Diagnostic étiologique d’une détresse respiratoire sifflante de l’enfant : le bon sens clinique prime.

lundi 22 juillet 2002 par Dr Alain Thillay27394 visites

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Diagnostic étiologique d’une détresse respiratoire sifflante de l’enfant : le bon sens clinique prime.

Diagnostic étiologique d’une détresse respiratoire sifflante de l’enfant : le bon sens clinique prime.

lundi 22 juillet 2002, par Dr Alain Thillay

Cette étude indienne fait le point sur la clinique des détresses respiratoires avec sifflements thoraciques en se comparant à des travaux précédemment publiés.
A lire absolument.

Évaluation clinique de la détresse respiratoire aiguë et des sifflements thoraciques chez l’enfant. Naresh Kumar dans Indian Pediatrics 2002 ; 39:478-483

Les infections respiratoires aiguës (IRA) sont responsables d’une augmentation assez importante de la morbidité et de la mortalité chez les enfants des pays développés. On estime qu’environ 13,6 % des admissions à l’hôpital et 13 % des décès des patients hospitalisés en service de pédiatrie sont dues à des problèmes anatomiques ou physiologiques du tractus respiratoire. Les détresses respiratoires accompagnées de sifflements thoraciques sont assez fréquentes chez l’enfant et posent de réels problèmes diagnostiques. Les accès de détresse respiratoire et de sifflements thoraciques dans l’enfance se voient souvent dans l’asthme, la bronchiolite et la broncho-pneumonie. Il est bien souvent difficile de faire le distinguo entre ces trois tableaux cliniques. Pourtant le traitement diffèrera, antibiotiques pour traiter une pneumonie bactérienne, bronchodilatateurs et/ou corticostéroïdes pour l’asthme et traitement symptomatique dans le cas des bronchiolites et de pneumonies virales.
Du fait de l’absence de moyens d’investigations dans la plupart des centres de soins comme les recherches virales, les tests cutanés allergéniques, les bronchoscopies et les biopsies pulmonaires, il est d’une importance cruciale de faire le diagnostic des détresses respiratoires en ayant recours aux données cliniques.
Le but de cette étude est de différencier les broncho-pneumonies bactériennes des bronchiolites ou des pneumonies virales, de l’asthme, en se basant sur les paramètres cliniques et de faire la corrélation entre les éléments de la clinique et les résultats des explorations complémentaires.

Sujets et méthodes

Cette étude a été menée chez 100 enfants âgés de 2 mois à 12 mois se présentant avec un accès de détresse respiratoire accompagné de sifflements thoraciques alors qu’ils étaient admis dans un service de pédiatrie entre 1994 et 1995. Les cas de corps étranger inhalé, de défaillance cardiaque, de maladie congénitale cardiaque, de malformations congénitales des voies respiratoires, de laryngite et de tuberculose pulmonaire étaient exclus de l’étude. Les enfants étaient supposés être en détresse respiratoire si la fréquence cardiaque dépassait 50/mn et/ou présentaient de signes divers comme le battement des ailes du nez, le tirage intercostal.
Nous avons retenu la définition suivante du sifflement thoracique (wheezing) comme l’audition des sifflements provenant du thorax audible avec ou sans l’aide d’un stéthoscope. Les cas étaient provisoirement diagnostiqués en tant que broncho-pneumonie bactérienne, bronchiolite ou asthme sur les critères cliniques suivants :

1. Broncho-pneumonie : fièvre supérieure à 37°8 avec détresse respiratoire et sifflements thoraciques.
2. Bronchiolite : absence de fièvre ou température inférieure à 37°8 avec détresse respiratoire et sifflements thoraciques.
3. Asthme : accès récurrents de sifflements et/ou antécédent familial d’asthme et de manifestations d’allergie avec détresse respiratoire et sifflements thoraciques.
4.
Dans tous les cas un traitement symptomatique était mis en place, pose d’une voie veineuse et oxygénothérapie. De même, dans tous les cas, nous avons pratiqué une numération-formule des leucocytes et une radio pulmonaire, cette dernière étant pratiquée dans les 48 heures suivant l’admission. Concernant la numération-formule des leucocytes, nous avons retenu les valeurs standards suivantes pour l’âge (2 mois à 12 mois de vie) : leucocytes totaux > 17 500 éléments par mm3, neutrophiles en valeur absolue > 8500/mm3, lymphocytes > 13500 par mm3 et éosinophiles > 400 par mm3.

