Alpha-Gal et gélatine : il fallait y penser !

jeudi 3 mai 2012 par Dr Céline Palussière4356 visites

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Alpha-Gal et gélatine : il fallait y penser !

Alpha-Gal et gélatine : il fallait y penser !

jeudi 3 mai 2012, par Dr Céline Palussière

Relations entre l’allergie à la viande et la sensibilisation à la gélatine et au galactose-α-1,3-galactose. : Raymond James Mullins, Hayley James, Thomas A.E. Platts-Mills, Scott Commins

dans The Journal of Allergy and Clinical Immunology - May 2012 (Vol. 129, Issue 5, Pages 1334-1342.e1, DOI : 10.1016/j.jaci.2012.02.038)

 Contexte :

  • Nous avons observé des patients cliniquement allergiques à la viande rouge et à la gélatine alimentaire.

 Objectifs :

  • Nous décrivons une analyse prospective de la pertinence clinique de la sensibilisation à la gélatine, la valeur prédictive positive d’un test positif, et un examen des relations entres les réactions allergiques à la viande rouge et la sensibilisation à la gélatine et au galactose-α-1,3-galactose (α-Gal).

 Méthodes :

  • Des patients adultes évalués au cours de la période 1997-2011 pour une suspicion d’allergie ou d’anaphylaxie à des médicaments, à des venins d’insectes ou à des aliments, ont subi des tests cutanés avec un colloïde de gélatine.
  • Les tests in vitro (immunoCAP) étaient réalisés lorsque cela était possible.

 Résultats :

  • Des résultats positifs pour le test à la gélatine étaient observés chez 40 des 1335 sujets testés :
    • 30 de ces 40 patients avaient une allergie à la viande rouge (et 12 présentaient également une allergie clinique à la gélatine),
    • 2 patients sur les 2 qui souffraient d’une anaphylaxie induite par une allergie au colloïde de gélatine,
    • 4 sujets sur les 172 souffrant d’une anaphylaxie idiopathique (qui tous ont eu un test de provocation intraveineux positif entre 0,02 et 0,4g),
    • et 4 sujets parmi 368 patients souffrant d’allergie médicamenteuse.
  • Les résultats du test étaient négatifs chez tous les patients souffrant d’allergie aux venins (n=241), d’allergie liée à des aliments végétaux (n=222), et de désordres divers (n=290).
  • Les résultats en ImmunoCAP étaient positifs pour les α-Gal chez 20 des 24 ayant une allergie à la viande, et chez 20 des 22 patients ayant des tests cutanés positifs pour la gélatine.
  • Les résultats des tests cutanés pour la gélatine et de la recherche d’IgE anti- α-Gal étaient fortement corrélés (r=0,46, p<0,01).
  • Les α-Gal étaient détectés dans les colloïdes de gélatine bovine, par inhibition RIA, à des concentrations allant de 0,44 à 0,52 µg/g de gélatine.

 Conclusions :

  • La plupart des patients allergiques à la viande rouge étaient sensibilisés à la gélatine, et certains d’entre eux étaient allergiques cliniquement aux deux.
  • La détection d’α-Gal dans la gélatine et la corrélation entre les résultats des tests pour α-Gal et la gélatine évoque la possibilité que l’ α-Gal soit la cible de la réactivité à la gélatine.
  • Les relations pathogéniques entre les morsures de tiques et la sensibilisation à la viande rouge, à α-Gal, à la gélatine (avec ou sans réactivité clinique) demeurent incertaines.

Quel est le point commun entre une allergie à la viande et une allergie médicamenteuse ? La gélatine bien-sûr !

D’après cette étude, il va nous falloir y penser... et une fois de plus rechercher une réactivité vis à vis des sucres...

La gélatine, mélange de protéines dérivées du collagène, est en effet contenue dans certaines viandes et certains poissons. Les cas d’allergie reposant sur la gélatine demeurent rares, mais ils peuvent être sévères.

La gélatine est également utilisée dans l’industrie pharmaceutique, sous diverses galéniques, ainsi que dans certains solutés de remplissage.

Les auteurs de cette étude ont ainsi cherché à établir le lien entre une réactivité cutanée et sérique à la gélatine et diverses allergies. Ils se sont aussi penchés sur la réactivité au sucre α-Gal, qui semble présent dans la gélatine.

Sur plus de 1300 sujets testés, la réactivité cutanée à la gélatine était retrouvée chez de nombreux patients souffrant d’allergie à la viande rouge (30 sur 40).

L’allergie médicamenteuse reposant sur la gélatine restait rare, avec seulement 4 positivités sur les 360 sujets testés.

Chez ces patients, la grande majorité possédait des IgE vis à vis de l’α-Gal.

Les résultats étaient beaucoup plus anecdotiques chez les patients souffrant d’allergie aux aliments végétaux, aux venins, ou d’anaphylaxie idiopathique.

Il existait une forte corrélation entre les tests cutanés positifs pour la gélatine et la présence d’IgE vis à vis de l’ α-Gal.

Même si le schéma de cette étude peut sembler particulier, les conclusions en sont tout à fait intéressantes.

En extrapolant les résultats, les auteurs évoquent ainsi la possibilité que la réactivité vis à vis de la gélatine repose sur l’ α-Gal.

L’allergie à ce sucre d’origine animale pourrait ainsi rendre compte de réactions parfois sévères liées à la consommation de viande rouge, ou à la prise de certains médicaments contenant de la gélatine. Elle pourrait même expliquer certaines anaphylaxies étiquetées idiopathiques.

La pertinence clinique de la réactivité à l’ α-Gal est maintenant démontrée par de nombreuses études. Ces travaux ouvrent encore le champ des réactions potentiellement imputables à ce sucre.

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