La mère, l’enfant, l’asthme .... et les sortilèges

vendredi 5 mars 2004 par Dr Dominique Marchand4389 visites

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La mère, l’enfant, l’asthme .... et les sortilèges

La mère, l’enfant, l’asthme .... et les sortilèges

vendredi 5 mars 2004, par Dr Dominique Marchand

Le duo mère- enfant dans l’asthme méritait une grande étude multidisciplinaire faisant la part belle à la psychosomatique, d’autant plus si la maman est atteinte de troubles dépressifs et l’enfant issu des quartiers défavorisés. Il fallait une bonne dose d’audace pour se lancer dans une telle aventure et en dresser le bilan.

La dépression maternelle et l’adhérence au traitement chez les enfants asthmatiques des quartiers défavorisés : Bartlett SJ, Krishnan JA, Riekert KA, Butz AM, Malveaux FJ, Rand CS.

Department of Medicine, Johns Hopkins School of Medicine, Baltimore, Maryland, USA. bartlett@jhmi.edu

dans Pediatrics. 2004 Feb ;113(2):229-37

 Contexte : nous connaissons peu de choses quant au retentissement de la symptomatologie dépressive des mères sur la prise en charge des enfants asthmatiques vivants dans des quartiers défavorisés.

 Objectifs : le but des auteurs était de déterminer de quelle manière les symptômes dépressifs maternels influencent l’adhérence de l’enfant au traitement, l’impact de l’asthme propre à l’enfant sur la santé de sa mère, les attitudes maternelles et croyances.

 Méthodes :

  • 177 mères de jeunes enfants mineurs asthmatiques résidants dans les quartiers défavorisés de Baltimore, Washington DC, furent enrôlées dans une étude longitudinale pendant 6 mois.
  • L’adhérence au traitement, la perte de contrôle de la maladie asthmatique, une sélection de comportements envers la maladie et le traitement de l’asthme furent mesurés.
  • Les données issues de 6 mois d’observation (N=158) furent utilisées pour l’évaluation prospective à long terme du contrôle symptomatique et du recours au département des urgences.
  • Les variables indépendantes étudiées incluaient la morbidité de l’asthme, l’âge, les symptômes dépressifs, et diverses autres données psychosociales.

 Résultats :

  • aucune différence en matière de morbidité infantile liée à l’asthme ne fut observée entre les mères avec symptomatologie dépressive élevée ou basse.
  • Toutefois, les mères avec score symptomatique élevé ont rapporté de façon significative plus de problèmes avec leurs enfants utilisateurs de systèmes d’inhalation (odds ratio [OR] :5.0 ; intervalle de confiance 95% [CI] :1.3-18.9) ainsi que plus d’oublis du traitement inhalé (OR : 4,2 ; IC 95% :1.4-12.4).
  • La symptomatologie dépressive était également associée à un plus grand désarroi émotionnel et interférait avec les activités de la vie quotidienne dont la responsabilité relevait de l’asthme de l’enfant, était associée à moins de confiance envers les traitements de l’asthme, moins de capacité à contrôler les symptômes d’asthme ou moins d’efficacité pour la gestion des épisodes aigus d’asthme.
  • De plus les mères dépressives décrivirent moins de compréhension à propos des médications de leurs enfants ou de leur utilisation (OR : 7.7 ; IC 95% :7-35.9).
  • Le niveau de référence de la morbidité de l’asthme, les scores maternels de dépression, les revenus familiaux étaient associés, quoique de façon indépendante, avec les symptômes d’asthme 6 mois plus tard, tandis que l’adhérence au traitement n’était pas prédictive de la morbidité de l’asthme ou de l’utilisation d’un département d’urgences.

 Conclusions  :

  • les symptômes maternels de la série dépressive n’étaient pas associés à la morbidité de l’asthme mais étaient associés à une pléiade de croyances et attitudes qui peuvent influencer de manière significative l’adhérence au traitement de l’asthme et la prise en charge de la maladie.
  • Identifier et diriger vers un consultant en raison d’une carence psychologique maternelle est donc important tout au long de la prise en charge du traitement d’un asthme infantile et peut faciliter une meilleure communication parent soignant, l’adhérence au traitement et la prise en charge de l’asthme chez les enfants résidants dans les quartiers défavorisés.

Le but de cette intéressante étude était donc d’analyser les interactions entre asthme infantile et symptomatologie dépressive chez la mère dans les quartiers défavorisés où règne la précarité.

Tout d’abord remarquons la prudence des auteurs qui font référence à une symptomatologie dépressive existentielle ou trouble dysthymique chez la mère et non à la dépression maternelle qui est une définition beaucoup plus restrictive selon les standards de l’American Psychiatric Association publiés dans DSM-IV, Masson, Paris, 1996.

Ce préalable posé, l’analyse des résultats est extrêmement complexe.

In fine les mères dysthymiques responsables d’enfants asthmatiques semblent plus affectées dans leur vie quotidienne que ne le sont les enfants eux mêmes puisqu’il n’existe aucune différence significative de morbidité en matière d’ asthme infantile que les mères présentent un score dépressif élevé ou bas.

De même et de façon encore plus surprenante, l’adhérence au traitement n’influait pas le niveau de morbidité ou la fréquentation des urgences ! Il est légitime de se poser la question d’une vaste hétérogénéité à l’intérieur de la population asthmatique étudiée, aucun distinguo n’apparaissant entre les asthmes occasionnels et persistants modérés à sévères lesquels sont à haut risque d’exacerbation aigue à fortiori si l’adhérence au traitement de fond inhale laisse à désirer !
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En fait c’est l’imaginaire, les fantasmes maternels (les sortilèges ?) à propos de la question de l’asthme infantile, qui sont les forces en jeu dans une telle situation, et parasitent une approche rationnelle de la maladie tant en matière de compréhension, gestion des crises, ou adhérence au traitement inhalé.

L’imaginaire des enfants et la représentation de l’image maternelle ne sont pas abordés dans l’étude mais il existe d’excellents traités et publications (www.emc-consulte.com) concernant la psychosomatique magistralement décrite par Léon Kreisler et Gérard Szwec (Traité de Psychiatrie : 37-404-A-10(1998) Paris, Elsevier) comme «  la médiatrice entre la pédiatrie, la psychiatrie et la psychanalyse, ....,discipline toujours en évolution ... [laquelle] ...a pour ambition une clinique à la fois reconnue et utilisée dans sa spécificité par les spécialistes de la psyché infantile et ouverte à la réflexion thérapeutique des praticiens de l’enfance, le pédiatre en premier lieu »

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