JPA 2004 : Réunion du groupe d’ophtalmo-allergologie. Tests de provocation conjonctival - Table ronde pour des recommandations et un consensus en pratique diagnostique.

lundi 12 janvier 2004 par Dr Hervé Couteaux5396 visites

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JPA 2004 : Réunion du groupe d’ophtalmo-allergologie. Tests de provocation conjonctival - Table ronde pour des recommandations et un consensus en pratique diagnostique.

JPA 2004 : Réunion du groupe d’ophtalmo-allergologie. Tests de provocation conjonctival - Table ronde pour des recommandations et un consensus en pratique diagnostique.

lundi 12 janvier 2004, par Dr Hervé Couteaux

Faire le compte-rendu d’une table ronde est un exercice difficile. En effet, la médecine est une activité humaine s’appuyant sur des études scientifiques. En attendant que toutes les hypothèses et pratiques soient explorées, chaque praticien fait un choix. Vous trouverez donc encore beaucoup de points d’interrogation dans ce rapport mais aussi un grand nombre de certitudes.

Deux équipes en France ont une expérience des test de provocation conjonctival : B.Mortemousque, à Bordeaux et J. L.Fauquert, à Clermont-Ferrand

L’étude de référence en matière de test de provocation conjonctivale date de 1990 : Abelson, Chambers, Smith - Arch.Opht. 1990 . 1 108 84-88 "conjonctival allergen challenge..."

SOMMAIRE :

1- indications

2 - quels préalables

3 - modalités pratiques

4 - les allergènes

5 - critères cliniques de positivité

6 - critères paracliniques

7 - pertinence et conséquences pratiques

Chaque partie sera exposée par un intervenant, puis discutée par la salle. Les discussions des critères cliniques et paracliniques seront groupées.

 1 - Indications :

Les conjonctivites allergiques admettent plusieurs formes cliniques :

  • CAS/CC  : conjonctivites aiguës saisonnières /conjonctivites chroniques.
    • Mécanisme IgE dépendant, peu de complications (kératite modérée au plus).
    • Elles représentent 90 % des conjonctivites allergiques.
  • KCV (P) : kérato conjonctivite vernale, c’est la conjonctivite printanière.
    • Plusieurs mécanismes ont été décrits ; on retrouve 50 à 55 % de sensibilisation allergénique.
    • Il s’agit de formes avec des papilles géantes, de formes limbiques avec nodules de Trantas sur le limbe qui sont des amas de cellules immuno compétentes et se situent au niveau du limbe, zone richement vascularisée. Ils sont mieux visualisés par l’examen ophtalmologique à l’aide d’une lampe à fente.
  • KCA  : kérato conjonctivite atopique, beaucoup plus rare.
  • CGP  : conjonctivite giganto-papillaire ; n’a d’allergique que le nom, c’est une réaction aux lentilles ou à d’autres corps étrangers.

L’indication la plus importante du test de provocation conjonctival est représentée par la conjonctivite chronique où la polysensibilisation est habituelle montrée par les tests cutanés.

Dans les CAS, l’allergène est souvent évident, phanère animal ou pollens, le test de provocation conjonctival peut être indiqué si un autre allergène est en cause.

Dans la KCV, le test de provocation conjonctival n’est pas habituel.

Dans d’autres pathologies, le test de provocation conjonctival peut être utilisé surtout pour prouver qu’un allergène n’est pas responsable.

Dans d’autres pathologies non ophtalmologiques, le test de provocation conjonctival pourra contribuer au diagnostic :

  • allergie au latex par exemple, même si l’organe cible n’est pas obligatoirement l’œil,
  • anaphylaxie aiguë.

Quel est le but de réalisation d’un test de provocation conjonctival ?

Nous excluons ici les travaux pharmaco-cliniques de recherche.

Dans ce cadre, le but est de confirmer ou d’infirmer l’implication d’un allergène en vue d’une éviction et d’une éventuelle désensibilisation.

Dans le suivi d’une désensibilisation, le test de provocation conjonctival peut objectiver un doublement du seuil de réactivité, notamment dans le cas d’une désensibilisation par voie sublinguale aux extraits d’acariens (étude de B. Mortemousque)

Quel allergène utiliser ?

Le test de provocation conjonctival aux pneumallergènes (acarien, pollen, alternaria, phanère), latex et allergènes professionnels peut être justifié.

Par contre, pour les trophallergènes, l’intérêt du test de provocation conjonctival est à discuter.

Dans son étude de 97, Ortega, sur 50 cas de conjonctivites allergiques (enfants de neuf ans en moyenne) a retrouvé :

  • 20 % d’allergie alimentaire
  • 50 % d’allergie inhalée
  • 30 % mixtes

Quelque soit l’allergène, le diluant sera obligatoirement du sérum physiologique, pas de diluant phénolé et pas de mélange : on utilisera un allergène unitaire sous forme lyophilisée, diluée.

