfants
  • elle est souvent déclenchée par un contact plus intense avec un allergène
  • le prurit est intense
  • parfois accompagnée d’un chémosis et d’un œdème palpébral, d’un larmoiement
  • Il n’existe pas forcément une rougeur importante.

 La conjonctivite allergique saisonnière :

  • de symptomatologie associant prurit, picotements oculaires, larmoiement avec, à des degrés variables, une photophobie
  • Les signes, souvent modérés associent :
    • une hyperémie modérée
    • un chémosis discret
    • des papilles conjonctivales peu volumineuses
  • Le diagnostic positif est souvent facile sur l’histoire clinique et doit conduire toujours à un bilan allergologique.
  • Le diagnostic différentiel est celui des conjonctivites papillaires aiguës, en particulier, infectieuses.

 La conjonctivite allergique perannuelle :

  • Ses conditions d’apparition sont similaires à la saisonnière mais il s’agit d’une affection plus rare.
  • Les symptômes sont présents toute l’année avec des recrudescences saisonnières.
  • Les principaux allergènes en cause sont : Dermatophagoïdes pteronyssinus et D. farinae, les phanères, les moisissures,...
  • La symptomatologie associe prurit, sensation de corps étranger, œil sec...
  • Les signes cliniques sont une hyperhémie, la présence de petites papilles et de follicules avec une infiltration cellulaire modérée.
  • Il faudra éliminer ses diagnostics différentiels qui sont les conjonctivites saisonnières, un syndrome d’œil sec, les insuffisances de convergence, les amétropies,...
  • Le diagnostic positif repose sur la présence d’au moins trois de ces critères :
    • Une symptomatologie perannuelle
    • une évolution sur plus d’un an
    • un prurit
    • des antécédents personnels ou familiaux d’allergies
  • La réalisation d’examens complémentaires est nécessaire. Un seul de ces critères confirmera le diagnostic :
    • un prick test positif,
    • un RAST au moins classe 2
    • un test de provocation conjonctival positif
    • des éosinophiles dans le frottis ou les empreintes conjonctivales. La présence d’éosinophiles dans les larmes est pathognomonique de la conjonctivite allergique.

 La kérato-conjonctivite printanière ou vernale :

  • Il s’agit d’une affection rare touchant surtout l’enfant
  • La symptomatologie est perannuelle avec des recrudescences printanières et estivales
  • Elle débute dans plus de 85% des cas entre 2 et 10 ans pour disparaître à la puberté
  • Elle est habituellement spontanément résolutive
  • Elle touche 2 à 3 fois plus de garçons que de filles
  • Elle est rare chez l’adulte
  • Ses symptômes sont :
    • Prurit, sensation corps étranger
    • Photophobie
    • Blépharospasme, c’est-à-dire une contraction réflexe de la paupière
    • Un flou visuel : une conjonctivite n’entraîne normalement pas de trouble de la vision
    • Un signe important est la difficulté d’ouverture des yeux au réveil. Il s’agit d’enfants qui mettent plusieurs minutes à ouvrir les yeux le matin au saut du lit.
  • L’examen clinique retrouvera :
    • Un pseudo ptosis lié à l’épaississement de la paupière qui donne l’impression d’un ptosis
    • Une blépharite est souvent associée.
    • Un pseudo gérontoxon est parfois trouvé, souvent en regard d’une lésion limbique.
    • Les sécrétions conjonctivales sont épaisses et abondantes
    • L’examen de la conjonctive retrouvera des papilles géantes, de plus d’1 mm de diamètre, ressemblant à un véritable pavage de la conjonctive tarsale.
    • Il peut exister une infiltration limbique réalisant un bourrelet gélatineux plus ou moins translucide.
  • La physiopathologie de la kérato-conjonctivite printanière est mixte de type I et IV
  • Un bilan allergologique est nécessaire mais souvent négatif (66% des cas). Il permettra de rechercher d’éventuels facteurs d’aggravation. Une immunothérapie spécifique ne sera débutée que lorsque le problème oculaire sera réglé.
  • Le diagnostic différentiel est :
    • La kérato-conjonctivite du sujet atopique
    • La conjonctivite gigantopapillaire

 La kérato-conjonctivite atopique :

