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La parité oestrogénique n’est pas encore à l’ordre du jour dans l’asthme.
mercredi 6 mars 2013, par Dr Philippe Carré
Effets des œstrogènes dans l’allergie et l’asthme. : Current Opinion in Allergy & Clinical Immunology :
February 2013 - Volume 13 - Issue 1 - p 92–99
doi : 10.1097/ACI.0b013e32835a6dd6
– Objet de la mise au point :
- La prévalence et la sévérité de l’asthme sont plus grandes chez les femmes que chez les hommes, et une évidence croissante suggère que ceci est lié en partie aux hormones sexuelles stéroïdiennes féminines
- Parmi elles, les œstrogènes ont été le sujet de beaucoup d’études
- Cette mise au point souligne les recherches récentes ayant exploré les effets des œstrogènes dans les maladies allergiques.
– Recherches récentes :
- On trouve les récepteurs des œstrogènes sur de nombreuses cellules immuno-régulatrices ; les effets des œstrogènes dévient les réponses immunes vers plus d’allergie
- Elles peuvent agir directement en créant des effets délétères dans l’asthme, ou indirectement en modulant des mécanismes variés incluant la sécrétion d’inhibiteurs de leucoprotéases, de récepteurs transitoires de canaux ioniques de type vanilloïde 1 et la production d’oxyde nitrique, qui entraînent des effets sur la mécanique et l’inflammation du poumon
- Non seulement les œstrogènes endogènes semblent jouer un rôle, mais les œstrogènes de l’environnement ont aussi été impliqués
- Les œstrogènes de l’environnement (xénoestrogènes), incluant le bisphenol A et les phtalates, augmentent la sensibilisation allergique dans des modèles animaux et peuvent favoriser le développement de maladies atopiques comme l’asthme chez l’homme.
– Résumé :
- Le rôle des œstrogènes dans les maladies atopiques reste complexe
- Comme la prévalence des maladies allergiques continue à augmenter et atteint de façon disproportionnée les femmes, parvenir à une meilleure compréhension de leurs effets dans ces maladies reste essentiel
- Les effets des xénoestrogènes sur la maladie allergique sont d’une importance particulière.
Il existe des différences dans l’incidence, la sévérité et la fluctuation des maladies allergiques chez les femmes par rapport aux hommes, ce qui laisse à penser que les hormones féminines (œstrogènes et progestérone) jouent un rôle actif dans ces maladies chez la femme.
Alors que la prévalence de l’asthme est plus grande chez les garçons avant la puberté, la courbe s’inverse après avec une sévérité aussi plus importante ; des études ont montré que les femmes sous hormonothérapie ont aussi plus d’asthme ; de même environ un tiers des femmes asthmatiques ont une aggravation péri-menstruelle de leur asthme. On sait que les œstrogènes endogènes ont des effets dans les maladies allergiques, mais des composés exogènes ayant une activité ostrogénique (xénoestrogènes) peuvent jouer aussi un rôle et faciliter le développement de maladies allergiques.
Des études antérieures ont montré que les œstrogènes avaient des effets significatifs sur plusieurs composantes du système immunitaire ; ils agissent par l’intermédiaire de récepteurs présents sur les cellules immuno-modulatrices, avec des effets possibles sur les différentes étapes de la sensibilisation allergique :
- augmentation de production des cellules dendritiques présentatrices d’antigènes, qui favorisent préférentiellement la réponse pro-allergique de type TH2
- augmentation de la polarisation des lymphocytes T, entraînant une différenciation de type TH2 avec synthèse de cytokines pro-inflammatoires
- facilitation du « switch » isotypique des lymphocytes B vers la synthèse accrue d’IgE
- facilitation de la dégranulation des mastocytes et des basophiles.
Le rôle des hormones féminines a été le plus étudié dans la maladie asthmatique, et notamment dans l’asthme lié aux épisodes de menstruations ; différents travaux ont montré que :
- les œstrogènes agissent sur la fonction et la mécanique pulmonaires (baisse du VEMS, augmentation de l’HRB) ; les données précises concernant les effets directs sur les fibres musculaires lisses sont plus contradictoires
- les hormones sexuelles ont aussi un effet sur la fonction ciliaire de l’épithélium ; les récepteurs à la progestérone sont aussi présents au niveau des cils et leur activation peut conduire à une diminution des battements ciliaires ; mais cet effet semble aboli en présence des œstrogènes, ce qui souligne l’interaction possible entre les différentes hormones sexuelles
- les œstrogènes agissent sur des médiateurs intermédiaires de la réponse allergique, comme la leucoprotéase dont le taux est augmenté dans l’asthme de façon parallèle au taux de progestérone, ou le récepteur vanilloïde de type I, qui est un canal ionique impliqué dans la toux chronique et dont les œstrogènes pourraient augmenter l’activation.
Les hormones féminines semblent donc jouer un rôle important dans les maladies allergiques et notamment l’asthme, en particulier les œstrogènes qui ont été les plus étudiés ; leur rôle potentiel est supporté par les données épidémiologiques sur la prévalence de l’asthme chez les femmes. Leur mécanisme d’action est manifestement complexe, avec des effets dépendant des concentrations hormonales et de la présence ou non d’autres facteurs hormonaux, en particulier la progestérone. De plus des composés exogènes à activité ostrogénique peuvent moduler les effets. Compte-tenu de l’augmentation de la prévalence des maladies allergiques, des études plus précises sur les effets fonctionnels des hormones féminines sont indispensables.