Prè-requis ?

Les critères habituellement utilisés pour affirmer une sensibilisation (prick test supérieur au témoin positif, IgE > 0,70) semblent trop exigeants. En effet, avec des critères plus bas, on a quand même trouvé des test de provocation conjonctivaux positifs, ce qui a amené à envisager de nouveaux critères : prick test supérieur à la moitié du témoin positif et IgE > 0,35 en technique de référence.

Le dosage des IgE totales sériques ou lacrymales, des IgE spécifiques multi-allergèniques ne sont pas des critères pertinents d’allergie.

Alors, faut-il aller plus loin dans le bilan biologique ? Faut-il doser les éosinophiles des larmes, réaliser un dosage quantitatif des IgE totales dans les larmes, un dosage radio-immunologique de l’ECP des larmes par rapport au sérum ?

Prè-requis légal ? : Les questions de l’accord des parents et du consentement écrit ont été évoquées. En fait, comme lors de toute acte médical potentiellement à risque, une information détaillée préalable à l’examen est indispensable.

Discussion à propos des indications : Le groupe de travail a réfléchi sur ce sujet. Il apparaît que nous n’en sommes pas encore au stade de consensus...

Le premier point évoqué a concerné les trophallergènes et notamment les protéines de poisson que l’on peut considérer comme des allergènes aéroportés (sur un travail, on a retrouvé six cas d’allergie au poisson dans des conjonctivites aiguës).

Dans ce cas, le problème essentiel reste qu’aucun allergène alimentaire n’a la qualité d’extrait standardisé, il est donc difficile dans ces conditions de garantir la fiabilité avec ce type d’allergène.

Il faut, de plus, distinguer une allergie alimentaire responsable, entre autres symptômes, d’une conjonctivite et une réaction de contact à un allergène alimentaire. Autrement dit un test de provocation conjonctival positif n’entraînerait pas forcément d’éviction alimentaire de l’allergène.

Les participants ont rappelé que le premier problème était un problème diagnostique et qu’il fallait d’abord s’intéresser aux allergènes aéroportés avant d’envisager les allergènes alimentaires.

 2 - Quels préalables ?

La fréquence des allergies oculaires est en augmentation (elles concernent actuellement 25 % de la population).

Le diagnostic de la forme clinique est un préalable à la prise en charge.

Parmi les formes cliniques, les plus modérées seront CAS et CC tandis que les plus sévères se recrutent parmi VKC, AKC et GPC.

En pratique, il est tout à fait impératif de retourner les paupières.

Le diagnostic d’une allergie oculaire passe par :

  • un interrogatoire, recherchant une atopie, une autre atteinte que l’oeil
  • un examen clinique
  • des tests cutanés

Bien entendu il faut, avant de pratiquer un test de provocation conjonctival, avoir arrêté au préalable les traitements antiallergiques locaux ou généraux

  • le délai de 48 heures pour un traitement local est peut être insuffisant ?
  • 8 à 15 jours pour un traitement général ?

Discussion à propos des préalables :

Plusieurs avis ont été émis quant aux délais d’arrêt du traitement nécessaires.

  • Faut-il arrêter les corticoïdes 8 jours avant ?
  • le Kétotifène 3 semaines avant ?
  • Faut-il observer un délai de 5 fois la 1/2 vie du médicament ? La demi-vie tissulaire serait différente de la demi-vie sérique...
  • Un collyre peut-il négativer des tests cutanés ? Cela a paru possible pour plusieurs participants...
  • Quid des antidégranulants ?

 3 - Quelles modalités pratiques ?

Où ?

  • Dans une structure médicale capable de prendre en charge une réaction systémique indésirable (cabinet médical, clinique, milieu hospitalier, réanimation à proximité ?) Mais les réactions systémiques paraissent exceptionnelles.
  • Dans une structure réunissant ophtalmo et/ou allergo ?

Avec quoi ?

  • Lampe à fente (fixe c’est-à-dire chez ophtalmo, où portable, pas forcément chez ophtalmo...)
  • Photos ? Cela interdit la lampe à fente portable et l’indication reste plutôt du domaine de la recherche clinique.
  • Appareillage de réanimation classique (tensiomètre, ambu, adrénaline...)

Pas si ?

  • Traitement anti-allergique .
  • Poussée allergique en cours, systémique ou conjonctivale (hors une discrète rougeur) ce qui suppose un examen de référence qui éliminera un petit chemosis n’est pas facile.

Avec une surveillance de quelle durée ?

