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Podcast : l’allergie à l’oeuf
mardi 1er juillet 2025, par
L’allergie alimentaire est une maladie en pleine expansion qui touche jusqu’à 10 % des enfants dans les pays industrialisés. Elle résulte d’une réponse immunitaire inappropriée à des protéines normalement inoffensives. Parmi les allergènes les plus fréquemment en cause, on retrouve le lait de vache (nous en avons déjà parlé), l’arachide (la cacahuète dont nous avons également parlé dans un épisode précédent), les autresfruits à coque… et l’œuf. C’est de lui que nous allons parler aujourd’hui.
L’œuf de poule, qui est pourtant un aliment de base dans de très nombreuses cultures, est la deuxième cause d’allergie alimentaire du nourrisson après le lait. Dans une cohorte australienne, près de 10 % des nourrissons de 1 an présentaient une allergie à l’œuf prouvée par test de provocation orale (TPO) .
L’allergie à l’œuf de poule est la cause la plus fréquente d’allergie alimentaire chez l’enfant tous âges mélangés : 28,7% des cas avant l’âge de 15 ans dans les statistiques du réseau d’allergo vigilance. Son aspect transitoire est une autre caractéristique de cette allergie, laquelle passe au 7ème rang après 15 ans, avec seulement 3,1% des cas pour le réseau d’allergo-vigilance
L’allergie à l’œuf selon l’âge : une allergie de la petite enfance
Les caractéristiques particulières de l’allergie à l’œuf ne se limitent pas à une phase de tolérance fréquente qui a tendance à en faire banaliser l’importance. Non, une autre caractéristique de l’allergie à l’oeuf c’est que de nombreuses séries ont montré qu’une réactivité, au moins dans le sérum, pouvait apparaître chez le nourrisson avant tout contact alimentaire connu avec l’œuf. Cette sensibilisation marque une susceptibilité individuelle mais elle pourrait être déclenchée par le passage de protéines d’œuf dans le lait maternel alors même que l’allaitement est un bon moyen de prévention globale de l’allergie alimentaire.
L’allergie à l’œuf débute généralement dès les premiers mois de la diversification alimentaire : vers 6 mois. Elle concerne environ 1 nourrisson sur 10 à l’âge de 1 an, mais disparaît dans 60 à 75 % des cas avant l’adolescence . Certains enfants conservent une allergie persistante, qui est souvent associée à des taux élevés d’IgE spécifiques, en particulier contre l’ovomucoïde (Gal d 1), une protéine thermostable. Cette allergie persistante est un facteur de risque connu d’asthme ultérieur .
Concernant l’oeuf de poule, 70 à 80 % des enfants allergiques à l’œuf tolèrent les produits cuits au four. Les 20 à 30% restants sont le plus souvent, allergiques à l’ovomucoïde.
Les allergènes de l’œuf : plongée dans l’immunologie moléculaire
L’œuf est un cocktail de protéines potentiellement allergisantes, réparties dans le blanc et le jaune. Les principales protéines impliquées sont :
- Gal d 1 (ovomucoïde) : elle représente 11 % du blanc d’œuf. Elle est thermostable et résistante à la digestion, c’est l’allergène principalement responsable des allergies persistantes .
- Gal d 2 (ovalbumine) : 54 %. altérée par la chaleur, impliquée dans les formes transitoires.
- Gal d 3 (ovotransferrine) : 12 %. elle est également sensible à la chaleur.
- Gal d 4 (lysozyme) : 3.4 %. Il est utilisé comme additif dans certains fromages ou préparations laitières. Sa présence est parfois signalée sous la forme de nom d’additif E1105 ce qui, je vous l’accorde, n’est pas très parlant.
- Gal d 5 (α-livetin, ou sérum-albumine de poule) : présent dans le jaune d’œuf. Cette molécule a une implication majeure dans le syndrome oiseau-œuf, via une réactivité croisée avec les plumes des oiseaux qui contiennent une livetine assez proche. C’est le syndrome « oeuf-poulet » ou « oeuf-oiseau »
- Gal d 6 (YGP42) : protéine mineure du jaune.
Un allergène, une molécule allergisante, c’est une forme géométrique qui emboitera les anticorps de l’allergie de manière efficace. Ces anticorps se fixent sur des lieux particuliers de l’allergène appelés « épitopes ». Les études de microarrays peptidiques (PMA) ont permis d’identifier les épitopes IgE dominants de Gal d 1.
Cette protéine, qui est stabilisée par des ponts disulfures, présente des épitopes conformationnels (des acides aminés mis bout à bout par des replis de la molécule) qui sont résistants à la cuisson. C’est d’habitude plutôt le cas des épitopes linéaires où les acides aminés sont à la queue leu leu et c’est ce qui la rend si problématique dans les allergies persistantes .
