EAACI 2013 : le congrès de Philippe Carré

vendredi 12 juillet 2013 par Dr Philippe Carré2034 visites

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EAACI 2013 : le congrès de Philippe Carré

EAACI 2013 : le congrès de Philippe Carré

vendredi 12 juillet 2013, par Dr Philippe Carré

Après avoir laissé la France sous la pluie, le soleil milanais n’a pas réussi à me détourner de ma tâche.

Symposium : Vitamine D et maladies atopiques.

De nombreuses publications récentes s’intéressent au rôle de la vitamine D dans les maladies atopiques. Il était donc important de suivre ce symposium qui abordait trois thèmes spécifiques à ce sujet.

Donald Leung (USA) a traité la relation entre « les besoins en stéroïdes et la vitamine D dans l’asthme ».

Le déficit en vitamine D est défini par un taux sérique inférieur à 20 ng/mL, et l’insuffisance par un taux entre 21 et 29 ng/mL ; 1 milliard de personnes sont touchées dans le monde ; plus de 50% des gens âgés et près de la moitié des adolescents ont un déficit.

 Un papier récent publié dans le JACI (Allen 2013 ;131 :1109-16) conclut que l’insuffisance en vitamine D est associée chez l’enfant à une allergie alimentaire prouvée par un TPO ;
 une autre étude publiée en 2012 (Wu AJRCCM) montre que le déficit s’accompagne d’un VEMS plus bas chez des enfants asthmatiques ;
 une autre de 2011 (Gupta AJRCCM) montrait l’existence d’une relation entre le taux de vitamine D, la sévérité et le remodelage des voies aériennes dans l’asthme de l’enfant ;
 en 2010, Searing (JACI 2010 125 :995-1000) avait montré une relation univariée entre la baisse du taux de vitamine D et l’utilisation de corticoïdes dans l’asthme, que ce soit par voix inhalée ou orale.

Les causes de déficit en vitamine D sont multiples : défaut de synthèse (pigmentation cutanée, agents physiques bloquant l’exposition aux UV : crèmes solaires, vie en intérieur, facteurs géographiques : latitude, saison, pollution, nuages, altitude), obésité, diminution des réserves maternelles et allaitement exclusif.

La supplémentation en vitamine D chez l’enfant peut prévenir les exacerbations d’asthme déclenchées par une infection respiratoire aigue (Majak JACI 2011 :1294-96).

L’auteur conclut que :

  • le déficit en vitamine D est fréquent
  • il est associé à une augmentation des besoins en corticoïdes et à un asthme plus sévère
  • la vitamine D renforce l’action des corticoïdes et a un effet anti-inflammatoire indépendant de celui des corticoïdes
  • la supplémentation orale en vitamine D peut avoir un effet d’épargne en corticoïdes et renforcer la réponse anti-microbienne, spécialement en hiver.

Catherine Hawrylowicz (Royaume-Uni) a traité du lien entre « vitamine D et asthme ».

Elle a rappelé le métabolisme de la vitamine D : 80% provient de l’exposition aux UV (le reste d’un apport alimentaire), transformant le 7-déhydrocholestérol en vitamine D3, lequel est transformé au niveau du foie en 25-hydroxyvitamine D3, puis au niveau du rein, des macrophages et des cellules épithéliales en 1-25-dihydroxyvitamine D3 qui est la forme active.

Elle a précisé son implication dans la fonction respiratoire :

  • stock organique corrélé à la fonction respiratoire et aux besoins en corticoïdes,
  • déficit s’accompagnant d’un risque augmenté d’infections respiratoires virales et bactériennes,
  • corrélation inverse entre le stock organique et la sévérité et le mauvais contrôle de l’asthme, ainsi qu’avec le remodelage des voies aériennes chez les enfants asthmatiques.

La vitamine D a des effets sur la réponse immune : modulation de certaines cellules et molécules immunorégulatrices : IL-10, Foxp3, expression accrue de molécules inhibitrices : CTLA4, CD200, CD39/CD73…

Dans les asthmes sévères et/ou réfractaires aux corticoïdes, il existe une synthèse accrue d’IL-17 ; la vitamine D inhibe la synthèse d’IL-17 de façon indépendante des corticoïdes. On voit donc qu’un déficit en vitamine D pourrait avoir des effets délétères sur le contrôle de la maladie asthmatique sévère.

