AAAAI 2005 : Le congrès du Dr Hervé Masson - 3ème jour

lundi 21 mars 2005 par Dr Hervé Masson893 visites

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AAAAI 2005 : Le congrès du Dr Hervé Masson - 3ème jour

AAAAI 2005 : Le congrès du Dr Hervé Masson - 3ème jour

lundi 21 mars 2005, par Dr Hervé Masson

Les confrontations "Pour ou Contre" sont apparues il y a quelques temps dans les congrès médicaux. Un orateur présentant les arguments du pour répond à un autre qui défend le contre. Vous trouverez ici les résultats de cette joute qui a opposé Adnan Custovic à Robert Wood au sujet de "Est-ce que les mesures de contrôle de l’environnement sont utiles au traitement des maladies allergiques respiratoires ?".

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Laisser ses armes au vestiaire

Est-ce que les mesures de contrôle de l’environnement sont utiles au traitement des maladies allergiques respiratoires ?

Pour

Robert A.Wood, John Hopkins University school of Medecine.

Il est évident que l’éviction de l’allergène est un des moyens de guérison des maladies allergiques. L’exemple le plus évident est celui des allergiques aux pollens qui voient leurs symptômes disparaître lorsqu’il n’y a plus de pollens dans l’air.

Le problème se pose surtout lorsque l’on parle d’éviction des acariens. Les résultats des diverses études sont moins probants et les effets des modifications de l’environnement sur la symptomatologie plus subtils.

Il existe plusieurs études qui ont montré l’efficacité de l’éviction sur des paramètres objectifs :

Étude Durée Mesures Paramètre
Murray et Ferguson (1983) 12 mois Barrières physiques Hyperréactivité bronchique
Ehnert et col (1992) 12 mois Barrières et acide tannique Hyperréactivité bronchique
Van cer Heide et col (1997) 12 mois Barrières physiques Hyperréactivité bronchique
Walshaw et Evant ( 1986) 12 mois Barrières physiques Hyperréactivité bronchique et PF
Htut et col ( 2001 ) 12 mois Traitement à la chaleur Hyperréactivité bronchique

En fait, l’auteur réfute les résultats de l’étude de Woodcock de 2003 qui n’avait retrouvé aucune efficacité de l’éviction. Pour l’orateur, elle confirme uniquement que la prescription seule de housses sans aucune éducation n’est pas efficace.

De la même manière, une méta-analyse publiée en 1998 concluait à une inefficacité de l’éviction allergénique. L’auteur reproche à cette publication d’avoir inclus des études où les techniques d’éviction étaient inefficaces. Quand l’analyse a été révisée en enlevant ces études, une amélioration était alors détectée.

Un des arguments des détracteurs de l’éviction était aussi le coût et la difficulté de mise en place. En fait, l’orateur constate que beaucoup de patients sont prêts à mettre les 975 $ nécessaires (chiffre moyen calculé par R. Wood) et sont surtout demandeurs de tout ce qui pourra contribuer à diminuer le nombre de médicaments qu’ils utilisent.

Pour une bonne efficacité de l’éviction il faut :

  • des mesures écrites et bien expliquées : éducation
  • des tests cutanés prouvant au patient la nécessité de l’éviction
  • des consultations de contrôle où le sujet de l’éviction est régulièrement abordé
  • si possible, des visites au domicile
  • une couverture sociale (intérêt surtout aux USA)

Les difficultés de l’éviction sont :

  • le prix
  • le manque de conviction du patient dans son intérêt
  • les animaux domestiques de la famille.

Pour conclure, l’orateur s’est étonné que des allergologues qui prônent le dépistage le plus complet des allergènes envisagent de ne même pas en faire la chasse une fois le diagnostic fait.

La spécificité de l’allergologue repose ici par opposition aux praticiens qui se contentent de prescrire de plus en plus de médicaments pour couvrir les symptômes d’une allergie qui s’aggrave d’année en année.

Contre

Adnan Custovic, Manchester, UK

Le Pr Custovic commence son exposé en reconnaissant qu’il existe un lien indiscutable entre le contact allergénique et les maladies allergiques respiratoires.

Il existe de nombreuses études montrant que les asthmatiques sensibilisés voient leur hyperréactivité bronchique augmenter lors des contacts allergéniques expérimentaux.

