32ème Journée Parisienne d’Immuno-Allergologie Infantile - Dr Isabelle Bossé

dimanche 7 novembre 2004 par Dr Isabelle Bossé9211 visites

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32ème Journée Parisienne d’Immuno-Allergologie Infantile - Dr Isabelle Bossé

32ème Journée Parisienne d’Immuno-Allergologie Infantile - Dr Isabelle Bossé

dimanche 7 novembre 2004, par Dr Isabelle Bossé

L’allergie commence souvent tôt dans la vie. On parle de carrière allergique, la succession de manifestations différentes du terrain atopique est maintenant bien connue. Dans ces communications sur l’immunothérapie par voie sublinguale et sur le rôle de l’allergie alimentaire dans l’eczéma atopique, les orateurs se sont attaqués à deux sujets controversés.

Immunothérapie sublinguale : quelle leçon tirer des études récentes ?

W. Canonica

Walter Canonica, dans un anglais très "italianisé" fort compréhensible, pour nous latins, a fait une revue des études sur l’ITSL (immunothérapie par voie sublinguale) quelles leçons en tirer ?

 En 2001 la publication d’ARIA met en évidence l’intérêt de l’ITSL dans le traitement de la rhinite  : " l’ITSL peut être utilisée chez les adultes et chez les enfants".

Est-ce vrai ? Est-ce une donnée que l’on peut qualifier d’Evidence Based Medicine" ?

Ce sont les questions auxquelles il va tenter de répondre en s’appuyant sur un nombre important d’études cliniques, dont de nombreuses italiennes réalisées par son équipe ou d’autres.

Avec l’allergologie apparaît l’ITS injectable, il faut attendre 1985 pour voir apparaître l’ITSL dont les premières prescriptions ont été le fait de "pionniers", et il aura fallu attendre les années 2000, pour voir suffisamment d’études confortant son efficacité, sa sécurité et ses modalités d’administration, sachant qu’il reste encore des points à éclaircir, comme le coût socio économique ou son intérêt dans l’asthme.

L’évolution a été très lente jusqu’à 1998, date à laquelle l’ITSL est considérée comme une alternative à l’ITS injectable chez l’adulte et dont la sécurité chez l’enfant était à confirmer. En 2001, l’ITSL s’affirme comme traitement pouvant être administré chez l’adulte et chez l’enfant.

Une méta analyse des études parues montre clairement l’impact de l’ITSL sur les scores cliniques et médicamenteux.

L’ITSL diminue le taux d’ Ig E, augmente les Ig G4, diminue l’ECP et la secrétion l’IL 13.

Localement, au niveau des muqueuses on constate une diminution de l’éosinophilie, des cellules inflammatoires, et de la production d’ICAM -1.

 Qu’en est-il quand on compare l’efficacité de l’ITS à celle de l’ITSL ?

Deux études, une sans groupe contrôle, une avec groupe contrôle montrent une efficacité équivalente et supérieure au placebo (pollens de graminées et pollen de bouleau).

 Qu’en est-il de l’efficacité sur le long terme ?

Une étude de W.Canonica sur 60 patients avec deux bras : un de 35 enfants traités par médicaments et ITSL, un de 25 traités uniquement par médicaments, pendant 5 ans, a montré les résultats suivants :

  • Au départ les enfants souffrent d’asthme et/ou rhinite, sans différence dans les 2 groupes.
  • A 5 ans, le groupe ITSL montre une efficacité supérieure et surtout 5 ans après l’arrêt de tout traitement, l’effet protecteur persiste.

 Qu’en est-il de l’effet préventif de l’ITSL ?

Plusieurs études ont ici encore été présentées, dont il ressort :

  • Que l’ITSL diminue l’apparition de nouvelles sensibilisations à 3 ans ( 6% vs 40% ).
  • Que dans une étude d’ITSL co-saisonnière chez des enfants souffrant de rhino-conjonctivite printannière sans asthme au départ ( 54 contrôles, 54 traités), à 1 an il y a la même prévalence d’asthme soit 11%, à 2 ans 13 % vs 30%, et à 3 ans 15% vs 33 %. L’odd ratio est significatif ( 3.8) , l’ITSL semble donc diminuer le risque d’apparition d’un asthme.