Enfin,Guido Heine (Allemagne) a parlé des liens entre vitamine D et dermatite atopique.

Des données cliniques et épidémiologiques montrent que :

  • le déficit en vitamine D est corrélé avec la sévérité de la dermatite chez l’enfant
  • la supplémentation en vitamine D améliore la dermatite chez les enfants ayant un eczéma en hiver
  • l’héliothérapie améliore la dermatite et l’équilibre en vitamine D.

L’auteur conclut que :

  • la vitamine D dépend des UV, et son déficit est fréquent pendant les mois d’hiver
    • il y a une synthèse de calcitriol endogène dans les cellules immunes activées, y compris les cellules B
    • le récepteur à la vitamine D, activé par le calcitriol, module les cellules immunes humaines, en inhibant les IgE, en stimulant l’expression d’IL-10 par les cellules B, en induisant des Treg et un épidermotropisme des cellules T
  • il existe un variant du récepteur qui est associé à une dermatite atopique sévère chez l’adulte
  • des données pré-cliniques montrent que le récepteur de la vitamine D inhibe l’induction des IgE et l’eczéma in vivo, en attirant les Treg au niveau de l’inflammation cutanée
  • les études sur la vitamine D dans la dermatite atopique devraient prendre en considération le déficit en UV et les génotypes du récepteur de la vitamine D.

Symposium intéressant, qui apporte des preuves manifestes quant aux liens entre vitamine D et atopie, et qui ouvre aussi des chantiers de recherches à venir.

Les sceptiques sur ce sujet auront peut-être des surprises dans les prochaines années !


Symposium ALK

Comprendre le poids de l’allergie respiratoire aux acariens-quel en est le coût ? :
Christian Virchow, Allemagne.

L’auteur a d’abord précisé les données épidémiologiques concernant le poids de l’allergie aux acariens :
 approximativement 370 à 700 millions de personnes dans le monde sont atteints d’une allergie respiratoire aux acariens.
 l’exposition et la sensibilisation aux acariens augmentent régulièrement : en Suède, en 1975 on retrouvait 1.5% des échantillons de poussières positifs aux acariens dans les maisons des gens sensibilisés ; 12 ans plus tard, 67% des literies des enfants sensibilisés contiennent des acariens ; les modifications de l’habitat expliquent l’augmentation importante de l’exposition et de la sensibilisation.
 dans une étude de population récente en Belgique (Lhomme JACI 2013), 13.2% de la population était sensibilisée aux pollens d’arbre et 25.9% aux pollens de graminées et aux acariens ; 9.7% étaient symptomatiques aux arbres, 17.6% aux graminées et 17.1% aux acariens
 la rhinite allergique triple le risque de développer un asthme.

Il faut donc retenir que l’allergie aux acariens augmente :
 en rapport avec une augmentation de l’exposition ces dernières décennies
 plus de 25% de la population européenne est sensibilisée aux acariens
 plus de 17% des sujets ayant une rhinite allergique sont sensibilisés aux acariens
 parmi eux, plus de 10% développeront un asthme dans les 15 ans qui suivent.

L’auteur a ensuite fait le point sur les liens entre la rhinite allergique et l’asthme.
 La moitié des sujets qui ont une rhinite allergique aux acariens ont aussi un asthme aux acariens
 La plupart (95%) des sujets qui ont un asthme allergique aux acariens ont aussi une rhinite allergique aux acariens
 Parmi les sujets allergiques aux acariens, 2.6% ont un asthme isolé et 48.7% une rhinite allergique isolée ; les 48.7% restant ont les deux maladies associées
 Les réponses allergiques précoce et tardive sont corrélées dans le nez et dans les bronches
 Le test de provocation bronchique aux acariens augmente l’éosinophilie à la fois dans les bronches et dans le nez

Certains allergènes sont-ils plus enclins à entraîner des manifestations dans les voies aériennes inférieures ?
 la sensibilisation aux allergènes intérieurs est corrélée à l’exposition allergénique chez les nourrissons et les enfants d’âge scolaire

  • il y a une relation dose-effet entre exposition et sensibilisation
  • cette relation est particulièrement documentée pour les acariens et le chat.

En conclusion :
 le passage de la rhinite à l’asthme est fréquent, les mécanismes restent imparfaitement connus,
 le risque reste difficile à prévoir à l’échelon individuel : quelle est la corrélation avec le niveau d’exposition ?
 Il semble que plus l’allergie est importante et son début précoce, plus le risque de progression est élevé.

