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Pardon Madame, le carrefour des allergies croisées, s’il vous plaît ?
jeudi 23 mars 2006, par
Dans le vaste monde des réactivités croisées, il est parfois difficile de retrouver son chemin et souvent utile de faire le point. Les Autrichiens sont dans le peloton de tête des recherches sur les allergènes. Les auteurs de cette revue font le point sur une situation aussi fréquente que problématique : les syndromes pollens-aliments.
Syndromes pollens-aliments associés aux pollinoses aux herbacées : mise à jour selon le point de vue moléculaire. : M. Egger, S. Mutschlechner, N. Wopfner, G. Gadermaier, P. Briza, F. Ferreira
Department of Molecular Biology, Division of Allergy and Immunology, University of Salzburg, Salzburg, Austria
dans Allergy 61 (4), 461-476
Les patients polliniques présentent souvent des réactions adverses suite à l’ingestion d’aliments végétaux en raison de réactions croisées IgE médiées, déclenchées par des structures partagées par les pollens et les sources d’allergènes alimentaires.
L’éventail des symptômes observés dans ces syndromes pollens-aliments (pollen-food syndromes, PFS) va du syndrome oral à des réactions anaphylactiques systémiques sévères.
Deux syndromes cliniques, céleri-armoise-épices et armoise-moutarde ont été décrits en association avec une pollinose aux herbacées.
Cependant, on a également observé d’autres associations entre une pollinose aux herbacées et une hypersensibilité à certains aliments :
- Armoise-pêche
- Ambroisie-melon-banane
- Plantain-melon
- Pariétaire-pistache
- Chénopode-fruit
- Soude brûlée-safran
- Houblon-céleri.
Le nombre de sources d’allergènes impliqué, les allergènes et des facteurs influençant comme la géographie, le régime alimentaire et la préparation de la nourriture contribuent à la grande complexité clinique des PFS.
Jusqu’à présent, les allergènes à l’origine de ces réactions croisées sont des profilines, des protéines de transfert de lipides (LTP), des allergènes de haut poids moléculaire et/ou des glycoallergènes.
L’utilisation courante d’extraits allergéniques non standardisés pose des problèmes supplémentaires pour le diagnostic et le traitement des patients PFS.
Des progrès dans l’identification et la caractérisation des allergènes impliqués sont une étape incontournable avant de prétendre à une meilleure compréhension des PFS et un développement des extraits vaccinaux.
Des séries d’allergènes recombinants et/ou d’hypoallergènes sont des outils prometteurs pour améliorer le diagnostic et le traitement des PFS.
L’équipe de Fatima Ferreira, du département de biologie moléculaire de l’université de Salzbourg, nous résume l’état des connaissances en matière de réactivité croisée entre des pollens d’herbacées et certains aliments.
Les principales associations pollens-aliments déjà répertoriées sont tout d’abord rappelées.
Ces syndromes sont variés et d’importance inégale : certains sont classiques comme armoise et céleri, d’autres sont moins connus comme soude brûlée (Salsola kali) et safran.
La complexité de ces syndromes pollens-aliments est ensuite évoquée : elle se situe à plusieurs niveaux :
- La diversité des sources allergéniques, c’est-à-dire des espèces de plantes herbacées en cause.
- La diversité des allergènes impliqués : certains sont bien identifiés, comme appartenant aux profilines ou aux LTP (on pourrait citer également la famille des homologues de Bet v 1 si l’on s’intéressait aux pollens d’arbres) d’autres sont encore à préciser, comme les allergènes de haut poids moléculaire ou les glycoallergènes (avec le problème corollaire des CCD, déterminants carbohydrates de certaines glycoprotéines et de leur implication probable, mais peu inventoriée, en matière de réactivité croisée).
- L’influence des facteurs géographiques, déterminants dans les caractéristiques locales des flores étudiées.
- Les régimes alimentaires ainsi que les modes de préparation culinaire retentissent à des degrés variables sur ces phénomènes allergiques.
Cet article se termine en soulignant les difficultés diagnostiques et thérapeutiques que nous connaissons en pratique allergologique pour ces syndromes pollens-aliments, difficultés dues pour l’essentiel à l’usage d’extraits allergéniques trop imprécis (la composition même nous en est inconnue !...) et non standardisés qui ne nous permettent pas de discrimination diagnostique efficiente.
Les progrès dans ce domaine passent nécessairement par :
- Une meilleure connaissance des allergènes au niveau moléculaire en attendant mieux : descendrons nous au niveau infra-moléculaire avec d’éventuelles descriptions de familles d’épitopes ? Nous n’en sommes pas là...
- Une meilleure compréhension du phénomène des réactivités croisées qui implique de se familiariser avec la notion de familles moléculaires.
- Une prise de conscience de l’utilité des allergènes recombinants, suite logique des notions précédentes qui devrait nous permettre des améliorations diagnostiques en attendant les progrès thérapeutiques avec des hypoallergènes ...
Déjà, l’industrie met à notre disposition en pratique courante un début de bibliothèque de recombinants nous permettant de démêler certaines problèmes diagnostiques ; il nous faut donc faire l’effort de savoir à quoi correspondent les recombinants déjà disponibles, de quelles familles moléculaires ils sont les représentants, quelle est la répartition de leurs homologues tant au niveau des pollens que des aliments ; il nous faut également évaluer nos besoins en recombinants supplémentaires et évaluer leur utilité pratique par des études appropriées.
Souhaitons qu’au bout d’un chemin aussi long, le paysage soit beau !
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