AAAAI 2005 : le congrès du Dr Alain Thillay - 3ème jour

lundi 21 mars 2005 par Dr Alain Thillay945 visites

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AAAAI 2005 : le congrès du Dr Alain Thillay - 3ème jour

AAAAI 2005 : le congrès du Dr Alain Thillay - 3ème jour

lundi 21 mars 2005, par Dr Alain Thillay

Une controverse sur la désensibilisation a porté sur la différence d’habitude entre l’Europe et les USA : les allergologues européens ne mélangent pas de familles allergéniques différentes dans la même seringue ; leurs confrères américains ne font qu’une seule injection contenant tous les allergènes quels qu’ils soient. Cette discussion a par ailleurs montré que toute rancune n’est pas finie entre les deux continents.

Fort Alamo
ça tire de tous les cotés.

Immunothérapie- : extraits mono-allergéniques contre extraits multi-allergéniques (Europe contre Etats-Unis).

Cette cession, sous forme de controverse, avait pour modérateur Stephen R. Durhma. Elle opposait, pour l’Europe, Anthony J. Frew de l’Université de Southampton (Royaume-Uni), et, pour les Etats-Unis, N. Franklin Adkinson de John Hopkins de Baltimore (Etats-Unis).

En Europe, les Allergologues ont tendance à ne pas mélanger les allergènes, et, en cas de polysensibilisation, de séparer les différents allergènes dans autant de flacons. Bien sûr, en général, sans dépasser deux injections par séance.

Aux Etats-Unis, la tendance est traditionnellement inverse, les Allergologues américains mélangent les différents allergènes incriminés dans le même flacon et ne font donc qu’une seule injection par séance.

Le point de vue européen.

Anthony J. Frew a commencé par rappeler que l’immunothérapie spécifique (ITS) se doit d’être justement la plus spécifique possible et que la majorité des études qui prouvent l’efficacité de ce traitement ont été pratiquées sur des sujets monosensibilisés rarement polysensibilisés.

Il a été aussi rappelé que le mélange d’allergènes différents peu exposer à des réactions physiques et biologiques.

Pour l’Allergologue européen, il est admis évidemment qu’un patient monosensibilisé sera désensibilisé par un extrait mono-allergénique, et, qu’en cas de polysensibilisation, il faudra, par l’analyse de l’histoire du patient confrontée aux résultats des tests cutanés, choisir les allergènes les plus probablement responsables pour limiter le nombre d’injections par séance.

Frew a aussi rappelé que grâce à l’éclairage apporté par les connaissances des réactions croisées, il n’est pas besoin de désensibiliser à tous les allergènes réactifs lors, il suffit de raisonner par famille d’allergènes.

Comme évoqué plus haut, les études répondant aux critères de la médecine établie sur des preuves ont quasiment toutes été pratiquées sur la monothérapie allergénique, alors que celles concernant les extraits multi-allergéniques sont basées sur l’expérience personnelle.

Sans revenir sur toutes les études qui montrent clairement et significativement l’efficacité de l’ITS mono-allergénique, tant du point de vue clinique que de celui de la consommation des médicaments, Frew a rapporté une étude américaine concernant l’enfant asthmatique allergique bien équilibré et qui recevaient une désensibilisation pouvant compter jusqu’à 7 allergènes différents. Plus le nombre d’allergènes augmente, moins bon est le résultat.

Frew de conclure :
 ITS mono-allergénique chez le monosensibilisé ;
 chez les polysensibilisés :

  • Identifier le ou les allergènes-clé,
  • Utiliser des doses les plus élevées possibles de ces allergènes-clé ;
  • occasionnellement, mélange pollens de graminées et pollens de bétulacées.

Le point de vue américain.

L’américain Adkinson a été beaucoup moins démonstratif que son collègue anglais, on peut même dire quelque peu péremptoire.

Adkinson a d’abord rappelé qu’il est de tradition aux Etats-Unis de pratiquer une seule injection d’une préparation poly-allergénique.

Argument difficilement recevable, les médecins ont longtemps traité toutes sortes de maladies, pour ne pas dire toutes les maladies, par la saignée. Avec les progrès de la médecine l’indication de cette fameuse saignée se limite maintenant à certaines polyglobulies, à l’hémochromatose et aux OAP de grande sévérité. On pourrait raisonner de la même manière pour la restriction hydrique autrefois utilisée pour stopper les diarrhées profuses !!

Adkinson a aussi évoqué le surcoût engendré par la multiplication des préparations allergéniques ainsi que le côté douloureux de la multiplication des injections à chaque séance.

Pour argumenter à l’encontre de l’avis habituel qui énonce que le mélange d’allergènes expose à des réactions enzymatiques entraînant une diminution de l’efficacité de l’ITS, Adkinson a cité une étude de 1991, Litin et coll.

Des patients allergiques au pollen d’ambroisie ont été répartis en 3 groupes : placebo, extrait pollen d’ambroisie classiques (14-43 kD), extrait pollen d’ambroisie digéré par la pepsine (99,9% < 5kD). Les groupes extrait classique et extrait digéré à la pepsine donne des résultats semblables. En admettant que cette étude puisse être confirmée, il n’est pas obligatoire que cela s’applique à tous les mélanges.

Autre étude avancée, celle de Nelson et coll, 1996, qui consistait à conserver différents mélanges d’allergène stockés dans de bonnes conditions. Cette étude montre que l’Alternaria, le Cladosporium et la blatte dégradent les pollens de Graminées mais pas le pollen d’ambroisie. Il faut donc faire attention à ne pas mélanger n’importe quoi.

Adkinson de conclure (conclusions données sur le ton de l’humour qui n’a pas été apprécié par tout le monde dont votre rédacteur) :
 la méthode américaine est la meilleure !
 moins d’injections !
 les Allergologues américains n’ont pas de leçon à recevoir de la « vieille Europe » !
 c’est ce que nous a conseillé notre Président G.W. Bush !!!

Entendre ce genre de propos dans un congrès de l’envergure de l’AAAAI est vraiment très décevant et contre-productif dans le débat scientifique. Heureusement, que la majorité des chercheurs américains sont autrement plus convaincants par la qualité et le sérieux de leurs travaux.

Je crois bien au contraire que la démarche européenne correspond à une certaine logique et tient compte des progrès de ces dernières années concernant la désensibilisation.

On peut avancer aussi que l’orateur américain n’avait pas beaucoup d’arguments pertinents pour supporter la désensibilisation à l’aide d’extraits multi-allergéniques si ce n’est la force de l’habitude.


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