Enfin, quel est le retentissement socio-économique de cette charge allergique ? A partir de données de la littérature l’auteur montre que :
 La rhinite allergique affecte la qualité de vie et les activités quotidiennes : baisse de la performance professionnelle et scolaire, stigmatisation sociale ; ce retentissement de la rhinite chez le patient est sous-estimé par les médecins
 Le coût économique de la rhinite allergique est très élevé :

  • aux USA en 2004, les coûts directs ont été estimés entre 2.4 et 4.9 milliards de dollars, et les coûts indirects entre 5.5 et 9.7 milliards (en 2013, ils sont évalués respectivement entre 2.9 et 6 milliards pour les coûts directs, et entre 6.8 et 11.9 milliards pour les coûts indirects)
  • en 2007 aux USA, le surcoût médical par patient atteint d’une rhinite allergique est de 1492 dollars
  • aux USA, la rhinite allergique est le facteur contributif le plus important en terme de coût de productivité lié à un problème de santé, devant le stress, la migraine, la dépression, l’arthrite, l’anxiété, les infections respiratoires, le diabète, l’asthme et les maladies cardiaques.

 La rhinite allergique a des caractères de gravité chez l’enfant asthmatique :

  • 50.7% sont allergiques aux acariens
  • 57.7% ont pris des médicaments pour la rhinite dans la dernière année
  • 41.2% disent que la rhinite est pesante pour eux
  • 58.8% disent que la rhinite aggrave leur asthme
  • 50% pensent que les médecins ne prennent pas assez compte de leur rhinite.
     La rhinite a un retentissement sur les performances scolaires : en comparant la réussite aux examens passés en été par rapport aux examens passés en hiver :
  • une rhinite allergique symptomatique aux pollens est associée à un risque augmenté de 50% d’échouer aux examens l’été
  • le risque est augmenté de 40% chez ceux prenant des médicaments pour la rhinite, et de 70% pour ceux prenant des traitements sédatifs.

Les conclusions de l’auteur sont que :
 l’allergie respiratoire aux acariens a une prévalence élevée
 la progression de la sensibilisation à la maladie est élevée
 beaucoup de patients avec une rhinite allergique aux acariens vont développer de l’asthme
 le retentissement de la rhinite allergique en terme personnel et socio-économique est très élevé : interférence avec la vie quotidienne, perte de productivité professionnelle importante, baisse des performances scolaires et donc baisse de chance.

Dans le dernier exposé, Pascal Demoly (Montpellier) a fait le point sur la place et l’efficacité des thérapeutiques d’immunothérapie spécifique (ITS) disponibles, et sur le développement de nouvelles modalités de traitement.

Il a d’abord rappelé les recommandations ARIA 2010 concernant l’ITS dans la rhinite allergique aux acariens :
 pour l’ITS sous-cutanée :

  • recommandation conditionnelle chez l’adulte (niveau de preuve modéré)
  • recommandation conditionnelle chez l’enfant (niveau de preuve faible)

 pour l’ITS sublinguale :

  • recommandation conditionnelle chez l’adulte (niveau de preuve modéré)
  • chez l’enfant, pas de recommandation en dehors d’essais cliniques rigoureux.

Les méta-analyses récentes des essais contrôlés randomisés dans la rhinite allergique sont en faveur de l’ITS par rapport au placebo, surtout pour l’ITS sous-cutanée.

Les recommandations pour l’asthme allergique aux acariens montrent :
 pour les recommandations ARIA 2010 : recommandation conditionnelle pour l’ITS, avec un degré de preuve modéré pour la voie sous-cutanée et faible pour la voie sublinguale
 le rapport GINA de 2012 rappelle que :

  • l’ITS a sa place après que des mesures d’éviction environnementales strictes aient été prises, et que des traitements aient été mis en place (incluant des corticoïdes inhalés)
  • l’ITS n’apparaît pas dans les différentes étapes thérapeutiques du contrôle de l’asthme

 les méta-analyses récentes pour l’asthme sont en faveur de l’efficacité de l’ITS, mais avec des OR faibles par rapport au placebo (-0.48 pour la voie sous-cutanée, -0.38 pour la voie sublinguale).

