Urticaire et angioedème.
Les antihistaminiques de 2° génération dans le traitement de l’urticaire physique et de l’urticaire chronique. Dr M Maurer.
Moins de 50% des urticaires chroniques sont améliorés par les antiH1.
Est-ce qu’une augmentation des doses peut améliorer la réponse thérapeutique.
– L’étude de l’urticaire au froid qui offre un modèle pratique (possibilité de tests précis avec un appareil thermique qui applique des électrodes avec différentes températures) montre que l’augmentation progressive de la posologie améliore la réponse thérapeutique avec une chute importante du seuil de réponse au froid lorsque la dose est multipliée par 4.
– Plusieurs antihistaminiques de seconde génération ont été étudiés à une dose élevée avec une bonne réponse que ce soit pour la rupatadine, levocetirizine, desloratadine.
– Mais plus de 40% des patients n’ont pas une réponse complète même sous antihistaminiques à fortes doses.
– Les recommandations proposent après 1 à 4 semaines d’antihistaminiques d’essayer alors les antileucotriènes, et de changer d’antihistaminique. Et si après 1 à 4 semaines les symptômes persistent d’essayer les antiH2, cyclosporine a, dapsone et anti-IgE.
– Les antihistaminiques de première génération ne doivent pas être utilisés car ils perturbent rapidement le sommeil en altérant l’alternance sommeil profond et sommeil paradoxal.
Cyclosporine et Omazilumab dans la prise en charge de l’urticaire chronique réfractaire.
Dr Sarbjit Saini.
L’orateur précise que 20% des patients ont une affection sévère avec échec des antiH1, nécessité d’un traitement corticoïdes par voie orale et une affection qui dure.
Les biopsies systématiques de peau de ces patients montrent une infiltration en leucocytes similaires à la réaction observée dans la phase tardive de la réaction allergique.
– Il y a des CD4+, avec un profil TH1 et TH2 alors qu’il n’est que TH2 dans la réaction allergique. Il y a également des basophiles et des mastocytes aussi bien dans l’urticaire chronique (UC) que dans l’urticaire allergique.
– Le schéma physiopathologique proposé est le suivant : un stimulus (allergène, auto-AC, x ?) stimule le mastocyte avec libération de médiateurs et recrutement de leucocytes à partir des vaisseaux sanguins entraînant une chute des basophiles circulants.
– Il y a donc des arguments pour proposer l’utilisation de la cyclosporine :
- affection dermatologique avec recrutement de TH1 et TH2 → la CSA supprime l’activation des LT et la libération des cytokines,
- une augmentation de la dégranulation des mastocytes et une altération de celle des basophiles → la CSA inhibe les médiateurs libérés par la liaison des IgE à son récepteur (histamine, médiateurs lipidiques et cytokines par les basophiles et les mastocytes).
Une étude récente portant sur
– 120 patients avec une UC sévère ne répondant pas aux antiH1 et H2 avec une altération de la qualité de vie
– a proposé la CSA à la dose initiale de 3mg/kg avec en cas de réponse à 2 mois un sevrage avec 2mg/kg puis 1mg/kg.
– En cas de rechute lors de la diminution de posologie le protocole propose la poursuite d’une dose de 1 à 1.5mg/kg avec un contrôle des symptômes toutes les 4 à 6 semaines et un bilan complet tous les 3 mois(électrolytes etc.).
– Résultats de l’étude :
- sur les 120 patients, 20 n’ont pas supporté le traitement immédiatement et ont été exclus.
- A la dose de 3mg/kg, 18 patients sont en échec, 30 sont guéris à 3 mois et 32 ont une réponse modérée aux antihistaminiques.
- 20 patients sont CSA dépendants et ont un traitement au long cours à la dose de 1 à 2mg/kg, avec 8 patients qui ont 8 à 14 mois de traitement et un traitement antihistaminique et 12 patients qui ont 60 à 120 mois de traitement et un traitement antihistaminique.
Ainsi la CSA a :
– une réponse thérapeutique rapide,
– agit sur de multiples cellules (LT, mastocytes et basophiles),
– avec un effet rebond dans les traitements courts de 1 mois.
– Il y a 30 à 40% d’échec et/ou d’intolérance.
– Le traitement est bénéfique à long terme pour 30% des patients et entraîne une réduction des symptômes chez 30%. Les effets indésirables sont d’environ 10% : symptômes gastro-intestinaux, paresthésies, HTA. Reste le devenir à long terme : y a-t-il un risque de cancer comme le montre les études de la CSA dans la transplantation rénale ?
Omazilumab dans l’UC.
Les anti-IgE entraîne une chute des IgE et de la liaison des IgE avec une diminution progressive des mastocytes.
Les arguments pour proposer cette thérapeutique dans l’UC sont :
– l’existence d’une dégranulation mastocytaire,
– une altération des basophiles circulants avec diminution de la dégranulation et du nombre des basophiles.
L’omazilumab peut altérer les fonctions FcER1 des basophiles et des mastocytes, réduit les cibles potentielles pour des auto-AC.
Une étude en double aveugle contre placebo montre que l’omazilumab dans l’UC a une action significative mais qui s’estompe en 3 à 4 semaines après l’arrêt du traitement.
Un autre travail montre que les symptômes diminuent dés la première semaine après l’injection, avec un effet qui est plus rapide que celui de la réduction des récepteurs aux IgE sur les mastocytes. Mais le devenir à long terme n’est pas encore connu.
