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Journée Parisienne d’Allergologie Infantile : 8 novembre 2003 Après-midi
lundi 10 novembre 2003, par
« Douter c’est penser » : telle a du être la devise qui a servi de fil conducteur à cette 31ème journée d’Immunologie et Allergologie Infantile ce 8 novembre 2003 à Paris.
Le cadre art déco de la Maison de la Chimie, témoin du modernisme du début du siècle a en effet servi de décor a une remise en question de beaucoup de notions allergologiques que l’ont pensait être des faits solides définitivement acquis.
Il y avait beaucoup de monde, comme d’habitude, pour de nombreuses mises au point présentées sous forme d’interrogation aussi bien sur l’utilité des mesures d’éviction pour la prévention des maladies allergiques, que sur l’intérêt et l’efficacité des traitements proposés.
La proximité, entre orateurs et congressistes, a permis des échanges fructueux, et nul doute que cette journée marquera durablement notre exercice professionnel en nous obligeant à nous interroger sur l’ensemble de nos pratiques.
La prévention primaire de l’allergie est-elle possible, est-elle utile ?
Roger P. Lauener (Suisse)
Par prévention primaire RP Lauener entend la prévention de la sensibilisation, la prévention des manifestations cliniques étant une prévention secondaire.
On sait depuis longtemps qu’il existe une corrélation entre le taux des allergènes acariens et la fréquence et l’intensité de la sensibilisation chez l’enfant. Mais, il a été démontré qu’il n’y a pas de différence au regard des manifestations cliniques ultérieures comme le wheezing. On ne peut et on ne doit donc pas faire d’analogie entre sensibilisation d’une part et développement de l’atopie et maladie allergique d’autre part.
Lorsqu’on s’intéresse aux allergènes animaux en particulier au chat, les nouvelles données sont encore plus déstabilisantes : si l’enfant est en contact avec 2 chats ou plus, il y a une nette amélioration aussi bien en terme d’atopie que sur le plan respiratoire avec une diminution de l’HRB. Ces données sont également valables pour les allergènes du chien.
Par ailleurs, il est confirmé qu’un environnement riche en bactéries est bénéfique, puisque les enfants qui vivent dans des fermes au contact de nombreux animaux ont significativement moins de maladies allergiques (asthme, rhinite etc.).
Il vient d’être montré qu’il existe une relation entre la charge allergénique en allergènes du chat et l’évolution de la sensibilisation : s’il y a beaucoup d’allergènes, on observe 25% de sensibilisation, et si on est exposé dans la petite enfance a encore plus d’allergènes, alors il y a une chute à 12% de la sensibilisation. Mais cela ne modifie pas l’évolution vis-à-vis des autres allergènes.
Donc la question doit être posée : est-ce que l’éviction est réellement utile, est-ce qu’une éviction imparfaite ce qui est souvent le cas n’aurait pas au contraire un effet encore plus néfaste, puisqu’il est démontré qu’alors la fréquence de la sensibilisation augmente de façon importante ?
Ces données qui sont valables pour les allergènes animaux ne le sont pas pour les acariens ou les pollens.
Donc 2° notion : tous les allergènes ne doivent pas être mis « dans le même sac » en ce qui concerne l’éviction.
Alors que faut-il faire en pratique ?
En Suisse, on préconise dans les familles d’atopiques des mesures très générales et très simples pour l’éviction des acariens.
– De principe, bien que cela ne soit pas vraiment démontré, on préfère préconiser une diversification alimentaire tardive en particulier pour les allergènes puissants.
– Faut-il nourrir les enfants aux seins ? Sans doute, bien qu’il y ait une controverse.
– Faut-il proposer aux autres enfants des laits hydrolysés de façon systématique ? Pas de réponse.
– L’utilisation des probiotiques semble bénéfique, avec une réduction de la dermatite atopique après 1 an de traitement.
– Faut-il continuer à vacciner les enfants ? Oui, et il semble même que plus la dose cumulative de vaccins est forte, quelque soit la nature des vaccins, moins il y a d’asthme, de dermatite atopique et de sensibilisation.
