Symposium Allergie Médicamenteuse Manifestations cutanées dans l’hypersensibilité médicamenteuse
Chairman : Jan Simon Allemagne, Maria Jose Torres Espagne
Ce symposium comportait trois interventions :
– Pharmacogénétique,
– Réactions immédiates manifestations cutanées,
– Réactions non immédiates manifestations cutanées
Pharmacogénétique de l’allergie médicamenteuse Munir Pirmohamed Grande Bretagne
Les réactions d’hypersensibilité aux médicaments sont imprévisibles et représentent 5 à 15 % des réactions secondaires aux médicaments.
La survenue de ces réactions impose l’arrêt du traitement et oblige le médecin à utiliser un autre médicament qui peut être moins efficace, au détriment du patient.
Les données précédentes étaient épidémiologiques et ont donné des informations sur la fréquence de survenue de ces réactions. Mais la prévention des réactions est difficile car le diagnostic est basé sur l’histoire clinique il n’y a pas de connaissances pour prédire les patients à risques.
Les manifestations cliniques vont de l’érythème maculopapuleux aux réactions bulleuses avec possibilité de Stevens Johnson.
Les études récentes ont pu être réalisées grâce aux nouvelles données sur le rôle du système HLA et du lymphocyte T.
Les données apportées par la génétique et la connaissance du génome sont difficiles à utiliser dans ce domaine car de très nombreux facteurs interviennent.
Les réactions les mieux connues sont pour le moment celles concernant l’Abacovir et la Carbamazepine.
Abacovir :
- une corrélation entre les réactions d’hypersensibilité retardée et la présence de HLA-B* 5701, a été établie par une étude randomisée.
- Il est impératif d’effectuer un typage HLA et rechercher le type HLA-B* 57 01 avant la mise en route d’un traitement par Abacovir.
Carbamazepine :
- les réactions d’hypersensibilité surviennent dans 1 cas sur 1000, et en Corée et Thaïlande la présence d’HLA-B 1502 parait être bien corrélée à la survenue de ces réactions.
Ces études génétiques doivent être réalisées sur un grand nombre de patients, et les recherches à venir sont menées dans plusieurs centres collaborant ensemble, comme le SAEC Serious Adverse Event Consortium.
Réactions cutanées immédiates Margittta Worm, Charite Universitatsmedezin Berlin
Le diagnostic de l’allergie médicamenteuse après une réaction cutanée immédiate est mieux structuré par rapport aux autres réactions.
Ci-après, un résumé mettant en évidence l’utilité pratique pour les cliniciens.
Les signes cliniques cutanés sont bien connus, urticaire œdème, érythème prurigineux.
Les tests cutanés sont pratiqués et sont les Prick Tests, IDR, Patchs et Scratchs tests.
Les tests présentant un risque :
– Tests chez un patient ayant fait une réaction grave
– Tests aux venins
– Tests aux médicaments.
– Patient sous bêtabloqueurs
Les patients « à risque » pour ces tests : enfants en bas âge, femmes enceintes, patients porteurs d’asthme grave, antécédents de choc anaphylactique, patients sous bêtabloqueurs.
Médicaments devant être arrêtés avant les tests et pendant combien de temps :
- Cromoglycate : = 0 jour
- Antihistaminiques courte durée d’action : >3 jours
- Antihistaminiques longue durée d’action : >5 jours
- Antidepresseurs tricycliques : >2 semaines
- Dermocorticoides sur la zone cutanée testée : >1 semaine
- Corticoides per os :
- Longue durée d’action :
- jusqu’à 10mg/jour d’équivalent prednisolone : 0 jour
- doses supérieures : >3 semaines
- Courte durée d’action :
- moins de 50 mg jour d’équivalent prednisolone :=3 jours
- doses supérieures : >1 semaine.
En conclusion : en Allemagne l’incidence des réactions immédiates est en nette augmentation, les médicaments sont la troisième cause des chocs anaphylactiques et parmi les médicaments d’après Margitta Worm, les premiers responsables sont les AINS, puis les antibiotiques.
La responsabilité des AINS dans la survenue des chocs anaphylactiques et même comme responsable d’allergie immédiate est controversée.
Le groupe ENDA a établi des « guidelines » dans le domaine de l’allergie médicamenteuse.
Hypersensibilité retardée : réactions cutanées Nikhi Yawalkar, Suisse
Les réactions cutanées de l’hypersensibilité retardée sont des effets indésirables très fréquents des médicaments, ce sont aussi des diagnostics différentiels de nombreuses maladies dermatologiques.
