Pr Frédéric De Blay : Faut-il avoir des animaux à poils ?

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Pr Frédéric De Blay : Faut-il avoir des animaux à poils ?

Pr Frédéric De Blay : Faut-il avoir des animaux à poils ?

lundi 8 septembre 2003, par Pr Frédéric de Blay

Les divers articles parus dans la presse "grand public" de ces derniers mois ont conduit le Pr Deblay à nous proposer une mise au point sur le rôle de la présence des chiens et des chats au domicile des jeunes enfants sur le développement de l’allergie.

En fait, la présence d’animaux au domicile des enfants peut-elle jouer sur l’apparition d’une sensibilisation ou sur l’apparition d’un asthme ?

Quelles sont les études publiées sur un effet protecteur des animaux sur l’apparition d’une sensibilisation ?

 En 99 un article paru dans Clinical Experimental Allergy montrait que les enfants qui avaient été exposés au chat dans la prime enfance avaient moins souvent un test cutané positif lorsqu’on les examinaient à l’âge de 12 ans. Mais si on excluait de l’étude ceux qui s’étaient séparés du chat à cause de leur allergie, la différence n’était plus significative. Par contre, le chien ne semblait pas exercer d’effet protecteur.

 La même année 99, une autre équipe a étudié les données issues d’une population européenne adulte de 13509 individus. Elle retrouvait que la présence d’un chat dans l’enfance semblait corrélée à une moindre sensibilisation aux allergènes de chat à l’âge adulte. Cet effet "protecteur" serait d’ailleurs d’autant plus marqué chez les personnes atopiques.

 Dans une autre étude de 2001, les auteurs notaient que la présence d’un chat ou d’un chien dès la naissance était associé à une diminution de la fréquence d’eczéma atopique, particulièrement chez les enfants dont les parents avaient un terrain allergique.

 Il faut aussi rappeler un travail de 2000 qui s’était attaché à comparer la sensibilisation des enfants et adolescents selon qu’ils vivaient à la ferme prêt d’animaux quels qu’ils soient, ou loin de tout contact animal. Il existait une fréquence moins importante de tests cutanés positifs chez les jeunes "fermiers" que chez les "citadins".

Les études publiées sur l’influence de l’exposition précoce aux animaux dans l’apparition de l’asthme ?

 L’étude de 99 de Hesselmar et al montrait que la présence d’un chat au domicile dans les premières années de vie avait un effet protecteur dans l’apparition de l’asthme lorsque l’on étudiait une population d’enfants de 12-13 ans, même après l’exclusion des personnes qui s’étaient débarrassé de l’animal en raison de l’allergie de leur enfant.

 En ce qui concerne le chien, une étude publiée en 2001montrait que les enfants qui étaient en contact, tôt dans leur vie, avec un chien avaient moins fréquemment de l’asthme. Cette différence n’était cependant pas retrouvée si leurs parents n’étaient pas asthmatiques.

Que faut-il en penser ?

 Il existe deux types d’études médicales :
* les études rétrospectives qui recherchent "à postériori" les effets d’un paramètre sur l’état de santé d’une population,
* Les études prospectives qui étudient l’influence de certains paramètres sur la santé future d’une population.
* Les études prospectives sont les plus fiables dans la mesure où l’on peut être sûrs que les paramètres étudiés sont recueillis de manière fiable. Lors des études rétrospectives, il peut exister des facteurs concomitants influençant le résultat mais qui ne sont pas pris en compte lors du recueil des données qui a lieu plusieurs années après.

 La littérature qui s’est penchée sur l’influence de la présence d’animaux au domicile est essentiellement rétrospective sauf l’étude de Martinez et al.
* Dans cette étude, le rôle protecteur de l’exposition précoce aux animaux dans l’apparition de l’atopie n’a pas été retrouvé. Ainsi, le seul travail ayant mis en évidence une relation inverse entre exposition précoce aux allergènes de chat et la fréquence de tests cutanés positifs à cet allergène est une étude rétrospective.
* En revanche, sur la même population, Martinez et Al. montrent un effet protecteur de la présence d’un chien sur le développement de l’asthme mais uniquement chez des enfants non prédisposés génétiquement à en avoir.

 Certaines équipes ont aussi évoqué un effet de l’exposition précoce aux animaux sur la modulation de la sensibilisation.
* Une étude prospective publiée en 2000 dans le Lancet a démontré un lien entre l’exposition aux allergènes de chat et la sensibilisation IgE dépendante sans qu’il n’y ait réellement de relation dose-réponse.
* Comme pour l’effet protecteur de l’exposition précoce aux allergènes de chat et de chien dans l’apparition de l’atopie, les données obtenues lors d’une étude transversale sont contredites par d’autres obtenues lors d’une étude prospective.

 Lien entre exposition précoce aux animaux et apparition de l’asthme.
* Une méta-analyse, étude analysant les résultats de 32 publications sur le sujet, a tenté d’en faire la synthèse.
** Avant l’âge de 6 ans, il n’y aurait pas d’influence,
** L’exposition aux animaux tôt dans la vie augmenterait très légérement le risque d’asthme et de sifflements respiratoires après l’âge de 6 ans.
** Les auteurs soulignent qu’une grande hétérogénéité des études rend l’interprétation difficile.
** Le fait que les travaux ne tiennent pas compte du biais représenté par la prise en compte des personnes qui se sont séparées de leurs animaux quand elles ont appris qu’elles étaient allergiques, les rend aussi moins fiables.
** La mesure des concentrations réelles d’allergènes de chat et de chien a été réalisée dans des échantillons de poussière alors qu’il est admis maintenant qu’il faut les mesurer dans des échantillons aériens.
** Enfin, le rôle éventuel de cofacteurs aussi importants que le tabagisme passif ou l’exposition au formaldéhyde n’a pas été pris en compte.

 Par contre, il est maintenant admis que l’exposition des sujets allergiques aux allergènes de chat et de chien est un facteur de risque d’asthme et d’hyper-réactivité bronchique.

 Il existe un lien statistique évident entre exposition au chat et au chien, sensibilisation aux allergènes d’animaux domestiques et asthme.

Que peut-on conclure ?

 Les données de la littérature sur l’effet protecteur de l’exposition précoce aux allergènes de chat et de chien sont à la fois peu abondantes et contradictoires.
 Ces études sont le plus souvent rétrospectives et sont pratiquement à chaque fois contredites par des études prospectives.
 Si la présence de grandes quantités d’allergènes chat ou chien dans les premières années de vie d’un enfant a un effet protecteur, il n’existe aucun argument scientifique pour qu’un tel phénomène perdure dans les années suivantes.

Ainsi, avant de proposer l’acquisition d’un animal à poils à des parents atopiques, il faudra lui dire que personne ne peut affirmer la réalité de la protection et sa durée. Par contre, il est démontré chez un sujet sensibilisé et l’exposition à un allergène animal augmente fortement le risque de développer un asthme allergique.

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