  • Surveillance jusqu’à la fin des tests s’il n’y a pas la réaction
  • Une heure après la fin du test si réaction discrète (traitement par antihistaminique local)
  • Surveillance à domicile pendant 24 heures
    • si réaction locale : antihistaminiques locaux
    • si réaction loco-régionale : antihistaminiques per os, corticoïdes

Discussion à propos des modalités pratiques :

Quelle est la fréquence des réactions secondaires dues au test de provocation conjonctival ?

Sur 64 cas, à Clermont-Ferrand :

  • 1 conjonctivite à 24 heures, isolée
  • 3 rhinites isolées
  • 1 oedème loco-régional
  • 1 crise d’asthme

À Bordeaux :

  • 1 cas d’irritation laryngée
  • quelques cas de réactions locales retardées
  • apparition de nodules de Trantas l’après-midi suivant le test de provocation conjonctival (rendant l’examen ophtalmologique indispensable...)

On pourrait séparer

  • les formes bénignes où l’on ne risque pas de réaction de type vernal et dans ce cas le test de provocation conjonctival serait possible par un allergologue libéral au cabinet, la visite ophtalmo préalable restant indispensable,
  • des formes sévères.

Que craint-on dans une kérato conjonctivite vernale ? Le risque, c’est de passer à côté des grains de Trantas. C’est aussi de passer à côté d’un test de provocation conjonctival faiblement positif

Ne pas oublier la prescription d’un traitement d’urgence (jusqu’aux corticoïdes par voie générale, éventuellement injectables) à distance (le patient repart avec son ordonnance) la prescription d’un collyre antihistaminique étant systématique après un test de provocation conjonctival (prescrit, mais pas pris obligatoirement)

 4 - Quel allergène ?

Il faut des critères de sensibilité, spécificité, reproductibilité, sécurité, ce qui implique une reproductibilité suffisante des instillations, donc une standardisation des extraits (lyophilisés plus sérum physiologique)

Les inconvénients des allergènes naturels sont :

  • La variabilité du contenu,
  • La contamination potentielle par des enzymes protéolytiques,
  • La variabilité de la composition d’un mélange,
  • La dépendance de la source de production et des procédés d’extraction .

Pour ce qui concerne les dilutions utilisées au cours du test :

  • dans les années 90 : 0,10IR 0,33IR 1IR 3,3IR 10IR 33IR
  • depuis : 1,2 IR 3,7 IR 11 IR 33 IR 100 IR (soit une progression de 3 en 3)
  • changements proposés par Stallergènes : 3,1 IR 6,2 IR 12,5 IR 25 IR 50 IR 100 IR (soit une progression de 2 en 2)

Faut-il considérer une progression régulière des doses instillées ou bien la dose cumulée ?

  • Si l’on fait le tableau comparatif des doses selon les deux hypothèses, il semble que le rythme de progression est en fait très proche, surtout pour les concentrations finales et d’autant plus que l’on adopte une progression de 2 en 2, comme celle proposée par Stallergènes

Volume d’instillation :

  • sur un oeil normal, il y a 7 micro litres de larmes.
  • 30 micro litres représente le volume maximum avant débordement.
  • Actuellement, on en est à 40 micro litres ; une grande partie est donc éliminée tout de suite et l’on ne sait pas ce que l’on met réellement. Il faudrait donc une goutte plus petite, plus concentrée.

Rythme et fréquence :

  • en général évaluation du score d’Abelson à 10 minutes (parfois 15 minutes)
  • La fréquence des tests de provocation conjonctivaux est discutée.

Discussion à propos des allergènes :

Le test de provocation conjonctival doit se faire en dehors de la saison d’exposition.

Pour les dilutions utilisées en pratique :

  • à Clermont : 0,1 1 10 100
  • à Bordeaux : 1,2 3,7 11 33 100

En visée diagnostique, on peut monter les doses assez vite.

Pour un suivi de désensibilisation, il faut des choses plus fines (les paliers de 2 en 2 paraissent plus adaptés)

Faut-il donc utiliser 2 protocoles différents selon l’objectif ou uniformiser le test ? Cette dernière option paraît souhaitable ; jusqu’à présent, les délais d’instillations sont variables (15 à 27 minutes) rendant toute comparaison impossible.

 5 - Critères cliniques de positivité :

Le prurit, correspond à la stimulation des récepteurs H1 et est quantifié par le patient :

  • 0 : absence
  • 1 : faible sensation intermittente
  • 2 : moyenne sensation permanente, sans désir de se frotter
  • 3 : sévère sensation permanente avec désir de se frotter
  • 4 : insupportable, impériosité de se frotter
    • Classiquement, il apparaît dès 3 minutes et commence à diminuer après 20 minutes

Hyperhémie, rougeur, correspondant à la vasodilatation H1 et H2, quantifiée par le médecin

  • 0 : absence
  • 1 : faible, localisable en quadrants
  • 2 : modérée, majorité du lit vasculaire
  • 3 : sévère, strictement diffuse et franche
    • Démarre avec un petit décalage, environ 5 minutes après et commence à décroître après 30 minutes.