En conclusion : il faut finalement bien dissocier sensibilisation et manifestations cliniques, et penser en terme d’allergène au singulier, chacun ayant une action bien spécifique en terme d’évolution de la maladie allergique, des mesures d’éviction à proposer etc. Il ne faut pas avoir d’avis dogmatique en ce qui concerne ces mesures d’éviction dans la sensibilisation primaire, c’est-à-dire de la sensibilisation avant toute manifestation clinique. (S’il existe des manifestations clinique alors les choses sont plus simples ou du moins restent conformes à ce que l’on a toujours dit : l’éviction s’impose comme un traitement curatif à part entière).
Les chemins de l’atopie : leçons de l’étude MAS.
E Von Mutius (Allermagne)
Cette auteur qui est à l’origine de la théorie hygiéniste pour expliquer le développement des maladies allergiques, a exposé les résultats d’une étude de cohorte qui suit depuis la naissance des enfants avec des analyses à 7 ans et 11 ans.
Les données sont surprenantes.
Ainsi, il apparaît que l’asthme débute bien dans la petite enfance, avant l’âge de 4 ans, et qu’il y a certainement des phénotypes différents qui conditionnent l’évolution même si les manifestations initiales se confondent toutes dans le même wheezing.
On peut distinguer des enfants qui ont une sensibilisation transitoire (allergie à l’œuf), certains qui ont une sensibilisation tardive (pneumallergènes) et d’autres qui ont une sensibilisation persistante (début par une allergie alimentaire puis pneumallergènes, animaux, et autres).
La sensibilisation est différente entre asthmatique et non asthmatique. Ainsi, si un enfant a très tôt des allergies alimentaires il a plus de risque d’être asthmatique.
L’allergie à l’œuf est un facteur prédictif très fort lié à l’existence d’un asthme à l’âge de 7 ans.
Donc, il semble au travers des résultats de cette étude que l’asthme apparaissant dans les premières années de vie, il faut bien une prise en charge très précoce, et en fait il faudrait agir avant l’apparition de l’asthme donc dans les premiers mois de la vie.
Les pistes qui pourraient permettre d’agir dans les premiers mois sont les suivantes :
* de nouvelles études confirment que le fait de mettre les enfants très tôt à la crèche ainsi que d’avoir de nombreux frères et sœurs sont des facteurs protecteurs.
* les infections précoces, rhinites, infection à herpès etc. protègent de l’asthme et de l’hyperréactivité bronchique.
En ce qui concerne la dermatite atopique, l’étude précise les modalités évolutives de cette affection :
* 19% ont une DA persistante
* 38% ont des manifestations intermittentes
* 43% ont une rémission (analyse à l’âge de 7 ans).
Quels sont les facteurs de risque évolutif de la DA ? L’intensité du grattage initial est un facteur de mauvais pronostic. En fait les formes graves sont celles qui seront le plus souvent persistantes.
Corrélation entre DA et asthme : Il semble que les enfants qui auront ces 2 manifestations ont un profil de sensibilisation particulier, avec une allergie à de très nombreux allergènes : pneumallergènes, soja, blé, pollens, acariens, bouleau.
Pour cette auteur, il n’y a pas DA puis asthme, mais d’emblée les 2 ou aucune association.
* Si un enfant a de l’eczéma sans sifflements avant 2 ans, il n’a pas de risque d’asthme à 7 ans,
* s’il a des sifflements très précoce sans eczéma avec une sensibilisation avant l’age de 2 ans il a un fort risque d’asthme,
* s’il a une DA, des sifflements, et de nombreuses sensibilisations alors le risque d’asthme est très élevé.
Ainsi, l’association eczéma et sifflement est moins à risque que sifflements avec nombreuses sensibilisations.
En conclusion : l’asthme, l’atopie et l’eczéma semblent être 3 affections distinctes avec des facteurs de risque différents.
Allergie à l’œuf : state of the art.
P. A. Eigenmann (Suisse).
Pas de choses vraiment nouvelles pour cet exposé qui faisait le point sur l’allergie à l’œuf.
Il est rappelé qu’il faut bien faire la distinction entre sensibilisation et allergie, et que devant un test positif isolé à l’œuf, sans histoire clinique concordante il faut faire un test de provocation pour clarifier la situation et ne pas faire d’éviction inutile.
Ce test positif isolé est par contre un marqueur pronostic important de développement possible d’un asthme, il faut donc rechercher un asthme débutant et traiter très tôt des manifestations cliniques respiratoires évocatrices d’un asthme.
