CFA 2006 : congrès du Dr Stéphane Guez

mercredi 19 avril 2006 par Dr Stéphane Guez2508 visites

Accueil du site > Evènements > Comptes rendus > CFA 2006 : congrès du Dr Stéphane Guez

CFA 2006 : congrès du Dr Stéphane Guez

CFA 2006 : congrès du Dr Stéphane Guez

mercredi 19 avril 2006, par Dr Stéphane Guez

Allergènes recombinants : des données fondamentales au diagnostic clinique et notion de tolérance et allergie ont été les deux sujets traités par Stéphane Guez

Intérêt d’utiliser des allergènes bien définis pour développer des méthodes diagnostiques in vitro vis-à-vis des pneumallergènes et des trophallergènes.

R. Valenta, Vienne

L’objectif de cet exposé a été de démontrer pourquoi il était nécessaire de développer les recombinants, avec un exemple concret d’application clinique.

L’intérêt des recombinants est de donner les moyens à l’allergologue de résoudre 3 problèmes lorsqu’il cherche à mieux comprendre sa pratique par exemple dans la pollinose.
 Lorsqu’on fait une immunoélectrophorèse d’un allergène de graminée par exemple, on s’aperçoit qu’il y a un grand nombre de molécules impliquées avec des allergènes majeurs et mineurs. Le patient est-il allergique à tous ou seulement à quelques-uns et lesquels sont réellement impliqués dans sa symptomatologie clinique ?
 Lorsqu’on regarde de plus près les allergènes utilisés dans les extraits fournis par les différents laboratoires pour le diagnostic cutané de l’allergie, on retrouve exactement le même problème : aucun ne contient les mêmes allergènes majeurs et mineurs : si un test cutané est négatif cela peut donc aussi bien signifier que le patient n’est pas allergique ou que l’extrait ne contient pas l’allergène auquel le patient est allergique ! Le même problème se pose en fin de consultation pour décider d’une immunothérapie spécifique : les produits utilisés ont exactement la même hétérogénéité sans que l’on puisse évaluer avec certitude s’ils contiennent les allergènes correspondants pour un patient donné.
 Enfin, il a été rapporté des faux positifs cutanés par contamination des extraits allergéniques par des acariens, amenant à parfois remettre fortement en cause le résultat cutané par rapport à la pertinence clinique observée.

Ainsi, il apparaît nécessaire d’utiliser des produits parfaitement définis sur le plan moléculaire, avec : un produit = un allergène, et non un mélange allergénique.

La technique du recombinant répond à cette problématique : mais il faut disposer de tous les allergènes majeurs et mineurs pour chaque source allergénique.

Un exemple concret de l’utilisation des recombinants en pratique clinique a été présenté :
 Un patient allergique aux pollens s’avère positif après réalisation des tests cutanés au bouleau, et aux graminées.
 Faut-il le désensibiliser au bouleau ?

  • si le patient a des IgE spécifiques positives pour le recombinant Bet v 1 : la réponse est oui, car il réagit à l’allergène majeur du bouleau.
  • si le patient est négatif, alors on regarde s’il est positif à Bet v 2 ou Bet v 4 :
    • si c’est oui, alors il s’agit bien en réalité d’une allergie aux graminées et non d’une vraie allergie au bouleau (seulement une allergie croisée sur le plan cutané) et il faut désensibiliser le patient seulement aux pollens de graminées.

Discussion :

Cette première intervention lors de cette session consacrée aux recombinants a le mérite de bien situer le problème.

Il y a effectivement un premier problème qui en fait est d’ordre nosologique : le terme « allergène » recouvre des entités très différentes.

Dans un sens large l’allergène se confond par exemple avec le pollen de dactyle, mais en réalité ce même pollen qui est une source allergénique est composé de très nombreux allergènes, certains dits majeurs d’autres mineurs.

On pourrait même les classer non en fonction de leurs fréquences dans l’implication de sensibilisation mais selon leurs potentiels à s’exprimer dans d’autres pollens ou dans des aliments dérivés des plantes.