Mais toutes ces données ont des limites : peu de grands essais, groupes de patients très hétérogènes, grande variété des mesures d’évaluation, durées de traitements variables, doses variables.

Le Pr Demoly a ensuite présenté les résultats préliminaires des premiers essais sur l’ITS aux acariens en comprimés, par rapport au placebo :
 la première étude était une étude de « preuve de concept » comparant 3 dosages différents pendant 40 semaines : dans les 3 groupes de patients (environ 150 patients par groupe), la dose de corticoïdes inhalés a pu être baissée, et d’autant plus que l’asthme était partiellement contrôlé
 une étude européenne de phase 3 vient de se terminer en avril 2013 dans les asthmes allergiques aux acariens ;

  • elle comparait, chez des patients adultes, 3 bras de traitement d’environ 250 patients dans chaque groupe (2 dosages différents de comprimés : 6 et 12 unités, et un groupe placebo),
  • pendant 8 à 12 mois, avec une réduction des corticoïdes inhalés dans les 6 mois suivants ;
  • le critère principal sera le temps jusqu’à la première exacerbation d’asthme après la période de réduction des stéroïdes inhalés

 Une autre étude européenne de phase 3 vient de se terminer en mars 2013 dans la rhinite allergique aux acariens,

  • incluant 3 groupes de 300 sujets selon le même schéma de traitement pendant une durée de 10 mois ;
  • le critère principal était le score clinique et médicamenteux de la rhinite dans les 2 mois suivant la fin de l’essai,
  • les résultats préliminaires montrent une amélioration significative des scores de rhinite par rapport au groupe placebo dans les 2 bras traités (6 ou 12 unités) ;
  • le traitement a été bien toléré, les effets secondaires étant des effets locaux buccaux d’intensité légère ou modérée).

En conclusion :
 il existe actuellement peu d’essais randomisés contrôlés disponibles tant pour l’ITS sous-cutanée que sublinguale
 les essais sont très hétérogènes (différences de dosages, de durée, de critères)
 de nombreux programmes de développement clinique sont en cours par différentes compagnies dans l’allergie aux acariens
 le premier essai de phase 3 de traitement de l’allergie respiratoire aux acariens par comprimé montre une efficacité significative et une bonne tolérance.


Symposium : Les endotypes de l’Asthme : qu’est-ce qu’ils nous apportent ?

Intervenants : Elisabeth Bel (Hollande), Kenji Izuhara (Japon), Iona Agache (Roumanie).

Après les phénotypes de l’asthme, voilà les endotypes qui arrivent. Une aide à la compréhension des mécanismes de la maladie, ou une nouvelle usine à gaz ? Tel était le thème de ce symposium.

Dans un premier exposé, E. Bel a parlé de l’évolution des concepts : « Des phénotypes aux endotypes ».

Malgré plus de 50 ans de recherche, il n’existe pas de traitement vraiment curatif de l’asthme, qui reste une maladie souvent non contrôlée chez de nombreux patients : pourquoi ?

On peut voir l’asthme comme un continuum :

  • le syndrome asthmatique lui-même, défini par des signes cliniques et une obstruction variable des voies aériennes
  • qui s’intègre dans des caractères phénotypiques, qui sont des caractéristiques non reliées directement au processus de la maladie : physiologiques, paramètres inflammatoires, facteurs déclenchants
  • et qui peuvent correspondre eux-mêmes à des endotypes, qui se définissent comme des mécanismes biologiques spécifiques.

Le syndrome asthmatique a d’abord été relié à un certain nombre de facteurs favorisant l’expression de la maladie : le RGO, le poids, les hormones, le tabagisme, certains médicaments, le psychisme, l’observance thérapeutique…

Puis on a décrit son caractère très hétérogène, amenant à décrire des formes évolutives multiples : asthme à début précoce ou tardif, allergique ou non, éosinophilique ou neutrophilique, fixé ou non, stable ou instable, professionnel, induit par l’aspirine, répondeur ou non aux corticoïdes…

Ces différents tableaux avaient déjà été décrits en 1947 par Rackermann, qui pensait qu’une classification pratique était nécessaire pour la prise en charge différenciée des asthmatiques.

Haldar en 2008 puis Moore en 2010, dans la revue américaine de pneumologie (AJRCCM), ont ensuite défini des phénotypes d’asthme (clusters) qui tentaient de définir des cadres cliniques dans lesquels tous les patients pouvaient être regroupés : 3 phénotypes principaux pour Haldar et 5 pour Moore (définis principalement par l’âge de début de la maladie, le caractère atopique ou non, l’importance de l’inflammation à éosinophiles et des symptômes).

