Allergie Alimentaire : article complet du "Elliot and Roslyn Jaffe Food Allergy Institute"

dimanche 22 septembre 2002 par Dr Hervé Masson22301 visites

Accueil du site > Allergènes > Alimentaires > Allergie Alimentaire : article complet du "Elliot and Roslyn Jaffe Food (...)

Allergie Alimentaire : article complet du

Allergie Alimentaire : article complet du "Elliot and Roslyn Jaffe Food Allergy Institute"

dimanche 22 septembre 2002, par Dr Hervé Masson

Grâce à l’aimable autorisation du Lancet, nous avons le plaisir de mettre à votre disposition la traduction intégrale de l’excellent article de l’institut d’allergie alimentaire "Elliot et Roslyn Jaffe de New York" sur l’allergie alimentaire. Il s’agit d’une publication très intéressante qui fait le point sur l’état actuel des connaissances et aborde les avancées prévisibles.

Allergie Alimentaire : Scott H Sicherer dans Lancet 2002 ; 360 : 701-10

Untitled Document L'allergie alimentaire est définie comme étant une réaction d'hypersensibilité immunologique à un aliment et, de ce fait, ce n'est pas une maladie unique. L'allergie à la farine de blé est un excellent exemple de la diversité de l'allergie alimentaire. Un individu allergique pourra avoir des symptômes aussi divers qu'un eczéma atopique, une urticaire, un choc anaphylactique (plus ou moins favorisé par l'effort), un asthme du boulanger par inhalation de la farine ou une maladie coeliaque due au gluten.

Les réactions d'allergie alimentaire peuvent globalement être réparties en deux grands groupes : les réactions médiées par les anticorps IgE (Immunoglobulines de type E) et celles qui ne le sont pas.

Les symptômes qui surviennent rapidement après l'ingestion sont habituellement médiés par les IgE qui se lient aux cellules mastocytaires et aux basophiles sanguins. Lors d'un nouveau contact avec l'aliment, les protéines allergisantes se lient aux IgE ce qui déclenche la libération de médiateurs chimiques tels que l'histamine (entre autres) responsable des symptômes.

Il existe aussi des réactions retardées ou semi-retardées qui sont médiées par les cellules lymphocytaires de type T (Lymphocytes T).

Un troisième groupe est constitué de maladies chroniques attribuées à une allergie alimentaire ou les IgE sont retrouvées de façon inconstante.

Le tableau ci-dessous reproduit une classification des réactions allergiques selon leur physiopathologie. Bien évidemment, l'auteur n'a repris que les principales maladies et le tableau n'est pas exhaustif.

 
Age de survenue
Symptômes / Signes / Caractéristiques
Evolution
Réaction IgE dépendante -
Survenue rapide
     
Urticaire - Angio-oedème
A tout âge
  • Papule et érythème, oedème
  • Par ingestion ou contact direct avec la peau
  • Les aliments sont responsables souvent (20%) d'urticaire aigue mais rarement d'urticaire chronique (2%)
Variable selon les aliments
Réaction gastro-intestinale immédiate
A tout âge
Survenue brutale de nausées, vomissements, douleurs. Une diarrhée peut suivre
Variable selon les aliments
Syndrome d'allergie orale (croisé avec les pollens)
Enfant / Adultes
Prurit, oedème modéré limité à la bouche.(Voir tableau1)
Par poussées
Rhinite
A tout âge
  • Obstruction - écoulement nasal après l'ingestion ou l'inhalation
  • Rarement un symptôme isolé
Variable selon les aliments
Asthme
A tout âge
  • Bronchospasme survenant après l'ingestion ou l'inhalation.
  • L'asthme chronique isolé n'est habituellement pas dû à l'allergie alimentaire
Variable selon les aliments
Anaphylaxie
A tout âge
Atteinte de multiples organes qui peut s'accompagner d'un collapsus cardiovasculaire
Variable selon les aliments
Allergie alimentaire induite par l'exercice
A tout âge
  • Anaphylaxie déclenchée uniquement si l'ingestion est suivie par un effort.
  • Causes les plus fréquentes: blé et céleri le plus souvent décrits
Anaphylaxie de mécanisme peu clair
Ige et médiation cellulaire associées
Survenue retardée et chronique.
     
