Cochrane contre Docteur NO.

vendredi 13 novembre 2009 par Dr Philippe Carré572 visites

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Cochrane contre Docteur NO.

Cochrane contre Docteur NO.

vendredi 13 novembre 2009, par Dr Philippe Carré

Le NO, marqueur inflammatoire de la muqueuse bronchique, peut être mesuré dans l’air exhalé des asthmatiques. Il a été proposé pour adapter le traitement de l’asthme de façon plus fiable que les symptômes cliniques. Mais son coût est onéreux. Cette revue de la base Cochrane a donc évalué l’efficacité de ce critère de surveillance.

Modalités d’adaptation thérapeutique basées sur l’oxyde d’azote (NO) exhalé versus les symptômes cliniques dans l’asthme de l’enfant et de l’adulte. : Petsky HL, Cates CJ, Li A, Kynaston JA, Turner C, Chang AB.

Department of Respiratory Medicine, Royal Children’s Hospital, Herston Road, Brisbane, Queensland, Australia, 4029

dans Cochrane Database Syst Rev. 2009 Oct 7 ;(4):CD006340.

 Contexte :

  • La mesure de la sévérité et du contrôle de l’asthme, à la fois chez l’enfant et chez l’adulte, peut être basée sur des mesures subjectives ou objectives
  • Il a été proposé que la fraction d’oxyde d’azote dans l’air exhalé (FENO) puisse être utilisée pour suivre l’inflammation des voies aériennes, car elle a des corrélations avec quelques marqueurs de l’asthme
  • Les décisions thérapeutiques dans l’asthme sont basées traditionnellement sur les symptômes et/ou la spirométrie.

 Objectifs :

  • Evaluer l’efficacité des mesures d’adaptation de l’asthme basées sur l’oxyde d’azote exhalé comparativement aux symptômes cliniques (avec ou sans spirométrie et débit de pointe) sur l’évolution de l’asthme chez l’enfant et chez l’adulte.

 Stratégie de recherche :

  • Les recherches ont été faites sur le registre des essais du Groupe des Voies Aériennes de la base Cochrane, le Registre Central Cochrane des Essais Contrôlés (CENTRAL), MEDLINE, EMBASE et des listes référençées d’articles
  • La dernière recherche s’est terminée en février 2009

 Critères de sélection :

  • Toutes les comparaisons randomisées et contrôlées de l’ajustement du traitement de l’asthme basé sur l’oxyde d’azote exhalé, comparativement aux méthodes traditionnelles (avant tout les symptômes cliniques et la spirométrie ou le débit de pointe).

 Recueil des données et analyse :

  • Les résultats des recherches ont été analysés en fonction des critères d’inclusion prédéterminés
  • Les études pertinentes ont été sélectionnées de façon indépendante et en double
  • Deux auteurs ont évalué de façon indépendante la qualité des essais et des données extraites
  • Les auteurs étaient contactés pour avoir des informations complémentaires, avec une réponse de l’un d’entre eux.

 Résultats principaux :

  • Deux études ont été ajoutées pour cette mise à jour, qui en inclut maintenant six (2 chez l’adulte et 4 chez l’enfant ou l’adolescent) ; ces études différent de plusieurs manières, que ce soit sur la définition des exacerbations d’asthme, les niveaux de limite du FENO, la façon dont le FENO était utilisé pour ajuster le traitement, et la durée des études
  • Sur les 1053 sujets randomisés, 1010 ont complété les études
  • Dans la méta-analyse, il n’y avait pas de différence significative entre les groupes pour l’objectif principal des exacerbations d’asthme ou pour les autres données (symptômes cliniques, taux de FENO et spirométrie)
  • Dans l’analyse des sous-groupes, une réduction significative de la dose finale moyenne de corticoïde inhalé par adulte a été mise en évidence dans le groupe où le traitement était basé sur le FENO par comparaison aux symptômes cliniques (différence moyenne - 450 mcg ; IC à 95% :- 677 à 223 mcg d’équivalent budésonide par jour)
  • Cependant, la quantité totale de corticoïde inhalé utilisée dans l’une des études chez l’adulte était plus grande de 11% dans le bras FENO
  • Par contre, dans les études pédiatriques, il y avait une augmentation significative de la dose de corticoïde inhalé dans le bras basé sur la stratégie FENO (différence moyenne de 140 mcg ; IC à 95% :29 à 251 mcg d’équivalent budésonide par jour).

