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JPA 2005 : le congrès du Dr Stéphane Guez
dimanche 16 janvier 2005, par
La matinée du vendredi 14 janvier a permis de faire le point sur des problèmes courants en asthmologie : Prévention des exacerbations, asthme et grossesse et diagnostics différentiels de l’asthme.
Asthme : prévention et traitement des exacerbations
C.Leroyer et al.
La prise en charge de l’asthme est actuellement bien définie et les recommandations en particulier du GINA sont bien diffusées. Le traitement est codifié en fonction de la sévérité de l’asthme.
Cependant, la maladie asthmatique est variable dans le temps, et le patient n‘a pas toujours un médecin à proximité pour l’aider à adapter son traitement lors d’une exacerbation de son asthme.
Cet exposé concerne donc un aspect très important et très intéressant pour tout asthmatique.
Pour une bonne prise en charge il faut analyser le problème selon le plan suivant :
- reconnaître l’exacerbation
- apprécier la gravité de cet épisode
- adapter le traitement
- sécuriser l’ensemble en indiquant le mode de recours aux structures de soins.
– Reconnaître l’exacerbation :
- Il faut prendre le temps de discuter avec le patient pour l’aider à reconnaître une manifestation d’asthme dans un langage qui est le sien. Plutôt que de parler de sibilance, dyspnée etc. il faut s’attacher à reconnaître une crise d’asthme à travers des signes comme : raclement de gorge, sifflements respiratoires, poids sur la poitrine etc.... jusqu’au signe de gravité qu’est la difficulté à parler. Un temps d’échange entre patient et médecin est donc nécessaire pour préciser les symptômes qui annoncent une exacerbation d’un asthme et un début de crise.
- Pour les patients mauvais percepteurs d’une obstruction bronchique, il faut avoir recours au débit de pointe et le faire mesurer régulièrement.
– Reconnaître la gravité de l’exacerbation :
Globalement les différentes études ont permis de reconnaître 2 profils :
– l’asthme d’aggravation progressive, qui représente 80% des cas, qui concerne surtout les femmes, avec une obstruction modérée et qui répond par contre plus lentement à l’augmentation de la thérapeutique de fond car l’aggravation est le plus souvent d’origine virale.
– la crise d’asthme d’évolution très rapide, qui concerne moins de 20% des asthmatiques, qui intéresse surtout les hommes et qui est déclenchée par une allergie ou un stress et qui va répondre le plus souvent très bien au traitement, même si l’obstruction est sévère.
Donc dans la grande majorité des cas, une exacerbation va être progressive et l’étude FACET a montré qu’il y avait environ 5 à 6 jours entre le début de l’exacerbation et le pic maximum des symptômes. Il faut ainsi mettre à profit cet intervalle de temps pour adapter le traitement du patient et l’idéal est que ce patient possède un document écrit lui permettant de gérer lui même cette exacerbation.
– Adaptation thérapeutique :
Pour la mettre en action, il est démontré que le patient peut se baser uniquement sur les symptômes et qu’il n’est pas nécessaire d’avoir recours à la mesure du débit de pointe.
Faut-il augmenter la dose de corticoïdes inhalés du traitement de fond ?
La réponse est oui mais il faut tenir compte de la dose initiale :
- Il a été montré que si la dose de corticoïdes est de 800 microg par jour, le fait de doubler la dose en cas de crise n’améliore pas le patient.
- Par contre si la dose initiale est de 200 microg et que l’on quadruple la dose alors on obtient une bonne réponse thérapeutique. Ce phénomène est lié à l’effet plateau des corticoïdes inhalés : à faible dose il existe un réponse dose dépendante, alors qu’à forte dose il y a un effet plateau. Il faut alors recourir aux corticoïdes per-os.
Le recours aux béta2 courte durée d’action est évidemment important en association rapidement aux corticoïdes par voie générale.
En cas de non réponse au traitement, le patient doit consulter son médecin en urgence.
– Conclusion :
Au total, il faudrait pour tous les patients ayant un asthme persistant modéré à sévère, proposer une fiche comme celle-ci lui permettant de gérer sa crise :
Mes symptômes sont :
- Absents = Je prends le traitement de fond
- Je suis enrhumé, j’ai de l’asthme le jour et/ou la nuit = je prends X bouffées du flacon rouge et l’inhalateur bleu pour me soulager
- Je suis essoufflé, l’inhalateur bleu ne me soulage pas = je continue le traitement et je prend des corticoïdes per os : X mg pendant Y jours et je contacte mon médecin.