Dermatite atopique
Nourrisson / Enfant
  • Dermatite prurigineuse chronique ou récidivante, xérose, antécédents atopique
  • 35% des enfants ayant une DA modérée à sévère ont une allergie alimentaire, mais ceci est rarement un facteur déclenchant chez l'adulte.
  • Aliments souvent en cause: lait de vache, oeuf, soja et blé
Disparition dans la prime enfance
Gastro-entéropathies éosinophiliques.
A tout âge
  • Les symptômes varient en fonction du site et du degré de l'inflammation éosinophilique
  • Dans l'oesophage: dysphagie, douleur
  • Généralisée: ascite, perte de poids, oedème, occlusion
  • Aliments incriminés: multiples
Variable selon les aliments
Médiation cellulaire
Survenue retardée ou chronique
     
Enterocolite dûe aux protéines alimentaires
Nourrisson
  • Exposition chronique: vomissements, diarrhée, faible croissance, apathie
  • Réintroduction après éviction: vomissements, diarrhée, hypotension (15%) deux heures après l'ingestion.
  • Aliments incriminés: lait de vache, soja, céréales
1 à 3 ans
Inflammation rectale dûe aux protéines alimentaires
Nourrisson
  • Selles muqueuses et sanglantes
  • Aliments incriminés: lait de vache par l'intermédiaire de l'allaitement maternel
Disparition en 1 an
Entéropathie dûe aux protéines alimentaires
Nourrisson Enfant
  • Malabsorption, oedèmes, vomissements, faible croissance
  • Aliment incriminé: lait de vache
Disparition en 1 à 2 ans
Maladie coeliaque
A tout âge
  • Malabsorption, diarrhée, associé au phenotype HLA-DQ2
  • Cause: Gluten
Définitif
Dermatite herpétiforme
A tout âge
  • Lésions cutanées papul-vésiculeuses des membres
  • Cause: Gluten
Définitif
Associé avec des précipitines de type IgG au lait de vache
     
Hémosidérose pulmonaire
Nourrisson
  • Anémie, infiltrats pulmonaires, faible croissance
  • Cause: lait de vache
Indéfini

L'allergie peut toucher de multiples organes :

  • La peau : urticaire, angio-œdème
  • Les voies respiratoires : rhinite et asthme
  • Le tractus gastro-intestinal : douleurs, vomissements, diarrhée
  • Et le système cardio-vasculaire : choc anaphylactique.

Les réactions peuvent être causées par le contact direct entre l'aliment et l'organe (symptômes digestifs ou oraux) ou par la distribution dans le corps des protéines après ingestion.

Par exemple, les réactions gastro-intestinales isolées, l'asthme et la rhinite après inhalation d'aliments en cuisinant, l'urticaire de contact comme celle que l'on peut voir sur le visage d'une enfant allergique quand il mange etc… sont causées par le contact direct.

Une réaction systémique médiée par les IgE est appelée anaphylaxie indépendamment de la sévérité, mais en général, le terme d'anaphylaxie est plutôt réservé aux réactions sévères, potentiellement mortelles.

Les caractéristiques de l'anaphylaxie induite par les aliments sont montrées dans le Tableau 2.


Tableau 1

Retour en haut

Syndrôme d'allergie croisée Pollens/Aliments (Syndrome d'allergie orale)

Physiopathologie
Une exposition initiale aux protéines des pollens conduit en la fabrication d'IgE réagissant aussi avec des protéines comparables d'aliments, en particulier de fruits et de légumes
Groupe à risque
Patients souffrant d'allergie saisonniére (environ 50%)
Symptômes
Prurit, erythème, oedème localisé à la cavité buccale
Caractérisitiques diverses
  • La cuisson des aliments dénature suffisamment les protéines pour éviter les symptômes
  • Les symptômes peuvent être plus remarquables après la saison pollinique
  • Les protéines responsables sont concentrées dans les peaux de certains fruits
  • Les réactions au niveau de la cavité buccale (environ 9%) peuvent aller jusqu'à des réactions systèmiques sévéres (environ 2%)
  • Une réaction à tous les aliments croisés est improbable mais une sensibilisation à plus d'un est habituelle
  • Les tests cutanés avec des aliments frais sont plus sensibles pour le diagnostic
Pollens / Aliments: associations fréquentes
  • Pollen de bouleau: pomme, pèche, poire, amande, noisette, pomme de terre, carrote
  • Pollen d'ambrosia: melon, banane, famille de la courge
  • Pollen d'artemisia: celeri, carrote, épices
  • Pollen de graminées: tomate

 

