Ateliers sur des cas cliniques d’allergologie

lundi 8 novembre 2004 par Dr Emmanuelle Rondeleux11722 visites

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Ateliers sur des cas cliniques d’allergologie

Ateliers sur des cas cliniques d’allergologie

lundi 8 novembre 2004, par Dr Emmanuelle Rondeleux

L’ANAFORCAL a profité de la Journée Parisienne d’Allergologie Infantile pour organiser un atelier de formation continue sur la base de cas cliniques. Cette technique de formation continue reste un excellent moyen d’apprentissage. Malheureusement, il n’y avait que 20 places. Voici ce que l’on pouvait en retenir pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’y assister.

Trois cas cliniques ont servi de base à la réflexion du groupe.

Cas clinique :n° 1

 Enfant de 6 mois consultant pour un eczéma ayant débuté à l’âge de 3 mois.

 Eczéma des plis avec parfois poussées généralisée et avec xérose cutanée.

 Enfant allaité. Introduction des courgettes, des petits pois et des pommes de terre à l’âge de 5 mois.

 Antécédents familiaux : Rhinite allergique chez le père.

 Question 1 : Que prescrivez-vous lors de la première consultation ?

Il faut tout d’abord compléter l’interrogatoire qui est insuffisant notamment sur le traitement :

  • quantité de dermocorticoïdes utilisés
  • les autres mesures thérapeutiques

La résistance a un traitement correctement conduit étant un critère majeur de gravité.

Le pédiatre et le généraliste peuvent temporiser mais l’allergologue se doit de faire des prick-tests cutanés et des IgE totales et spécifiques, d’autant que l’apparition de l’eczéma durant l’allaitement strict et l’existence de poussées généralisées sont hautement évocatrices d’un facteur allergique.

La diversification progressive est poursuivie selon les recommandations liées au terrain atopique.

Des conseils sont donnés : traitement quotidien pour diminuer la sècheresse, contrôle de l’environnement, choix des vêtements et conseils de lavage ...

Une nouvelle consultation est programmée dans 1 mois.

 Le bilan montre :

Prick-tests Ige Spé
Témoin positif = 4 mm IgE totales = 152 Ku/l
Blanc d’œuf 9 mm 14,2
Protéines de lait de vache 3 mm 20,1
Blé 2 mm 2,63

 La mère désire poursuivre l’allaitement. L’enfant est amélioré après un régime d’éviction de la mère du lait et de l’œuf.

À la suite des tests cutanés et dans l’attente des IgE spécifiques un régime d’éviction du lait (lait de vache, produits laitiers et autres laits de mammifères) et de l’œuf (œuf cru et cuit) est prescrit à la mère avec une supplémentation calcique de 1 g/ jour.

La sensibilisation au blé n’a pas donné lieu à un régime d’éviction car elle est extrêmement fréquente à cet âge et souvent sans aucune pertinence clinique.

 Question 2 : Comment expliquer vous l’amélioration de l’eczéma par des manipulations diététiques chez la mère ?

Par le passage du lait de vache dans le lait maternel. L’allergie alimentaire via le lait maternel est décrite depuis 1918 !!!

Chez enfant allergique au lait de vache et allaité, les tests de perméabilité intestinale sont très pathologiques.

Ils se normalisent après une alimentation stricte par Alfaré et après éviction du lait, de l’œuf et du porc chez la mère. Par contre ces tests sont diminués mais non normalisés sous régime d’éviction du lait seul chez la mère.

 Question 3 : La taille du prick-test au lait peut-elle avoir une valeur prédictive de l’allergie ?

Oui à partir de 8 mm chez le nourrisson tous les tests de provocation orale sont positifs (6 mm après 2 ans).

 Question 4 : Le taux d’IgE spécifique peut-il aider à prédire l’allergie ?

Oui : Ce sont les scores de Sampson avec la technique Cap Pharmacia.

Valeur prédictive positive de 95 % pour des IgE spécifiques au lait de 32 ku/l avec l’étude rétrospective, 20 pour l’étude prospective, 5 kU/l pour les moins de 2 ans sur des études ultérieures, 7 ku/l pour l’œuf de poule.

Aucune valeur seuil n’a pu être définie pour le blé.

 Question 5 : Quels sont les facteurs déclenchant ou aggravant de la dermatite atopique ?