 A quel âge peut-on (doit-on) commencer une ITSL ? À quelles doses doit-elle administrée ? Quels sont les effets indésirables ?

Diverses études pour la plupart très récentes, voire juste publiées, permettent de dire que le traitement peut et doit être débuté très tôt ( dans une étude elle est débutée chez des enfants de < 2 ans), que des fortes doses doivent être utilisées et que les effets indésirables sont peu fréquents ( 0,2 /1000 doses) et qu’ils sont mineurs et facilement maîtrisables.

 Outre ces aspects purement scientifique et thérapeutique existent d’autres interrogations : quelle est l’adhésion au traitement ? quel est le coût de cette voie thérapeutique, quelle amélioration de la qualité de vie ?

Là encore selon les études présentées les réponses sont assez limpides.

L’adhésion est bonne, le coût équivalent ( direct ou indirect) voire inférieur ( avec des prix italiens cependant) la qualité de vie considérablement améliorée ( selon le questionnaire de Juniper essentiellement) .

Alors, la faconde transalpine aidant, W. Canonica affirme haut et fort : OUI aux deux questions posées en préambule ,

  • l’ITSL est un traitement pour l’adulte et l’enfant dans la rhinite allergique, et
  • l’ITSL est un traitement conforme à l’Evidence Based Medicine.

Il reste tout de même des études complémentaires à réaliser en particulier dans l’asthme et sur l’impact économique, les études étant trop peu nombreuses.

La pratique de tous les jours, qui doit bien sûr suivre les règles de cette médecine basée sur les preuves, est parfois bien éloignée des études en double aveugle versus placebo, réalisées par des équipes hospitalières dont c’est une des fonctions.

Comment faire prendre à un enfant de 2 ans une ITSL correctement, j’aimerai bien avoir la "recette" ?

De même il paraît plus facile d’obtenir l’adhésion au traitement dans un groupe de sujets volontaires entrés dans une étude, suivis obligatoirement très régulièrement, et probablement très motivés, que dans une population tout venant.

Autre précision, la plupart des études ont été réalisées avec des pollens, moins avec des acariens, est-ce que cela pourrait influencer les résultats ?

Ces considérations faites, l’ITSL est maintenant reconnue comme une thérapeutique à part entière de l’allergie, oserai-je dire que l’ITS est "la thérapeutique" de l’allergie ? , ce qui devrait faire réfléchir les opposants, qui malgré les preuves, mais n’oublions pas également les années de pratique de cette thérapeutique par des milliers d’allergologues sur des millions de patients, continuent de nier son utilité.

Allergie alimentaire : un rôle primordial ?

G. Lack

Alors que les dermatologues, il y a à peine 15 jours, ont démontré que selon eux, il n’ y a aucun lien entre eczéma et allergie alimentaire, le Dr LACK du St Mary’s Hospital de Londres nous démontre le contraire, voire même que le rôle de l’allergie alimentaire est bien plus important qu’il n’y paraît, et ceci dans un français presque parfait.

Le concept de marche allergique qui existe depuis plus de 10 ans, est maintenant bien connu et accepté par tous les allergologues : le nourrisson, commence sa vie allergique par de l’eczéma, puis des allergies alimentaires, puis des signes respiratoires qui sont en place au maximum vers 7 / 8 ans.

Mais souvent à cet âge, il s’agit d’une allergie "systémique" avec la rhinite ou l’asthme au premier plan, mais également des signes moindres de dermatite des plis, d’otite chronique, d’hypertrophie adénoïdienne, d’allergie alimentaire.

On peut dire que c’est une marche où chaque organe atteint persiste dans l’inflammation.

Alors se posent quelques questions auxquelles cet exposé va tenter de répondre :

  • cette séquence est-elle inévitable ?
  • quelle est la relation causale entre ces entités ?
  • en bloquant une étape peut-on changer l’évolution ?

Les liens entre la DA ( dermatite atopique) et l’asthme sont bien établis.

