Allergènes en aérobiologie
Atelier.
Qu’est ce qui fait qu’un pollen est allergisant ?
Thilo Jakob, Allemagne.
L’orateur a commencé sa présentation par un élan de sincérité : « Nous n’avons actuellement pas d’idée de ce qui fait qu’un pollen sera allergisant ou non. On ne retrouve pas de données suffisamment explicite sur le sujet »
Plusieurs études ont démontré la variabilité de la prévalence des réactions allergiques aux pollens.
- une étude portant sur les enfants jusqu’à l’âge de 17 ans (17461 patients) a montré que dans la tranche 14 à 17 ans, 16 % étaient allergiques
- dans cette population d’enfants, l’allergie aux pollens était largement majoritaire.
- la prévalence à une tendance à l’augmentation dans la tranche d’âge de 0 à 7 ans (environ 1,5 % en plus par an) alors qu’il semble qu’elle soit stable après cet âge.
En fait, le pollen n’est que le moyen de transport d’allergènes. Les allergènes doivent ensuite être libérés :
- à travers des microcanaux de la membrane du pollen
- par rupture de la membrane
- par action de l’eau
- la libération des allergènes est dépendante du pH, de la température, des UV et de l’humidité.
Le pollen a une mission : celle de trouver le bon stigma sur la bonne plante pour échanger des informations génétiques et aboutir à la fertilisation.
Bien que le pollen soit le transporteur des allergènes, il a aussi d’autres propriétés qui vont contribuer à exacerber la réaction allergique :
- par l’intermédiaire de la NADPH oxydase : on a démontré que cette protéine favorisait l’inflammation des voies aériennes induite par l’allergène.
- le pollen transporte aussi divers agents capables d’activer le système immunitaire de manière autonome.
- le pollen libère une substance LTB4- like qui augmente la réactivité par cette voie.
- une étude a montré que la capacité à stimuler la voie LTB4 était décroissante selon les pollens dans cet ordre : bouleau, graminées, armoise et pin. Ceci correspond à la réactivité clinique attendue.
- le pollen libère, en phase aqueuse, les lipides membranaires actifs :
- oxolipins : ont une activité pro-inflammatoire, agissent sur les cellules effectrices, augmentent le recrutement cellulaire et la libération de médiateurs.
- phytoprostanes : qui ont des propriétés comparables aux prostaglandines.
Une des phytoprostanes la plus active est PPE1.
- on retrouve beaucoup plus de PPE1 dans le pollen de bouleau que dans des pollens moins allergisants
- PPE1 diminue la production d’IL 12
- Elle favorise la bascule de Th1 vers Th2.
In vivo, chez la souris, il a été montré :
- l’exposition au pollen de bouleau induit la bascule vers la voie Th2
- une souris sensibilisée à l’ovalbumine voit son système immunitaire se diriger vers la voie Th1 mais si on la met en contact aussi avec du pollen de bouleau, il s’oriente vers la voie Th2.
- on s’est demandé si les phytoprostanes agissaient pas les mêmes récepteurs que les prostaglandines : il semble qu’elles aient une action similaire mais pas par le même mécanisme.
La présence de pollens dans l’air et son allergénicité sont aussi modulés par des phénomènes atmosphériques :
- rôle du réchauffement climatique qui est responsable de saison polliniques plus longues
- de ce fait, il existe aussi une augmentation de production et d’émission de pollen
- l’augmentation du CO2 atmosphérique contribue à une plus grande réactivité au pollen
- pour certains pollens, le C02 est aussi responsable d’une augmentation de la biomasse
L’orateur a conclut en émettant l’hypothèse que l’on puisse expliquer les cas de patients cliniquement réactifs aux pollens mais sans test positif par une particulière sensibilité de ces malades aux effets inflammatoires non spécifiques des grains de pollen.
Surveillance atmosphérique des pollens : Projet Monalisa et autres en cours en Europe
Michael Thibaudon, France
Michel, renommé par les anglophones Michael, a rappelé que tout le monde reste convaincu de l’intérêt des comptes polliniques mais que les discordances avec la clinique sont souvent troublantes.
Plusieurs études sont ainsi perturbantes car elles montrent que si l’on compare la courbe d’un comptage pollinique, de pollen de bouleau par exemple, et celle du dosage de l’allergène majeur du bouleau, Bet v 1 :
- la courbe de présence du pollen entier durant la saison n’est pas strictement comparable à celle du dosage de Bet v 1 dans l’air
- on retrouve parfois dans l’atmosphère du Bet v 1 alors que l’on ne retrouve plus de pollen sur les comptes polliniques.
