Podcast : l’allergie immédiate

samedi 1er février 2025 par Dr Philippe Auriol232 visites

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Podcast : l’allergie immédiate

Podcast : l’allergie immédiate

samedi 1er février 2025, par Dr Philippe Auriol

L’allergie est une maladie de ce temps, l’OMS estime que nous serons bientôt à 50% de prévalence des allergies dans le monde. Il est temps que tout le monde s’intéresse au sujet : aujourd’hui on va faire un peu d’immunologie. Vous êtes prêts ?

L’allergie est une hypersensibilité : vous vous souvenez ? Nous en avons parlé dans le premier épisode. Parmi les hypersensibilités ce sont celles de type 1 qui dominent la scène des maladies allergiques si bien que ce sont plutôt de celles là dont vous parlez avec vos proches. Gardez tout de même à l’esprit qu’il n’y a pas que celles-ci et que l’allergologie est un monde passionnant à explorer.

Nous détaillerons ici l’allergie de type 1 : l’ hypersensibilité immédiate.

Lors de mes premières consultations, j’essayais de ne pas parler d’allergie mais d’hypersensibilités.

Vous savez, la prétention que l’on a parfois quand on est jeune et qu’on a compris un sujet : on voudrait être juste et précis dans ses mots. La fierté, l’ego tout ça…
Et puis un jour, un de mes confrères correspondant m’a dit : « Tu sais Philippe, je suis d’accord avec toi : toutes ces allergies, ça ne touche que les gens hypersensibles ».

Moment de stupeur dans mon regard.

Par mes propos trop techniques j’avais mis dans la tête de mes patients et de certains de mes correspondants que les allergiques étaient des personnes « hyper-sensibles émotionnellement » alors que je parlais d’hypersensibilités immunitaires.

Avec l’âge j’accepte d’être bien moins précis, bien moins scientifique, dans mes propos : l’objectif n’est pas de faire de vous des immunologistes non, c’est de vous donner envie d’en savoir plus, d’aller plus loin, d’être meilleurs.

L’allergie immédiate se décompose en deux phases  : une première de sensibilisation, et une deuxième disons de déclenchement (effectrice pour ceux qui préfèrent).

  • Quand vous vivez dans un environnement, votre système immunitaire doit en permanence décider s’il réagit ou pas à ce qui l’entoure et s’il y réagit : de quelle manière ? Mettons que vous venez de naître et vous rencontrez pour la première fois une molécule de lait : disons la lactoglobuline.
    • Votre système de défense a trois choix :
      • ne rien faire
      • faire de la tolérance
      • mettre en place une défense immunitaire et s’il fait ce dernier choix, il devra choisir laquelle.

Si vous ne faites rien, eh bien vous vous poserez à nouveau la question, immunitairement, lors du prochain contact.

Si vous faites de la tolérance, vous aurez tendance à faire davantage de tolérance la fois d’après et, avec le temps et les contacts, vous acquerrez une tolérance solide à cette molécule grâce à votre mémoire immunitaire qui s’est consolidé au fur et à mesure des prises.

Si vous faites une défense immunitaire d’allergie, chaque prise qui déclenchera une crise améliorera votre défense immunitaire et vous serez devenu plus allergique.

Vous voyez le concept ?

Alors voyons maintenant les acteurs

En premier, votre microbiote Le microbiote c’est quoi ? C’est l’ensemble des bactéries, virus et autres micro-organismes et leurs sécrétions qui protège votre peau et votre muqueuse. On parle de film microbien. tout ce petit monde tire profit de votre vie et cherche à cohabiter en bonne harmonie.

il n’a l’air de rien mais il est fondamental pour orienter votre réponse. S’il est tolérogène, il vous aidera à fabriquer de la tolérance, s’il est réactogène : il activera le système de défense avant même que l’allergène n’arrive au contact et, aussitôt, vous serez mal parti côté allergies…

Les enfants nés par césarienne ne bénéficient pas d’un microbiote protecteur initial qu’ils auraient acquis en passant par les voies naturelles : perte de chance.
Les enfants qui ne sont pas allaités ne bénéficient pas du microbiote muqueux qui leur permet de partir avec le meilleures chance du point de vue tolérance.

Ajoutez à cela les infections néonatales et assez vite, vous comprendrez que nous n’avons pas toujours les mêmes chances de tolérance au départ…

Ensuite, vos barrières

  • En principe la peau est assez étanche : elle laisse peu de molécules la traverser et d’ailleurs, quand vous mettez un cosmétique, celui-ci ne peut pas, ne doit légalement pas, pouvoir traverser celle-ci. Seuls les médicaments sont fabriqués spécialement pour permettre leur passage au travers de la peau dans votre corps.
  • Pour la muqueuse c’est moins vrai, d’abord elle est infiniment plus fine, ensuite elle doit permettre le passage des aliments dans le tube digestif. C’est prévu pour.

Tout ce qui va altérer vos barrières posera un problème de tolérance : plus de contact et souvent un contact dans de mauvaises conditions qui favorisera l’allergie.

Après, l’immunité innée : Votre corps bénéficie d’un système de défense archaïque qui fonctionne assez bien sur tout. Il a appris à être modulé par les « bons » microbes qui ne l’activent pas grâce à leur gestion des récepteurs Toll like (TLR) et sait s’activer par les mauvais microbes (les porteurs de lipolysaccharides, LPS, par exemple). Certains microbes vous activent avant même que vous ne les ayez reconnu : c’est le délit de sale tête immunitaire.

puis c’est l’immunité spécifique : Les cellules présentatrices d’antigènes sont à la recherche de ce qui est présent et qui n’est pas porteur d’un signal signifiant qu’il fait parti du corps (votre HLA).
Ces cellules analysent la nouveauté par son absorption, sa digestion, la présentation des motifs antigénique en surface pour nos cellules lymphocytaires.

