EAACI 2003 : le congrès du Dr Stéphane Guez

mercredi 11 juin 2003 par Dr Stéphane Guez2974 visites

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EAACI 2003 : le congrès du Dr Stéphane Guez

EAACI 2003 : le congrès du Dr Stéphane Guez

mercredi 11 juin 2003, par Dr Stéphane Guez

Le problème de l’information c’est de la recevoir en grande quantité à un moment donné sur des sujets qui ne vous interpellent pas au premier abord : c’est souvent ce qui rend si difficile de suivre les congrès où on reçoit une avalanche de résultats d’études que l’on a du mal à classer pour en tirer un intérêt dans sa pratique quotidienne. Aussi, nous aborderons le problème d’une façon différente en posant une question et en cherchant s’il existe une ou des réponses.

Les questions que vous auriez aimé poser à l’EAACI sur : L’Immunothérapie (8 Juin)

L’immunothérapie est un sujet hautement allergologique : aussi il était logique qu’il figure en bonne place aussi bien lors de communications orales que sous forme de posters.

 La désensibilisation est-elle efficace longtemps après son arrêt ?
* Une étude a suivi pendant 5 ans 205 enfants qui ont été désensibilisés pendant 3 ans pour une pollinose (6 à 14 ans, par voie injectable : phléole, bouleau).
* Dans le groupe désensibilisé il y a de façon significative moins d’asthme.
* D’autre part pendant les 2 ans qui suivent le traitement, les enfants bons répondeurs en gardent un effet bénéfique.
* La DS a donc un effet prolongé, et d’autre part la DS dans la rhinite prévient le développement d’un asthme.
* Ref : Suivi à 5 ans de l’étude PAT. Un suivi des résultats à long terme de l’immunothérapie spécifique pendant 3 ans, sur la prévention de l’asthme chez l’enfant. L. Jacobsen et al.

 La désensibilisation (DS) par voie sub-linguale est-elle réellement bien suivie par les patients ?
* C’est une question cruciale, car ce traitement est pris seul à la maison par le patient, et son efficacité repose sur la stricte observance des doses d’entretien.
* Une étude répond à cette question : réalisée par l’équipe italienne du Pr Canonica,
* 35 patients ont été interrogés par téléphone à un moment donné pour savoir combien il leur restait de gouttes avec comparaison par rapport au protocole pré-établi.
* Et bien le résultat est excellent, puisque la compliance tourne autour de 96-97%. Il n’a pas été observé d’effets indésirables.
* Ref : Evaluation de la compliance à la désensibilisation sublinguale. C. Lombardi et al

 La compliance à la DS par voie sublinguale peut-elle être améliorée par l’éducation du patient ?
* De plus en plus il semble indispensable pour le médecin de consacrer un temps de consultation pour expliquer au patient les modalités de son traitement, ce qui permettrait d’ailleurs de sérieuses économies car nombre de traitements son mal pris ce qui pérennise l’affection et incite le patient à consommer de la consultation médicale…
* Une étude également italienne a comparé la compliance au traitement entre 2 groupes de patients :
** l’un qui a reçu l’information standard
** et l’autre qui a reçu une formation par un programme éducatif spécifique.
* Sur les 15 patients de chacun des groupes, 8/15 ont respecté les posologies dans le groupe standard contre 12 sur 15 dans le groupe ayant eu un complément d’informations, avec dans ce groupe une meilleure adaptation aux effets indésirables.
* La conclusion est évidente : il faut former le patient à la DS sublinguale par un temps de consultation spécifique.
* Aux pouvoirs publics de lire le compte rendu de ce congrès pour se persuader de l’intérêt de créer enfin une nomenclature spécifique et adaptée pour la formation du patient.
* Ref : Comparaison de la compliance de patients à de s doses de désensibilisation par voie sublinguale en fonction du degré d’instruction dans la prise en charge de ce traitement. C. Incorvaia et al.

 Peut-on faire du rush par voie sublinguale ?
* La question est intéressante puisque cette voie est réputée comme exposant à moins d’incidents sévères que la voie injectable.
* Une étude a porté sur des patients allergiques aux pollens de graminées (rhinite avec éventuellement asthme léger), en double aveugle contre placebo.
* 107 patients ont été inclus, avec un protocole en 1.5 h (30-90-150-300IR), avec ensuite 300 IR tous les jours.
* La tolérance est bonne, les effets indésirables semblant plus en relation avec l’affection sous jacente que secondaire au traitement.
* Ainsi il est possible de débuter une immunothérapie juste au début de la saison pollinique et pendant toute la durée de celle-ci.
* Cependant l’étude ne précise pas si ce protocole est efficace. Mais si la tolérance est bonne l’étude mérite d’être poursuivie.
* Ref : Sécurité d’une désensibilisation spécifique par un protocole de rush : premiers résultats d’une étude en double aveugle contre placebo chez des patients allergiques aux pollens de graminées. HF Merk et al.