Tableau 2
Anaphylaxie sévère à fatale induite par les aliments.
Physiopathologie
  • Mécanisme Ige dépendant
  • Libération massive de médiateurs
Groupe à risque
Les adolescents avec un asthme sous-jacent qui souffrent d'une allergie alimentaire préalablement identifiée à un aliment (surtout à l'arachide, noix et fruits de mer)
Symptômes
  • Modérés: picotements de la bouche, démangeaisons, goût bizarre, éruption, urticaire, douleurs abdominales, nausées, vomissements, diarrhée, contractions utérines
  • Sévères: striction laryngée, voix rauque, stridor, sifflements respiratoires, hypotension, cyanose, sensation de mort imminente
Caractéristiques diverses
  • Survenue en général rapide après l'ingestion (de l'ordre de quelques minutes à 1 heure)
  • Possible effet rebond: rechute sévère 1 à 2 heures plus tard
  • Possible absence de signes cutanés dans les réactions sévères
  • Les aliments classiques sont l'arachide, les noix et les fruits de mer ; mais tous les aliments sont suspects
  • L'aspirine, l'effort ou l'alcool pourraient augmenter le risque

Les allergies alimentaires subaiguës ou chroniques affectent classiquement le tractus gastro-intestinal ou la peau, avec une propension pour les nourrissons ou les enfants. Il faudra alors s'aider d'une biopsie pour assurer le diagnostic. En effet, plusieurs maladies gastro-intestinales sont associées à une hypersensibilité au lait de vache et au soja (parasitoses, inflammations intestinales).

Les rectites et des recto-colites induites par une allergie alimentaire donnent des selles muco-sanglantes chez les nourrissons.
La maladie cœliaque et la dermatite herpétiforme peuvent être classées comme allergie alimentaire car il s'agit d'une hypersensibilité au gluten. L'entéropathie par allergie alimentaire est un autre syndrome de malabsorption mais, contrairement à la maladie cœliaque, il est transitoire et n'a pas le caractère de gravité de la dermatite herpétiforme.

La forme la plus sérieuse de manifestation digestive de l'allergie alimentaire chez le nourrisson est le syndrome d'enterocolite liée à une allergie alimentaire qui se manifeste sous forme de vomissements et diarrhée, parfois un tableau clinique évoquant une septicémie.

Épidémiologie

Les maladies allergiques sont en constante augmentation dans le monde et parmi elles, les allergies alimentaires.

Dans une étude Européenne sur 17280 adultes de 15 pays, 12% des personnes interrogées disaient souffrir d'une allergie ou d'une intolérance alimentaire.
Les aliments les plus souvent incriminés étaient la noisette en Norvège, Suède et Allemagne ; les fruits en Islande, Belgique, Irlande et Italie ; et l'arachide aux USA.
Une étude française a trouvé un taux de 3,5 % d'allergiques alimentaires. Les principaux aliments suspects chez l'enfant étaient l'œuf et le lait, avec fréquemment une expression par une dermatite atopique. Chez l'adulte, les fruits de mer, les fruits et les légumes étaient les plus fréquents ; se manifestant le plus souvent par un angio-œdème ou une urticaire.

Mais ces études sont basées sur des questionnaires. Seules les épreuves de provocation avec les aliments, idéalement en double aveugle contre placebo, permettent de dépister réellement les allergies alimentaires. Ainsi, dans une étude Anglaise, sur 20% de la population étudiée qui se disait allergique à un aliment, on retrouvait seulement de 1,8% d'individus réagissant à l'épreuve de réintroduction. De la même manière, 28% des parents d'enfants nés dans une clinique aux USA croyaient que leur enfant souffrait d'une allergie alimentaire. L'épreuve de provocation en double aveugle contre placebo n'a retrouvé que 6% d'enfants allergiques.
En dehors de ce taux élevé de sensibilisation alimentaire, ceci démontre que, bien souvent, les patients éliminent des aliments sans avoir la preuve d'une réelle allergie et que seul un allergologue peut affirmer un diagnostic d'allergie alimentaire.
Par contre, les additifs alimentaires, tels que les colorants ou les conservateurs, ne sont responsables d'allergie que dans 0,23% de la population.

Les différentes études s'attachant à la prévalence de l'allergie selon l'aliment ont montré :
Pour le lait : chez le nourrisson et l'enfant jeune de 1,9 à 3,2 %
L'œuf : 2,6% à l'âge de deux ans et demi
L'arachide (étude par questionnaire) de 0,5 à 0,6% et les noix à 0,5%
Classiquement, les allergènes du nourrisson et du jeune enfant sont l'œuf, le lait, l'arachide, le blé et le soja alors qu'à un âge plus avancé des réactions sévères sont constatées avec l'arachide, les noix et les fruits de mer. L'allergie aux fruits étant fréquente mais pas sévère habituellement.