Le second est la signification réelle d’une positivité des tests cutanés ou des RAST lors de l’exploration d’une pollinose : la mise en évidence d’une sensibilisation à certains allergènes dits majeurs ou mineurs a-t-elle une signification réelle sur le plan clinique ou témoigne t’elle seulement de la présence de « marqueurs » potentiels d’une allergie croisée ?

Pour les intervenants de cet exposé, il y a des sensibilisations à certains allergènes qui expliquent des réactions croisées mais ne semblent pas signifier grand-chose sur le plan clinique, et des sensibilisations à d’autres allergènes qui sont de réels marqueurs d’allergie sur le plan clinique.

Les premiers sont les allergènes mineurs et les seconds les allergènes majeurs.

Cette attitude est cependant très discutable car la définition d’un allergène majeur est avant tout clinique : c’est un allergène vis-à-vis duquel au moins 50% des individus allergiques réagissent. Et quid des autres 50% qui ont la mauvaise idée de se sensibiliser aux allergènes mineurs ?

Les allergènes croisant à l’échelle moléculaire : comparaison nord-sud.

M. Fernandez-Rivas, Madrid.

Cette deuxième intervention permet de mieux comprendre encore la difficulté d’approche de la sensibilisation croisée mais aussi l’absolue nécessité de mieux la comprendre pour prendre en charge correctement nos patients. On y trouve aussi en partie des réponses à nos questions précédentes.

Il s’agit des résultats d’une vaste étude à l’échelle européenne portant sur l’allergie croisée restreinte à la plus fréquente à savoir la relation entre pollen de bouleau et rosacée (dont la pomme et la pêche).

Il a été constaté une grande différence dans l’expression clinique de l’allergie à la pomme, qui dans les régions du Nord ne donne que des réactions mineures de type allergie orale, alors que dans les pays du sud les réactions sont sévères de type anaphylactiques.

Dans le nord il y a une exposition à des pollens de bouleau ce qui n’existe pas dans les régions du sud.

Lorsqu’on étudie les tests cutanés et les RAST ainsi que les RAST recombinants, on observe les faits suivants :
 Les patients du Nord se sensibilisent d’abord au bouleau puis aux pommes avec des positivités pour Bet v 1 et Mal d 1.
 Dans le sud les patients se sensibilisent d’abord à la pêche et à son allergène majeur Pru p 3 puis on observe des allergies croisées entre Pru p 3 et Mal d 3. La sensibilisation à Mal d 3 qui résiste à l’action protéolytique des enzymes digestives entraîne des allergies beaucoup plus sévères à la pomme. Mais par contre cette allergie est beaucoup plus rare que dans les pays du Nord (10% des patients contre 90%).

Discussion :

Cette étude confirme l’importance de la réactivité croisée et le manque de précision à cet égard de nos tests qu’ils soient cutanés ou biologiques par rapport à la pertinence clinique.

Il est d’observation courante de constater une allergie à la pomme chez des patients allergiques au bouleau qui sont originaires des régions du Nord.

Par contre elle n’a que peu souvent une réelle signification clinique, et le plus souvent les patients rapportent des manifestations orales qui sont peu invalidantes et souvent n’existent que lors de la saison pollinique du bouleau. Cependant lorsqu’on fait des tests cutanés il y a une nette positivité pour la pomme.

Dans le Sud, l’allergie à la pomme est beaucoup plus rare avec des manifestations par contre souvent sévères. Il y a également une allergie à la pêche. Les tests cutanés sont également positifs pour la pomme et la pêche ainsi que pour le bouleau.

Donc : des patients ont des allergies à la pomme et au bouleau dans des pays qui n’ont pas forcément de bouleau, avec des manifestations clinques à la pomme qui sont anodines au Nord et sévères au Sud. Comment expliquer cela ?