Allergie Médicamenteuse - 10 juin 03

 Anaphylaxie en cours d’anesthésie générale chez les enfants en France : résultats sur 12 ans - Karila C.
* Entre 1989 et 2001, 68 enfants (43 garçons) de 1 à 16 ans ont été explorés après une réaction générale per-anesthésique.
* A Necker où l’étude se déroulait, les auteurs ont constaté une fréquence importante de réactions adverses chez l’enfant : 1/2100 anesthésies générales.
* 46% d’entre eux étaient atopiques.
* Chez 51 d’entre eux, la réaction a été anaphylactique.
* Selon les médicaments utilisés, on retrouve des tests et/ou IgE spécifiques positifs :
** pour les curares : 69%
** pour les hypnotiques : 20%,
** pour les opiacés : 20%,
** pour les colloïdes : 50%,
** pour le latex : 23%
* 75 % des enfants avaient une réaction croisée à plusieurs curares.
* 20 enfants ont eu une nouvelle anesthésie générale tenant compte des résultats du bilan allergologique, aucun n’a eu de réaction anormale.

 Tolérance du Rofecoxib chez des patients avec réaction anormale aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) Hanau A.
* 43 patients dont 37 femmes, d’âge moyen 48 ans, ont été évalués pour la survenue, après prise d’AINS, de :
** angio-œdème ou urticaire : 77%,
** oppression respiratoire 33%,
** flush : 7%,
** rash maculo-papuleux : 5%
* 21 avaient des antécédents de réactions anormales avec plusieurs AINS.
* Tous les patients ont eu un test de provocation orale en simple aveugle contre placebo au Rofecoxib (Vioxx) : 1 seul a eu une réaction urticarienne modérée.
* 30 patients ont eu un test de provocation au paracetamol associé : aucun n’a réagi.
* Les inhibiteurs des Cox2 (ici, le Vioxx) paraissent être des alternatives intéressantes chez les patients intolérants aux AINS.

  Place des tests de provocation médicamenteux dans le diagnostic de l’hypersensibilité médicamenteuse immédiate Demoly P.
* Dans l’hypersensibilité médicamenteuse, une démarche diagnostique globale doit associer :
** l’anamnèse,
** les tests cutanés et biologiques lorsqu’ils sont possibles ou disponibles,
** les tests de provocation médicamenteuse (TP),
* Une étude prospective a été réalisée chez 1125 patients (68% de femmes - 13 enfants) entre 96 et 01 ayant présenté une réaction d’hypersensibilité médicamenteuse dans les 24 heures suivant la prise.
* Les médicaments incriminés étaient :
** Les bêta-lactamines dans 30 % des cas,
** l’aspirine : 14,5%,
** AINS : 11,7%
** Paracétamol : 8,9%
** Macrolides : 7,4%
** Quinolones : 2,4%
* 898 patients ont eu un test de provocation ; les 227 autres avaient, soit une histoire non compatible, soit un bilan allergologique positif (92 avaient des tests cutanés positifs aux béta-lactamines).
* Chez les 898 patients, 1372 tests de provocation ont été réalisés :
** 1131 étaient négatifs, 241 positifs soit 17,6 %
** Le TP reproduit quasiment toujours la réaction initiale, à la fois au plan sémiologique et chronologique,
** le TP est d’autant plus souvent positif que la réaction initiale a été précoce et grave,
** lorsque la réaction est uniquement cutané, le TP est le plus souvent négatif.
* Il n’y a eu aucun effet indésirable grave.
* En conclusion, les véritables hypersensibilités médicamenteuses représentent moins de 20 % des cas suspectés et le TP reste le test de référence pour l’affirmation du diagnostic.

Mercredi 11 juin 2003

 Y a-t-il ou non des réactions croisées entre venins de guêpe et venins d’abeille ?

La réponse est oui !
* Cette étude a cherché à identifier les molécules en cause dans la fausse double sensibilisation à la guêpe (vespula) et à l’abeille chez 15 patients.
* Les molécules impliquées sont les carbohydrates.
* A l’aide d’immunoélectrophorèse avec utilisation d’une technique d’inhibition par les IgE et les IgG ainsi qu’avec des carbohydrates d’une autre origine que les venins, les auteurs ont démontré que la réaction croisée est due à des fragments protéiques situés sur des hyaluronidases.
* Pour 10 patients sur 15, la double positivité des tests est seulement due à cette réaction croisée et n’a pas de signification clinique.
* En effet la liaison avec les IgE spécifiques des patients ne se fait qu’après dénaturation des protéines.
* Pour les auteurs, ces carbohydrates correspondent- aux allergènes B, C du venin d’abeille et aux allergènes V mac 1 et 3 de la vespula, antigènes mineurs qui ont été anciennement décrits.

Il faut donc prendre en compte cette possibilité de réaction croisée sur les allergènes mineurs chez des patients ayant une double sensibilisation à l’abeille et à la guêpe avec des discordances sur le plan clinique.