Puis des données thérapeutiques nouvelles sont arrivées, notamment le type de réponse au traitement anti-IgE ou anti-IL5 chez certains patients, définissant des groupes de répondeurs ou non-répondeurs.

C’est en 2011 qu’est apparue la notion d’endotypes (Lötvall, JACI), qui est une contraction du terme « endo-phénotype », qui est un sous-type de maladie défini fonctionnellement et pathologiquement par un mécanisme moléculaire. Ceci est la conséquence des résultats apportés par le développement des explorations in situ qui ont permis d’étudier des spécimens tissulaires : endoscopie avec LBA et biopsies, mesure du NO, de l’expectoration induite ; l’analyse du niveau d’expression des gènes dans l’épithélium des voies aériennes a pu être comparée à celle de sujets sains, le profil d’expression des gènes de l’IL-5 et de l’IL-13 permet de prédire la réponse aux corticoïdes, l’expression de la périostine permet de prédire la réponse aux anti-IL-13.

En comprenant les endotypes de l’asthme, et leurs déterminants moléculaires, des traitements efficaces (et peut-être des stratégies de guérison) pourront être développées et être efficaces dans des sous-groupes de patients parfaitement ciblés.

L’application des endotypes permettra de passer d ‘une approche purement clinique et fonctionnelle à une approche cellulaire et moléculaire.

L’endotypage va prendre un essor important dans beaucoup de domaines médicaux, et un projet européen est en cours dans l’asthme (U-BIOPRED : Unbiased BIOmarkers for the Prediction of REspiratory Disease outcome).

En conclusion de son exposé , l’auteur a rappelé que :

  • l’asthme est une maladie hétérogène
  • beaucoup de patients ne répondent pas de façon satisfaisante au traitement habituel
  • la classification clinique en phénotypes « éosinophiliques » s’est avérée utile pour prédire la réponse au traitement
  • la connaissance actuelle des mécanismes biologiques n’est pas suffisante pour guérir l’asthme ou trouver de nouvelles cibles thérapeutiques
  • des études cellulaires spécifiques permettront d’approcher les mécanismes des endotypes de l’asthme
  • ces études nécessiteront une sélection précise des patients, l’utilisation d’échantillons adéquats (par bronchoscopie le plus souvent)
  • ce qui permettra le développement de bio-marqueurs pour le diagnostic, le pronostic et le monitorage des maladies, qui pourront être utilisés pour une médecine future personnalisée.

K. Izuhara a intitulé son exposé «  : « Nouveaux bio-marqueurs pour l’asthme sévère ».

Il rappelle que l’asthme est un syndrome recouvrant plusieurs entités pathologiques, et qu’il est important de séparer les patients en plusieurs endotypes qui sont caractérisés par des mécanismes physiopathologiques différents, de façon à pouvoir choisir les options thérapeutiques les plus adaptées.

Il a pris l’exemple de la périostine sérique, qui est apparue récemment comme un bio-marqueur potentiellement utile en terme d’endotype ; comme elle est inductible par l’IL-13, qui est une cytokine de type 2, il est plausible qu’elle reflète le statut de réponse immune de type TH2.

L’auteur voit 3 raisons pour utiliser la périostine comme bio-marqueur :

  • elle migre facilement du niveau tissulaire dans le sang
  • sa concentration basale dans le sang est basse (10 à 90 ng/ml) comparativement à d’autres protéines matricielles (fibronectine : 300 microg/ml)
  • un kit avec une limite de détection très faible (20 pg/ml) est disponible.

Le sous-groupe de patients asthmatiques ayant un taux élevé de périostine est caractérisé par des patients ayant un asthme à prédominance éosinophile, à début tardif, insensible aux corticoïdes, intolérant à l’aspirine ; des études ont montré aussi qu’il s’agissait d’un bio-marqueur utile pour prédire l’efficacité de médicaments tels que les anti IL-13 ou les anti-IgE.

Enfin I. Agache a abordé la problématique des « traitements basés sur les mécanismes de l’asthme ».

Les stratégies nouvelles de classification de l’asthme (phénotypes, systèmes biologiques, analyse en clusters…) s’intéressent à l’identification de nouveaux mécanismes étiologiques et de tests diagnostiques spécifiques basés sur des bio-marqueurs fiables.