Les formes cliniques sont nombreuses
– 1 : Erythème maculopapulaire : le plus fréquent, représente 90% des réactions,
- il apparaît après quelques jours de traitement, 3 à 10 jours, disparaît le plus souvent en deux ou trois semaines après l’arrêt de l’agent causal, avec une desquamation et ne s’accompagne pas toujours de prurit.
- Ce type de réaction est le principal diagnostic différentiel des maladies virales.
L’histologie n’est pas spécifique, mais on retrouve de nombreux lymphocytes T CD 4 activés.
10 à 20 % des cellules T produisent des protéines toxiques, la perforine et la granzyme.
Ces cellules T sont cytotoxiques et détruisent les cellules cibles. Ces cellules sont de deux types I produisant INF gamma, II produisant des chymokines attirant les éosinophiles
– 2 : Les formes avec vésicules : exanthème pustulaire généralisé : se développe en 48 heures, peut être confondu avec un psoriasis,
– 3 : Des réactions sévères, avec évolution possible vers le syndrome de Steven Johnson, et même le DRESS surviennent au décours d’un traitement de plusieurs semaines.
Il est important de connaître les signes de gravité que sont :
- œdème de la face,
- érythème cutané très infiltrant,
- à un stade de gravité supérieur un purpura rouge fonce, des papules douloureuses et même des bulles avec décollement de l’épiderme,
- présence de signes généraux température,
- présence d’adénopathies,
- hyper éosinophilie
- anomalies de la fonction hépatique.
Les médicaments le plus souvent responsables sont : les antiépileptiques, l’allopurinol, les anti-infectieux.
Il existe un consensus établi par des auteurs japonais sur les symptômes du DRESS.
Ici la biopsie cutanée révèle la présence de nombreux lymphocytes T activés, cytotoxiques, producteurs d’Interféron gamma et Interleukine 5.
Pour la forme grave, on retrouve souvent la présence du virus herpétique 6, ou du CMV.
– 4 : Formes graves, le risque de décès est de 30 à 40%.
Le traitement : l’arrêt du médicament responsable est controversé pour : Corticoïdes, Immunoglobulines, Cyclosporine.
Commentaire du rédacteur : dans cette présentation la différence entre Steven Johnson et DRESS a été peu faite, alors que pour de nombreux auteurs le DRESS est bien à part et survient sur un terrain particulier.
Interview en direct : Docteur Tracy Pitt de l’Université de Manitoba
Le Docteur Tracy Pitt a effectué une étude prouvant que les enfants allergiques à l’œuf pouvaient être vaccinés sans risques avec le vaccin anti H1N1.
– Docteur Pitt, avez-vous effectué cette étude à la demande des médecins qui n’osaient pas vacciner les enfants allergiques ?
- Dr Pitt : « Devant la crainte de l’épidémie de grippe H1N1 nous devions vacciner les enfants. Nous avons mené cette étude afin de prouver l’innocuité de ce vaccin contenant de l’œuf, chez les enfants allergiques à l’œuf.
Cette étude a été réalisée dans la consultation d’allergologie et immunologie clinique pédiatrique et d’adultes de l’Hôpital de Winnipeg au Canada.
Cinquante cinq patients entre 1 et 27 ans ont été inclus dans notre étude : tous avaient un diagnostic d’allergie à l’œuf, avec une histoire clinique, des tests cutanés positifs ou des IgE > 0,35 KU/l.
Les patients ont eu des tests cutanés avec le vaccin antiH1N1 et 54 d’entre eux ont eu des tests négatifs.
Chez ces patients, nous avons administré le vaccin, nous les avons surveillé 30 minutes après l’injection, et nous n’avons observé aucune réaction de type allergique. »
– Vous avez également étudié le vaccin utilisé, et il a été prouvé qu’il ne contenait que de la protéine d’œuf, ce qui représente une quantité minime.
- Docteur Pitt : « Les patients ont été rassurés de faire le vaccin sous surveillance médicale. »
Commentaire du rédacteur : la crainte de réaction à un vaccin contenant « de l’œuf » n’est pas limitée à la France.
Cette étude a aussi démontré que le vaccin contient une quantité négligeable de protéines d’œuf. On peut cependant noter que la marque du vaccin utilisé n’est pas précisée.