L'allergie alimentaire est souvent le point d'entrée dans l'atopie. Les jeunes enfants voyant souvent disparaître leur allergie alimentaire au fur et à mesure qu'apparaît une sensibilisation respiratoire comme l'asthme ou la rhinite allergique.
L'influence du patrimoine génétique a déjà été montrée, en particulier pour l'allergie à l'arachide.

Physiopathologie

Mécanismes immunitaires

L'allergie alimentaire est une anomalie de la réponse immunitaire au contact des protéines de l'alimentation. Le système immunitaire du sujet sain a besoin de reconnaître et d'ignorer les antigènes alimentaires et les bactéries inoffensifs tout en étant capable de protéger contre ceux qui sont pathogènes. Le mécanisme selon lequel le système alimentaire ne réagit pas aux antigènes inoffensifs est appelé " tolérance alimentaire ". Il passe par des réactions cellulaires multiples du système immunitaire digestif.

Pour les " passionnés ", le détail de l'installation de la tolérance alimentaire ainsi que l'explication cellulaire de l'apparition de l'allergie alimentaire pourront être consultés dans l'article original.

Biochimie alimentaire

Les protéines alimentaires potentiellement allergisantes sont habituellement des glycoprotéines solubles dans l'eau avec un poids moléculaire de 10 à 60 KD (Kilos Dalton) qui sont stables à bas pH.

La cuisson peut réduire l'allergènicité de certaines protéines, comme cela a été montré pour les fruits et les légumes dans le syndrome d'allergie orale ainsi qu'avec l'œuf ou le poisson cru et peu cuit.

A l'inverse, la cuisson peut augmenter l'allergènicité de certaines protéines en induisant des modifications qui conduisent à de nouveaux antigènes ou améliorent sa stabilité. Pour l'arachide, par exemple, lorsque les cacahuètes sont grillées, cela entraîne une plus grande résistance à la digestion et augmente l'allergènicité comparé aux produits frits ou ébouillantés. C'est sans doute pour cela qu'en Chine, où les cacahuètes sont consommées crues, il existe une prévalence faible d'allergie à l'arachide.

 

Une réflexion est en cours au sujet des organismes génétiquement modifiés. La modification génétique peut introduire un allergène connu, créer de nouveaux allergènes ou favoriser l'expression d'allergènes potentiels. Tout ceci a conduit à multiplier les études sur ce thème.

 

Les caractéristiques communes de certaines protéines à travers les espèces sont un réel fléau pour les allergiques alimentaires.
Beaucoup d'allergènes ubiquitaires ont été décrits :

  • Les profilines du pollen de bouleau retrouvées dans les noisettes et les pommes
  • Les chitinases de classe 1 dans les avocats, les bananes et le latex,
  • Les protéines de transfert lipidiques dans la pomme et la pèche,
  • La tropomyosine dans les insectes et les fruits de mer.

Des IgE spécifiques des allergènes croisés sont souvent retrouvées chez les personnes souffrant d'allergie à ces groupes d'aliments (souvent 50%) mais les réactions cliniques sont rares.

Retentissement clinique
des allergies croisées
 
Famille d'aliments
Risque d'allergie à plus d'un membre de la famille d'aliments
Caractéristiques
Légumes
5%
Les principales causes de réactions sont l'arachide, le soja, les lentilles, le lupin et le pois chiche
Noix
35%
Les réactions sont souvent sévères
Poisson
50%
Les réactions peuvent être sévères
Fruits de mer
75%
Les réactions peuvent être sévères
Céréales
20%
Laits de mammifères
90%
Le lait de vache croise énormément avec le lait de chévre et de brebis mais pas avec le lait de jument.
Les fruits de rosacées
55%
Le risque de réagir à plus de 3 de ces fruits est très faible (<10%)
Aliments et latex
35%
Lors d'une allergie au latex, les aliments croisés les plus fréquents sont la banane, le kiwi et l'avocat.

 

Diagnostic

Considérations générales

L'exploration d'une allergie alimentaire commence par l'histoire clinique et l'examen à la recherche d'un diagnostic différentiel.

Ensuite, il faudra essayer de déterminer le type éventuel de réaction : IgE médié, médiation cellulaire ou associé.