Le diagnostic provisoire était revu à la lumière de la numération-formule leucocytaire. Les patients présentant une broncho-pneumonie et ayant un taux normal de leucocytes et neutrophiles étaient exclus du groupe pneumonie bactérienne, alors que les patients suspects de bronchiolite qui montraient une neutrophilie passaient dans le groupe broncho-pneumonie bactérienne. Tous les patients ont subi une radio pulmonaire, et un seul Radiologiste a lu toutes ces radios. La réponse thérapeutique en fonction du diagnostic était notée.

La sensibilité, la spécificité et la valeur prédictive positive ont été calculées à l’aide de techniques statistiques standard.

Résultats

Cent enfants âgés de 2 à 12 mois ayant souffert d’une détresse respiratoire avec sifflements ont fait l’objet de l’étude. Cinquante-deux enfants avaient une température > 37°8 et étaient ainsi considérés comme atteints de broncho-pneumonie. Quarante-huit d’entre eux avaient une température < 37°8 ou étaient non fébriles. Seize enfants présentaient des accès récurrents, dont 8 avaient des antécédents familiaux d’asthme ou de manifestation d’allergie. Les 32 cas n’ayant pas souffert d’accès récurrents étaient provisoirement classés comme bronchiolite. Quarante des 52 enfants classés initialement comme broncho-pneumonies montraient une augmentation des neutrophiles, alors que 8 cas avaient une neutrophilie normale. Ces 8 cas passaient dans le groupe bronchiolite.

Parmi les 32 cas provisoirement diagnostiqués en tant que bronchiolite, 6 présentaient une neutrophilie qui passaient alors dans le groupe broncho-pneumonie.
Parmi les cinquante examens radiologiques, ceux des enfants pour lesquels le diagnostic de broncho-pneumonie était posé finalement montraient des opacités dans les champs pulmonaires. Dans le groupe bronchiolite, 12 (35,3%) avaient des opacités pulmonaires, 15 (44,2%) des signe de distension thoracique et 7 (20,5%) une accentuation de la trame broncho-vasculaire. Seize cas du groupe asthme montraient, pour 4 (25%) une distension thoracique, pour 5 (31,2%) une accentuation de la trame broncho-vasculaire et 7 (43,8%) une image thoracique normale.

Ainsi, finalement, dans 50 cas le diagnostic de broncho-pneumonie était posé sur la base de la neutrophilie et recevaient une antibiothérapie. Tandis que 34 cas avec un taux de lymphocytes normal étaient supposés atteints de bronchiolite ou d’infection virale, ne recevaient pas d’antibiotiques mais seulement un traitement symptomatique.

Dans le groupe pneumonie bactérienne, une température > 37°8 était retrouvée chez 44 enfants (88%), tandis que 6 avaient une température < 37°8 ou étaient non fébriles. Parmi les 34 cas de bronchiolite, 26 (67,7%) avaient une température normale ou < 37°8.
La réponse à la thérapeutique étaient contrôlée dans les 2 ou 3 jours pour les cas de broncho-pneumonie, dans les 1 ou 2 jours pour les cas de bronchiolite et dans les 6 à 8 heures pour l’asthme.

Discussion

Dans cette étude, les différents tableaux cliniques étaient différenciés compte tenu de paramètres cliniques tels la fièvre, la récurrence des accès et des investigations simples comme la numération-formule des leucocytes.