  • C’est une pathologie rare, chronique et sévère.
  • Elle débute habituellement à l’âge adulte (30-50 ans)
  • Il existe une prédominance masculine
  • 25 à 40 % des dermatites atopiques présentent une kérato-conjonctivite.
  • La symptomatologie est perannuelle avec aggravation en saison chaude
  • L’atteinte est bilatérale avec une gêne fonctionnelle importante : brûlures, larmoiement, prurit, sécrétions,...
  • On retrouve aussi fréquemment des lésions palpébrales d’eczéma, une perte des cils, des blépharites,...
  • L’examen clinique notera :
    • une hyperhémie conjonctivale importante
    • les papilles géantes sont inconstantes
    • Il peut exister une fibrose conjonctivale, voire un symblépharon qui correspond à l’adhésion de la conjonctive tarsale et bulbaire
    • Les atteintes cornéennes sont fréquentes et sévères : kératite ponctuée superficielle
    • Il existe un risque de kératocône (16% des cas), de cataractes (10%), de décollement de rétine.
  • Le diagnostic différentiel est :
    • les conjonctivites chroniques toxiques
    • Les blépharites avec meibomite sévère (rosacée oculaire)
  • La physiopathologie est de type I et IV

 La conjonctivite gigantopapillaire :

  • C’est une pathologie que l’on retrouve chez les sujets :
    • porteurs de lentilles de contact : le plus souvent souples (48% des cas contre 21,5% de rigides),
    • porteurs de prothèse oculaire,
    • aux antécédents de chirurgie cornéenne, conjonctivale, ou rétinienne.
  • La symptomatologie associe un prurit (augmentant à l’ablation de la lentille), un flou visuel, une sensation de corps étranger et une intolérance au port de la lentille
    * A l’examen, on retrouve des signes comparables à la conjonctivite printanière avec cependant, absence d’atteinte limbique ou cornéenne.
    * L’unique diagnostic différentiel est la Kérato-conjonctivite printanière.
    * La physiopathologie retrouve un facteur mécanique avec une réaction immunologique de type I et IV.

L’allergie de contact est aussi une grande cause d’atteinte oculaire.

 Elle est responsable de blépharite ou de blépharo-conjonctivite
 Il s’agit d’un mécanisme de type IV
 Les conservateurs sont traditionnellement incriminés mais depuis l’avènement de collyres sans conservateurs, de plus en plus d’allergie de contact sont décrites du fait du principe actif.

L’œil rouge non allergique doit être connu :

 S’il n’existe pas de baisse de l’acuité visuelle :
* Conjonctivites infectieuses avec l’importance de la découverte d’un ganglion pré tragien :
** bactériennes
** virales
** chlamydiennes
* Il n’existe, en général, pas de difficulté diagnostique mis à part le cas du portage chronique de chlamydiae.

 Pas de baisse de l’acuité visuelle mais un œil douloureux au toucher :
* Épisclérite : Inflammation localisée ou diffuse de l’épisclère
* Sclérite : Inflammation localisée ou diffuse de la sclère
* Étiologie : PR, LED, SPA, goutte, Crohn, Reiter, psoriasis, PAN, Wegener, Behçet, Horton, tuberculose, sarcoïdose, lèpre, syphilis, herpès, VZV, Lyme, post-traumatique

 S’il existe une baisse de l’acuité visuelle sur un œil rouge :
* Kératites
** Infectieuse (Herpès+++)
** Immunitaire (Thygeson, Mooren)
* Rosacée oculaire :
** Diagnostic souvent difficile.
** Elle peut être isolée.
** Il faut y penser en cas de chalazions à répétition.
** On peut observer une blépharo-conjonctivite chronique compliquée de kératite souvent sévère
** des télangiectasies du bord libre et néo vaisseaux cornéen inférieurs

 Le syndrome d’œil sec :
* C’est une atteinte plus souvent féminine
* Il existe beaucoup de causes possibles :
** maladies auto-immunes
** syndrome greffon hôte
** l’allergie
** la ménopause : qui représente la première cause dans les pays industrialisés
** médicamenteuses : soit effet secondaire direct du médicament mais aussi par baisse de la vigilance, le clignement des paupières étant alors ralenti.
** les conservateurs des collyres : le benzalkonium représentant 4 à 11% des sensibilisations et les dérivés mercuriels 13 à 37% mais ils ont surtout un effet toxique.

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