  • L’allergie alimentaire
  • Les infections, poussées dentaires
  • Le stress
  • Les irritants, savons, etc. ...
  • Les bains trop chauds
  • Chez les plus grands : les fausses allergies alimentaires

 Question 6 : Que conseillez-vous par la suite ?

  • Conseils pour la suite de la diversification
  • Même régime chez la mère qui veut allaiter un an.
  • A 1 an : Tests cutanés et IgE spécifiques à prévoir avec un test de provocation orale au lait en secteur hospitalier en fonction des IgE spécifiques.

Les IgE totales sont importantes pour l’interprétation des IgE spécifiques (intérêt du rapport).

Les patch-tests seront pratiqués en 2ème intention dans ce cas, si les prick-tests s’avèrent négatifs.

Cas clinique n°2 :

 Marie 12 ans vient pour une gêne respiratoire depuis 2 mois.

 Elle a une sensation de blocage respiratoire lors d’effort et à l’arrêt de l’effort, un blocage respiratoire et une toux le matin.

 Elle a des bâillements et raclement de gorge fréquents.

 Il n’y a pas d’antécédents familiaux.

 Sa grand-mère maternelle qui vivait au domicile familial est décédée récemment.

 Le VEMS de Marie est égal au théorique au Piko.

 Question 1 : Connaissez-vous le Piko ?

Le Piko est un débit mètre de point électronique qui donne en plus du peak flow le VEMS. Il coûte 28 euros et est remboursé depuis le 1er Novembre 2004. Il est fourni avec un support qui se branche sur l’ordinateur. Il est distribué par Dyn’air.

Il a des défauts : sa fragilité, la première mesure est souvent erronée et si on fait 3 mesures c’est la meilleure qui reste en mémoire.

 Question 2 : Quels signes respiratoires faut-il rechercher ?

Il faut faire décrire la gêne respiratoire.

Il s’agit d’un syndrome d’hyperventilation. Dans une étude publiée dans le British Medical Journal ce syndrome était associé à l’asthme dans 35% des cas pour les femmes (10 % chez l’homme).

Il existe 2 formes :

  • La forme aiguë ou spasmophilie, la moins fréquente
    • Lors d’un stress physique ou psychique déclenchant
    • Diagnostic facile
  • La forme chronique pour laquelle on retrouve souvent un retard diagnostic important
    • Signes isolés ou associés
    • Pathologies associées fréquentes (souvent asthme..)

Les signes respiratoires à rechercher dans le syndrome d’hyperventilation sont :

  • des difficultés à prendre une inspiration profonde
  • des soupirs
  • des raclements de gorge, sensation de boule dans la gorge
  • des bâillements
  • de la toux le jour ou au coucher

 Question 3 : Quels signes extra-respiratoires faut-il rechercher ?

  • Une fatigue générale ou le matin
  • Une anxiété, inquiétude
  • Des douleurs dans les articulations, les muscles
  • La peau qui gratte, de la transpiration
  • Un cœur qui bat fort
  • Des maux de tête
  • Des difficultés pour se concentrer
  • Des réveils la nuit et des difficultés à l’endormissement

 Question 4 : Des examens complémentaires sont-ils nécessaires ?

Oui, une épreuve d’effort (sur tapis roulant à l’hôpital, éventuellement course libre sur 6 minutes sinon) avec VEMS avant l’effort et à l’arrêt car il faut absolument éliminer le principal diagnostic différentiel qu’est l’asthme d’effort, d’autant qu’ici on a un blocage à la fin de l’effort.

 Question 5 : Quelle est la prise en charge ?

La prise en charge est à adapter en fonction du degré d’acception, soit

  • Consultation de contrôle du souffle (la relaxation respiratoire permet un gain de 15 à 20 % du VEMS dans les asthmes !)
  • Relaxation
  • Psychothérapie

En cas d’asthme associé, une surveillance à l’aide du Piko a tout son intérêt.

Cas clinique n° 3

 Nicolas 5 mois vient pour une allergie à ... ?

 Il a un eczéma depuis l’âge de 2 mois, peut-être généralisé, traité par émollient. Il a été mis par le médecin traitant à 3 mois sous Prégestimil.

 Il présente une conjonctivite bilatérale intermittente, un reflux gastro-oesophagien depuis l’âge de 3 mois persistant sous Prégestimil.

 Il vit dans un appartement humide. Il n’y a pas d’animaux domestiques en dehors d’un lapin. Il vit d’ailleurs dans l’ancienne chambre du lapin.