* Ref : Identification par immunoélectrophorèse de glycoprotéines de venins entraînant des réactions croisées entre venin d’abeille et de guêpe vespula. W Hemmer

 Comment peut-on alors améliorer le diagnostic de l’hyménoptère en cause lors de l’exploration allergologique ?
* Puisque de nombreux patients ont une double sensibilisation lors des tests cutanés à la fois pour la vespula et pour l’abeille, il faudrait un test discriminant, lorsque l’histoire clinique n’est pas claire, pour améliorer le diagnostic précis de l’insecte en cause.
* Les auteurs ont étudié la cinétique des IgE spécifiques au décours de piqûres d’hyménoptères chez 31 patients ayant un diagnostic d’allergie à la guêpe vespula selon la procédure diagnostique habituelle.
* Une augmentation ou une diminution de plus de 10% des IgE spécifiques a été considérée comme significative.
* Des IgEs vis-à-vis de Vespula ont été trouvées chez tous les patients, avec une positivité pour l’abeille chez 17/31 lors du premier examen.
* Après piqûre, 22 (71%) patients ont eu une augmentation, 7 (22.7%) une diminution et 2 aucune modification du taux des IgE spécifiques à la guêpe. La concentration des IgE s à l’abeille a augmenté chez 11 patients (45.5%), et diminué chez 4 patients (12.9%).
* Lorsqu’un 2° et 3° prélèvement ont été effectués avant et après la 4° semaine après la piqûre, il y avait une augmentation des IgE à la vespula chez 16 patients sur 19 (84.2%) et chez 6 sur 12 (50%) respectivement (p<0.05), et pour l’abeille une augmentation chez 8/19 (42.1%) et 3/12 (25%) des patients.
* Ainsi, rapidement après la piqûre on note chez la plupart des patients une augmentation des IgE spécifiques à l’insecte réellement en cause.
* Mais il y a également une modification du taux des IgE spécifiques qui croisent au cours des semaines qui suivent l’accident anaphylactique, avec une ascension puis une diminution.
Cette cinétique peut donc aider à déterminer plus précisément l’insecte en cause.
* Ref : Modification de la concentration en IgE spécifiques sériques au venin d’hyménoptère après une piqûre avec réaction systémique : un moyen d’améliorer le diagnostic ? F Rueff

 Peut-on mourir d’une désensibilisation à la guêpe vespula ?
* Les auteurs rapportent le cas clinique d ’une femme de 40 ans qui est décédée brutalement dans les minutes qui ont suivi la 2° injection de désensibilisation à la guêpe.
* Le diagnostic avait été fait de façon classique, sans problème particulier.
* La méthode de désensibilisation choisie était moins habituelle, puisqu’il ne s’agissait pas d’un rush mais d’une désensibilisation classique avec une première injection de 0.02 microgramme puis une semaine après injection de 0.04 microgramme.
* Juste avant de débuter la désensibilisation, l’allergologue avait demandé l’arrêt du bêtabloquant chez cette femme obèse et hypertendue avec des antécédents de troubles de rythme ventriculaire sévère, et le médicament de substitution choisi a été l’indapamide.
* Dans les 13 minutes qui ont suivi la 2° injection la patiente s’est plainte d’une sensation de malaise puis à fait un collapsus brutal. Elle a été réanimée très difficilement avec injection au total de 13 mg d’adrénaline, plusieurs défibrillations, intubation et ventilation. Elle a été admise en réanimation avec un ECG qui montrait l’arrêt de la fibrillation ventriculaire et un rythme sinusal. Malheureusement, rapidement des signes neurologiques avec un coma profond ont fait suspecter une mort cérébrale qui a été confirmée sur l’EEG.
* Le problème a été de savoir si le décès était du à une réaction anaphylactique : en fait de nombreux arguments vont contre cette hypothèse, en particulier l’absence de signes cliniques d’allure allergique, la faible dose injectée, la non réponse à l’adrénaline.
* Par contre il est très probable que le collapsus soit secondaire à un trouble du rythme ventriculaire grave. Il n’aurait donc pas fallu arrêter le bêtabloquant chez cette patiente.
* L’idée à retenir de ce cas clinique, est que l’arrêt du bêtabloquant qui est recommandé avant une désensibilisation ne doit pas être systématique mais réfléchie au cas par cas selon les patients. D’autant qu’il n’y a qu’une seule étude publiée avec cas témoins pour valider cette règle !! Dans certaine situation clinique, il ne faut donc pas les arrêter.
* Faut-il alors désensibiliser ? Il semble que oui pour les auteurs de ce travail, mais il n’y a pas de règle précise sur ce problème.
* Ref : Décès au cours d’une désensibilisation au venin d’hyménoptère : l’arrêt du bêtabloquant avant le traitement pourrait être en cause. UR Muller.

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