L'identification de l'aliment en cause est difficile car les aliments sont ingérés tout au long de la journée. Lors d'une réaction aiguë, un aliment consommé rarement est plus suspect qu'un aliment qui était jusqu'ici toujours bien toléré. De plus, les réactions sont plus souvent dues à la consommation d'un allergène déjà identifié qu'à une nouvelle sensibilisation.

Il faudra beaucoup de recherches pour identifier un allergène dans un aliment industriel ou au restaurant.

Exemples de réactions anormales non-immunologiques aux aliments faisant penser à une allergie alimentaire
Intolérance: déficit en lactase
Infection virale, bactérienne, parasitaire
Effets pharmacologiques: caféine, histamine, tyramine
Anatomie: sténose du pylore
Digestive: cholecystite, insuffisance pancréatique
Désordres métaboliques: galactosémie
Toxines: contamination bactérienne, empoisonnement par poisson
Allergie non-alimentaire: pollens, moisissure, acarien
Neurologiques: rhinite due aux épices, éruption faciale avec les aliments aigres
Simulées: syndrome de Munchausen
Psychologiques: crise de panique

Tests diagnostiques pour les IgE

Les prick tests sont utilisés couramment par les allergologues pour dépister les IgE spécifiques des aliments.

Alors que le patient a arrêté tout antihistaminique, une petite lancette est appuyée sur la peau à travers une goutte d'extrait d'aliment. Ce procédé sans douleur permet à la protéine testée d'interagir avec les IgE spécifiques fixées à la surface des cellules mastocytaires de la peau. Si l'anticorps est présent, les cellules mastocytaires dégranulent et libèrent leurs médiateurs qui déclenchent un angio-œdème local, une vasodilatation et une papule inflammatoire dans les 15 minutes.

Des tests contrôles positif (histamine) et négatif (glycérine salée) sont utilisés pour affirmer que la réponse immunitaire n'est pas bloquée et pour éliminer un dermographisme.

Même les nourrissons peuvent être testés.

Certains praticiens préfèrent utiliser des extraits frais, surtout quand ils testent les fruits et les légumes dont les extraits sont soumis à dégradation.

Les tests cutanés sont considérés comme positifs si la taille moyenne de la papule est d'au moins 3 mm, après soustraction du diamètre du témoin négatif, ainsi on retrouve une bonne sensibilité (75 à 95%) et une bonne spécificité (30 à 60%).

Les tests cutanés intradermiques avec des extraits alimentaires ne devraient plus être utilisés car ils donnent un taux inacceptable de faux positifs et peuvent déclencher des réactions systémiques.

 

Une autre façon de détecter les IgE spécifiques alimentaires est le radioallergosorbent test (RAST). L'allergène suspecté est lié à une matrice et exposé au sérum du patient. Les IgE spécifiques se lient à l'allergène de la matrice et sont détectées par un anticorps spécifiques des IgE. Les fabricants et les substrats varient et les résultats peuvent être rendus en classes, chiffres, pourcentages et unités arbitraires.

Les tests cutanés et les RAST détectent une sensibilisation (présence d'IgE spécifiques à un aliment) mais comme une sensibilisation peut exister sans réactions cliniques, ces tests ne peuvent généralement pas être utilisés pour diagnostiquer une allergie alimentaire qu'associés à l'histoire clinique.

Des batteries de tests cutanés ne devraient pas être faites sans s'attacher à une histoire clinique sous peine d'arriver à de nombreux faux positifs.

Les résultats sont plus exploitables quand ils sont négatifs du fait de la haute sensibilité des tests que l'on peut considérer comme capables de dépister 95% des réactions à IgE.
Cependant, dans les pathologies chroniques, un test positif n'est rapproché d'une réaction clinique réelle que dans seulement 50% des cas. En fait, les tests restent positifs parfois un certain temps après que la réactivité clinique a disparu.

Les RAST sont généralement moins sensibles que les prick tests.

Mais ni la taille du test cutané, ni le niveau des RASTS ne peuvent prédire le type ou la sévérité de la réaction allergique.

 

Certaines études chez l'enfant ont montré que des concentrations particulièrement importantes d'IgE spécifiques sont associées à une forte probabilité de réaction clinique.

La concentration d'IgE spécifiques mesurée par une méthode particuliére (CAP system FEIA, ou UniCAP de Pharmacia Upjohn Diagnostics), qui utilise des unités arbitraires (kUA/L), a été comparée aux résultats d'épreuve de réintroduction alimentaire en double aveugle contre placebo chez des enfants souffrant de dermatite atopique (moyenne d'âge de 5 ans).