- J’ai des difficultés à parler = je déclenche le plan d’urgence : numéro du service d’urgence etc....
Bien entendu il ne s’agit que d’un modèle qui doit être adapté à la pratique du médecin et au patient auquel il s’adresse.
Mais il apparaît désormais important que tout allergologue ou pneumologue en charge du suivi d’un asthme s’astreigne à mettre en place ces fiches et à éduquer ses patients pour leur permettre de vivre encore mieux leur maladie asthmatique.
Asthme et grossesse.
P.Demoly, P.Godard
Un exposé passionnant nous a été proposé par le Pr. Demoly avec son brio habituel. Compte tenu de la prévalence de la maladie asthmatique, on peut estimer la prévalence de l’asthme chez les femmes enceintes entre 5 et 10%.
– Retentissement de l’asthme sur la grossesse :
– Pour la mère les données suivantes sont disponibles dans la littérature concernant les risques suivants :
- HTA et éclampsie : risque multiplié par 2 (x2)
- placenta praevia : x1.7
- césarienne : x2
- augmentation de la durée d’hospitalisation : x1.8
- diabète gestationnel : x3
Il existe également une corrélation entre ces divers risques et la sévérité de l’asthme.
– Pour l’enfant, les risques sont :
- retard de croissance et diminution du poids de naissance : x2 (corrélation avec la sévérité de l’asthme).
- prématurité : x1.3 (corrélation avec les doses de corticoïdes per os).
– Influence de la grossesse sur l’asthme :
– Dans la genèse de l’asthme :
- Pendant la grossesse : le risque pour le futur enfant de développer un asthme est augmenté d’un facteur 2 à 10 si la mère est asthmatique, et de 2 si elle fume.
- Pendant l’accouchement : la césarienne augmente le risque d’asthme chez l’enfant d’un facteur 3. Cela est certainement du à l’absence de colonisation des voies respiratoires et digestives de l’enfant par des germes saprophytes lors du passage de la filière génitale, avec une absence de stimulation des TH1 et un mauvaise équilibre de la flore microbienne intestinale de l’enfant.
- L’allaitement pendant plus de 4 mois pourrait augmenter le risque d’asthme d’un facteur 2 chez l’enfant, mais il s’agit d’une donnée controversée.
– Influence de la grossesse sur le contrôle de l’asthme :
– Le risque d’exacerbation de la maladie asthmatique est multiplié par 3.
– L’évolution est très variable selon les mamans, et il semble que pour un même femme, les grossesses successives déclenchent les mêmes types de problème concernant leur asthme.
– Rhinite et grossesse :
La prévalence de la rhinite est de 22 à 30%.
L’évolution est variable :
- aggravation dans 10 à 15% des cas
- stabilité dans 51 à 90% des cas
- amélioration dans 34% des cas.
Il faut signaler une entité particulière : la rhinite hormonale. Elle n’est pas liée à une inflammation mais à une obstruction d’origine vasculaire liée à des causes hormonales. Cette rhinite disparaît dans les jours qui suivent l’accouchement.
– Risques potentiels des traitements :
– Béta2 courte durée d’action :
- La tératogénicité est exceptionnelle chez l’animal. Il n’y a aucune donnée humaine inquiétante même lors de l’utilisation de ce traitement lors du premier trimestre et à doses importantes.
- Il est préférable de l’arrêter 48 h avant l’accouchement pour permettre un bon travail.
- Il ne faut pas oublier que son abus lors d’un grossesse témoigne d’un mauvais contrôle de l’asthme et de la nécessité d’augmenter le traitement de fond.
– Béta2 longue durée d’action :
Il n’y a pas actuellement de données disponibles en raison de l’apparition récente de ces molécules. Le principe de précaution incite donc à ne pas les prescrire sans raison justifiée.
– Corticoïdes inhalés :
- La tératogénicité chez l’animal est prouvée avec fente labiale et labio-palatine.
- Mais les données humaines sont rassurantes après 25 ans de recul pour la béclométasone. Ce dernier corticoïde peut donc être conseillé en priorité lors de la prescription initiale d’un traitement pour asthme lors d’une grossesse. (La fluticasone est déconseillée).
