Bouillir ou ne pas bouillir pour mieux respirer : réponds-moi Gabriela !

lundi 3 octobre 2011 par Dr Philippe Carré1081 visites

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Bouillir ou ne pas bouillir pour mieux respirer : réponds-moi Gabriela !

Bouillir ou ne pas bouillir pour mieux respirer : réponds-moi Gabriela !

lundi 3 octobre 2011, par Dr Philippe Carré

L’effet protecteur de la consommation de lait de ferme sur l’asthme et l’atopie de l’enfant : l’étude GABRIELA. : Georg Loss, Silvia Apprich, Marco Waser, Wolfgang Kneifel, Jon Genuneit, Gisela Büchele, Juliane Weber, Barbara Sozanska, Hanna Danielewicz, Elisabeth Horak, R.J. Joost van Neerven, Dick Heederik, Peter C. Lorenzen, Erika von Mutius, Charlotte Braun-Fahrländer, GABRIELA study group

dans The Journal of Allergy and Clinical Immunology - October 2011 (Vol. 128, Issue 4, Pages 766-773.e4, DOI : 10.1016/j.jaci.2011.07.048)

 Contexte :

  • La consommation de lait de ferme a été identifiée comme un facteur d’exposition qui pourrait contribuer à l’effet protecteur de la vie à la ferme sur l’asthme et les allergies de l’enfance
  • Le mécanisme d’action et le rôle des constituants particulaires du lait de ferme ne sont pas cependant encore clairs.

 Objectif :

  • Etudier l’effet du lait de ferme et déterminer les constituants responsables du lait de ferme.

 Méthodes :

  • Dans des régions rurales d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse, un questionnaire concernant la consommation de lait de ferme et d’autres expositions liées à la ferme a été complété par les parents de 8334 enfants d’âge scolaire, et 7606 ont eu un recueil de sérum pour mesure des taux d’IgE spécifiques
  • Dans 800 échantillons de lait de vache recueillis dans les maisons des enfants inclus dans l’étude, ont été analysés les comptes bactériens, les taux de protéines dans le lacto-sérum et la quantité totale de matières grasses
  • L’asthme, l’atopie et le rhume des foins étaient associés à la consommation de lait rapportée, et pour la première fois à la mesure des constituants objectifs du lait par des analyses de régression multiples.

 Résultats :

  • La consommation rapportée de lait cru était associée inversement à l’asthme (OR ajusté ORa : 0.59, IC à 95% : 0.46-0.74), à l’atopie (ORa : 0.74 ; IC à 95% : 0.61-0.9) et au rhume des foins (ORa : 0.51 ; IC à 65% : 0.37-0.69), indépendamment des autres expositions de la ferme
  • Le lait de ferme bouilli ne montrait pas d’effet protecteur
  • Les comptes totaux de bactéries vivantes et le contenu total en matière grasse du lait n’étaient pas significativement reliés à l’asthme et à l’atopie
  • Des taux augmentés de protéines BSA du lacto-sérum (ORa pour les taux les plus élevés versus les plus bas et l’asthme : 0.53, IC à 95% : 0.3-0.97), d’alpha-lactalbumine (ORa et asthme : 0.71, IC à 95% : 0.52-0.97) et de béta-lactoglobuline (ORa et asthme : 0.62, IC à 95% : 0.39-0.97) étaient cependant inversement associés avec l’asthme, mais pas avec l’atopie.

 Conclusion :

  • Ces résultats suggèrent que l’effet protecteur de la consommation de lait cru sur l’asthme pourrait être associé à la fraction protéique de lactosérum du lait.

Des études maintenant bien connues, qui se sont intéressées à l’exposition dans des zones rurales fermières, ont montré que les enfants élevés dans des fermes ont un risque significativement plus bas de développer de l’asthme, du rhume des foins ou une sensibilisation atopique que les enfants vivant en milieu rural mais n’habitant pas dans des fermes.

Des facteurs environnementaux ont été proposés pour expliquer l’effet protecteur de la vie dans des fermes : contact avec des animaux, diversité de l’exposition microbienne, taux d’endotoxines dans la poussière de la ferme, et consommation de lait de ferme ; mais toutes les études concernant la consommation de lait manquent de mesures objectives des composants biologiques du lait.

L’étude Gabriela, étude multidisciplinaire visant à identifier les causes génétiques et environnementales de l’asthme en Europe, a été développée pour étudier les causes environnementales et incluaient des données sur les constituants du lait. L’objectif de l’analyse présentée ici était de trouver les composants biologiques du lait de vache qui pourraient expliquer l’effet protecteur du lait de ferme sur l’asthme et l’atopie de l’enfant d’âge scolaire.

Un questionnaire concernant la consommation de lait de ferme a été complété par les parents de 8334 enfants d’âge scolaire habitant dans des régions rurales d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse, dont 7606 ont eu une mesure des taux d’IgE spécifiques. Des échantillons de lait de vache ont été recueillis dans 800 des habitations, pour mesure des comptes bactériens, des taux de protéines dans le lactosérum et de la quantité totale de matières grasses.

Cette étude :

  • apporte un argument supplémentaire entre la consommation précoce dans l’enfance de lait de ferme et un risque réduit d’asthme et d’allergies ultérieurs, indépendamment d’autres expositions associées dans la ferme
  • montre que l’effet est dû à la consommation de lait non bouilli
  • et objective la relation avec certains constituants du lait :
    • ni les comptes bactériens ni le contenu total en graisses du lait n’étaient reliés à l’asthme ou l’atopie
    • mais quelques protéines du lactosérum étaient associées à un risque significativement réduit d’asthme, mais pas d’atopie.

En tenant compte de l’hypothèse hygiénique, cette étude pourrait signifier qu’une charge microbienne plus élevée dans le lait de ferme non bouilli pourrait expliquer l’effet protecteur du lait de ferme, le lait étant en effet un excellent milieu de croissance permettant une prolifération bactérienne rapide lorsqu’il n’est pas bouilli.

Dans cette étude, les taux des protéines du lactosérum étaient inversement associés à l’asthme mais pas à l’atopie : on peut concevoir que d’autres composants du lait non mesurés dans cette étude expliquent cette association inverse avec l’atopie ; la composition en acides gras du lait de ferme pourrait être un de ces facteurs.

Les limitations principales de cette étude sont son caractère transversal, l’absence de mesures des acides gras et la limitation des analyses microbiennes.

La prévention est un des éléments primordiaux dans la prise en charge de la maladie asthmatique ; les interventions nutritionnelles pourraient en être un des éléments ; cependant la consommation de lait cru ne peut pas être bien sûr en l’état actuel recommandée en raison de la présence possible d’agents pathogènes. Quand les mécanismes soutenant l’effet protecteur du lait de ferme seront mieux connus, des procédés de transformation et de préservation du lait pourraient être développés à titre préventif.

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