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AAAAI 2005 : le congrès du Dr Hervé Masson - dernier jour
mardi 22 mars 2005, par
Les actualités en allergie alimentaire vues par Sampson, ça ne se rate pas.
Avancées dans l’allergie à l’arachide
Hugh A. Sampson, New York
Les dernières données épidémiologiques montrent que l’allergie à l’arachide a doublé chez les enfants de moins de 5 ans depuis les 5 dernières années. Aux USA, elle serait passée de 0,5 % à 1 %, les résultats seraient comparables en Europe.
La plupart des allergiques voit la première réaction survenir dans les deux premières années de vie avec environ 75 % d’entre eux lors du premier contact connu.
– Diagnostiquer l’allergie à l’arachide
Il faut distinguer le cas du patient ayant présenté une réaction clinique évidente, ayant soit des tests cutanés soit des IgE spécifiques positifs à l’arachide. Il n’est pas utile d’envisager d’épreuve de réintroduction.
De la même manière, des valeurs seuils de taille du prick test à l’arachide ont été publiées. Elles varient malheureusement selon les équipes de 8 mm à 15 mm. Cette valeur serait censée permettre d’affirmer l’allergie sans avoir recours à l’épreuve de réintroduction.
Il en est de même pour le dosage des IgE spécifiques.
- Le taux de 15 KU/L permettrait de prédire avec 95 % de confiance l’allergie réelle à l’arachide. Là encore, les études sur cette valeur seuil varient selon les équipes.
- De 5 à 15 KUI/L, selon Sampson, il reste encore 50 % de chances pour qu’un enfant réagisse lors de l’épreuve de réintroduction.
- Enfin, si les IgE sont inférieures à 2 KU/L mais supérieures à 0,35, il faut réaliser une épreuve de réintroduction.
Des études récentes évoquent l’intérêt d’étudier les épitopes spécifiques d’IgE pour affiner le diagnostic.
– Beyer et col ont synthétisé 8 peptides représentant les épitopes sur Ara h 1, 2 et 3.
– Le sérum de 15 patients allergiques symptomatiques et de 16 patients sensibilisés mais non symptomatiques (10 qui avaient perdu leur réactivité clinique et 6 qui n’ont jamais réagi cliniquement) a été étudié.
– Les allergiques symptomatiques avaient une liaison IgE aux 3 épitopes sur Ara h 2. Par contre, ces épitopes n’étaient reconnus que par moins de 10 % des sensibilisés tolérants.
– De plus, les patients tolérants ne reconnaissaient pas deux épitopes sur Ara h 1.
– Enfin, 93 % des symptomatiques, mais seulement 12,5 % des tolérants, reconnaissaient un de ces épitopes sur Ara h 1 ou 2.
– La liaison totale des IgE à ces peptides de l’arachide était significativement plus élevée chez les allergiques que chez les tolérants.
– L’auteur conclue que l’évaluation des IgE spécifiques de ces peptides pourrait éliminer le recours à l’épreuve de provocation orale chez environ 90 % des patients.
Il existe par contre une très importante diversité dans les épitopes chez les patients allergiques qui complique la fabrication de recombinants fiables.
– Prendre en charge l’allergie à l’arachide
Sampson revient sur "son" plan d’action.
Pour lui, tout patient souffrant d’une allergie à l’arachide doit être en possession d’adrénaline injectable, doit être éduqué sur les mesures d’éviction de l’arachide. Il ne prend pas en compte la réaction clinique initiale en arguant que même chez les faiblement allergiques, il est impossible de prédire de quelle nature sera l’épisode suivant.
L’étude d’un registre de 4685 allergiques à l’arachide montre :
– la première réaction survient à un âge moyen de 14 mois,
– environ 20 % des enfants vont "guérir" de leur allergie et on les retrouve préférentiellement chez ceux dont le taux d’IgE spécifiques est inférieur à 5 KU/L.