Tout comme l’huile d’arachide bien purifiée ne contient pas de protéines allergisantes de l’arachide, le vaccin contre la grippe H1N1 contient une quantité négligeable de protéines d’œuf.
Business Meeting : Diagnostic de l’allergie
Les Business Meeting sont des réunions souvent en petit groupe organisées par des spécialistes dans un domaine particulier, chacun souvent d’un pays différent, tous les participants ne sont pas médecins. Ces groupes de travail sont en charge pour l’EAACI de domaines spécifiques en recherche fondamentale.
Pour cette réunion diagnostic de l’allergie, les présidents de séances sont des spécialistes de l’allergie moléculaire : Pr Adriano Mari de Rome, créateur d’Allergome, et le Pr Markus Ollert de Munich
Contrôle qualité dans la synthèse des molécules pour le diagnostic de l’allergie :
Madame Fatima Ferreira , professeur en biochimie, travaillant à Salzburg en Autriche, qui a mis en évidence le Bet v1, allergène majeur du pollen de bouleau.
La qualité de l’allergène utilisé pour les tests est primordiale pour le diagnostic, et donc pour le patient.
L’allergène est mis en évidence, et sa nature et composition sont déterminées par des techniques physiques et chimiques.
La valeur antigénique de cet allergène est évaluée par sa capacité à se lier à l’anticorps.
– Contrôle qualité de la production
- Pour l’allergène, le contrôle est basé sur l’association de plusieurs techniques d’étude des protéines, pour assurer la reproductibilité.
- Pour les allergènes connus à ce jour, se pose toujours le problème d’utilisation pour les tests biologiques, de l’allergène naturel ou du recombinant de synthèse. Les deux doivent avoir la même valeur antigénique, mais parfois l’allergène obtenu à partir d’une préparation de produit naturel est selon le terme des biochimistes associé à d’autres molécules, on appelle ce phénomène « contamination ».
L’allergène recombinant est un produit de synthèse, il est « pur ».
Pour le Bet v1 : il existe une différence chimique entre l’allergène naturel et le recombinant, mais les deux ont le même pouvoir à se lier à l’anticorps.
Par contre pour le Phl p 1, allergène majeur de la phléole, il existe une différence entre le naturel et le recombinant pour le pouvoir de liaison à l’anticorps.
La source de production du recombinant est aussi importante pour obtenir un allergène de meilleure qualité, et donc améliorer la qualité du produit qui sera utilisé pour le test biologique ou la désensibilisation dans l’avenir.
En conclusion : Le lien avec le clinicien est important pour le chercheur, car il faudra affirmer la performance clinique de la molécule. Le clinicien devrait aussi être informé du mode de production de l’allergène utilisé et de la mise en place de systèmes de contrôle qualité de la production de l’allergène.
Session Posters Tests de provocation alimentaires
Une session de posters permet de voir en deux heures les dernières « nouveautés » ou études en cours sur le chapitre.
Allergie à la noisette après une épreuve de réintroduction en double aveugle à la noisette :
Mansthoff L, Flinterman, A, Akkerdaas, J, Dermatology/ Allergology, University Medical Center Utrecht, Neetherlands, Experimental Immunology Academic Medical Center Amsterdam Neetherlands,
Un enfant de trois ans a été vu en consultation avec une symptomatologie d’allergie à la noisette sans contact préalable avec la noisette.
Méthodes : L’allergie à la noisette a été vérifiée :
- par un test en double aveugle avec placebo,
- un test de provocation en ouvert avec 10 noisettes.
La sensibilité a été établie :
- par des extraits commerciaux ALK,
- par des tests biologiques CAP Phadia,
- par des dosages de recombinants Cor a 1 et Cor a 8.
Résultats :
– Avant le test de provocation les TC =7mm, CAP < 0,35 KU/L et cor a 1 et 8 négatifs.
– L’introduction de la noisette dans l’alimentation a été débutée une semaine après le test de provocation au chocolat à la noisette.
– Les symptômes sont apparus après 6 à 9 jours de prise d’aliments, consistant en toux, prurit pharyngé et même angioedème et vomissements.
– L’allergie a été confirmée 5 semaines après le test de provocation par des TC =24 mm, un CAP =29,8 kU/l, cor a 1=3,87 IU/ml et n Cor a 8 = 12,2 IU/ml.
– L’éviction alimentaire a donc été prescrite, et les tests cutanés et biologiques ont diminué de manière significative.
– Ce cas est le premier cas de survenue d’allergie à la noisette après test de provocation négatif à la noisette, décrit dans la littérature.
