Podcast : la rhinite allergique

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Podcast : la rhinite allergique

Podcast : la rhinite allergique

vendredi 1er août 2025, par Dr Philippe Auriol

Aujourd’hui, je vais vous parler de la rhinite allergique.

« Non mais arrête, il a juste un rhume ! ». C’est vrai que cela peut paraître banal, sans intérêt, même les médecins ont tendance à banaliser le « rhume ». Un nez qui coule, un nez bouché, des éternuements ? Rien de bien méchant…ça encombre les consultations des médecins traitants qui ne savent souvent pas quoi en faire… Et pourtant…nombre de ces « rhumes » sont en réalité des rhinites allergiques et les négliger ce n’est pas vous rendre service. Et le médecin traitant qui passe à côté et condamné à les voir encombrer de plus en plus souvent ses consultations. Souvenez vous : au moins 20 de la population Française souffre aujourd’hui de rhinite allergique.

La rhinite allergique, c’est ce cousin mal aimé du rhume banal. Elle s’installe, revient chaque année, ou pire : elle ne repart plus. Elle impacte le sommeil, perturbe les cours ou les réunions, ruine les sorties, et vous oblige à dormir la bouche ouverte, avec cette impression permanente d’être “enrhumé”.

Elle est la manifestation la plus fréquente de l’allergie respiratoire. Et elle n’est pas anodine : elle précède, accompagne ou favorise l’asthme. Elle maintien une inflammation des voies respiratoires qui peut, à tout moment, s’accompagner d’asthme. La rhinite n’est pas un détail, c’est souvent le prologue d’un drame respiratoire.

Alors aujourd’hui, je vous explique pourquoi votre nez est un organe de haute technologie, pourquoi il mérite mieux que du mépris, et surtout comment retrouver une respiration saine et silencieuse.

Le nez, ce héros oublié

Il est en première ligne, là, au milieu du visage. Imaginez une centrale de traitement de l’air. Une station de filtration, d’humidification et de réchauffement qui prépare chaque litre d’air avant son arrivée dans vos poumons.

Ce n’est pas de la science-fiction, c’est votre nez. Et imaginez que quand il a été conçu, il a été fait pour des quadrupèdes : le sang va du bas du nez vers le haut du nez, et normalement, les sécrétions s’écoulent mécaniquement vers le bas, vers le sol quoi. Sauf qu’un jour nous nous sommes mis debout et le nez coule… en arrière de la gorge provoquant un raclement de gorge appelé hémage.

Les narines sont les portes d’entrée du nez. La cloison nasale divise le flux en deux parts plus ou moins égales (vous avez hérité du nez de papa ? Pas de chance). A l’intérieur du nez, les cornets — trois structures recouvertes de muqueuse, enroulées comme des escargots, qui créent un mouvement tourbillonnaire de l’air inspiré.
Ce vortex fait entrer l’air dans les sinus ce qui permet :

  • de piéger les poussières, pollens et particules fines sur un tapis de mucus,
  • de réchauffer l’air froid grâce à une circulation sanguine intense,
  • et d’humidifier l’air sec pour éviter d’assécher la trachée et les bronches.

Cette mécanique fine est orchestrée par une muqueuse qui ressemble beaucoup à celle de la bouche : fine, vascularisée, vivante. Elle réagit au quart de tour à toute agression. Au chaud, au froid, au soleil, au courant d’air, au sol froid : déclenchement immédiat de l’éternuement suivi du nez qui coule. Réflexe de protection d’un nez irrité.

Lorsque cette muqueuse est enflammée — ce qui est le cas dans la rhinite allergique — tout se dérègle : les cornets gonflent, les sécrétions s’emballent, les cils vibratiles ne battent plus. Résultat : vous parlez du nez, vous dormez mal, vous respirez par la bouche. Vos rhumes n’ont jamais de fièvre ? Le nez vous démange ? C’est probablement allergique.

Chez l’enfant, c’est encore plus embêtant car la respiration buccale entraîne :

  • une croissance du visage déséquilibrée (mâchoire étroite, palais ogival),
  • des troubles orthodontiques sévères,
  • des ronflements, voire un syndrome d’apnées du sommeil,
  • une mauvaise oxygénation nocturne, avec fatigue dans la journée, troubles de l’attention et baisse des performances scolaires.

Et je ne vous parle même pas du pauvre petit qui se fait harceler par ses parents et ses enseignants : « mais mouche toi ! » « Tu ne sais pas te moucher ? ». Alors, comment dire, hum, chers adultes : cet enfant devant vous a le nez bouché non pas par des sécrétions épaisses qu’il aura avantage à moucher, non. Ses sécrétions, elles, sont comme de l’eau et à peine les a t il mouchées qu’elles se reforment… Non, en réalité il a le nez bouché parce que l’intérieur de son nez (ses cornets) est gonflé. Alors se moucher, comment dire… juste : fichez lui la paix et orientez le vers un allergologue.