Les liens entre l’allergie alimentaire et la DA également : de très nombreuses études le prouvent.

Les liens entre le terrain atopique, l’allergie alimentaire d’une part, l’eczéma d’autre part témoignent d’une prédisposition génétique à développer ces symptômes.

Enfin y a t’il un lien entre l’eczéma et l’allergie alimentaire, dans ce sens, à savoir l’eczéma a t’il un rôle causal dans l’allergie alimentaire ?

Les études présentées, publiées ou en cours de publication, apportent des confirmations sur les hypothèses de sensibilisation.

Une première étude de cohorte portant sur 5000 enfants, suivis du début de la grossesse à 5 ans et étudiés pour l’allergie à l’arachide ( tests cutanés, Ig E spécifiques et TPO en double aveugle versus placebo) a cherché les facteurs de protection et les facteurs de risque.

  • la consommation d’arachide par la mère au cours de la grossesse et de l’allaitement, ainsi que la consommation d’arachide par l’enfant n’a aucune influence : 90 % des enfants réagissent à la première consommation et celle-ci est souvent très faible en quantité. Ceci est également vrai pour d’autres allergènes alimentaires.
  • la sensibilisation n’est pas retrouvée à la naissance ( IgE spécifiques négatives dans le sang du cordon) chez les enfants allergiques à 5 ans et chez les autres.
  • Par contre, on retrouve comme facteurs de risque avec un odd ratio très positif ( 11) l’association avec un eczéma, encore plus avec une éruption suintante et croûteuse ( OR 44) .

Se pose alors la question de la voie de sensibilisation de ces enfants ?

  • 90 % avaient été exposés à des crèmes contenant de l’huile d’arachide...
    après régression logistique on en revient à des risques relatifs très élevés pour l’eczéma associé à l’allergie alimentaire de 2.6, pour l’ eczéma croûteux et suintant de 5.2 et pour l’application de crèmes contenant de l’arachide de 6.8.
  • Plus l’eczéma est sévère, plus la peau est enflammée, plus des topiques inadaptés sont appliqués plus le risque de développer une allergie alimentaire augmente.

Une autre étude, dont nous vous avons déjà fait part sur le site, concerne la sensibilisation au nickel : deux modes de contact existent chez les enfants, le perçage des oreilles et le port d’appareils d’orthodontie.

Cette étude prospective démontre une association entre le port de bijoux et l’allergie de contact au nickel. Les patch tests sont positifs dans 8.6% des cas, et l’allergie clinique présente dans 5.9%.

Les associations retrouvées ont des odd ratio élevés :

  • oreilles percées avant le port d’appareil d’orthodontie/ allergie au nickel 3.18
  • chez les filles OR 5.12
  • par contre chez les filles qui ont porté un appareil dentaire puis ont eu les oreilles percées l’OR tombe à 0.07, c’est à dire non significatif.
  • Le contact cutané est donc beaucoup plus sensibilisant que le contact muqueux.

L’hypothèse qui ressort de ces deux études est donc l’existence d’un processus de sensibilisation versus processus de tolérance, qui dépendrait des doses (faibles doses = sensibilisation, fortes doses = tolérance), et de la voie d’exposition (cutanée ou inhalée = sensibilisation, orale = tolérance).

Pour conforter cette hypothèse, une étude qui sera présentée à la prochaine AAAAI, qui concerne des enfants anglais.

Ils ont été divisés en trois groupes

  • 1- enfants allergiques à l’œuf sans allergie à l’arachide ( en Grande Bretagne 35 % des enfants allergiques à l’œuf développent une allergie à l’arachide , ils ont le même phénotype).
  • 2- enfants allergiques uniquement à l’arachide
  • 3- enfants non allergiques témoins

De nouveau la consommation des allergènes pendant la grossesse et l’allaitement ne favorise pas le développement de l’allergie alimentaire.

Mais la consommation d’arachide dans l’environnement du bébé (parents fratrie..) entraîne une exposition significative, et celle-ci est 15 fois plus élevée dans le groupe allergique à l’arachide. Ceci suggère évidemment une sensibilisation par voie cutanée ou inhalée des allergènes d’arachide.