Un projet européen a été mis en place pour étudier la présence d’allergènes dans l’air : le projet MONALISA
- on utilisait deux types de capteurs pour le recueil : Coriolis et Hirst
- les échantillons étaient ensuite étudiés par une technique Elisa afin de doser Bet v 1
- les résultats étaient parfois troublants :
- En Pologne et en Finlande par exemple, les courbes de compte pollinique et de dosage d’allergène étaient différentes. On retrouvait même Bet v 1 dans l’air plusieurs semaines après la fin de la saison du bouleau.
Les limites de la technique utilisée dans le projet Monalisa ont été identifiées :
- l’utilisation d’une phase liquide pour le recueil semble avoir altéré le résultat
- une étude a été faite avec Coriolis sur un cône sec et la corrélation a semblé meilleure
- la technique Elisa n’étant pas complètement standardisée, il faut aussi le prendre en compte.
Récemment, un nouveau projet européen a donc vu le jour : le projet HIALINE (Health Impact of Airborne Allergens Information Network)
- il réunit 11 pays en Europe
- il est censé se dérouler de 2009 à 2011.
Bien que l’orateur ait pointé le fait que les dosages d’allergènes semblent être l’avenir de l’aérobiologie ; les comptes polliniques restent encore la référence en matière de prédiction au cours des saisons polliniques.
Implications pratiques de l’aérobiologie moléculaire
Lorenzo Cecci, Italie
Les comptes polliniques actuelles restent très utilisés. En particulier, ils sont la référence lors des études d’efficacité des traitements de la rhino-conjonctivite pollinique ou sur le lien entre taux de pollen et hospitalisations.
Cependant, la taille des grains de pollen (15 à 40 µm) fait qu’ils ne peuvent pas pénétrer dans les bronches.
Une étude publiée en 2009 a permis de suivre la pénétration de l’allergène Bet v 1 au travers de la conjonctive. Cette protéine est transportée à travers la muqueuse conjonctivale uniquement chez l’allergique.
L’aérobiologie moléculaire permet d’identifier les allergènes majeurs :
- pour le bouleau : Bet v 1 est responsable de sensibilisation chez 90 à 98 % des allergiques alors que la profiline ne l’est que dans 10 à 20 %
- pour les graminées, il existe une différence entre Phl p 1 qui est responsable de la sensibilisation dans 80 % des cas environ alors que Phl p 5 ne l’est que dans 50 %.
- on devrait logiquement trouver une grosse quantité d’allergène majeur au moment des pics de symptômes.
Mais il apparait qu’il existe une proportion non négligeable de patients réagissant différemment :
- dans une étude espagnole sur l’IgE réactivité aux allergènes des pollens de plusieurs régions, il existait des disparités nette pour l’IgE réactivité à nOle e 1.
- à Florence : sur 14 patients allergiques aux graminées, on retrouvait 3 négatifs pour Phlp 1 et 5 négatifs pour Phlp 5.
Le taux d’allergène Bet v 1 est lui-même très variable selon les lieux et les années.
En fait, qu’attendent les allergologues et les allergiques de l’aérobiologie ?
– en finir avec l’éternelle discussion sur les seuils de déclenchement.
– trouver un nouveau moyen de prédiction du risque allergique
– permettre une meilleure sélection des patients pour l’immunothérapie spécifique.
Cependant une étude de Sander, encore sous presse mais bientôt publiée, montre une gigantesque discordance entre les taux d’allergènes majeurs selon les fabricants européens. La différence pouvant aller de 0 à 50 pour un même extrait.
L’orateur a proposé aussi que l’industrie adapte les produits utilisés aux différentes régions d’Europe, arguant que l’exposition et donc le profil allergénique des habitants du Nord de l’Europe est forcément différent de celui des patients du Sud de l’Espagne.
On retrouve dans cette communication des explications à ce que constate l’allergologue praticien dans son cabinet.
Des comptes polliniques indiquant des taux élevés de pollens à un moment où tous ses patients vont bien et, à l’inverse, des appels désespérés d’allergiques alors qu’il n’y a plus rien à recueillir dans l’atmosphère.
Idéalement, si nous pouvions disposer de produits de désensibilisation dont nous connaitrions complètement la composition en allergènes et que nous fassions un diagnostic au niveau moléculaire pour chacun de nos patients, nous pourrions espérer être beaucoup plus efficaces.
Mais que de « conditionnels » dans cette phrase !
Session de posters du 7 juin.
Association de l’allergie avec la sinusite chronique chez l’enfant.
Rha, Y1 ; Corée du sud.
Les auteurs ont étudié 89 enfants souffrant de sinusite chronique.
Leurs données cliniques, antécédents familiaux et des dosages biologiques d’IgE ont été réalisés.
Résultats :
- les enfants souffrant de sinusite chronique ont une prévalence plus importante de rhinite allergique (65 %) et d’asthme (37%) que les sujets sains.
- un taux d’éosinophiles élevé, une hypertrophie des végétations adénoïdiennes et une augmentation des IgE aux acariens étaient associés à la sinusite chronique.