Ces nouvelles approches facilitent la transition entre une caractérisation phénotypique basée sur des propriétés facilement accessibles mais souvent imprécises et une démarche plus descriptive prenant en compte les mécanismes pharmacogénétiques, épigénétiques…

La réponse à un médicament antiasthmatique peut varier selon les sujets, ou chez le même sujet selon les indices pris en compte (effet dissocié) ; il en est ainsi des nouveaux traitements biologiques de l’asthme sévère (comme les anti-IgE par exemple), qui ont un coût élevé, et qui peuvent être très efficaces mais seulement pour un sous-groupe de patients sélectionnés sur des critères spécifiques.

Définir le groupe-cible des patients en utilisant une approche endotypique basée sur des bio-marqueurs directement impliqués dans la pathogénie de la maladie est une démarche essentielle pour les futurs essais cliniques. Ces marqueurs doivent avoir un niveau d’évidence fort, être reproductibles et facilement mesurables (comme la périostine par exemple).

Ce symposium permet de mieux appréhender l’évolution progressive des concepts dans la prise en charge de l’asthme depuis cette dernière décennie, et on n’en est probablement qu’à la phase initiale.

Mais chacun sait que l’asthme est une pathologie très hétérogène, et que si les guides de bonne pratique sont intéressants à l’échelon collectif, ils ne répondent pas toujours à une prise en charge cohérente des patients à l’échelon individuel. La possibilité future d’une caractérisation des endotypes de chaque patient sera probablement un jour une avancée considérable.


Workshop Anaphylaxie péri-opératoire.

Intervenants : E. Jares (Argentine), PM Mertes (France), LH Garvey (Danemark).

E. Jares a présenté l’épidémiologie et les aspects cliniques de l’anaphylaxie péri-opératoire en Amérique Latine.

L’incidence de toutes les réactions d’hypersensibilité, immunologiques et non immunologiques, varie de 1/1250 à 1/13000 anesthésies, et la mortalité rapportée est de 3 à 9% ; dans les réactions allergiques les curares viennent en première position. Mais l’incidence précise reste mal définie et l’exhaustivité est loin d’être optimale ; des programmes épidémiologiques sont en cours de développement.

L’auteur a fait le point dans son exposé, à partir de la littérature, sur le problème posé par la Pholcodine :

  • la pholcodine est incluse dans un certain nombre de médicaments contre la toux, agissant au niveau du système nerveux central sur le centre de la toux ; c’est un ammonium quaternaire monovalent qui a des propriétés IgE sensibilisantes
  • on a montré antérieurement que la sensibilisation IgE au suxamethonium, à la morphine et à la pholcodine sont quasi inexistantes en Suède et 6 fois plus fréquentes en Norvège où l’utilisation sans restriction des sirops anti-tussifs contenant de la pholcodine est la règle
  • en Suède, la commercialisation de ces sirops a été interrompue en 1989 ; en 2002 les sensibilisations au suxaméthonium et à la pholcodine sont devenues quasi nulles, parallèlement à une diminution des anaphylaxies aux curares ; l’évolution de la sensibilisation IgE a suivi celle de la consommation de pholcodine (Johansson, Allergy 2010)
  • il est apparu qu’une dose faible de sirop anti-tussif contenant de la pholcodine peut stimuler par un facteur 100 la réponse IgE polyclonale chez les sujets sensibilisés
  • la Norvège a donc décidé en 2007 l’arrêt de la commercialisation des sirops à la pholcodine ; Johansson a montré que 3 ans plus tard la sensibilisation IgE à la pholcodine, à la morphine et au suxaméthonium avait diminué, de même que la fréquence des anaphylaxies aux curares
  • l’auteur a rappelé que dans une revue récente sur la sécurité et l’efficacité de la pholcodine, le Comité Européen de l’Agence du Médicament a conclu que :
    • les bénéfices de la pholcodine étaient supérieurs à ses risques potentiels
    • il n’y avait pas de risque nouveau identifié
    • bien que la sensibilisation croisée entre la pholcodine et les curares soit biologiquement plausible, les données actuelles ne sont pas concluantes.
      (pour mémoire, des recommandations de limitation des prescriptions de pholcodine ont été recommandées en France, dans l’attente des résultats d’une enquête épidémiologique sur ce sujet).

