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Moustique qui pique, c’est du toc ?
lundi 30 décembre 2002, par
Des chercheurs canadiens font le point sur l’allergie aux piqûres de moustiques. Sous nos tropiques, ils ont la réputation de ne pas être allergisants. Pourtant un taux non négligeable de réactions allergiques existe d’après cette étude, allant même jusqu’au choc anaphylactique. Alors, allergie aux moustiques : vrai ou faux ?
Ig E spécifiques anti salive de moustique et anticorps de type Ig G chez 1059 donneurs de sang. : Zhikang Peng, MDa,b
Nivez Rasic, MDa Yan Liu, BSc a F. Estelle R. Simons, MDa,b
aSection of Allergy and Clinical Immunology, Department of Pediatrics and Child Health bDepartment of Immunology Faculty of Medicine University of Manitoba Winnipeg, Manitoba Canada dans JACI November 2002, part 1 • Volume 110 • Number 5
Il y a peu d’études épidémiologiques sur la prévalence de l’allergie au moustique, bien que les réactions aux piqûres de moustiques soient très courantes.
Les réactions cutanées locales varient : des petites papules à de plus grandes, des gonflements extrêmement prurigineux, allant jusqu’au syndrome récemment décrit de Skeeter.
Les réactions systémiques peuvent être de l’urticaire généralisée, de l’angio-oedème, voire un choc anaphylactique. Ces réactions sont provoquées par des protéines présentes dans la salive de moustique qui induisent des réponses IgE E, IgG 1 et IgG 4, ainsi qu’une prolifération lymphocytaire.
Les auteurs ont développé une technique ELISA sensible et spécifique pour mesurer les IgE spécifiques antisalive de moustique et les IgG. Ils avaient préalablement constaté que l’élévation des IgE spécifiques anti-salive de moustique et des taux élevés d’IgG étaient associés au développement d’une réaction allergique au moustique et étaient corrélés aux réactions aux morsures de moustiques. Ici, en dosant ces anticorps, ils ont étudié la prévalence de la sensibilisation à la salive de moustique et la relation avec une histoire clinique de réaction allergique.
– Cette étude a été approuvée par le « University of Manitoba Research Ethics Board » et s’est déroulée à Brandon dans le Manitoba, Canada en 1999.
– Les sérums ont été obtenus à partir des dons de sang de 1059 donneurs, certains avant (n= 595), d’autres après ( n= 484 ), la « saison des moustiques ».
– Chaque participant, dont l’âge moyen se situait à 39 ans, ( de 17 à 70) , a complété un questionnaire anonyme sur ses antécédents personnels d’asthme, de rhinite allergique, de dermatite atopique , d’allergie alimentaire, les réactions allergiques consécutives à une morsure ou à une piqûre d’insecte dans les 2 ans précédents, une histoire familiale d’allergie, et le risque d’exposition aux moustiques.
– Le groupe contrôle comprenait 31 personnes qui avaient au préalable une réponse négative au test de piqûre par un moustique.
– Les IgE et IgG spécifiques du moustique dans le sérum humain ont été mesurées par méthode ELISA indirecte. L’extrait de salive de moustique provenait des espèces locales d’ « aedes vexans » , et ont été utilisées dans le test ELISA. En bref, les cupules étaient recouvertes par l’extrait de salive, incubées avec les échantillons de sang, ou un sérum témoin ( 1 :20 pour les IgE et 1 : 200 pour les IgG ) puis incubées avec des IgE anti-humaines de chèvre ou des IgG anti-humaines de chèvre également, suivi par une incubation avec des IgG de lapin anti-chèvre conjuguées.
– Les données ont été analysées par un programme informatique émanant du SAS.
– Les associations entre les différentes variables ont été examinées au moyen de tests X ² et t. les variables ont été inclues dans un modèle de régression multiple logistique si elles étaient considérées être statistiquement significatives dans l’analyse à une seule variable. Les odd-ratios avec 95 % d’intervalle de confiance ont été consignés. Le niveau de significativité a été fixé à alpha = 0.05.
– Dans les 1059 donneurs étudiés, le taux de positivité était de 18% pour les IgE et de 9% pour les IgG , en utilisant la moyenne des 31 contrôles négatifs plus 1 déviation standard comme taux maximal.
– Les taux d’IgE et d’IgG étaient significativement corrélés ( r = 0.304 ; P < .0001), suggérant que les anticorps IgG pouvaient être également impliqués dans la pathogénie de l’allergie au moustique, comme cela a déjà été retrouvé dans des études antérieures. ( 1,4-6).
– Les sérums obtenus après la saison des moustiques étaient très fortement associés à des taux élevés d’IgE spécifiques(Odd ratio = 4.03) et d’IgG (Odd ratio = 6.50 ; p < 0.1).
– Une histoire familiale d’allergie, une dermatite atopique, des réactions rapportées par les patients d’antécédents de réactions allergiques aux moustiques, et l’habitation dans une zone à forte exposition aux moustiques étaient significativement associés avec des taux positifs d’IgE spécifiques , alors que des taux significatifs d’IgG étaient associés au sexe masculin, le don de sang après la saison d’exposition aux moustiques, et l’habitation dans une zone de forte exposition , mais inversement associés à des antécédents d’asthme décrits par les patients.
– Il n’y avait pas de corrélation significative entre les IgE ou les IgG et l’âge.
La prévalence de l’allergie au moustique qui a été rapportée ici ne peut pas être comparée avec les taux de prévalence rapportés dans les autres populations car il n’y a jamais eu d’études épidémiologiques similaires auparavant.
Un investigateur a mesuré les taux d’IgE et d’IgG spécifiques anti-glande salivaire de moustique chez 300 patients hospitalisés ; cependant attendu qu’il n’y avait pas de contrôle négatif et pas d’information à propos de l’exposition aux moustiques ou à propos d’autres maladies allergiques , les résultats sont difficiles à interpréter.
En utilisant une approche différente- le test de piqûre par un moustique- dans un petit groupe de volontaires sélectionnés, d’autres investigateurs ont démontré que 147 sur 162 ( 91%) des participants avaient un test positif ( diamètre de la papule > 0.3 cm²)
Dans l’étude rapportée ici, la prévalence de l’allergie au moustique est considérablement inférieure à celle obtenue dans les études de piqûres de moustique , probablement parce que les individus étudiés étaient des donneurs de sang en bonne santé sans aucune histoire particulière ni d’intérêt pour l’allergie au moustique.
De plus, les dosages d’IgE et d’IgG spécifiques dans le sérum sont moins sensibles que les tests de piqûre de moustique , seulement les individus présentant des fortes réactions aux piqûres de moustique avaient des taux élevés d’IgE et d’IgG anti-salive de moustique.
L’allergie aux piqûres de moustique a la réputation d’être, au minimum, très rare en France. Il semble que cela ne soit pas le cas au Canada : 18% des patients de cette étude avaient des IgE au moustique. Cela ne veut pas dire allergie mais au moins sensibilisation.
D’autres part, les patients ayant décrit des réactions aux piqûre de moustique avait des taux d’anticorps élevés. Il aurait intéressant de les tester ou de réaliser une épreuve de piqûre sous surveillance hospitalière.
L’auteur signale aussi d’autres études où le taux d’allergie allait jusqu’à 91% dans une population exposée !!!
Alors, allergie ou non, les études épidémiologiques manquent. Mais il serait intéressant d’utiliser les dosages d’IgE et d’IgG cités dans cette étude pour nos patients qui consultent pour une "allergie au moustique".
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