Les joueurs professionnels de foot sont-ils asthmatiques à l’insu de leur plein gré ?

jeudi 15 mars 2012 par Dr Philippe Carré6802 visites

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Les joueurs professionnels de foot sont-ils asthmatiques à l’insu de leur plein gré ?

Les joueurs professionnels de foot sont-ils asthmatiques à l’insu de leur plein gré ?

jeudi 15 mars 2012, par Dr Philippe Carré

Erreur de diagnostic de bronchoconstriction à l’exercice chez des joueurs de football professionnels. : Ansley, L., Kippelen, P., Dickinson, J. and Hull, J. H. K. (2012),

Misdiagnosis of exercise-induced bronchoconstriction in professional soccer players.

dans Allergy, 67 : 390–395. doi : 10.1111/j.1398-9995.2011.02762.x

 Contexte :

  • Les médecins relient habituellement fortement les symptômes auto-rapportés au diagnostic de bronchoconstriction induite par l’exercice (BIE)
  • Cependant, dans les sports d’élite, les symptômes respiratoires ont une mauvaise valeur diagnostique
  • En 2009, à la suite d’une modification dans les règlements sportifs internationaux, tous les athlètes d’élite suspectés d’asthme et/ou de BIE doivent avoir des épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) pour pouvoir utiliser des β2-agonistes
  • Le but de cette étude était d’examiner la pertinence du diagnostic d’asthme ou de BIE fait par les médecins chez les joueurs de football professionnels anglais.

 Méthodes :

  • 65 joueurs ayant eu un diagnostic médical d’asthme ou de BIE ont été évalués par une étude de leur fonction respiratoire
  • L’utilisation de médicaments et la présence de symptômes respiratoires ont été recueillies par questionnaire
  • Un test de provocation bronchique par inhalation d’air sec a été réalisé chez 42 joueurs et un test de provocation au mannitol chez 18
  • 5 joueurs avec une spiromètrie de repos anormale ont eu un test de bronchodilatation.

 Résultats :

  • Sur les 65 joueurs évalués, 57 (88%) signalaient un usage régulier de médicaments asthmatiques
  • Des symptômes respiratoires pendant l’effort étaient rapportés par 57 d’entre eux (88%)
  • Seuls 33 des joueurs (51%) testés avaient une bronchodilatation ou un test de provocation positifs
  • Ni les symptômes ni l’utilisation de corticoïdes inhalés n’étaient prédictifs des anomalies des tests fonctionnels respiratoires.

 Conclusions :

  • Une grande proportion de joueurs de football professionnels anglais traités pour de l’asthme ou une BIE (1/3 seulement avec un traitement de secours) ne présentaient pas d’obstruction bronchique réversible ou d’hyperréactivité bronchique (HRB) à des stimuli indirects
  • Ceci souligne l’importance de tests respiratoires objectifs pour retenir un diagnostic d’asthme ou de BIE basé sur des symptômes chez des athlètes.

Les athlètes d’élite ont un risque augmenté de développer une BIE ; en Grande-Bretagne, alors que la prévalence de la BIE est de 8% dans la population générale, elle atteint 20% dans l’équipe olympique.

Les facteurs de risque retenus sont une hyperpnée prolongée, et une exposition accrue à des aéroallergènes et à des irritants pendant l’entraînement et au cours des compétitions. Une déshydratation bronchique survient pour des rythmes ventilatoires élevés et entraîne une atteinte épithéliale et partant une inflammation des voies aériennes ; en présence de pneumallergènes, la réparation épithéliale pourrait conduire à une HRB. Ceci a des implications pour des sports de terrain comme le football, sport intensif intermittent réalisé dans un environnement de gazon et parfois dans le froid, facteurs reconnus comme pouvant faciliter une BIE.

Le diagnostic et le traitement de la BIE chez les athlètes sont importants en raison du retentissement possible sur la santé et les performances sportives ; un traitement inapproprié peut par ailleurs conduire à des effets secondaires nuisibles chez des sportifs de haut niveau. Le diagnostic est en pratique difficile, la spiromètrie étant un mauvais indice de détection de la BIE chez les athlètes, et les médecins se fient souvent aux symptômes rapportés par les sujets eux-mêmes. Ceci a amené les comités olympiques à exiger des preuves objectives de la BIE.

Le but de cette étude était donc de comparer la fréquence des symptômes apparents de BIE par rapport à des tests objectifs de provocation bronchique (à l’air froid ou au mannitol) ou de bronchodilatation, chez 65 joueurs de football professionnels ayant eu un diagnostic de BIE réalisé à partir de données d’interrogatoire. Les résultats montrent que :

  • 88% des athlètes rapportaient des symptômes à l’effort et l’utilisation régulière de médicaments pour l’asthme
  • 51% seulement avaient un test de provocation ou de bronchodilatation positif
  • les symptômes ou l’utilisation de corticoïdes inhalés n’avaient aucune corrélation avec le résultat de la fonction respiratoire.

Cette étude renforce la nécessité, à côté des mesures cliniques habituelles, d’avoir des mesures objectives de la fonction respiratoire avant de diagnostiquer une BIE chez des joueurs de foot professionnels. Il est par ailleurs inquiétant de constater que la grande majorité des joueurs (88%) utilisaient des β2-agonistes, compte-tenu d’une part des effets secondaires possibles, et d’autre part de la possibilité de tachyphylaxie qui pourrait conduire à la perte de l’effet bronchoprotecteur et à l’augmentation de l’HRB.

La raison du décalage entre les symptômes d’asthme rapportés par les athlètes et la réalité objective de l’obstruction bronchique réversible n’est pas claire et nécessite des études complémentaires.

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