Allergènes pasteurisés.

jeudi 17 janvier 2008 par Dr Hervé Masson359 visites

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Allergènes pasteurisés.

Allergènes pasteurisés.

jeudi 17 janvier 2008, par Dr Hervé Masson

Cette semaine, l’éditorial d’allergique.org est long. Ne m’en veuillez pas, tant il est vrai que le sujet est brulant.

Tout part de la très troublante publication de L’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des aliments et produits de santé) présentée sur notre site. Elle résume le travail en cours sur la modification de la législation des « allergènes » que nous utilisons en diagnostic et thérapeutique.

Un peu d’histoire…

En 1960, un décret portait sur les fonds baptismaux les allergènes. On délivrait alors des autorisations nominatives pour des préparations en fonction de la demande. Ces « allergènes préparés spécialement pour un individu » (APSI), permettaient le diagnostic et le traitement des malades.

Il est évident que depuis les années 60, les choses ont considérablement changé.

Du mélange « indéfini » de poussière de maison de 1960 à l’acarien purifié et standardisé des années 2000, la qualité des extraits a fait un bond considérable.

Le 23 février 2004 : nouveau décret.

Désormais, le fabricant doit déposer auprès du directeur général de L’AFSSAPS, un dossier documentant la qualité pharmaceutique, la sécurité et l’intérêt pour le diagnostic ou le traitement de l’allergie, des préparations mères entrant dans la fabrication des préparations d’allergènes qu’il délivre.

Les autorisations de distribution sont en cours de réévaluation depuis plusieurs mois avec une date butoir pour fin 2008.

Nous nous orientons donc, selon le texte de l’AFSSAPS, vers une diminution drastique du nombre de références à notre disposition.

En fonction des données actuelles, les produits allergisants sont désormais classés en 3 « classes ».

La classe 1, est celle des produits dont les experts ont conclu qu’il n’avaient aucun intérêt, même pour le diagnostic.

La classe 2 concerne un groupe de produits pour lesquels il n’existe pas suffisamment de littérature prouvant l’intérêt dans le diagnostic.

Pour cette catégorie, une enquête à la recherche de cas cliniques de sensibilisation à ces produits plus rares a été lancée en France chez les allergologues. S’il s’avère que des cliniciens démontrent la réalité d’une allergie à un des membres de cette classe, il semble qu’il puisse alors être autorisé.

La classe 3 regroupe les produits reconnus comme utiles pour le diagnostic mais pas forcément pour l’immunothérapie.

Classe 3 a : il n’existe pas d’études montrant l’efficacité et la sécurité en matière de désensibilisation.

Classe 3 b : les données publiées ne montrent pas suffisamment d’efficacité du traitement.

Classe 3 c : il n’y a pas suffisamment d’études pour juger.

Classe 3 d  : ouf.. si vous êtes un allergique qui avait la chance d’être sensibilisé à un de ces produits, vous pourrez être traité, avec quand même certaines restrictions.

J’aurais pu alors enchainer sur le couplet classique sur la rigidité de l’administration, sur Courteline et autres récriminations qu’une structure comme l’AFSSAPS doit entendre quotidiennement.

Nous aurions pu proposer de lancer une gigantesque pétition auprès des 3000 lecteurs quotidiens du site www.allergique.org et, à l’instar de « Sauvons Willy », nous aurions placardé partout des banderoles « Sauvons la désensibilisation » !

J’aurais pu être mesquin en m’étonnant que l’on demande des preuves scientifiques poussées à l’immunothérapie alors que dans le même temps on distribue tout à fait légalement dans les officines des petites granules remboursées par la sécurité sociale qui n’ont jamais été passées au crible de la moindre étude clinique en double aveugle contre placebo telle qu’on le demande pour les autres médicaments.

Non, non… chers lecteurs, ne soyons pas de ce bois là. Soyons constructifs.

Finalement, qu’allons nous perdre ?

En matière de thérapeutique, les laboratoires le confirmeront, une gigantesque majorité des prescriptions concerne un nombre très faible de produits allergéniques.

En gardant les principaux acariens et pollens, comme ceux de la liste retenue actuellement, nous pourrons traiter une forte proportion de nos allergiques.

En matière d’allergie alimentaire, l’AFSSAPS a botté en touche : «  …l’Afssaps n’est pas en mesure de se prononcer au 1er janvier 2008 sur ces références allergéniques dont certaines peuvent avoir une utilité en pratique clinique… ».

Pour ce qui concerne les nouveaux allergènes, les substances que l’on découvre comme étant capables de provoquer une allergie et que l’on ne soupçonnait pas jusqu’ici, voilà, à mon sens, notre réel combat.

Il est impératif de faire comprendre aux « experts » de l’AFSSAPS ce qu’est une réaction allergique et comment on en vient à suspecter quelque chose qui est présent dans notre environnement parfois depuis fort longtemps de manière totalement inoffensive.

Leur faire comprendre que l’apparition de l’allergie peut être dûe au changement d’un paramètre de notre vie : l’amélioration de l’isolation des maisons, la meilleure hygiène pour nos enfants, les polluants domestiques… ont sûrement conduit à ce qu’il y ait de plus en plus d’allergiques aux acariens par exemple.

Mais aussi leur rappeler que les substances que nous rencontrons aujourd’hui n’ont plus grand-chose à voir avec celles que côtoyaient nos grands-parents. Et que donc, fixer de manière formelle une liste d’allergènes en 2008 n’a aucun sens à l’horizon 2018.

A une époque où les allergologues sont baptisés « Sentinelles de l’environnement », je crains que si nous montons la garde uniquement avec les 50 produits identifiés, un maximum de « sans papiers » franchissent la frontière. Dans l’ambiance actuelle, nous allons être mal vus…

Alors, si je faisais partie des allergologues qui discutent avec les instances, je me battrais plutôt pour les produits qui ont fait l’objet d’un tout petit paragraphe dans le texte de l’AFSSAPS : « Extractions spéciales ».

Relisez le texte originel et vous aurez un exemple typique d’ « ouverture de parapluie ».

En résumé, si d’aventure un allergologue téméraire et inconscient voulait rechercher une sensibilisation à un produit qui n’est pas dans la liste publiée, il devrait l’adresser au laboratoire qui aurait à fabriquer un test (à ses risques et périls) uniquement avec le suspect apporté en main propre par le patient (faire signer un reçu, une décharge et une preuve de traçabilité).

Et si l’audacieux prétendait faire ce test autrement qu’en épidermique, il serait alors soumis au pal en place publique.

N’est-ce pas là que notre combat doit porter ?

A l’heure où nous allons disposer de recombinants qui seront des moyens diagnostiques plus pointus qui n’auront, par essence, pas encore été testés, il m’apparait judicieux de pousser nos autorités à accepter une grande souplesse dans l’utilisation de nouveaux moyens de rechercher une sensibilisation.

Que ce qui existe depuis des années soit soumis à restrictions s’il n’a pas démontré son intérêt, soit, mais il faut alors que l’on autorise l’allergologue et les laboratoires d’allergènes à explorer de nouvelles voies sans des contraintes telles qu’elles seront impraticables.

Au titre d’une excessive sécurité, les technocrates tentent déjà de faire disparaître le Reblochon vieilli sous les jupons de grand-mère et le Livarot roulé sous les aisselles… essayons de préserver les allergènes non pasteurisés.

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