– Il est donc nécessaire de réévaluer les enfants qui n’ont présenté aucune réaction avec l’arachide dans l’année écoulée s’ils avaient un taux d’IgE inférieure à 5 KU/L.
– Dans les séries de Sampson et Fleischer, 50 % des enfants guérissaient de l’allergie à l’arachide s’ils avaient moins de 5 KU/L d’IgE initialement, 65 % si le taux initial était inférieur à 2 KU/L.
– La négativation du prick test est aussi un signe de guérison même si le test reste souvent positif définitivement même chez les guéris.
Environ 10 % des tolérants peuvent rechuter.
– L’équipe de Sampson demande donc aux enfants qui ont "guéri" de garder tout de même un stylo d’adrénaline injectable un an après l’épreuve de réintroduction négative.
– Ils recommandent aux enfants qui ont une épreuve négative de manger 3 à 4 fois par semaine des produits contenant de l’arachide dans les 6 mois suivant.
– Ensuite, ils contrôlent leurs IgE spécifiques et, si elles n’ont pas augmenté, ils affirment que l’enfant a très peu de risque de rechuter.
– Thérapeutiques futures.
Bien évidemment, il s’est agit ici des essais de désensibilisation à l’arachide.
– Sur les 6 patients inclus lors d’une étude en 97, une augmentation de la tolérance a été constatée sur l’épreuve de réintroduction. Malheureusement, la technique classique est responsable d’effets secondaires nombreux et violents.
De ce fait, on se tourne actuellement vers d’autres voies.
– Les thérapeutiques anti-IgE :
Leung et Sampson ont publié en 2003 une étude sur un recombinant humanisé anticorps monoclonal anti-IgE :
- 81 patients répartis en 4 groupes : 3 dosages et un placebo,
- le but de l’étude était de voir comment évoluait le seuil de tolérance à l’arachide des patients après 4 mois d’injections du médicament.
- la différence entre médicament et placebo n’était significative que dans le groupe 450 mg (le plus fort)
- le seuil de tolérance obtenu correspondait approximativement à 8 cacahuètes et permettait de couvrir une ingestion accidentelle
- par contre, il existait une différence conséquente entre les patients répondeurs et ceux dont le seuil ne variait absolument pas ce qui rend l’utilisation de ce produit d’une sécurité improbable.
– L’immunothérapie avec des protéines allergéniques modifiées.
Pour éviter les réactions secondaires éventuelles de la désensibilisation, une étude a porté sur une immunothérapie avec des épitopes immunodominants des trois protéines majeures de la cacahuète (Ara h 1 à 3) modifiés.
Il s’agissait donc d’une immunothérapie avec des protéines recombinantes qui se liaient peu aux IgE des allergiques à l’arachide mais qui entraînait une prolifération lymphocytaire T comparable aux protéines réelles.
Pour l’instant, ceci est encore du domaine expérimental.
– La médecine traditionnelle chinoise :
Le groupe de Sampson a étudié une formule d’herbes chinoises (FAHF) censées être efficaces dans l’allergie. Chez la souris :
- FAHF bloque totalement l’anaphylaxie et réduit la dégranulation mastocytaire et la libération d’histamine.
- le taux d’IgE a significativement diminué
- les médiateurs sont diminués.
Une autre étude a été réalisée chez la souris :
- traitement pendant 7 semaines et épreuve de réintroduction à 1, 3 et 5 semaines.
- contrairement aux souris contrôle, aucun choc anaphylactique lors des réintroductions,
- IgE diminuées et le reste pendant 5 semaines après l’arrêt des herbes.
- disparition de l’allergie chez la souris pendant les 6 mois après le traitement.
Sampson a conclut en disant que les praticiens disposaient actuellement de tests leur permettant d’éviter 90% des épreuves de réintroduction.
Je dois dire que, en tant qu’allergologue praticien, et au vu des divergences parfois conséquentes selon les équipes, je ne suis pas convaincu.
Par contre, il est intéressant de constater que de nouvelles pistes de traitement s’ouvrent.
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