 Conclusions des auteurs :

  • L’adaptation de la dose de corticoïde inhalé basée sur la taux de NO exhalé, comparativement aux symptômes cliniques, a été effectuée de différentes manières dans les 6 études et a montré seulement au mieux un bénéfice modeste, et potentiellement des doses plus élevées de corticoïdes inhalés chez l’enfant
  • L’utilisation de la fraction de NO dans l’air exhalé pour adapter les doses de corticoïdes inhalés ne peut pas être recommandée en routine pour la pratique clinique en l’état actuel, et elle demeure incertaine.

Dans cette revue de la base Cochrane, méta-analyse de 6 études incluant 1010 enfants et adultes asthmatiques, les auteurs ont trouvé que l’adaptation de la dose de corticoïdes inhalés basée sur le NO dans l’air exhalé (comparativement à l’utilisation des symptômes cliniques d’asthme, avec ou sans EFR ou DEP) était bénéfique pour réduire la dose finale de corticoïde inhalé quotidienne chez l’adulte, mais pas la dose totale.

Mais, chez les enfants, la dose de corticoïde inhalé était augmentée quand le NO exhalé était utilisé pour guider la stratégie.

Les auteurs concluent que l’adaptation des corticoïdes inhalés basée sur le NO exhalé ne peut pas être recommandée en routine.

Mais plusieurs points doivent aussi, d’après eux, être signalés :
 les études utilisaient un seuil limite de NO différent ; par ailleurs, la notion d’atopie n’était pas un critère d’analyse dans les études, alors que certains auteurs ont montré que les sujets atopiques pouvaient avoir des taux de NO élevés
 les taux de NO sont influencés aussi par l’âge, la taille, et dans certaines conditions (ex : infections virales aigues) ; aussi l’utilisation d’un seuil unique de NO, sans tenir compte des influences biologiques éventuelles, pourrait être un biais dans les résultats
 les seuils de NO utilisés pour augmenter ou baisser les doses de corticoïdes inhalés variaient selon les études ; de façon curieuse, l’utilisation de la stratégie NO n’entraînait pas un niveau de NO plus bas dans l’une des études
 enfin il faut tenir compte des biais liés à la technique de mesure du NO, en fonction des analyseurs d’azote utilisés ; il faut tenir compte de nombreux facteurs de variation : l’influence du moment de la spirométrie (qui réduit transitoirement le taux de NO), l’absorption de nourriture et de boisson, le tabagisme, l’effort, le taux ambiant de NO.

Cette revue Cochrane laisse donc en suspens l’intérêt de la mesure du NO dans le monitoring de l’asthme, par rapport à la clinique et à l’EFR, ce qui réjouira tous ceux qui n’ont pas le loisir d’utiliser cette technique qui utilise un appareillage onéreux et qui n’a pas actuellement de cotation, et qui reste donc réservée à des centres spécialisés.

Son intérêt reste potentiellement intéressant en clinique compte-tenu de son caractère non invasif, surtout chez l’enfant, et de sa facilité d’utilisation ; mais les conditions de son utilisation, les niveaux des seuils précis de signification du NO, et sa place précise dans les stratégies d’adaptation du traitement de la maladie asthmatique restent à définir précisément.

Les auteurs pensent que les études ultérieures sur le NO devraient tenir compte des différents facteurs de variation (atopie…), des doses de corticoïdes utilisées, du caractère éosinophilique ou non de l’asthme, et du rapport coût/efficacité ; ces études devraient être au mieux parallèles et multi-centriques, et inclure les taux d’exacerbations de l’asthme, des mesures subjectives (scores de contrôle de l’asthme et échelles de qualité de vie) aussi bien qu’objectives (VEMS…), une analyse de coût, et enfin une évaluation des effets adverses de la corticothérapie.

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