L’allergie aux protéines de lait : une belle vacherie !

mardi 21 janvier 2003 par Dr Alain Thillay13853 visites

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L’allergie aux protéines de lait : une belle vacherie !

L’allergie aux protéines de lait : une belle vacherie !

mardi 21 janvier 2003, par Dr Alain Thillay

Il s’agit d’une étude prospective de cohorte dont le but est de connaître l’évolution de l’allergie/intolérance aux protéines de lait de vache et le développement des autres manifestations d’atopie. Qu’en est-il de l’apparition des sensibilisations à d’autres allergènes ? Qu’en est-il de l’apparition de l’asthme ?

Évolution clinique de l’allergie/intolérance aux protéines du lait de vache et des maladies atopiques de l’enfance. : Arne Høst1, Susanne Halken2, Hans P. Jacobsen1, Anne E. Christensen1, Anne M. Herskind1 and Karin Plesner1 Department of Pediatrics, 1Odense University Hospital, Odense, Denmark and 2Sønderborg Hospital, Sønderborg, Denmark dans Pediatric Allergy and Immunology 13 (s15), 23-28

Une cohorte de 1749 nouveau-nés de la municipalité d’Odense (Danemark), nés durant l’année 1995 à l’hôpital universitaire d’Odense, ont été suivis de façon prospective durant la première année de vie, en ce qui concerne l’évolution de l’allergie/intolérance aux protéines de lait de vache (A/IPLV).

Une fois le diagnostic d’A/IPLV confirmé, un régime sans lait de vache était institué jusqu’à ce qu’un nouveau test de provocation montre une tolérance.

Tous les nourrissons atteints d’A/IPLV subissaient un nouveau test de provocation à l’âge de 12 mois, et, dans l’éventualité de la persistance d’une sensibilisation clinique aux protéines de lait de vache, le test de provocation était renouvelé tous les 6 mois jusqu’à l’âge de 3 ans ; éventuellement, tous les ans jusqu’à l’âge de 15 ans.

A partir de la même cohorte de naissance, 276 nourrissons étaient sélectionnés, randomisés dès la naissance dans une étude de suivi, prospective, non-interventionnelle, dans le but d’évaluer l’évolution naturelle de la sensibilisation et du développement des manifestations atopiques durant l’enfance.

Des questionnaires standardisés concernant l’hérédité atopique, les facteurs environnementaux et les symptômes d’atopie étaient complétés à la naissance, à 6, 12 et 18 mois et à 5, 10 et 15 ans d’âge.

L’interrogatoire concernant les antécédents atopiques et les facteurs d’environnement, ainsi que l’examen clinique étaient pratiqués à l’âge de 18 mois, de 5, 10 et 15 ans.

A ces mêmes âges, étaient pratiqués, les tests cutanés et la recherche d’IgE spécifiques sérique (Pharmacia, CAP system) à l’encontre d’un panel d’allergènes (bouleau, graminées, armoise, chien, chat, cheval, Dermatophagoïdes pteronyssinus, Dermatophagoides farinae, alternaria et cladosporium herbarum).

De plus, la fonction respiratoire était évaluée à l’âge de 10 et de 15 ans.

Fondé sur un régime d’éviction du lait de vache et le test de provocation orale, le diagnostic d’A/IPLV était confirmé chez 39 des 117 nourrissons ayant des symptômes suggérant l’A/IPLV, ainsi ces résultats sur une année correspondent à une incidence de 2,2%.

Globalement, le pronostic de l’A/IPLV était bon :
* résolution totale de 56 % à un an,
* 77% à 2 ans,
* 87% à 3 ans,
* 92 % à 5 ans et 10 ans,
* et, enfin, 97% à 15 ans d’âge.

Chez les enfants âgés de moins de 10 ans, 41% développaient un asthme et 31% une rhino-conjonctivite.

Les enfants atteints d’IPLV donc non IgE-médiée pendant la petite enfance avaient un risque significativement moindre de voir persister cette intolérance, de développer d’autres allergies alimentaires, de l’asthme ou de la rhino-conjonctivite.

Durant la petite enfance, à l’âge de 18 mois, les épisodes de sifflements thoraciques représentaient la pathologie ayant la plus grande prévalence (20%), suivie ensuite par l’eczéma atopique (14%) et les allergies alimentaires (7%).

Les médecins diagnostiquaient une augmentation de l’asthme de 2% à l’âge de 18 mois à 9% à l’âge de 10 ans.

Dans le même intervalle, l’augmentation de la rhino-conjonctivite passait de moins de 1% à 9%.

Globalement, la prévalence de toute manifestation d’atopie était de 20% à l’âge de 18 mois, diminuant à 14% à l’âge de 5 ans pour, ensuite, augmenter à 25% à l’âge de 10 ans.

Les taux de sensibilisation, aux âges de 18 mois, 5 ans et 10 ans, aux aéroallergènes et/ou aux trophallergènes (IgE spécifiques au moins égales à la classe 2 en CAP RAST, Pharmacia) étaient bas parmi les patients asymptomatiques (3%, 10% et 12%) comparés aux taux des atopiques symptomatiques (8%, 39% et 30%).

Le taux le plus élevé de sensibilisation (53%) était retrouvé parmi les enfants atteints d’asthme évolutif à l’âge de 10 ans.


Il s’agit vraiment d’une très belle étude prospective, non-interventionnelle sur une cohorte d’enfants nés tous dans la même année et suivis durant 15 ans.

Cette étude confirme ce que nous savions déjà, l’A/IPLV a un bon pronostic, à un an la moitié des enfants sont guéris, à 2 ans 77% le sont et à l’âge de 15 ans 97% voient leur problème résolu.

Malheureusement, cette maladie allergique « se commute » sur les manifestations allergiques respiratoires : 41% des enfants de moins de 10 ans présentent un asthme et 31% une rhino-conjonctivite.

Bien sûr, tout cela dans le cadre d’autres sensibilisations, ainsi les enfants de 10 ans asthmatiques sont les plus sensibilisés (53%).

Autre aspect bien logique, les enfants chez qui n’ont pas été retrouvé d’arguments en faveur d’une médiation par les IgE ont moins de risque de voir évoluer longtemps leur intolérance, de souffrir d’asthme ou d’avoir d’autres allergies alimentaires.

Première réflexion qu’amène cette étude, il existe bien deux entités, l’allergie aux protéines de lait de vache, IgE médiée, et, l’intolérance dont le mécanisme est sans doute immunitaire mais ne fait pas intervenir les IgE. L’intolérance est de meilleur pronostic.

L’allergie « vraie » aux protéines de lait de vache est une maladie de l’atopie, son évolution favorable suggère qu’il s’agit bien là d’une pathologie IgE médiée intervenant sur un système immunitaire immature. Ceci implique qu’outre les mesures préventives essentiellement à type d’éviction des protéines du lait de vache (régime équilibré chez la mère, hydrolysats chez le nourrissons), il faut aussi penser aux facteurs de maturation du système immunitaire.

Enfin l’APLV est un véritable marqueur quasi pathognomonique d’allergie respiratoire future et même d’autres allergies alimentaires. Toutes les mesures d’éviction des acariens, des animaux domestiques doivent être appliquées. Sans oublier, la prévention du tabagisme parentale qui est un facteur d’augmentation du risque d’expression de l’allergie respiratoire de l’enfant atopique.

Enfin, dans le but d’éviter l’apparition d’autres allergies alimentaires, il faut diversifier le plus tard possible et éviter soigneusement arachide, œuf.

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