En plus vous le savez que sa rhinite est allergique car vous l’entendez. Si si, écoutez : les bruits qu’il fait en se grattant la gorge avec sa langue. Etrange hein ? Oui, c’est galère pour lui, vraiment.

Une maladie fréquente, mais banalisée

On estime que 20 à 30 % de la population française souffre de rhinite allergique. Et ce chiffre grimpe chez les adolescents et jeunes adultes.

Elle peut apparaître dès l’enfance, parfois se manifester plus tard, j’ai même vu des personnes âgées de plus de 80 ans démarrer de véritables pollinoses. Son expression varie : éternuements en salve, démangeaisons du nez, du palais, de la gorge, nez bouché, écoulement clair comme de l’eau, voire conjonctivite associée. Elle peut être saisonnière (pollens), ou persistante (acariens, moisissures, poils d’animaux).

Mais malgré sa fréquence, elle reste sous-diagnostiquée et sous-traitée. Pourquoi ?

Parce qu’on la confond avec un rhume, ce fameux rhume banal. Parce qu’elle est “tolérée” comme une fatalité. Parce que les patients ne consultent pas… ou trop tard, bien souvent après un épisode d’asthme.

Et pourtant, ses conséquences sont réelles :

  • fatigue chronique liée aux troubles du sommeil,
  • perte de productivité, absentéisme scolaire ou professionnel,
  • dégradation de la qualité de vie,
  • perturbation de la vie sociale (on évite les sorties, on éternue en réunion, on fuit les fleurs ou les chats).

Pire encore : une rhinite allergique mal contrôlée augmente le risque de développer un asthme par un facteur 3 à 8 selon les études. L’inflammation de la muqueuse nasale se diffuse vers les bronches : même terrain, mêmes cellules, mêmes médiateurs. Le concept “une voie respiratoire, une maladie” est désormais un dogme en allergologie.

Pas toutes allergiques, ces rhinites

Bien évidemment, il existe de nombreuses autres formes de rhinites, qui ne sont pas allergiques :

  • les rhinites infectieuses (rhume viral, sinusite bactérienne),
  • les rhinites vasomotrices (réaction au froid, aux odeurs, au stress),
  • les rhinites hormonales (grossesse, hypothyroïdie),
  • les rhinites médicamenteuses (abus de vasoconstricteurs nasaux),
  • les rhinites non allergiques à éosinophiles (NARES),
  • la polypose naso-sinusienne (maladie de Widal, parfois associée à l’intolérance à l’aspirine).

D’autres “rhinites” sont en réalité mécaniques : déviation de cloison, hypertrophie des cornets, corps étranger, tumeurs bénignes (polypes, angiomes) ou cancers. C’est pourquoi un examen ORL s’impose.

Et il existe aussi des rhinites dites “locales allergiques” : sans IgE détectables dans le sang ni tests cutanés positifs, mais une inflammation allergique bien présente dans la muqueuse nasale. Elles nécessitent un test de provocation nasale pour être diagnostiquées.

Parlons du diagnostic : interroger, observer, tester

Pour différencier les rhinites, on se sert bien sûr de ce que vous avez déjà appris dans les épisodes précédents : unité de lieu, unité de temps, unité d’action. Le drame allergique.

Avec un bon interrogatoire :

  • Depuis quand ? À quelle période ? Dans quelles circonstances ?
  • Les symptômes sont-ils constants ou intermittents ?
  • Existe-t-il un terrain familial atopique ?
  • Y a-t-il une gêne au sommeil, au travail, à l’école ?
  • Quels sont les facteurs ou lieux déclenchants identifiés ?

On peut utiliser le score clinique mnémotechnique PAREO :

  • P comme Prurit,
  • A comme Anosmie (perte d’odorat),
  • R comme Rhinorrhée (écoulement nasal clair),
  • E comme Éternuements,
  • O comme Obstruction nasale

plus il est élevé, plus c’est en faveur d’une allergie.

Une simple rhinoscopie directe permet d’observer l’aspect de la muqueuse (œdématiée, pâle, luisante, parfois dite de couleur lilas), l’hypertrophie des cornets, la présence de sécrétions. Si les symptômes sont persistants ou atypiques, une endoscopie nasale est indispensable.

Des examens fonctionnels comme la rhinomanométrie et la rhinométrie acoustique permettent de mesurer objectivement la résistance nasale et la géométrie des cavités. Cela aide à distinguer une obstruction fonctionnelle (inflammatoire) d’un obstacle mécanique.

Et bien sûr, le diagnostic allergologique repose sur :

  • les tests cutanés (prick-tests),
  • parfois le dosage des IgE spécifiques sériques,
  • et parfois un test de provocation nasale.