Réactions croisées : un champ large de vigilance
Les réactivités croisées les plus notables sont :
- Avec les protéines du jaune d’œuf et les plumes (syndrome oiseau-œuf), via Gal d 5, impliqué dans des tableaux de rhinite et d’asthme après exposition aux oiseaux, puis apparition secondaire d’une allergie alimentaire à l’œuf.
- L’oeuf de poule semble croiser avec d’autres œufs (canard, caille…) mais c’est encore mal documentée.
- Enfin, une réaction croisée avec la viande de la volaille est très rare, sauf chez les professionnels exposés à la dinde ou au poulet cru (cuisiniers, bouchers).
L’oeuf et la viande de poulet sont également des responsables fréquents des SEIPA : syndrome d’enterocolite aux protéines alimentaires. Ce syndrome se traduit par des douleurs abdominales violentes, des vomissements, une léthargie, fatigue quelques heures après la consommation de l’aliment. C’est une forme particulière et encore mal connue d’allergie ne dépendant pas des anticorps IgE.
L’éviction de l’œuf : entre rigueur et éducation alimentaire
La prise en charge de l’allergie alimentaire repose sur l’éviction stricte quand l’allergie est sévère, moins stricte si celle-ci est minime : tout dépend donc des molécules en cause et de la violence de la réactivité.
Chaque allergique aura une prise en charge adaptée à ses risques : c’est le boulot de votre allergologue que de faire les bons choix.
L
’œuf fait partie des allergènes à déclaration obligatoire (ADO). Il peut cependant se cacher sous des dénominations variées moins parlantes : albumine, lysozyme (sous le code E1105, nous l’avons vu plus tôt), ovomucoïde, etc.
Il va vous falloir :
- Apprendre à faire une lecture attentive des étiquettes, y compris les mentions « traces » qui ne sont pas réglementées.
- Intégrer si votre enfant peut manger des protéines d’oeuf uniquement très cuites, ou peu cuites, voire crues en faible quantité.
- A être vigilant en restauration collective ou à l’étranger.
- A sensibiliser l’entourage (école, crèche, famille) avec le plus souvent la mise en place d’un projet d’accueil individualisé pour que les risques soient bien gérés en collectivité.
Un document d’aide à l’éviction est proposé par le groupe des diététiciens et diététiciennes « Allergodiet », que vous pouvez télécharger sur allergodiet.org.
Prévenir l’allergie à l’œuf : un changement de paradigme
Depuis 2016, les recommandations ont évolué. Introduire l’œuf dur entre 4 et 6 mois chez les nourrissons, y compris ceux à risque (eczéma modéré à sévère, atopie familiale), réduit significativement le risque d’allergie. Une étude australienne montre une réduction de 40 % du risque d’allergie chez les enfants ayant consommé de l’œuf cuit (dur) tôt. Ensuite, vous pouvez diminuer l’intensité de la cuisson avec des gâteaux maison très cuits, puis des crêpes, des quiches pour finir par une omelette plus ou moins baveuses.
Si vous êtes allergqiue et que de ne pas manger d’oeuf vous est difficile, il existe des substituts d’oeuf qui peuvent vous aider à attendre la tolérance.
L’immunothérapie orale : une solution pour les allergies persistantes
Plusieurs études ont démontré l’efficacité de la désensibilisation par voie orale (OIT). Elle consiste à administrer de manière progressive de petites quantités d’œuf sous contrôle médical. Mais cette approche n’est pas dénuée de risques :
- 90 % des enfants sous OIT présentent des réactions, dont 22 % de grade 4 (gêne respiratoire) .
- L’indication repose sur le profil d’IgE : un taux <8.8 kU/L pour Gal d 1 prédit une bonne tolérance à l’OIT, tandis qu’un taux élevé ou la présence d’un asthme contre-indique souvent cette approche mais encore une fois, ce n’est pas une règle absolue : faites confiance à votre allergologue.
L’OIT ne doit être proposée qu’en milieu spécialisé, après évaluation fine du profil de sensibilisation moléculaire.
En conclusion
- L’allergie à l’œuf est fréquente chez le jeune enfant, avec un fort potentiel de résolution spontanée.
- L’ovomucoïde (Gal d 1) est l’allergène central des formes persistantes et sévères.
- L’introduction précoce (avant 6 mois) de l’œuf dur est bénéfique pour prévenir cette allergie
- L’OIT est prometteuse mais réservée à des profils sélectionnés.
- L’éviction plus ou moins stricte est la règle dans les cas symptomatiques, avec une attention particulière à la lecture des étiquettes et à l’environnement alimentaire.
Dans le prochain épisode, nous parlerons de la rhinite allergique. Bonne journée à vous les amis, prenez soin de vous.
L’œuf de poule, qui est pourtant un aliment de base dans de très nombreuses cultures, est la deuxième cause d’allergie alimentaire du nourrisson après le lait. Dans une cohorte australienne, près de 10 % des nourrissons de 1 an présentaient une allergie à l’œuf prouvée par test de provocation orale (TPO) . Découvrez en davantage en lisant ou écoutant ce podcast.
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