Chez les enfants présentant une détresse respiratoire avec sifflements, si la température > 37°8, il faut poser assurément le diagnostic de broncho-pneumonie bactérienne et mettre en place une antibiothérapie. C’est ce que montre notre étude, 88% des enfants souffrant de broncho-pneumonie présentaient une température > 37°8 alors que 12 % seulement avaient une température<37°8. La présence de fièvre a une sensibilité de 88 %, une spécificité de 76,4% dans le diagnostic de broncho-pneumonie chez enfants souffrant de détresse respiratoire avec sifflements. Nous avons retrouvé ces données dans d’autres travaux publiés antérieurement.

La température étaient normale ou inférieure à 37°8 dans 67,7% des cas de bronchiolite, ainsi chez eux l’antibiothérapie a pu être évitée. Des antécédents de sifflements thoraciques étaient relatés chez 100 % des enfants qui avaient un asthme et dans notre étude les accès respiratoires récurrents avaient une sensibilité et une spécificité de 100%. Les antécédents familiaux d’asthme ou de manifestations atopiques étaient retrouvés chez 50% des asthmatiques, c’est donc un paramètre important. La toux est un symptôme habituel de la broncho-pneumonie, de la bronchiolite et de l’asthme. Une histoire antérieure d’infection des voies aériennes supérieures était présente dans 61,7% des cas de bronchiolite ce qui doit permettre d’évoquer ce diagnostic.

L’augmentation des neutrophiles peut être admis comme critère utile à l’identification des enfants atteints d’infection bactériennes. Cependant, la sensibilité et la spécificité de l’hyperneutrophilie dans les pneumonies bactériennes ne peut pas être accepté dans cette étude. D’autres travaux rapportent un taux de leucocyte normal ayant une spécificité et une sensibilité de 94,1 % pour la bronchiolite.
L’hyperéosinophilie étaient présentes dans 68,7% des asthmes avec une sensibilité de 68,7% et une spécificité de 100%. De fait, l’hyperéosinophilie dans le cadre d’accès respiratoires récurrents et des antécédents familiaux positifs peut être considéré comme un critère utile pour diagnostiquer un asthme chez des enfants souffrant de détresse respiratoire avec sifflements.
Les opacités au niveau de la radiographie du thorax étaient observées dans tous les cas de broncho-pneumonie et dans 35,3% des cas de bronchiolite. Elles avaient une sensibilité de 100% et une spécificité de 64,7% dans les cas de broncho-pneumonie.

Cette étude nous permet de conclure que la broncho-pneumonie, la bronchiolite et l’asthme peuvent être distingués, jusqu’à une certaine mesure, sur la base de caractéristiques cliniques comme la fièvre, les accès respiratoires récurrents, en étant aidé par des investigations simples comme la numération-formule des leucocytes. Ce constat est intéressant dans la gestion précoce et rationnelle de la thérapeutique dans ces pathologies courantes de l’enfance, d’autant plus difficile quand manque les investigations sophistiquées comme les cultures bactériennes, les études virales, la recherche d’anticorps, etc.…

Messages-clé

Chez des enfants souffrant d’accès de détresse respiratoire avec sifflements thoraciques :

 Présence d’une température >37°8, hyperneutrophilie et opacités au niveau de la radio pulmonaire sont en faveur d’une broncho-pneumonie.

 Accès respiratoires récurrents, antécédents familiaux d’asthme et de manifestations d’atopie et hyperéosinophilie suggère le diagnostic d’asthme.

 Absence de fièvre avec lymphocytose et leucocytose normales orientent vers la bronchiolite.


D’accord, ce n’est pas la découverte du siècle. D’accord, ces auteurs ne font que confirmer ce que l’on sait déjà. Mais, cette publication présente le grand intérêt de rappeler que le bon sens clinique aidé de quelques examens complémentaires simples comme une radio pulmonaire ou une NFS permet de suspecter avec une bonne valeur prédictive le diagnostic étiologique d’une détresse respiratoire sifflante de l’enfant.
Pour tous mes confrères, à imprimer et à lire tous les soirs avant de s’endormir.
Travail fondamental.

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