- d’autres facteurs tels que la vie en crèche, des frères et sœurs plus âgés ou des antécédents familiaux d’atopie n’étaient pas corrélés à la sinusite chronique.
Les auteurs concluent que la démonstration que la rhinite allergique, l’asthme, les IgE spécifiques et l’hyper-éosinophilie sont statistiquement liés à la sinusite chronique suggère que l’allergie joue un rôle dans cette pathologie.
Présentation intéressante, même si elle concerne des enfants coréens, car elle confirme l’impression qu’ont les allergologues praticiens que les infections ORL chroniques sont plus fréquentes chez les allergiques.
Il faudra donc ne pas hésiter à rechercher une allergie devant la répétition de rhinites ou sinusites.
Facteurs de risque de développement des maladies allergiques chez l’enfant.
Utilisation d’antibiotiques dans le jeune âge et développement des maladies allergiques : l’infection comme explication.
Mai, X1 ; Trondheim, Norvège.
Les auteurs rappellent que l’utilisation d’antibiotique a été suspectée d’être responsable de l’augmentation des maladies allergiques.
Cependant, qui dit antibiotique dit infection. L’infection ne serait-elle pas un facteur confondant qui fausserait les résultats des études épidémiologiques ?
L’étude a porté sur 3924 enfants inclus dans une cohorte de surveillance.
- l’utilisation d’antibiotiques et le nombre d’infections respiratoires ont été recueillies à l’âge de 1 an
- à l’âge de 4 à 8 ans, un questionnaire a permis de recueillir le taux de maladies allergiques
– 44 % des enfants ont eu des antibiotiques
– il existait une association statistique significative avec les maladies allergiques
– par contre, en excluant le facteur « infections » , on ne retrouve pas de lien statistiquement significatif.
Les auteurs concluent que les infections respiratoires sont clairement un facteur confondant dans les études sur l’influence des antibiotiques sur la survenue des maladies allergiques.
Il semblerait donc que le nombre d’infections chez l’enfant soit plutôt le facteur prédictif d’un terrain allergique.
Exposition aux allergènes et aux endotoxines, infection et allaitement maternel dans le jeune âge et sifflements respiratoires chez l’enfant : suivi d’une cohorte sur 48 mois.
Rullo, V , Sao Paulo, Brésil
Les auteurs ont étudié 104 enfants de milieux défavorisés.
– à l’âge de 4 ans, 35 % présentaient des sifflements respiratoires,
– une analyse multivariables montrait que :
- les infections dans la première année de vie étaient associées à des sifflements persistants,
- alors que l’exposition aux allergènes, l’allaitement maternel exclusif pendant au moins 4 mois, le sexe masculin et de hauts niveaux d’exposition aux endotoxines n’avaient aucun effet.
- une sensibilisation à D Pteronyssinus a été trouvée chez 27 % des enfants mais n’avaient pas de corrélation avec les sifflements.
Il est désormais indéniable qu’il existe de multiples facteurs susceptibles d’influer sur l’apparition des maladies allergiques et/ou de l’asthme.
Au fur et à mesure des études publiées, nous remettons en cause les anciens dogmes sur l’exposition aux allergènes, l’allaitement maternel et autres…
Exposition aux animaux dans l’enfance, asthme à l’âge scolaire ? Une méta-analyse initiée par GA²LEN
Lodrup Carlsen K, Oslo, Norvège
Il existe des résultats discordants sur l’influence de la présence d’un animal au domicile.
Les auteurs ont utilisé les résultats des 11 études de cohorte européennes pour rechercher le lien entre animal familier et asthme.
– les différentes cohortes ont recrute 26521 enfants
– la possession d’animal à fourrure ou d’oiseaux allait de 60 % des foyers sur l’ile de Wight à moins de 20 % en Suède.
– la prévalence de l’asthme à l’âge scolaire allait de 7 à 12 % selon les cohortes
– il n’y avait aucune corrélation entre asthme et possession d’animal
Cette gigantesque étude montre qu’il n’existe pas d’influence de la possession d’un animal à poils ou à plumes chez le jeune enfant sur le développement d’un asthme.
Exposition aux animaux durant le jeune âge, rhinite allergique à l’âge scolaire ?
Keil T, Berlin, Allemagne
Cette étude est le pendant ORL de la précédente sur les mêmes populations.
– la prévalence de la rhinite allergique était de 6,8 % en moyenne
– il n’y avait aucune association significative entre la possession d’animal à poils ou à plumes et le développement d’une rhinite allergique
– par contre, les enfants avec une exposition très importante au chien semblerait bénéficier d’un effet protecteur contre la rhinite. Ceci n’était pas retrouvé pour le chat.
Résultat comparable pour la rhinite : pas d’influence sur son développement en fonction de la présence ou non d’animaux.
L’effet protecteur de la présence du chien devra être confirmée.