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Podcast : allergie à l’arachide
samedi 1er mars 2025, par
L’allergie à la cacahuète, également appelée allergie à l’arachide, concerne environ 1% des Européens. De 0,5 à 1% des adultes et de 1 à 2% des enfants. Ce podcast vous emmène découvrir ce que vous devez savoir sur cette maladie. Vous trouverez ici la retranscription si vous préférez le texte.
Aujourd’hui, nous allons parler de l’allergie à l’arachide qui est également connue sous le nom d’allergie à la cacahuète.
Lors de son apparition en France il y a 30 ans cette allergie était redoutée de tous. Aujourd’hui, elle est presque devenue banale si l’on en croit les discussions entre parents devant les écoles.
C’est quelque chose de terrible à écrire car il faut bien entendre que c’est une allergie qui tue entre 50 et 100 personnes chaque année aux États-Unis. Mais c’est là-bas, ailleurs. Et là-bas, tout est excessif, tout est majoré alors nous, en France on est à l’abri.
Pas du tout. S’il n’y a pas de mort en France pour l’instant c’est simplement parce que la prévalence de cette allergie chez nous est inférieure à celle des Etats-Unis d’Amérique et qu’il y a par conséquent moins d’allergies graves. Mais cette prévalence augmente : 0,4% des enfants étaient atteints en 1997 là-bas pour 1,4% aujourd’hui. Le Royaume-uni à la même prévalence qu’aux Etats-Unis et la France et l’Allemagne moitié moins.
Comme cette prévalence augmente également chez nous, des décès sont à redouter dans le futur pour nous également. D’ailleurs, en 2010, le réseau d’allergo-vigilance déclarait qu’une anaphylaxie alimentaire sur neuf était liée à la prise de cacahuète.
En 1997, j’ai fait le premier projet d’accueil individualisé de Bordeaux pour Pierre. Un petit bonhomme de presque 6 ans qui était tout désolé de ne plus pouvoir chiper les Curly dans le plat sans se trouver couvert d’urticaire. Pierre souffrait d’eczéma atopique et les poussières de biscuit à la cacahuète qu’il affectionnait tant venaient se déposer sur une peau abîmée, inflammée le rendant allergique à la cacahuète.Pierre qui était très embêté par cette nouvelle, demanda aussitôt à sa maîtresse madame Martin s’il était allergique à Rachid. Son copain Rachid, oui. Alors, depuis, je dis aux enfants qu’ils sont allergiques à la cacahuète : évitons les malentendus.
En Europe, ce sont aux anglais que l’on doit les plus belles études sur l’allergie à la cacahuète qui ont démontré l’importance de l’introduction alimentaire précoce pour diminuer le risque d’allergie.
En effet, les petits anglais à qui l’on donne une cuillerée de beurre de cacahuète dès quatre mois, plusieurs fois par semaine, ont moins de risque de devenir allergique à la cacahuète que ceux qui ne le font pas. Il s’agit d’induire de la tolérance aux protéines de cacahuète avant que le corps n’ait décidé de faire de l’allergie. Et chez les anglais, ça fonctionne.
Pas chez les grecs. Chez eux, il n’y a pas de différence : pas plus, pas moins. Pourquoi ? Souvenez-vous : vous devenez allergique à ce à quoi vous êtes exposé. Si dans votre milieu familial il y a dans l’air de nombreuses molécules de cacahuète, vous avez un risque supérieur d’y devenir allergique. C’est le même principe qui fait que vous avez plus de probabilité de devenir allergique au chat si vous en avez un que si vous n’en avez pas. Chez les grecs, la cacahuète, c’est pas trop dans leur culture. Alors que les anglo-saxons, qui aiment mimer nos amis Américains, sont bien plus soumis à ces allergènes. Il y a donc bien plus d’allergiques chez eux et la prévention par induction de tolérance à un sens chez eux.
Revenons un instant à la botanique : la cacahuète est issue de la plante arachis hypogea, une fabacée, qui fait de jolie fleurs jaunes. Elle est très cultivée en Chine, en Afrique et aux Etats-unis). On déterre la plante pour ramasser les bulbes dans les racines qui sont nos cacahuètes.
- Les chinois et les africains y sont peu allergiques : ils la mangent bouillie dès leur premier âge. Ils n’ont pas attendu les conseils des anglais…
- À la réunion, on parle de pistache pour parler de cacahuète : attention c’est un piège ! Le rougail pistache que vous allez mettre sur votre riz, c’est de la cacahuète…
- Aux Etats-Unis les fameuses « peanuts » sont des « trois fois rien » : cela va du comic strip de Charlie Brown au truc à grignoter avec parfois de la cacahuète. Ce sont des légumineuses et pas du tout des fruits à coque (puisque ce ne sont pas des fruits). On est allergique à la cacahuète ou à l’arachide et non pas « aux arachides ».