Conclusion :
– L’allergie à la noisette est apparue après un test de provocation, avec positivité aux principaux allergènes de la noisette Cor a 1 et Cor a 8.
– L’apparition de la positivité aux allergènes majeurs peut être une allergie nouvellement induite ou la manifestation clinique d’une sensibilisation antérieure sans manifestation clinique.
Commentaires du rédacteur : Ce cas pose le problème de la sensibilisation des tests de provocation que nous sommes amenés à effectuer.
Allergie médicamenteuse : désensibilisation rapide
Présidents de session : Dr Shuaib Nasser Grande Bretagne et Pr Pascal Demoly France
Intervenants :
– Pr Mariana Castells, Etats Unis : Chimiothérapie
– Pr Hans Jurgen Hoffmann Danemark : Immunosuppresseurs
– Pr Marek Kowalski, Pologne : AINS
Cette session a permis de mettre en avant l’importance qu’a pris l ‘allergie médicamenteuse en pratique .
Les équipes ont présenté leur expérience dans le domaine de la désensibilisation rapide pour les médicaments utilisés en chimiothérapie, les immunosuppresseurs de la classe des anticorps monoclonaux, et les AINS.
Médicaments anti cancer, médicaments immunosuppresseurs
Cette méthode est utilisée lorsqu’apparaît une réaction allergique de type immédiat ou non, hors Steven Johnson, quand le médicament en cause représente le meilleur traitement pour la pathologie en cours.
Le médicament responsable de la réaction allergique est administré selon un protocole de progression des doses sous surveillance en milieu sécurisé.
Pendant l’augmentation des doses il se produit souvent une réaction allergique.
Celle-ci est traitée par antihistaminiques, Beta 2 inhalés, cortisone et même épinephrine, puis reprise de la désensibilisation à une dose inférieure et suite de progression avec prudence et sous la même surveillance.
Une fois la dose thérapeutique atteinte le patient poursuit le traitement régulièrement, sans l’interrompre.
Commentaire du rédacteur : en France cette démarche est connue sous le nom d’accoutumance.
AINS
Le Pr. Kowalski est réputé pour ses études dans le domaine de la désensibilisation rapide à l’aspirine.
Les réactions à l’aspirine traitées par le Pr Kowalski sont asthme, urticaire, angiœdème, bien sur pas choc anaphylactique.
L’acide acétylsalicylique est un AINS agissant en inhibant la voie de la cyclo-oxygénase impliquée dans la synthèse des prostaglandines, l’autre voie de synthèse, celle de l’acide arachidonique se trouve augmentée.
De nombreux AINS ont ce mécanisme d’action, ceci explique les allergies croisées des AINS, par mécanisme d’action.
Le Pr Kowalski a rapporté une méthode thérapeutique utilisant l’aspirine dans le traitement de la polypose nasale et le syndrome de Widal (appelé en anglais AERD Aspirine exacerbated respiratory disease).
Widal lui-même a utilisé l’aspirine à petites doses dans le traitement du syndrome qui porte son nom.
Le protocole comporte une augmentation progressive des doses d’aspirine sur 3 à 5 jours, protocole comparable à celui utilisé pour les anticancéreux et les immunosuppresseurs.
La survenue de réaction allergique au cours du protocole est très fréquente, traitée par antihistaminiques, beta2 mimétiques, corticoïdes , épinephrine, puis reprise de la progression des doses.
Les doses atteintes habituellement se situent entre 200 et 300mg par jour, puis suite du traitement en continu.
L’effet secondaire le plus fréquent à long terme est digestif, et non allergique, l’association à un IPP peut être nécessaire.
En traitement protecteur, au cours du protocole de désensibilisation, le Pr Kowalski propose un anti-leucotriène, le Montelucast, qu’il poursuit parfois aussi à long terme.
Les doses d’aspirine améliorent l’asthme du syndrome de Widal, suivi sur les EFR, et aussi l’obstruction nasale avec diminution des polypes.
Le Pr Kowalski rapporte aussi l’effet positif de l’aspirine à petites doses dans l’obstruction nasale sans asthme associé, cet effet protecteur s’épuise plus souvent si symptômes ORL seuls.
Ces traitements par aspirine dans le syndrome de Widal et l’obstruction nasale sont bien surprenants pour nous, car habituellement nous contre-indiquons l’aspirine pour ces pathologies.
Pour les AINS aussi nous appelons ce protocole accoutumance.