Classer pour mieux soigner : la classification ARIA

Un groupe de travail international présidé par le Professeur Bousquet de Montpelier, ARIA — Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma — propose une classification simple mais efficace.

On croise deux paramètres :

  1. La durée :
  • Intermittente : symptômes < 4 jours/semaine ou < 4 semaines
  • Persistante : symptômes > 4 jours/semaine et > 4 semaines
  1. La sévérité :
  • Légère : pas d’impact notable sur la vie quotidienne
  • Modérée à sévère : sommeil perturbé, performances altérées, gêne sociale ou professionnelle

On obtient ainsi 4 catégories :

  • intermittente légère,
  • intermittente modérée/sévère,
  • persistante légère,
  • persistante modérée/sévère.

Cette classification guide la stratégie thérapeutique : plus la rhinite est sévère ou persistante, plus le traitement doit être intensifié et structuré.

Le traitement : soulager, corriger, prévenir

On commence par l’évidence : éviter l’allergène. Facile à dire, parfois plus difficile à faire… Je vous renvoie bien sûr sur les podcast de chacune de ces causes mais en résumé :

  • Pour les acariens : aération, ventiler, supprimer les nids à poussière (plumes, laine, penderies ouvertes, moquettes, peluches, rideaux, etc.)
  • Pour les pollens : éviter les promenades en période de pic pollinique, se laver les cheveux le soir, laisser ses vêtements hors de la chambre, utiliser un filtre à pollen dans la voiture.
  • Pour les animaux : éviction parfois nécessaire, a minima exclusion de la chambre, lavage régulier.
  • Pour les moisissures : supprimer les sources d’humidité, ventiler, nettoyer à l’eau de Javel si besoin.

Le traitement de la rhinite allergique repose sur :

  • Le lavage de nez, au sérum physiologique.
  • Les antihistaminiques de seconde génération (pas ceux qui vous endorment)
  • Les corticoïdes intranasaux, indispensables dans les formes modérées à sévères. Demandez à votre allergologue de vous apprendre à BIEN le mettre dans le nez, vous serez surpris. Non, ça ne se met pas la tête penchée en arrière : vous voulez soigner votre nez ou votre estomac ?
  • Les anti-leucotriènes, parfois utiles en cas d’asthme associé
  • Mais surtout : l’immunothérapie allergénique (désensibilisation), elle est le seul traitement de la cause de votre rhinite allergique.

Elle consiste à administrer l’allergène en petites quantités croissantes (par voie sublinguale ou injectable), pour “rééduquer” le système immunitaire. Elle est recommandée dès la forme persistante légère.

Ses bénéfices :

  • réduction durable des symptômes,
  • diminution de la consommation de médicaments,
  • prévention de l’asthme,
  • réduction du risque de polysensibilisation.

Et si le vrai traitement, c’était de maîtriser l’air qu’on respire ?

La rhinite allergique est amplifiée, prolongée, entretenue par les polluants de l’air intérieur. Et nous passons plus de 80 % de notre temps dans des lieux clos !

Les responsables ?

  • fumée de tabac,
  • produits ménagers (sprays, solvants),
  • parfums d’intérieur,
  • colles, peintures, meubles neufs (formaldéhyde),
  • moisissures, humidité excessive.

Le nez s’irrite de ce qu’il respire. Un air intérieur pur, c’est déjà la base et un air pur c’est un air sans rien dedans. Nous en avons déjà parlé dans un podcast précédent : il n’y a pas de plantes dépolluantes, pas de sprays purificateurs, pas de magie. Vous voulez bien respirer ? Enlevez ce qui pollue votre air, tout ce qui est en plus de l’air.

CONCLUSION

Nez qui gratte, éternuements, fatigue, nez bouché… Ce n’est pas un caprice. C’est une maladie inflammatoire. Elle fait le lit de l’asthme, gêne la croissance de vos enfants, trouble leur scolarité, altère le quotidien du patient et de son entourage.

Ne la banalisons plus : ça se soigne !

Direction le médecin allergologue, il se penchera sur votre cas. Prendra soin de vous et vous permettra de vivre votre vie et non plus de la subir.

Dans le prochain épisode, nous parlerons des anticorps pour démarrer cette 2e année de podcast. J’en profite pour vous remercier d’être toujours plus nombreux à me lire et à m’écouter, vous êtes des milliers, et je suis très content de vous être utile. Bonne journée à vous les amis, prenez soin de vous.


Vous nimaginez pas le retentissement de cette fameuse rhinite allergique. D’abord personnel bien sûr : avec des insomnies, des ronflements, des apnées du sommeil, des pertes de performances scolaires, sportives ou au travail, des reniflements permanents etc. Mais le retentisssement social est ENORME : avec des arrêts de travail, de l’asthme et une errance dans la prise en charge qui est juste insupportable. Apprenez en plus avec cet épisode du podcast des allergies : Atchoum.

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