Enfin, le profil d’allergie varie selon les molécules allergisantes que votre système immunitaire aura choisi.
Quelles sont les molécules allergisantes de la cacahuète ?
Plusieurs protéines allergéniques ont été identifiées dans l’arachide, parmi lesquelles Ara h 1, Ara h 2, Ara h 3, Ara h 6, et Ara h 8 sont les plus importantes.
- Ara h 1 qui pèse 71 kilo dalton et comporte une vingtaine d’épitopes est une viciline glycosylée. Elle est source d’allergies croisées entre légumineuses.
- Ara h 2 est une 2S albumine de 17 kD et elle est 10 à 100 fois plus active qu’Ara h 1 et Ara h 3 en histamino-libération.
-* Ara h 3 est une protéine de 14 kD dérivée d’une 11S globuline qui a une structure de type légumine, protéine de réserve qui aide à stocker l’énergie pour la graine. Elle a une forte homologie avec les pois et le soja. - Ara h 6 est une conglutine de 15 kD ayant 59% d’identité avec Ara h 2, et croisant d’ailleurs avec ce dernier. Si elle est deux fois moins histamino-libératrice, elle le reste cinq fois plus qu’Ara h 1 et 3.
- Ara h 8 est une PR-10, une protéine liée aux pollens de bouleau, responsable de réactions croisées avec certains fruits et légumes.
Ces protéines varient dans leur sensibilité à la chaleur.
- Par exemple, Ara h 2 et Ara h 6 sont thermorésistantes, ce qui signifie qu’elles peuvent survivre à la cuisson et donc rester allergéniques même après traitement thermique des aliments contenant de l’arachide. Elles sont surexprimées dans la graine si celle-ci est grillée par rapport à la cacahuète bouillie.
- Ara h 8, la PR-10, est thermolabile comme les autres PR-10, ce qui signifie qu’elle est détruite par la chaleur, expliquant pourquoi certaines personnes allergiques au pollen de bouleau peuvent tolérer les arachides cuites.
Alors votre allergologue qu’est-ce qu’il va chercher ?
- D’abord il va faire un test cutané. Si je mets de la cacahuète sur la peau et que je mets au contact des cellules de l’allergie, il se passe quoi en vrai. Pas dans un tube à essai, en vrai dans la vraie vie. C’est déjà la première idée de l’importance de la réaction : s’il ne se passe rien sur votre peau, l’allergie est douteuse… Si le test est positif alors que vous mangez de la cacahuète sans réagir : vous êtes probablement pollinique et pas allergique à la cacahuète.
- En biologie, on va souvent doser les IgE anti-cacahuète totale car il y a de nombreuses études qui classent les allergiques à la cacahuète selon leur taux sanguins de ce dosage. Ce n’est plus systématique car de nombreuses autres études critiquent le peu de pertinence de ce dosage pour affirmer une allergie à l’arachide avec plus de 20% d’allergiques dont les taux sanguins seraient inférieurs à 0,35ku/l donc théoriquement négatifs.
- On va doser au moins Ara h 2 et 6 car ceux-ci sont davantage liés à la gravité de l’allergie.
- Si vous avez des symptômes avec des légumineuses également (haricot, pois, lentilles, soja) on dosera également Ara h 1 et 3.
La cacahuète donne des réactions croisées variées.
- Commençons par Ara h 8, la PR-10 : Si vous êtes réactifs aux PR-10 c’est le plus habituellement que vous êtes allergique aux pollens de bétulacées : bouleau, aulne, charme, noisetier…
La cacahuète cuite ne vous fera jamais rien car elle n’en contient plus, la protéine est thermolabile. - Ara h 3 croise avec Co a 9 de la noisette et est homologue de nombreuses molécules allergisantes des légumineuses, comme Ara h 1.
- Ara h 2 et 6 ne semblent pas croiser avec d’autres molécules allergisantes et sont donc assez spécifiques de la cacahuète si l’on excepte une publication qui retrouve une réaction croisée d’Ara h 2 avec l’amande.
- Sans que l’on sache toujours bien par le biais de quelle molécule la cacahuète donne d’authentiques réactions croisées avec des fruits à coque : amande, noisette mais également noix, pignon de pin, noix de coco, noix de pécan etc.