Des concentrations en IgE de 6 KUA/L ou plus pour l'œuf, 32 KUA/L pour le lait, 15 KUA/L pour l'arachide et 20 KUA/L ou plus pour le poisson pourrait permettre de prédire une réaction clinique dans 95% des cas.

De tels concentrations seuil n'ont pas été déterminées pour d'autres aliments, d'autres maladies allergiques ou d'autres groupes d'âges.

Une étude a montré que chez les jeunes enfants, des papules lors des prick tests de plus de 8 mm pour le lait et l'arachide ou 7 mm pour l'œuf prédiraient la survenue de réactions cliniques mais d'autres études n'ont pas confirmé.

En conclusion, les tests cutanés et les RASTs sont des aides indispensables pour confirmer les causes des réactions aiguës et pour rechercher largement les aliments incriminés dans les réactions chroniques.

 

Régimes d'éviction

L'amélioration des symptômes au cours d'un régime d'éviction permet d'obtenir une présomption de causalité.

Chez le nourrisson, l'élimination de l'allergène consistera simplement en un changement de lait maternisé, mais l'éviction est beaucoup plus difficile chez le nourrisson allaité et chez l'adulte.

Le régime d'éviction peut consister en la suppression de l'aliment suspect, la suppression de tous les aliments sauf ceux qui sont connus comme n'étant pas allergisants ou par la prescription d'un régime contenant uniquement une formule hydrolisée ou d'amino-acides seuls. Ce dernier cas permet d'avoir une réponse définitive mais est la plus difficile à réaliser.

Le choix du type de régime reposera sur le scénario clinique, sur les aliments que l'on peut suspecter par les études épidémiologiques et les résultats des tests.

La durée du régime est variable selon le type de symptômes, mais une durée de 1 à 6 semaines est fréquente.

Ces régimes sont difficiles à mettre au point et le recours aux compétences d'un allergologue et d'une diététicienne sont utiles.

Quand un aliment sensibilisant est retiré de l'alimentation, sa réintroduction peut entraîner des réactions sévères.

Quand un régime d'éviction a été efficace, il faudra se méfier d'un effet placebo et une épreuve de réintroduction envisagée.

 

Epreuves de réintroduction

L'épreuve de réintroduction consiste en l'administration progressivement croissante de doses de l'aliment suspect sous surveillance d'un médecin.

Les épreuves de réintroduction peuvent être réalisées " en ouvert " ou en masquant l'allergène testé dans un autre aliment ou dans des gélules.

La réintroduction en double aveugle contre placebo est la méthode la plus fiable.

L'épreuve peut être utilisée pour affirmer tout type de réaction anormale à un aliment.

Elle est surtout indiquée lorsque plusieurs aliments sont suspectés, que les tests sont positifs et que le régimed'éviction a permis une amélioration des symptômes. C'est aussi le moyen de réintroduire de manière sûre des aliments suspects de donner des réactions sévères alors que les tests ou les RASTs sont négatifs.

Pour les réactions non médiées par les IgE, cette épreuve est souvent le seul moyen de diagnostic.

Elle permet aussi de vérifier que les patients sont devenus tolérants aux aliments.

 

L'épreuve de réintroduction, particulièrement en cas de réactions aiguës IgE dépendantes, de dermatite atopique sévère et de syndrome enterocolitique, peut déclencher des réactions sévères. En règle générale, cette réintroduction ne doit jamais être faite à la maison.

L'allergologue disposera des médicaments nécessaires au traitement d'une réaction anaphylactique.

L'avantage de l'épreuve devra être pesé au regard des problèmes sociaux et nutritionnels posés par le régime d'éviction.

Une anaphylaxie récente et sévère associée à un test ou des IgE positives à l'aliment suspect représente une contre-indication relative car l'histoire est fortement évocatrice.

Le taux de faux négatif de l'épreuve de réintroduction en double aveugle contre placebo est de 3%. Aussi, une épreuve négative devrait toujours être suivie d'une réintroduction de l'aliment en " réel " dans son état de préparation culinaire habituel.

 

Prise en charge

Médicaments

Les antihistaminiques sont parfois les seuls médicaments nécessaires pour réduire le prurit et l'éruption. Cependant, pour les patients avec des symptômes plus sévères d'anaphylaxie ou avec symptômes respiratoires ou cardio-vasculaires, un traitement supplémentaire est nécessaire.

L'adrénaline (Epinéphrine) est le principal traitement de l'anaphylaxie.

L'injection intramusculaire permet une meilleure absorption que la voie sous-cutanée.

