Désensibilisation orale à l’œuf : de plus en plus vite !

lundi 19 septembre 2011 par Dr Alain Thillay2623 visites

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Désensibilisation orale  à l’œuf : de plus en plus vite !

Désensibilisation orale à l’œuf : de plus en plus vite !

lundi 19 septembre 2011, par Dr Alain Thillay

Désensibilisation orale accélérée à l’œuf : efficacité et sécurité. : García Rodríguez, R., Urra, J. M., Feo-Brito, F., Galindo, P. A., Borja, J., Gómez, E., Lara, P. and Guerra, F. (2011),

Oral rush desensitization to egg : efficacy and safety.

dans Clinical & Experimental Allergy, 41 : 1289–1296. doi : 10.1111/j.1365-2222.2011.03722.x

 Contexte :

  • La prise en charge actuelle de l’allergie aux œufs repose sur l’éviction des œufs de l’alimentation.
  • Cela ne protège pas pour autant les patients victimes de réactions après ingestion accidentelle et de plus cela influence négativement la qualité de vie.
  • Pour résoudre ces problèmes, certains protocoles de désensibilisation ont été décrits, ils sont sûrs et efficaces, mais seulement une étude décrivant un protocole accéléré à l’œuf avec un échantillon faible de patients a été publiée.

 Objectif :

  • Évaluer la sécurité, l’efficacité et les effets immunologiques d’un protocole de désensibilisation accélérée par voie orale pour traiter l’allergie immédiate à l’œuf.

 Méthodes :

  • Des sujets de 5 ans ou plus ayant des symptômes d’allergie IgE dépendante à l’œuf de poule ont subi un schéma de 5 jours d’induction orale de tolérance et ont ensuite maintenu une consommation régulière d’œuf.
  • Les variables étudiées ont été les réactions qui se sont produites pendant la période d’induction puis du suivi et la durée de la désensibilisation.
  • La taille de la papule des prick-tests et la concentration des IgE et des IgG spécifiques du blanc d’œuf ont été mesurées.

 Résultats :

  • Vingt-trois patients, entre 5 et 17 ans (6 filles et 17 garçons), sont entrés dans le protocole.
  • Vingt (86,9%) sont parvenus à l’apport quotidien d’un œuf entier cuit, 14 d’entre eux dans les 5 jours prévus.
  • Un sujet a abandonné et deux ont vu leur protocole modifié pour un traitement plus lent en raison de réactions répétées.
  • Les réactions allergiques sont fréquentes, mais en général ont été légères.
  • Pas de réaction grave constatée.
  • Au cours du suivi d’au moins 6 mois, l’œuf est resté bien toléré par tous les patients.
  • Comparativement aux valeurs initiales, la taille de la papule des tests cutanés et les taux des IgE spécifiques du blanc d’œuf avaient diminué dès 3 mois, bien que les différences fussent seulement significatives qu’à 6 mois.

 Conclusions et pertinence clinique :

  • Le protocole accéléré décrit est utile et sûr pour atteindre la tolérance à l’œuf en quelques jours mais elle doit toujours être effectuée dans un cadre hautement surveillé.
  • Une proportion élevée de patients allergiques à l’œuf peuvent effectivement être désensibilisés à l’aide du protocole décrit, avec l’avantage de raccourcir le temps d’acquisition de la protection vis-à-vis des réactions possibles après l’ingestion accidentelle d’œuf, sans augmentation du risque par rapport aux protocoles plus lents rapportés précédemment.

Voici une étude espagnole, qui aborde la pratique avec ce protocole accéléré de désensibilisation orale à l’œuf, qui ne manquera pas d’intéresser sans nul doute les allergologues de terrain. Les protocoles existent déjà, ils sont sûrs mais fastidieux car s’étendant sur une longue période.

Les auteurs rapportent qu’il existe bien une publication proposant un protocole accéléré mais sur un échantillon de petite taille (Etude japonaise, Itoh N. et coll. sur 6 enfants présentant une allergie sévère à l’œuf, publiée en novembre 2010, 12 jours en moyenne pour obtenir la dose d’entretien).