Comment traite-t-on l’allergie à la cacahuète ?
D’abord c’est l’éviction bien sûr. Mais en 25 ans, nous sommes passés de l’éviction stricte à l’éviction de la quantité de protéine qui déclenche les symptômes : vous vous souvenez ? la fameuse dose seuil.
Souvent établie par un test de provocation qui fait à la fois le diagnostic et la détermination de la dose seuil, il est parfois estimé au doigt mouillé par la quantité qui a déclenché la réaction grave en comparaison aux quantités habituellement consommées sans réagir.
L’éviction aujourd’hui, se limite à la quantité réactogène. Dans la plupart des cas, les traces sont conservées et pour mémoire : l’huile d’arachide industrielle ne contient que très peu de molécules allergisantes, son éviction ne sert souvent à rien.
Ensuite, c’est le bilan et les conséquences des allergies qui va décider.
Bien souvent il va s’agir de repousser le seuil de tolérance à des quantités compatibles avec une vie normale sans accident allergique.
Cela se fait de plusieurs manières différentes et en France en 2025, seule la première est courante :
- artisanale : le biscuit soufflé à la cacahuète coupé en morceaux en dessous du seuil réactogènes en milligrammes de cacahuète que l’on dépose sous la langue trois fois par semaine au moins, et que l’on recrache après.
- industrielle sous deux formes :
- des comprimés de cacahuète, c’est la version professionnelle du bricolage ci-dessus. Les allergènes sont standardisés, quantifiés et préparés pour un usage optimal. C’est environ 1000 fois plus cher que la version artisanale.
- un patch à la cacahuète : il diffuse les molécules allergisantes au travers de la peau et évite les réflexes nauséeux. Il s’accompagne par contre souvent d’eczéma sous le patch.
Le problème de ces réintroductions c’est la tolérance et l’assiduité.
Pour la tolérance, il faut s’aider des médicaments à disposition pour empêcher que les prises ne soient pas bien supportées. L’autorisation aux Etats-Unis des anti-IgE comme outil pour améliorer la tolérance des plus réactifs nous donne l’espoir que l’Europe suive bientôt.
Pour l’assiduité, tous les parents savent la difficulté qu’il y a à faire prendre régulièrement quelque chose à leur enfant. S’il s’agit de quelque chose dont ils n’aiment pas le goût, l’odeur et qui les a déjà envoyé à l’hôpital dans un sale état, la lutte est parfois rude.
Et la désensibilisation alors ?
Elle n’existe pas pour les aliments pour l’instant. Des essais avaient faits autrefois en injectable, il y a eu un mort, l’essai a été arrêté. Et en sublinguale ? ça revient aux protocoles d’induction de tolérance.
Mais c’est quoi la différence alors entre l’induction de tolérance et la désensibilisation ?
Le début c’est la même chose : on habitue le corps à supporter des doses significatives de l’allergène et on maintient dans le temps le contact.
Pour la désensibilisation, aux acariens, aux pollens : on l’arrête au bout de 3 à 5 ans avec un effet de protection durable pour des années (au moins dix) dans la majorité des cas.
Pour l’induction de tolérance, il faut poursuivre les prises à vie, sinon la tolérance est perdue en quelques mois…
Pourquoi ? Comment ça se fait ? je n’ai pas la réponse.
Peut-être y a t il quelque mécanisme dans l’allergie alimentaire qui empêche la tolérance de s’installer de manière durable ?
Peut-être les allergiques alimentaires ont ils une immunité particulière ?
En résumé,
- l’allergie à la cacahuète c’est de plus en plus fréquent et, Outre Atlantique, c’est mortel pour une centaine de personnes par an.
- La prévention est utile si dans votre culture la cacahuète est très présente dans l’habitat. Elle se fait par une diversification précoce avec introduction de la cacahuète dès quatre mois.
- Les molécules de l’allergie grave à la cacahuète ce sont Ara h 2 et Ara h 6 et celles qui croisent avec les légumineuses ce sont Ara h 1 et Ara h 3.
- L’induction de tolérance c’est ce qui va permettre de vivre une vie sans trop de risque d’allergie grave. La difficulté c’est l’assiduité aux prises et les enfants sont assez résilients aux exigences parentales.
On espère voir arriver des outils thérapeutiques avec des comprimés de cacahuètes et des anti-IgE mais le coût est important.
Dans le prochain épisode, nous parlerons de l’allergie aux pollens.
Belle journée à vous les amis, prenez soin de vous.
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