Les lymphocytes T viennent lire le motif sur le macrophage et celui-ci exprime son inquiétude par un certain nombre de récepteurs/signaux sur sa paroi.

Si l’ensemble du signal demande de l’allergie ou si le lymphocyte T est déjà présélectionné par la génétique pour être de type 2. C’est l’allergie, hop c’est décidé.

Ce lymphocyte T va ensuite voir les lymphocytes B, les active en leur donnant le motif contre lequel produire des anticorps.

Comme il est de type Th2 il leur demande des anticorps de type E, les fameuses IgE. Il faut une quinzaine de jours pour produire les anticorps et les diffuser.

Parallèlement, le lymphocyte T fait fabriquer des lymphocytes mémoire : ces lymphocytes iront dans les ganglions pour garder en mémoire comme leur nom l’indique toute la fabrication des IgE contre cet épitope (morceau d’allergène).
Comme ça, la prochaine fois, ils iront plus vite.

La sensibilisation se termine par la fixation d’une énorme quantité d’IgE contre la molécule fautive.
Ces anticorps errent dans le sang à la recherche de récepteurs à IgE.

Ça tombe bien, le mastocyte, cellule de la peau et des muqueuses, il en a plein des récepteurs à IgE et des de forte affinité en plus. Alors il se couvre d’IgE spécifiques de la molécule coupable d’avoir activé votre système de défense.

Et là, il attend.

Si vous avez lu en attendant Godot vous pouvez imaginer ce qu’est la vie d’un mastocyte qui ne rencontrera jamais un de ses allergènes. Il ne sert à rien. Bon, tant mieux en fait hein.

Parce que maintenant nous parlons de la phase effectrice :

le déclenchement de l’allergie

Vous n’aviez rien remarqué jusque là mais d’un coup votre lèvre vous gêne, elle gonfle un peu, démange et cette sensation de gorge qui se serre… c’est inhabituel. Et pourquoi êtes vous gêné pour respirer ? C’est quoi cette toux ? ces sifflements ? Je n’ai rien mangé d’inhabituel, quelques noix à l’apéritif, des noix de cajou ?

  • Votre corps à rencontré ana o 3, l’allergène majeur des anacardiacées, a fabriqué des anticorps contre lui la dernière fois que vous l’avez rencontré et là, c’est l’allergie qui se déclare.
  • Le mastocyte qui a vu ses anticorps E spécifiques d’ana o 3 présents sur sa membrane se regrouper en un point s’active (on parle de capping).
  • Il libère ce qu’il a déjà dans le ventre (cytoplasme) : histamine, héparine, chondroitine sulfate, protéases, tryptase etc. et se met à fabriquer d’autres molécules pour accentuer la réponse, créer une inflammation de type allergique appelée également de type 2.
  • Il synthétise des prostaglandines D2, des leucotriènes C4, du Paf acether et des cytokines (IL1 4 5 et 6, GMCSF etc.)

Les conséquences de tout cela ? le bouton d’urticaire sur la peau, le gonflement dans la muqueuse avec des sécrétions séreuses, le spasme des muscles lisses (bronches, tube digestif) et une inflammation qui dure au-delà de la crise. Une inflammation qui favorise la présence de lymphocytes Th2 qui favoriseront le choix de l’allergie comme réponse pour les molécules à venir…

Oui, l’allergie s’auto-entretient et chez les allergiques, les systèmes de régulation qui en principe empêchent cet emballement sont défectueux. Ils sont condamnés à une inflammation de type Th2, chaque crise accentuant celle-ci et permettant une aggravation des allergies.

Vous comprenez bien, maintenant, qu’il est nécessaire de traiter vos symptômes de l’allergie : votre corps s’est trompé, ne le laissez pas dans l’erreur.

En résumé,

  • Votre système de défense vous est donné par vos parents, vous héritez de ses qualités et de ses défauts.
  • Dès la naissance, le système immunitaire est imprégné par son environnement : tout ce qui perturbe cette imprégnation nuit à la mise en place d’une cohabitation apaisée avec l’environnement. La césarienne et l’absence d’allaitement sont des causes favorisantes évidentes d’allergie.
  • La qualité de la peau et des muqueuses, assure elle aussi la bonne cohabitation avec l’environnement : la dermatite atopique avec sa trop grande perméabilité génétiquement transmise, les infections virales néonatales qui induisent une réponse Th2 précoce…
  • Cela devrait vous motiver à prendre soin de la peau et des muqueuses des petits enfants : crèmes émollientes de qualité au moins quotidiennes, lavage de nez au sérum physiologique facilement en cas d’encombrement.
  • Enfin, quand l’allergie est déclenchée : il faut la traiter. Si vous ne traitez pas d’une part votre système immunitaire apprends à être plus allergique et d’autre part, l’inflammation allergique que vous laissez en place vous prédispose à de nouvelles allergies.
  • Si vos allergies restent actives, si vous avez encore régulièrement des symptômes, ne pas vous traiter c’est aller au devant de plus grands problèmes. Consultez un médecin allergologue.

Dans le prochain épisode, nous parlerons de l’allergie à la cacahuète.

Belle journée à vous les amis, prenez soin de vous.

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