Plusieurs études montrent la relation entre l’exposition domestique et la sévérité de l’asthme :
 Custovic en 96 a observé une corrélation significative entre l’HRB non spécifique, la variabilité du PEF et la fonction pulmonaire en fonction du taux d’allergènes d’acariens dans la literie de sujets sensibilisés.
 Tunniclife en 99 a montré que les patients souffrant d’asthme sévère sont significativement plus sensibilisés et exposés à de fort taux d’allergènes que ceux souffrant d’asthme modéré.
 Simpson A en 99 a trouvé que le NO exhalé est plus haut chez les asthmatiques qui sont sensibilisés et exposés par rapport à ceux qui sont sensibilisés et pas exposés.

Mais démontrer que l’exposition aux allergènes aggrave la maladie ne veut pas dire que l’éviction l’améliore.

Les études réalisées sur l’efficacité de l’éviction sont souvent peu convaincantes.

La méta-analyse de 1998 ne retrouvait en fait que 4 études sur 23 exploitables : techniques d’éviction efficaces pour diminuer la concentration allergénique, durée suffisamment longue et éléments mesurés pertinents.

Custovic revient sur l’étude de Woodcock de 2003 et rappelle que malgré l’utilisation de housses de matelas, d’oreiller et de couette, il n’existait aucune différence sur la mesure du PEF matinal durant les premiers mois et aucune différence non plus sur la décroissance médicamenteuse des corticoïdes dans la phase tardive de l’étude après 7 mois.

L’étude démontrait donc que l’utilisation exclusive de housses de literie était inefficace pour la prise en charge de l’asthme allergique de l’adulte.

Luczynska en 2003 a recruté 3547 adultes sous corticoïdes inhalés qui n’étaient pas sensibilisés à l’animal qu’ils avaient chez eux et qui étaient à la fois allergiques aux acariens et exposés à un taux importants d’allergènes d’acariens à leur domicile. 722 ont accepté de participer. Finalement, 30 furent randomisés dans un groupe actif et 25 dans le groupe contrôle. Enfin, seuls 16 personnes dans le groupe actif et 15 dans le placebo ont fini l’étude.
 le taux de Der p1 a diminué dans les deux groupes et il n’existait pas de diminution significative dans le groupe traité par rapport au contrôle.
 il n’existait pas de différence au niveau de la mesure du PEF
 Il n’existait pas de différence non plus sur les autres paramètres ventilatoires mesurés.
 Les auteurs concluent que malgré la diminution du taux d’allergène, il n’existait pas d’effet bénéfique.

En 2003, une étude danoise de Halken S. :
 enfants sensibilisés aux acariens et asthmatiques
 épreuve de provocation positive aux acariens
 taux de Der p1 du matelas supérieur à 2µg/g
 exclusion des possesseurs d’animaux domestiques
 suivi pendant un an.
 housses sur le matelas et l’oreiller dans le groupe actif seulement et on demandait aux familles de laver les couvertures tous les 3 mois.
 Résultats :

  • il y a eu une diminution d’environ 50% des corticoïdes inhalés dans le groupe actif qui n’existait pas dans le groupe contrôle.
  • cette amélioration survenait au bout de 6 mois et continuait à 12.
  • par contre, pas d’amélioration au niveau du PEF matinal et de la dose d’allergène pour l’épreuve de provocation.

En matière de rhinite allergique, il faut citer l’étude de Terreehorst I. de 2003.
 sujets souffrant de rhinite allergique et ayant une épreuve de provocation nasale positive aux acariens
 randomisés pour recevoir soit des housses "actives" soit des housses "placebo"
 Résultats :

  • les housses actives diminuaient le taux d’allergène d’environ 30 %
  • les deux groupes retrouvaient une diminution du score symptomatique de la rhinite mais il n’existait pas de différence significative entre les deux groupes.

Pour conclure Custovic signale que les études sont plus parlantes chez l’enfant.

Chez l’adulte, l’utilisation unique des housses ne suffit pas à améliorer l’allergique et il faudrait conduire des études où l’éviction serait multi techniques avant de conseiller l’éviction à tous nos adultes allergiques.

Alors qui m’a convaincu ?

En fait, comme souvent, il existe des arguments valables dans les deux camps.

Comment dépister une allergie aux acariens et ne pas demander que le patient applique des mesures d’éviction ? Ce serait un non sens !

Par contre, il est vrai que ces mesures d’éviction ne sont pas toujours aussi efficaces que on le souhaiterait.

La vérité se situe donc sûrement entre les deux :

  • les mesures d’éviction actuelles et utilisées isolément sont insuffisamment efficaces
  • chez l’enfant, l’éviction est efficace mais une fois la maladie allergique installée, elle l’est beaucoup moins.

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