En ce qui concerne les vaccins, l’auteur confirme la bonne tolérance des vaccins cultivés sur œuf embryonnaire de poule même chez les authentiques allergiques à l’œuf. Il ne pratique plus de tests cutanés avec les vaccins, qui sont réalisé d’emblée mais sous surveillance médicale pendant ½ heure après l’injection.
Allergie au lait de chèvre.
E. Paty (paris)
Il s’agit d’une communication intéressante sur une série d’enfants ayant une allergie au lait ou au fromage de chèvres.
Les manifestations cliniques sont le plus souvent bruyantes avec dans de nombreux cas recours à des injections d’adrénaline.
Jusqu’à présent, on connaissait, l’allergie croisée très fréquente (92% des cas) entre allergie au lait de vache et lait de chèvre, mais il peut exister une allergie isolée au lait de chèvre sans croisement avec le lait de vache. Ces enfants ont très souvent d’autres allergies alimentaires associées.
Les tests sont réalisés soit avec du lait, soit avec du fromage de chèvre, donc tests natifs.
Le Cap Pharmacia a une bonne corrélation positive, par contre les taux d’IgE ne sont pas corrélés à la sévérité de l’affection.
La 2ème partie de la communication été faite par un ingénieur de l’INRA, Mr F Chedevergne.
Il a cherché l’allergène en cause : il semble qu’il s’agisse des caséines, avec une allergie croisée importante de ces enfants, en terme de spécificité IgE, entre caséines caprines et ovines, alors qu’il n’y a pas d’allergie croisée avec les caséines bovines. Par contre les épitopes précis en cause n’ont pas encore été identifiés.
En conclusion, les auteurs s’interrogeaient sur l’apparition actuelle de cette nouvelle allergie. Il y a une coïncidence entre le début des cas rapportés et les modifications intervenues depuis 1994 sur de nouvelles normes de stérilisation de ces fromages : il est possible que ces procédés fabriquent des néo allergènes.
Allergie aux curares.
Chantal Karila (paris).
Il s’agit d’une mise au point sur l’allergie au curare chez l’enfant. Les auteurs ont observé une nette augmentation des interventions chirurgicales chez les enfants avant l’age de 5 ans : + 92% entre 1998 et 1996 !!
Il n’y a pas de données épidémiologiques sur l’allergie aux AG chez les enfants.
Les facteurs de risque sont, comme pour l’adulte, le nombre des interventions, certains enfants opérés pour des malformations urogénitales ayant plus de 30 AG !!
Les réactions croisées entre curares sont observées dans 50% des cas.
Le latex est responsable de 27% des allergies contre 16,7% chez l’adulte.
L’incidence calculée de l’allergie aux AG est de 1/2100 anesthésies mais avec un biais certains de recrutement.
Il n’y a eu aucune manifestation cliniques de grade 4.
Sur le plan biologique, il y a une bonne corrélation entre IgE au latex et histoire clinique et tests cutanés, alors que cette concordance est très médiocre pour les IgE spécifiques aux curares.
Que conseiller pour les EFR des enfants d’age préscolaire en ville ?
Muriel Le Bourgeois (Paris).
Il s’agissait de la dernière communication de cette journée.
L’auteur a rappelé les différentes méthodes utilisées chez les enfants.
Les points intéressants sont les suivants :
* il faut être très vigilant sur l’interprétation des résultats car ces EFR sont difficiles à réaliser chez l’enfant avec de nombreux biais liés à la difficulté de comprendre le geste à faire pour de très jeunes enfants.
* la plethysmographie est un moyen d’exploration fiable qui permet un bon calcul des résistances, mais il faut disposer de ce matériel coûteux.
* aussi c’est avec satisfaction que nous avons entendu que la courbe débit volume est possible entre 3 et 6 ans avec des résultats fiables. Il faut beaucoup plus de temps pour la réaliser que chez l’adulte, mais grâce à l’aide de nouveaux logiciels ludiques il est possible d’obtenir des courbes de bonne qualité. Il faut par contre se méfier des normes fournies par les appareils, et se référer aux normes spécifiquement pédiatriques.
Enfin, il reste à préciser quels sont les objectifs de ces examens en terme de thérapeutique.
Faut-il normaliser une courbe comme chez l’adulte ? Doit-on suivre le traitement et l’évolution de la maladie de la même façon que l’adulte ?
Autant de questions dont nous aurons peut-être les réponses lors de la prochaine Journée Parisienne d’Immuno-Alllergologie infantile.
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