– Corticoïdes per os :
- La aussi la tératogénicité chez l’animal est prouvée.
- Chez la femme également il existe un risque non négligeable après synthèse de toutes les études publiées.
- Les risques de fentes palatines et de fentes labio-palatines sont augmentés d’un facteur 3 à 5. Il faut donc préférer dans tous les cas les corticoïdes inhalés. En cas de nécessité de corticoïdes par voie générale il faut conseiller la méthylprednisolone.
– Anti-histaminiques :
- La tératogénicité animale est fréquente et dépend des molécules.
- Les données humaines sont actuellement très rassurantes surtout pour les molécules « anciennes » comme l’hydroxyzine.
– Comment prendre en charge l’asthme au cours de la grossesse :
Il faut en fait suivre les recommandations habituelles du traitement de l’asthme avec des actions sur l’environnement, la nécessité de soins réguliers, un plan d’action en cas d’exacerbation, un traitement de fond par voie inhalée.
Il faut bien comprendre que si les traitements peuvent avoir des risques théoriques, un mauvais contrôle de l’asthme va entraîner une hypoxie qui même si elle est faible pour la maman va être très importante pour le fœtus avec alors des risques considérables pour le développement de celui-ci. Il est donc nécessaire de traiter correctement et suffisamment cet asthme.
Si un traitement permet un bon équilibre de l’asthme, il faut le continuer pendant la grossesse. Cela vaut aussi pour le montelukast qui peut être poursuivi pendant le premier trimestre de la grossesse s’il est nécessaire au bon équilibre de l’asthme. Il faut par contre rechercher le traitement minimum efficace à la posologie la plus faible possible.
Les risques d’un mauvais contrôle de l’asthme sont supérieurs aux risques entraînés par les médicaments de l’asthme.
– Conclusion :
Il faut donc rester serein et profiter surtout de la grossesse pour poser un diagnostic d’asthme parfois méconnu, et profiter de ce temps pour instaurer des mesures d’environnement qui seront bénéfiques à la fois à la mère et au futur bébé.
Les diagnostics différentiels de l’asthme.
N. Roche.
Le diagnostic différentiel de l’asthme est difficile car il peut recouvrir un très grand nombre de pathologies. Cependant il est possible de le simplifier à la lumière de l’aspect pratique de la prise en charge de l’asthme.
Ainsi on peut distinguer :
- le diagnostic différentiel lors du diagnostic initial de l’asthme,
- et le diagnostic différentiel lorsque l’asthme est évoqué, mais que l’on observe un échec du traitement spécifique de l’asthme.
– Lors de la prise encharge initiale :
Il faut bien rappeler que le diagnostic d’asthme est un diagnostic positif c’est-à-dire qu’il repose sur un ensemble de symptômes et de résultats d’EFR qui sont bien définis.
Dés lors qu’un signe clinique manque ou qu’il est atypique il faut penser à évoquer la possibilité d’un autre diagnostic.
Cependant la difficulté vient moins de reconnaître une autre affection que d’évoquer la possibilité d’une association pathologique. Ainsi, rien n’empêche un patient d’avoir à la fois un asthme authentique mais aussi un reflux gastro-oesophagien et pourquoi pas aussi une sinusite chronique, sans que la reconnaissance d’une de ces affections n’élimine la recherche des autres.
Le diagnostic différentiel de l’asthme doit donc être également compris comme la possibilité d’associations diagnostics.
– Lors de la prise en charge d’un asthme :
Un échec du traitement spécifique doit conduire à :
- interroger le patient sur l’observance thérapeutique
- puis si elle est bonne, à évoquer un diagnostic différentiel.
Sans vouloir citer la liste de ces affections, d’ailleurs bien connues des allergologues et des pneumologues, l’auteur a insisté sur le syndrome de dysfonctionnement des cordes vocales.
- Il s’agit d’une pathologie de la femme, dans un contexte anxieux.
- Il se produit une fermeture paradoxale des cordes vocales à l’inspiration entraînant une sensation d’asphyxie.
- Le diagnostic est porté lors de l’examen direct des cordes vocales par l’ORL.
- Le traitement repose sur la rééducation.
Enfin il existe un cas difficile : la distinction entre BPCO et Asthme.
– Conclusion :
L’important est surtout de se rappeler que tout ce qui siffle n’est pas un asthme et que d’autre part plusieurs pathologies peuvent s’associer chez un même patient.
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