Une autre étude a comparé les pourcentages d’allergie à l’arachide dans plusieurs pays : ce sont les pays où l’on donne le plus de conseils d’éviction de l’arachide qui sont les plus élevés en terme de prévalence ( EU : 69 %, UK : 25 %) et les pays où les enfants mangent dès le plus jeune âge de l’arachide en grande quantité où la prévalence est la plus faible ( Israël : 2.1 %, Philippines : 0% ) .

Après les liens entre eczéma et allergie alimentaire et les voies de sensibilisation, est abordé le lien entre allergie alimentaire et asthme.

L’allergie alimentaire intervient dans la pathogénie de l’asthme et est également un facteur aggravant des crises.

Le terrain atopique est toujours un facteur de prédisposition à la fois pour l’asthme et l’allergie alimentaire.

4 à 5 % des enfants font des crises d’asthme en consommant un aliment.

30 à 40 % des enfants avec une allergie alimentaire font des crises d’asthme.

À 5 ans , l’allergie alimentaire surtout à l’œuf , est un facteur prédictif de survenue d’un asthme.

Par ailleurs, dans les anaphylaxies mortelles, liées à un allergène alimentaire l’asthme est toujours présent.

Une étude de 1993, s’était attachée à retrouver les facteurs de risque de l’asthme aigu grave ou fatal, et en particulier le rôle de l’abus de bronchodilatateurs.

L’asthme fatal est en effet associé à l’abus de bronchodilatateurs avec un odd ratio de 2.0, mais dans cette étude on retrouve un paramètre qui était passé inaperçu , c’est l’association avec une allergie alimentaire dont l’odd ratio est bien plus élevé à 5.1.

Le mode de déclenchement des crises d’asthme peut être l’inhalation des allergènes alimentaires : 50 % des enfants allergiques alimentaires déclenchent une réaction avec les aliments aérosolisés dans l’atmosphère. Ceci est d’ailleurs bien connu chez les adultes qui travaillent dans l’industrie agro- alimentaire.

Une étude canadienne, chez des adultes, montre que les patients admis pour asthme grave ou mortel et allergiques alimentaires, étaient dans presque tous les cas passés dans un bar ou un restaurant avant la crise.

Chez l’enfant, les asthmes aigus ayant nécessité une réanimation, sont liés à divers facteurs de risque.

Les deux les plus significatifs sont le mauvais contrôle ( 4 visites récentes à l’hôpital en urgence) OR : 9.8, et l’allergie alimentaire OR : 5.9.

Quelle interprétation de ces diverses constatations ?

L’allergie alimentaire par ingestion ou inhalation est un facteur de risque de l’asthme aigu sévère voire mortel.

L’allergie alimentaire serait un marqueur d’un système immunitaire très anormal qui générerait des asthmes sévères. Une étude est en cours en Grande Bretagne.

Les conclusions de cet exposé apportent à la fois des réponses mais aussi des questionnements :

  • les relations entre allergie alimentaire, eczéma et asthme sont complexes et probablement bidirectionnelles.
  • l’eczéma peut favoriser le développement d’une allergie alimentaire
  • l’allergie alimentaire peut mener à l’asthme
  • l’allergie alimentaire est un facteur de risque de l’asthme aigu grave.

On voit donc bien ici que l’eczéma, l’asthme, l’allergie alimentaire sont en étroite relation, qu’ils apparaissent toujours sur un terrain atopique, qui est donc le pilier de cette pathologie.

Quitte à contrarier nos confrères dermatologues, que l’allergie alimentaire soit à l’origine de l’eczéma ou l’eczéma à l’origine de l’allergie alimentaire, il y a bien une interrelation étroite entre ces symptômes, et on ne peut se permettre de raisonner sur l’un en excluant l’autre, d’autant que les relations avec l’asthme, voire l’asthme aigu mortel sont elles bien établies.

Cela pourrait rappeler la poule et l’œuf, il y a probablement encore beaucoup de travaux et de congrès qui seront consacrés à cette question.

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