La théorie proposée par l’équipe de Madrid est la suivante : il faut analyser les résultats en fonction des positivités ou non aux allergènes mineurs et majeurs de la pomme, pêche et bouleau.
 On s’aperçoit alors que la sensibilisation à certains allergènes majeurs explique la réactivité croisée entre bouleau et pomme pour les gens du Nord. Il s’agit des réactions croisées entre Bet v 1 et Mal d 1. Mais ces allergènes sont facilement détruits par les enzymes du tube digestifs. Donc ils expliquent la grande fréquence de cette réactivité croisée mais aussi l’absence de manifestions sévères puisque l’ingestion de pomme détruit l’allergène majeur Mal d 1.
 Par contre au Sud, l’allergie croisée repose sur des allergènes dits mineurs comme Pru p 3 et Mal d 3 qui ont la fâcheuse propriété d’être des allergènes non détruits par les sucs digestifs. Comme il s’agit d’allergènes mineurs ils ne concernent par définition qu’un faible nombre de patients. Par contre ils entraînent des réactions croisées graves car ils sont responsables de réactions systémiques lors d’ingestion de pêche ou de pomme. La sensibilisation au bouleau est croisée à partir de ces allergènes mineurs. Il faut noter qu’il n’y a pas de tests de provocation permettant de savoir si le patient réagirait ou non aux pollens de bouleau.

Ainsi, la sensibilisation à des allergènes majeurs explique une plus grande fréquence de la possibilité de réactions croisées mais non sa réalité clinique ou sa sévérité possible, alors qu’une sensibilisation à des allergènes mineurs explique une moins grande fréquence de réactions croisées mais sans que cela signifie pour autant une absence de signification clinque, bien au contraire puisque ce travail confirme que les réactions cliniques sont alors beaucoup plus sévères.

Cas cliniques démontrant l’intérêt des allergènes recombinants dans la prise en charge de patients allergiques.

C. Metz-Favre (Starsbourg), J.M. Rame (Besançon).

Les intervenants ont présenté 3 cas cliniques dans le but de prouver que les recombinants permettent une aide réelle au clinicien dans sa prise de décision thérapeutique en l’aidant à affiner son diagnostic.

Cas 1 :
 Il s’agit d’une discordance entre une symptomatologie clinique très évocatrice d’allergie et des tests cutanés quasiment négatifs avec une seule papule à la limite de la significativité pour le mélange des graminées.
 Le dosage des IgE spécifiques puis des recombinants confirment que le patient est bien sensibilisé à l’allergène majeur du dactyle : rPhl p 1. Il est donc bien allergique aux pollens de graminées, la faiblesse du test cutané s’explique par la pauvreté du mélange pharmaceutique en cet allergène majeur.
 Un traitement médical est proposé mais une désensibilisation est aléatoire car le produit ne contiendrait pas assez de cet allergène majeur responsable de l’unique sensibilisation du patient.

Cas 2 :
 Il s’agit d’une polysensibilisation aux graminées et aux arbres (bouleau, frêne) et à l’armoise.
 Les IgE spécifiques sont positives pour bouleau frêne et armoise.
 Cependant, les recombinants montrent que le patient est négatif pour Bet v 1, positif pour Phl p 1 et 5, et positif pour Bet v 2 (profiline).
 Donc il est conclu que les sensibilisations au bouleau et à l’armoise sont secondaires à des allergies croisées. Pour le frêne il faut surveiller le patient sur le plan clinique pour en apprécier sa pertinence.

Cas 3 :
 Il s’agit d’une sensibilisation à la crevette, crabe, langoustine sur un terrain atopique positif pour graminées et acariens.
 Le dosage de rPen a 1, allergène majeur recombinant de la crevette et qui correspond à une tropomyosine, explique la réactivité croisée entre les crustacées.
 D’autre part il existe une analogie structurale entre cet allergène et des allergènes mineurs des acariens.
 L’éviction alimentaire est recommandée, une désensibilisation aux acariens est possible.

Discussion :

Ces cas cliniques sont très séduisants, proposant une approche très scientifique et précise de l’exploration allergologique de patients mono ou polysensibilisés.

Cependant, « in fine » tous les cas ne sont pas très convaincants.

Le bon sens clinique permettant par exemple de comparer la période symptomatique du patient avec les résultats des tests cutanés en connaissant les périodes correspondantes d’expression de chaque pollen permet dans le cas 2, de se douter très fortement de la non pertinence de nombreuses positivités.