Larmoiement, quantifié par le médecin

  • 0 : absence
  • 1 : oeil légèrement humide
  • 2 : larmoiement modéré
  • 3 : larmes abondantes

Chemosis

  • 0 : absence
  • 1 : discret (difficile à mettre en évidence)
  • 2 : soulèvement conjonctival au niveau du limbe
  • 3 : ballonnement de la conjonctive

Au total :

  • prurit de 0 à 4
  • hyperhémie de 0 à 3
  • larmoiement de 0 à 3
  • chemosis de 0 à 3

Si le score est négatif en 15 minutes : dilution suivante

Combien de critères faut-il retenir ?

  • Les plus importants sont sans nul doute le prurit et la rougeur.

Faut-il retenir les 4 critères ? Faut-il inclure d’autres critères (oedème palpébral, rhinorrhée) un score photo ? Des échelles visuelles analogiques ?

Quel seuil de positivité faut-il retenir ? Score supérieur à 4 ou 5 ? Doublement du score initial ?

  • Un score supérieur à cinq semble le plus sensible et le plus efficace.

 6 - Critères paracliniques de positivité :

Aucun critère paraclinique n’a été validé dans la littérature.

Les marqueurs qui ont été dosés sont l’histamine, la tryptase, LTC4, PGD2, l’albumine, les kinines, et les éosinophiles.

Pour l’histamine, on retrouve bien sûr une libération quand on a stimulé avec du phosphate de codéine mais on en retrouve également quand on s’est simplement contenté de mettre du diluant... Alors que le diluant n’entraîne pas de libération de PGD2.

Petit rappel physiopathologique de la réaction allergique :

  • contact avec l’allergène
  • dégranulation mastocytaire
  • vaso dilatation
  • infiltrat périvasculaire
  • oedème
    • Cette première phase durant environ 10 minutes.
  • Plus tard, infiltrations et activations des lymphocytes CD4 +

Certains travaux ont ainsi été commentés durant cette table ronde.

Un travail de Proud (JACI 90) sur l’histamine :

  • peu de patients, donc pas de valeur prédictive positive ou de valeur prédictive négative or c’est ce que l’on recherche dans un test diagnostique.
  • Il a aussi dosé PGD2, LTC4...
  • Pour l’albumine, étant donné que le simple dépôt de diluant entraîne une vasodilatation même chez les sujets témoins, il faudrait déterminer un seuil.
  • Pour les kinines, ce problème d’augmentation non spécifique est également un gros problème.

Un travail de Aichane (JACI 93) sur le dosage des PGD2 et LTC4 montrait que même si on retrouve globalement une augmentation en moyenne des paramètres, l’examen au cas par cas met en évidence une hétérogénéité importante des réponses individuelles.

Faut-il alors choisir les éosinophiles ?

  • Bonini, en 89, avait retrouvé une augmentation de 0,3 % à 5 à 6 % à 6 h.

Discussion à propos des critères cliniques et paracliniques :

Rougeur et prurit sont les deux critères les plus importants.

L’instillation de la goutte suivante doit être faite 30 minutes après celle de la goutte précédente, même si la lecture du score se fait à 15 minutes.

 7 - Pertinence et conséquences pratiques

Un test de provocation conjonctival peut s’envisager en recherche pure, en évaluation pharmacologique (c’est un test de référence pour la FDA pour les traitements oculaires, mais avec de très nombreuses variantes), en visée diagnostique ou en suivi d’une immunothérapie.

Un test de provocation conjonctival positif à visée diagnostique est l’expression clinique d’une sensibilisation (tests cutanés et/ou IgE spécifiques positifs). Son intérêt est évidemment grand quand les tests cutanés sont négatifs avec une clinique évocatrice.

Il doit se faire à distance d’épisodes inflammatoires, surtout pour une conjonctivite printanière

Pas de lentilles depuis la veille.

Après arrêt des thérapeutiques.

La référence reste le score cumulé d’Alverson, Chambers et Smith. Une positivité est signée par un score supérieur ou égal à 5.


Au total, une matinée complète consacrée au test de provocation conjonctival dont tous les participants se sont accordés à souligner le grand intérêt, notamment en regard des autres tests de provocation utilisés en pratique allergologique (nasal, bronchique, labial,...) et ceci malgré toutes les incertitudes et imprécisions qui sont la justification de la mise au point d’un consensus, à quoi était précisément dédiée cette réunion du groupe ophtalmo allergo ( GOA) .

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