PM Mertes a parlé de la réduction du risque anesthésique.

Il a rappelé les incidences annuelles de réactions anesthésiques IgE dépendantes, ainsi que les incidences des réactions les plus fréquentes : aux curares et au latex ; cette incidence est beaucoup plus élevée chez les femmes (à titre d’exemple : l’incidence globale moyenne des réactions est de 100.6 par million d’habitants, mais elle est de 154 chez la femme et de 55 chez l’homme ; pour les curares : incidence globale de 184, 250 chez le femme et 105 chez l’homme).

Il a rappelé les indications des bilans allergologiques pré-anesthésiques recommandés (réaction lors d’une AG antérieure, patients atteints de spina bifida ou enfants multi-opérés, manifestations cliniques lors d’une exposition au latex ou aux aliments croisés), et les non-indications de ces bilans (terrain atopique, allergie à un médicament non utilisé lors de l’AG, population générale sans facteur de risque : bilan prédictif).

En matière de prévention primaire, il a rappelé les difficultés statistiques des tests de dépistage, la valeur prédictive des tests dépendant de la prévalence de la pathologie (une faible prévalence diminue la valeur prédictive) ; on sait que l’éviction du latex dans la spina bifida diminue la sensibilisation au latex (à la fois sur les prick-tests et le dosage des IgE) (Blumchen Allergy 2010).

Une étude épidémiologique va débuter en France en septembre 2013 (ALPHO), visant à identifier toutes les réactions anaphylactiques péri-opératoires en incluant le réseau des allergologues du GERAP (Groupe d’Etude et de Recherche sur les Anaphylaxies Per-opératoires), les pharmaciens et les anesthésistes.

Au total, la prévention primaire passe par l’identification des patients à risque, un environnement sans latex si nécessaire, l’amélioration peut-être des techniques anesthésiques, et le retrait de la pholcodine ??

En matière de prévention secondaire, il est important de savoir que plusieurs études récentes ont montré que les recommandations cliniques pratiques concernant le bilan allergologique anesthésique sont mal suivies par les allergologues (en terme de dilutions des allergènes, notamment pour les curares, ou en terme de recherche des réactions croisées aux curares), et que des centres de référence en allergo-anesthésie permettront au mieux d’optimiser les bilans, dont les conséquences pour les patients sont très importantes en cas d’anesthésie ultérieure.

Il est nécessaire d’adapter ces recommandations au contexte local et de chercher à diminuer les barrières qui font obstacle à leur utilisation optimale.

LH Garvey a fait le point sur les procédures diagnostiques concernant l’anaphylaxie péri-opératoire, en fonction de l’expérience danoise.

Il existe au Danemark un seul centre d’allergo-anesthésie (DAAC : Danish Anesthesic Allergy Center) où tous les cas suspects sont donc pris en charge :

  • tous les médicaments sont explorés, à condition que la réaction soit survenue dans un délai de moins d’une heure après un médicament injectable par voie IV, ou de moins de deux heures après une injection IM, SC, épidurale, ingestion orale ou application locale
  • tous les patients ont des tests systématiques au latex, à la chlorexidine et à l’oxyde d’éthylène en cas d’exposition à ces produits
  • des dosages de tryptase, d’IgE spécifiques et d’histaminolibération des basophiles sont effectués vis à vis des substances suspectes
  • des tests de provocation sont faits très régulièrement (par voie IV, SC ou orale).

Pour ce qui concerne les dosages de tryptase, il existe de petites différences intra-individuelles chez les patients, qui sont inférieures à 2.23 microgrammes/l chez 97.5% des sujets opérés sans réaction anormale ; ce qui fait dire à l’auteure que de petites augmentations de tryptase peuvent être significatives chez les patients, même si elles restent dans les valeurs de normalité (si un patient a un taux basal de 4.3 et un taux de 9.4 au cours d’une réaction suspecte d’allergie, la différence qui est de 5.1 a une signification clinique, même si le taux reste dans la valeur de la zone de normalité).

Toujours en ce qui concerne les curares, la recherche d’allergie croisée n’est faite que si les tests cutanés sont positifs au curare suspect.

L’auteure rappelle en conclusion que des centres spécialisés en allergo-anesthésie sont indispensables, que les investigations doivent être standardisées, et tous les médicaments utilisés testés (attention aux allergènes cachés).


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