Le cas 3 qui est de rencontre fréquente en pratique clinique permet de prouver le pourquoi de la réactivité croisée entre les différents crustacés, mais n’apporte rien de plus sur le plan clinique par rapport aux tests cutanés. La polysensibilisation est bien confirmée, mais les TC individualisent très bien les patients monosensibilisés à la crevette donc à un allergène mineur, de ceux qui sont polysensibilisés donc allergique à un allergène majeur de type structural.

Par contre le cas 1 est réellement l’exemple typique de l’intérêt des recombinants : il ne fait pas double emploi avec les tests cutanés et au contraire pallie à la faiblesse de ces derniers.

Il faut donc commencer à réfléchir à l’utilisation des recombinants en pratique clinique pour débrouiller une situation confuse en raison d’une discordance entre manifestations cliniques et tests classiques, mais certainement ne pas utiliser ces dosages seulement pour faire « plus moderne ».


Tolérance et allergies :

Notion de tolérance en allergie.

J.P. Dessaint (Lille)

Cellules dendritiques et tolérance immunitaire.

H Hammad (Rotterdam)

Cellules T régulatrices.

L. Chatenoud (Paris)

Les 3 premiers exposés de cette matinée étaient dédiés à la notion de tolérance et reposaient sur des données essentiellement immunologiques très fondamentales.

Nous ferons un compte-rendu global en raison du chevauchement des différentes interventions, en soulignant uniquement les points importants à retenir.

 L’idée consistant à penser que l’allergie serait plus liée à une absence de tolérance qu’à l’acquisition d’une réponse immunologique agressive est séduisante. Mais il semble que cette notion soit difficile à caractériser sur le plan immunologique.
 Les dernières recherches ont permis de distinguer une nouvelle classe de lymphocytes T dits régulateurs qui contrôlent l’équilibre de la réponse « soi » « non-soi » du système immunitaire.
 Il existe 2 classes de LT régulateurs : les CD4+CD25+fort naturels, et les LT Reg adaptatifs.
 Les LT Reg naturels ont une action suppressive et contrôlent l’auto-réactivité physiologique, de façon indépendante de l’action de cytokines. Le mode d’action de ces cellules repose uniquement sur des interactions cellulaires.
 Les LT Reg adaptatifs agissent par le biais d’une production spécifique de cytokines. Il y a alors contrôle de la réponse allergique mais également des réponses anti-tumorales.

Pourvoir induire une tolérance repose donc sur la capacité thérapeutique de stimuler ces LT Reg. Il faudrait pouvoir par manipulation augmenter la différenciation et la prolifération de ces sous-populations lymphocytaires T.

Le problème est cependant difficile car il n’y a pas actuellement de marqueurs fiables sur le plan cellulaire. La caractérisation des sous-populations lymphocytaires repose en fait sur un certain nombre de fonctions, chaque cellule pouvant à un moment ou un autre agir de façon différente rendant leur classement définitif en sous-groupes difficiles.

En réalité c’est essentiellement les conditions d’environnement qui déterminent l’orientation d’un LT vers telle ou telle fonction.

 Il en est de même des cellules dendritiques qui déclenchent ou non la réponse immune.
 Au niveau de l’arbre respiratoire il existe 2 sortes de cellules dendritiques :

  • les DC de type myéloïdes qui sont dans la paroi bronchique
  • les DC plasmocytoïdes qui sont au niveau du parenchyme pulmonaire.

 C’est lors de la migration vers la zone T des ganglions que les DC vont devenir matures et activer les LT ; mais la réponse sera de type tolérante ou allergique selon l’environnement : non inflammatoire ou inflammatoire.

Ainsi c’est essentiellement l’environnement qui détermine la fonction et non un ensemble de fonctions qui est responsable de la réponse vis-à-vis de l’environnement.

Pour le clinicien, la perspective d’un traitement simple de « réorientation » de la réponse immunitaire s’éloigne. Plus que jamais, les maladies allergiques semblent multifactorielles et ce n’est que par un contrôle de plusieurs facteurs environnementaux qui restent à déterminer que l’on pourra espérer une approche curative de la maladie allergique.

Abonnez-vous!

Recevez les actualités chaque mois