Le but était donc de confirmer ce résultat en de vérifier la sécurité du protocole.

Vingt-trois sujets, âgés de 5 à 17 ans, ont été sélectionnés pour une suspicion d’allergie à l’œuf du fait de réactions cliniques évocatrices.

Ceux qui avaient eu une réaction sévère indiscutable n’ont pas eu à subir un test de provocation orale contrôlé.

Bien sûr l’ensemble de ces sujets ont subi tests cutanés, mesures des IgE et des IgG spécifiques de l’œuf, avant la réintroduction, à 3 semaines, à 3 mois et à 6 mois après la phase d’acquisition de la tolérance sauf pour les tests cutanés qui n’ont pas été pratiqués à 3 semaines.

La désensibilisation a été effectuée au début par blanc d’œuf cru (pasteurisé par chauffage à 57°C durant 4,25 minutes, allergénicité équivalente au blanc cru) puis par œuf entier cuit.

Le but de la désensibilisation était considéré comme atteint après la prise, en doses cumulées, de 8 ml de blanc d’œuf cru et d’un œuf entier cuit, sans réaction.

Toute la désensibilisation s’est opérée hors prise d’anti-histaminique pour ne pas masquer la moindre des réactions, ce qui peut expliquer la haute fréquence de réactions secondaires qui resteront légères.

Un patient, garçon âgé de 14 ans souffrant d’asthme et ayant des IgE spécifiques du blanc d’œuf >100 kU/L, a dû abandonner la désensibilisation du fait de réactions répétées à la même dose de blanc d’œuf.

Deux patients sont passés à un protocole plus lent pour obtenir la tolérance à 60 jours pour l’un et 80 jours pour l’autre ; l’un d’entre eux avait eu une réaction anaphylactique à l’œuf.

A noter l’absence de réactions graves sur l’ensemble de cette population.

Après les 5 jours initiaux, les patients qui toléraient un œuf entier, se devaient de manger un œuf entier cuit chaque jour durant 3 mois ; ils pouvaient manger dans le même temps toute préparation alimentaire susceptible de contenir de l’œuf.

Ensuite, après 3 mois, ils étaient encouragés à manger un œuf entier toutes les 48 heures, puis à 6 mois, un œuf entier toutes les 72 heures.

Cette étude confirme donc l’étude japonaise sur l’efficacité de la désensibilisation orale accélérée à l’œuf, ici encore plus rapidement en 5 jours, et sa sécurité à condition d’être pratiquée dans des conditions optimales de sécurité, à l’hôpital dans un service où le personnel est rompu à la surveillance et au traitement des risques de réactions allergiques sévères.

Dans ce travail, les auteurs ne sont pas facilité la tâche.

En effet, les patients sont âgés de 5 ans et plus, période de la vie où la tolérance est plus difficile à obtenir et où le risque de prise accidentelle est plus grand.

Les auteurs, pour des raisons éthiques et de sécurité, n’ont pas pratiqué de test de provocation chez les patients qui montraient des IgE ou des tests cutanés suggérant une allergie symptomatique.

Ceci pourrait être considéré comme une limite de l’étude, certains patients auraient pu ne pas réagir lors du TPO.

Toutefois, chez la majorité de ces patients il a été rapporté des réactions durant la procédure de désensibilisation confirmant ainsi une allergie symptomatique à l’œuf.

Autre limite à cette étude, c’est évidemment l’absence de groupe de contrôle.

Pourtant, on voit mal des patients allergiques à l’œuf se désensibiliser naturellement en 5 jours.

Il serait intéressant d’évaluer sur le long terme la réponse immunologique à l’œuf à la fois chez des patients désensibilisés et chez des patients d’un groupe contrôle.
En définitive, ce travail me convainc totalement.

Je suis heureux de voir les protocoles se raccourcir de plus en plus tout en gardant une grande sécurité.

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