La dose est de 0,01 ml/kg de la dilution au 1 :1000 (sans dépasser 0,3 à 0,5 ml, 0,3 à 0,5 mg).

Les doses auto-injectables permettent une rapide administration par le patient lui-même.

Des guides de bonne pratique pour savoir qui doit bénéficier de ce type de médicament sont encore en cours d'évaluation : les patients allergiques ayant déjà eu une réaction sévère, ceux qui sont allergiques à des aliments connus pour donner des réactions sévères et ceux ayant en plus un asthme.

Les signes cliniques imposant l'utilisation de l'adrénaline incluent généralement les signes respiratoires ou cardio-vasculaires après une exposition à l'allergène certaine ou possible mais les patients ayant déjà eu des réactions sévères pourrait l'utiliser en préventif en cas d'ingestion de l'aliment causal même s'ils n'ont pas encore de symptômes.

Les indications et l'utilisation de l'adrénaline devraient être réguliérement rappellées car les erreurs d'utilisation sont fréquentes.

Les patients doivent être informés que, après avoir pratiqué l'injection, ils doivent chercher rapidement à accéder à une structure d'urgence pour une observation prolongée (plus de 4 heures) car la récidive de symptômes sévères est possible.

Les patients devraient avoir des bracelets médicaux pour indiquer leur allergie et on devrait leur rappeler de renouveler régulièrement leur adrénaline.

Un composant important de la prise en charge de l'allergie alimentaire à l'école est la mise en place d'un plan d'urgence, avec médicaments disponibles et un personnel entraîné à la reconnaissance et au traitement des réactions.

Régime

Le régime d'éviction est soumis à de multiples pièges.

Dans beaucoup de pays, les insuffisances des industriels et de l'étiquetage rendent difficile l'identification des allergènes dans les aliments commerciaux.

Les contaminations croisées et les erreurs d'emballage dans les aliments commercialisés et les restaurants sont un obstacle supplémentaire.

Pour les enfants, le régime à l'école peut être difficile du fait du partage des aliments, des projets d'école sur la nourriture, des fêtes, du manque de personnel médical sur les lieux et d'autres situations à risque.

 

Histoire naturelle

Heureusement, la majorité des enfants (environ 85%) perdent leur sensibilisation à la plupart des aliments (œuf, lait, blé, soja) dans les 3 à 5 premières années de leur vie.
Le taux d'IgE spécifiques diminuant au fur et à mesure que la tolérance s'installe.

Même des enfants avec des allergies alimentaires multiples et sévères parviennent habituellement à acquérir une tolérance.

Par contre, les adultes souffrant d'allergie alimentaire pourront la garder toute leur vie.

Malheureusement, la persistance des allergies alimentaires de l'enfant semble devenir un phénomène de plus en plus fréquent.

 

La sensibilisation à l'arachide, aux noix et aux fruits de mer est rarement perdue.

La notion que l'allergie à l'arachide et aux noix est permanente provient, en partie, de l'observation que cette allergie touche les adultes et les études longitudinales d'enfant d'âge scolaire n'ont pas montré d'amélioration.

Cependant, environ 20% des enfants allergiques à l'arachide de moins de 2 ans sont devenus tolérants à l'âge scolaire. Ceux qui se sont débarrassés de cette allergie sont ceux dont les tests cutanés diminuent ou se négativent, l'intervalle depuis la derniére réaction est important (plus de 3 ans), ils ont peu d'autres sensibilisations et des réactions modérées.

 

Les mécanismes sous-tendant la tolérance sont inconnus mais pourraient être liés à la maturation du colon avec une réduction de l'absorption systèmique et la maturation de la réponse immunitaire qui joue un rôle dans la tolérance.

 

Prévention

L'allaitement au sein et l'introduction tardive des aliments solides sont associés à une diminution des maladies atopiques.

Plusieurs experts d'Europe et des USA ont fait des recommandations pour la prévention de l'allergie grâce à un aménagement du régime des enfants à haut risque d'allergie. Ces recommandations diffèrent légèrement les unes des autres, mais l'allaitement au sein (6 à 12 mois), l'introduction tardive des aliments solides (après 5 mois) et les formules hypoallergèniques (sans soja) pour complément, si nécessaire, font l'unanimité.

Les aliments ingérés par la mère peuvent passer dans le lait dans une forme immunologique intacte et déclencher des réactions chez le nourrisson.

