Omazi m’a bien aidé pour mes allergies alimentaires

jeudi 17 avril 2025 par Dr Philippe Auriol166 visites

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Omazi m’a bien aidé pour mes allergies alimentaires

Omazi m’a bien aidé pour mes allergies alimentaires

jeudi 17 avril 2025, par Dr Philippe Auriol

L’allergie alimentaire médiée par les IgE représente un enjeu de santé publique croissant, tant en termes de qualité de vie que de risque de réactions anaphylactiques sévères. Alors que des options comme l’immunothérapie orale (ITO) commencent à émerger, notamment chez l’enfant, les alternatives validées pour les adultes restent limitées.Dans ce contexte, un anticorps monoclonal anti-IgE initialement indiqué dans l’asthme allergique sévère et l’urticaire chronique spontanée – suscite un intérêt croissant pour les formes sévères d’allergie alimentaire, soit en monothérapie, soit en association avec une ITO.Cette étude rétrospective européenne évalue l’efficacité de son utilisation en vie réelle en examinant un large éventail de profils allergiques chez les adultes. Efficacy of omalizumab in food allergic adults - A retrospective analysis Alexiou, Aikaterina et al. World Allergy Organization Journal, Volume 18, Issue 4, 101048

Méthodologie

  • Conception de l’étude :
    Il s’agit d’une étude rétrospective multicentrique menée sur une période de 20 ans, de 2002 à 2022, dans trois pays européens : l’Espagne, l’Allemagne et la Suisse.
  • Critères d’inclusion :
    Les participants sont des adultes présentant une allergie alimentaire médiée par les IgE, confirmée par des tests cutanés, des tests d’IgE spécifiques et/ou un test de provocation orale (TPO). Tous avaient présenté au moins un antécédent de réaction anaphylactique.
  • Sensibilisation aux allergènes
    • 64,5 % des individus étaient polysensibilisés à plus de deux aliments. Les allergènes les plus courants étaient le lait de vache, les fruits à coque, les fruits à pépins ou à noyaux, ainsi que les LTP (protéines de transfert lipidique), en particulier la pêche.
    • 33,9 % des personnes étaient atteintes d’une seule allergie, principalement au lait ou à la pêche.
  • Traitement  : Omalizumab utilisé seul (61,3 %) ou combiné avec une ITO (38,7 %), principalement pour le lait, les LTP ou l’œuf.
  • Durée moyenne du traitement : 19,2 mois.
  • Terminologie clé :
    • Répondeurs : patients désensibilisés avec un TPO négatif, ou ayant connu une amélioration clinique (moindre sévérité, disparition des réactions).
    • Non-répondeurs : patients ayant maintenu des réactions sévères (dont anaphylaxie) malgré le traitement.

Résultats

  • Taux de réponse global : 83,9 % (52/62) ont été classés comme répondeurs :
    • 6 patients (9,7 %) ont réussi un TPO négatif.
    • 6 patients (9,7 %) ont vu leurs réactions devenir modérées.
    • 40 patients (64,5 %) n’ont plus présenté d’anaphylaxies pendant le traitement.
  • Non-répondeurs :
    10 patients (16,1 %) ont présenté des réactions anaphylactiques pendant le traitement, souvent en lien avec des cofacteurs : effort, AINS, menstruation, alcool.
  • Tolérance :
    Globalement bonne ; un seul patient a arrêté en raison de douleurs abdominales persistantes.

Discussion

  • Un profil hétérogène de patients :
    Contrairement aux essais cliniques qui se concentrent souvent sur un allergène unique (par exemple l’arachide), cette étude inclut des participants plus représentatifs de la vraie vie. On y retrouve des adultes polysensibilisés, souvent atteints de plusieurs comorbidités atopiques, et qui font face à des facteurs qui augmentent la sévérité des réactions.
  • L’omalizumab, un modulateur de seuil  :
    Bien qu’il n’induise pas nécessairement une désensibilisation complète, il augmente souvent le seuil de déclenchement des réactions, ce qui diminue la fréquence et la gravité des crises d’allergie.
  • Cofacteurs à ne pas négliger :
    Chez les non-répondeurs, les cofacteurs semblent jouer un rôle majeur dans les échecs thérapeutiques. Leur gestion reste cruciale dans l’approche globale.
  • Perspective européenne :
    La variabilité des profils allergiques (notamment la forte représentation des allergies aux LTP dans le Sud de l’Europe) plaide pour des protocoles adaptés aux sensibilisations régionales.

Conclusion

L’omalizumab, que l’on peut employer seul ou en complément d’une ITO, représente une option prometteuse pour gérer les allergies alimentaires graves chez les adultes. Cette étude observationnelle a confirmé son efficacité, notamment en réduisant la fréquence des réactions graves. Toutefois, la prise en compte des facteurs sous-jacents et le coût élevé du traitement en dehors de toute indication officielle demeurent des obstacles majeurs. Des recherches futures, randomisées et contrôlées, seront essentielles pour déterminer plus précisément son rôle, son rapport coût-efficacité et les critères de sa prescription.


Une étude qui s’inscrit dans la tendance actuelle d’élargissement des indications des biothérapies en allergologie, en particulier chez l’adulte souvent exclu des protocoles d’ITO (induction de tolérance orale). Dans une population réaliste, polymorphe, avec des profils de sensibilisation complexes et une vie quotidienne exposée à de nombreux cofacteurs, l’omalizumab montre une capacité intéressante à sécuriser les expositions accidentelles.

Toutefois, la question du coût, du remboursement, et du bon profil répondeur reste ouverte. En France, on attend encore des données nationales sur cette approche, même si quelques cas issus du Réseau d’Allergo-Vigilance ont déjà été rapportés.

Cette stratégie pourrait être une « béquille » thérapeutique provisoire en attendant des ITO mieux codifiées et plus accessibles.

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