 Question 1 : Quelles formules de substitution peut-on utiliser en cas d’allergie au lait de vache ?

On ne peut qu’utiliser un hydrolysat poussé de lait mais attention, ils ne sont pas tous équivalents. Il faut utiliser un hydrolysat avec le moins possible de protéines de poids moléculaire supérieur à 1500 kDalton.

%de protéines de PM < 1500 kDa Teneur en Bêta-lactoblulines (mcg/g)
Lait de vache 117 000
Lait Maternel 0,9-1,5
Lait H.A.  ? 31 200
Alfaré 88 0,12
Peptijunior 85 0,0061
Nutramigen 95 0,014
Pregestimil 97
Prégomine 0,065
Néocate 0,0016

Tableau I : Tableau comparatif du lait de vache, du lait H.A et des hydrolysats de protéines.

Il ne faut pas utiliser de lait d’autres espèces animales car il y a un risque de réaction croisée élevé (96 %).

 Question 2 : Que peut-on dire sur l’allergie au soja et l’allergie au lait de vache ?`

Il y a 0 à 14 % d’allergie au soja en cas d’allergie au lait de vache sur les études menées en double-aveugle.

Il ne faut pas introduire de lait de soja avant 6 mois car il s’agit alors d’un début de diversification au même titre que les autres aliments.

 Question 3 : L’allergie aux hydrolysats est-elle un mythe ou une réalité ?

Il y a 3 à 10 % d’allergie aux hydrolysats en cas d’allergie aux protéines de lait de vache.

En tête, on retrouve le Peptijunior et en dernier Prégomine et Prégestimil.

On dénombre d’exceptionnelles allergies au Néocate.

 Question 4 : Quand effectuer des explorations allergologiques chez un nourrisson présentant une dermatite atopique ?

  • Impression « d’allergie » de la famille
  • Dermatite atopique modérée à sévère, surtout chez le petit enfant
  • Résistance au traitement, nécessitant un traitement « lourd » (> 30 gr de dermocorticoïdes par mois)
  • Autres pathologies associées évoquant une allergie (IgE ou non IgE médiée)
  • .... Toujours à visée pronostique (des prick-tests négatifs étant de bon pronostic) d’après F. Rancé (dit lors de la conférence de consensus) : à voir ...

 Question 5 : Peut-on avoir une allergie aux protéines de lait de vache avec des prick-tests et/ou des IgE spécifiques négatives ?

Oui dans 2 cas :

  • Allergie non IgE médiée dont l’eczéma
  • Limite des tests (voire Etude de Sporik CEA 2000)

 Question 6 : Quelles sont les indications des patch-tests au lait de vache ?

  • Des manifestations digestives chroniques et récidivantes
  • Une stagnation pondérale inexpliquée
  • Dans le cadre du bilan d’une affection respiratoire ou ORL chronique (toutefois en dernière intention dans ce dernier cas, après avoir éliminé un autre diagnostic)
  • Au cours de la surveillance des enfants mis sous régime sans lait à l’initiative du médecin traitant : à rajouter aux recommandations pour E. Bidat.

 Question 7 : Quelles sont les limites des patch-tests au lait ?

Attention en cas d’utilisation du Dialertest c’est l’allergologue qui doit faire la lecture.

Limite des patch-tests : en cas de manifestation immédiate :

VPP VPN
IgE 62 59
Prick-tests 69 95
Patch-tests 81 67

En cas de manifestation retardée :

VPP VPN
IgE 37 72
Prick-tests 41 81
Patch-tests 81 93

Plus l’enfant est jeune, moins la VPP est bonne.

 Question 8 : L’allergie au lait de vache régressant le plus souvent, quand peut-on proposer une réintroduction ?

Le test de provocation orale, en milieu hospitalier, sera fait après 6 mois d’éviction et après l’âge de 1 an.

On peut affiner la date de ce test en étudiant la diminution du taux des IgE spécifiques.

Une diminution de 90 % des IgE à 1 an a 66 % de chance de guérison.

Il faut donc absolument faire des IgE spécifiques au moment du diagnostic pour les refaire à l’âge de 1 an.

Si la diminution est faible, on attendra au moins l’âge de18 mois pour la réintroduction du lait.

Pour les allergies au lait non IgE médiée la réintroduction peut se faire à domicile mais après avoir vérifié que l’allergie est bien non IgE médiée par un bilan.

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