Plusieurs chercheurs ont montré que des nourrissons issus de familles atopiques dont la mère a bénéficié d'un régime hypoallergènique pendant l'allaitement avaient moins de dermatite atopique et d'allergies alimentaires. Cependant, cette amélioration ne durerait que pendant la petite enfance et un effet à long terme est incertain.

De plus, les régimes restrictifs durant la grossesse semblent généralement inefficaces.

Enfin, il n'existe pas de recommandations définitives sur un régime d'éviction pendant l'allaitement.

Les recommandations aux USA, quand un ou deux des parents ou des membres de la fratrie sont atopiques, sont d'éliminer les cacahuètes et les noix et éventuellement d'autres aliments durant l'allaitement, envisager d'éliminer les cacahuètes durant la grossesse et retarder l'introduction d'aliments allergisants (lait de vache à 12 mois, œuf à 24 mois et cacahuète, noix et poisson à 36 mois).
Toutefois, dans certaines études la prévalence de l'allergie alimentaire, de la dermatite atopique et la sensibilisation alimentaire étaient réduites de 30 à 50% dans les 2 premières années avec de telles précautions mais il n'existait plus de différence significative dans ces paramètres aux âges de 4 à 7 ans. Ainsi, l'effet sur l'évolution de la maladie n'est pas prouvé et plus d'études sont nécessaires pour valider cette approche.

Pour compliquer l'affaire, le lait maternel des mères atopiques pourrait contenir des cytokines qui dirigeraient le système immunitaire du nourrisson vers l'allergie ; donc il est nécessaire d'avoir plus d'études pour savoir quelle est l'attitude la meilleure.

 

Voies de recherche

La recherche s'oriente vers des tests diagnostiques meilleurs.

L'identification d'épitopes des protéines sur lesquels se lient les IgE avec un haut risque de réactions cliniques confirme l'utilité d'améliorer la valeur diagnostique des tests cutanés et des RASTs.

Les patch-tests, comme ceux que l'on utilise pour tester l'hypersensibilité retardée, sont prometteurs surtout pour les réactions retardées aux aliments.

Le dosage des marqueurs inflammatoires dans le sang et les selles qui prédisent la réaction seraient intéressant mais les essais dans ce domaine restent encore mitigés.

Le dosage des cellules IgE positives dans le tractus gastro-intestinal ou l'évaluation de la réponse colique à l'instillation d'allergène en endoscopie doivent encore faire la preuve de leur fiabilité, mais sont invasives.

 

De nombreux traitements sont à l'étude.

Dans anticorps humanisés anti-IgE (injectables) sont capables de lier et d'inactiver les IgE circulantes dans le sang et de réduire les réponses allergiques telles que celles de l'asthme ou de la rhinite allergique.
L'application de tels traitements à l'allergie alimentaire est à l'étude et est particulièrement séduisante car cela pourrait théoriquement réduire ou supprimer les réactions quelque soit l'aliment incriminé.

L'immunothérapie (ou désensibilisation) est une autre approche attirante mais s'est montrée infaisable car l'injection des protéines alimentaires déclenche une réaction anaphylactique. Pour répondre à ce problème, des protéines de synthèse pour immunothérapie ont été fabriquées. Elles sont modifiées pour les épitopes les liant aux IgE qui déclenchent l'anaphylaxie alors que les épitopes pour les cellules T sont conservés.

Une autre approche a consisté en l'induction d'une tolérance à un allergène alimentaire spécifique par une vaccination avec des séquences ADN codant pour l'allergène alimentaire et l'utilisation de modulateurs immunitaires (cytokines, séquences ADN spécifiques) qui dirigent la réponse immunitaire vers une autre voie que l'allergie.

La phytothérapie est aussi en cours d'évaluation.

 

Des progrès dans la prévention sont aussi en train d'arriver.
La composition de la flore intestinale semble influencer l'atopie. Une réduction modérée de l'atopie est constatée quand on introduit des colonies de bactéries saprophytes dans le tube digestif d'enfants sujets à l'allergie.

 

L'association de meilleures méthodes de diagnostic, de techniques de prévention efficaces et de nouveaux traitements de l'allergie alimentaire devraient bientôt permettre d'améliorer la qualité de vie des patients et de leurs familles dans les années à venir.


Bien évidemment, l’auteur a fait des choix dans ses affirmations et sa vision de l’allergie alimentaire différera peut-être de ce que pensent d’autres équipes.

Malgré tout, cela reste un excellent article de référence qui vient compléter celui que nous avions déjà publié sous la plume du Dr Fabienne Rancé.

Rechercher

En bref

categories

  Allergenes

  Maladies

  Fonctionnel