En conclusion, pour une fois lors d’une session sur l’urticaire chronique, les intervenants sont allés directement à l’essentiel pour les allergologues à savoir les patients en échec d’une prise en charge initiale par des antihistaminiques.
L’intérêt d’une forte posologie d’antihistaminiques est bien argumenté avec une conduite à tenir pour les échecs secondaires.
La cyclosporine permet de bons résultats mais avec un traitement difficile à manipuler.
L’alternative par l’omazilumab offre donc une thérapeutique plus simple mais onéreuse avec par contre un devenir à long terme non connu.
Il y a encore beaucoup à faire pour comprendre le mécanisme physiopathologique précis de ces urticaires chroniques sévères mais de nombreuses équipes s’investissent dans cette recherche.
Allergie alimentaire
Une session a été consacrée à une discussion autour des recommandations éditées par la société américaine d’allergologie. Il s’agit de Guidelines (GL) sur le diagnostic et la prise en charge thérapeutique de l’allergie alimentaire. Le document est disponible sur le site de l’AAAI et fait environ 60 pages.
Un premier exposé fait par H Sampson a résumé les aspects essentiels de ces recommandations :
Il a d’abord rappelé l’importance du document en raison :
– d’une augmentation croissante de l’allergie alimentaire,
– avec des pratiques très variables selon les allergologues aussi bien pour le diagnostic que pour le traitement en l’absence d’un consensus écrit.
Ce document a émis 43 recommandations ou suggestions, à identifié les « gaps » dans les connaissances sur des points bien précis, et a donné des pistes de raisonnement sur les points de controverse.
Ce document a été approuvé par plus de 90% du comité de coordination et il a pris en compte les remarques de tous les praticiens qui ont été invités à le lire pendant 60 jours avant sa parution définitive.
Définition, prévalence, histoire naturelle :
– Le GL définit l’AA, les manifestations cliniques aussi bien IgE que non IgE dépendantes.
– La prévalence est de 2% à 10% avec une association à la DA dans 35 à 71% et un asthme dans 34% à 49% des cas.
– Beaucoup d’enfants en grandissant perdent leur allergie à l’oeuf, soja blé etc. mais parfois après un temps long (80% vers le début de l’adolescence). Par contre des enfants ne perdent pas l’allergie à l’arachide, noisette, poisson ou aux crustacés. L’allergie alimentaire qui se développe chez l’adulte tant à persister.
– La sévérité de l’affection ne peut pas être prédite par la réaction clinique initiale, par le taux des IgEs ou par le diamètre de la papule aux tests cutanés. Les réactions les plus sévères sont associées à de l’asthme.
– Il n’y a pas de preuves que l’exposition répétée à des allergènes alimentaires modifie l’histoire naturelle de l’AA.
Concernant le diagnostic le GL précise :
– si le recueil des données cliniques est très important il ne permet en aucun cas de faire le diagnostic d’AA.
– les prick-tests sont importants pour identifier les allergènes mais ne peuvent à eux seuls faire le diagnostic.
– Il n’est pas conseillé de faire des IDR
– Le taux des IgE totales systématique n’est pas recommandé (pas d’intérêt du rapport IgEs sur IgE totales).
– Les IgEs sont nécessaire au diagnostic mais à eux seuls ne peuvent suffire.
– En ce qui concerne les patch-tests : il est proposé de ne pas les faire de façon systématique en l’absence d’une suspicion d’allergie alimentaire de contact.
– Il est proposé de faire des tests d’exclusion alimentaire pour identifier les allergènes alimentaires surtout pour les réactions allergiques non IgE.
– Le test de provocation orale est conseillé en double aveugle contre placebo comme Gold Standard mais avec une possibilité de faire un test en simple aveugle ou en ouvert si : le double aveugle est négatif, ou si ces tests entraînent des symptômes qui sont corrélés à l’histoire clinique du patient ou aux données des examens complémentaires.
– Par contre les tests suivants ne sont pas recommandés : TTL, dosage des IgG ou des IgG4 etc.
Pour le traitement :
– Le GL recommande les régimes d’éviction dans les cas bien précis d’une AA prouvée.
– Par contre ce régime exclusion n’est pas proposé pour les allergènes potentiels dans la perspective du traitement d’une DA d’un asthme ou d’une gastrite à éosinophiles.
– Il est conseillé en cas de régime de demander conseil à un nutritionniste.
– Il est proposé de faire une éducation à la reconnaissance des allergènes interdits.
– Il n’est pas recommandé de prévenir l’allergie IgE ou non-IgE par des médicaments.
– Il n’est pas recommandé de proposer actuellement une désensibilisation pour une allergie alimentaire.
Les enfants peuvent être vaccinés même les enfants allergiques à l’œuf sauf pour la grippe. Les vaccins de la fièvre jaune et de la rage doivent d’abord être testés.
Prévention :
– Le GL recommande de ne pas contre-indiquer de façon systématique les aliments croisants en cas d’AA (œuf, viande, lait, légumes et arachides). Il n’est pas utile de faire des tests systématiques avant introduction alimentaire chez les enfants à hauts risques.
– De même, il n’est pas recommandé de faire des tests de façon systématique dans une idée préventive au sein d’une population d’enfants.
– Par contre chez des enfants ayant une DA qui n’évolue pas correctement il est conseillé de faire des tests cutanés avant l’age de 5 ans.
– Un régime d’éviction alimentaire chez la future mère n’est pas recommandé, ni pendant l’allaitement.
– Tous les enfants pourraient bénéficier d’un allaitement exclusif au sein jusqu‘à 4 à 6 mois, mais il n’y a pas de données permettant d’affirmer l’intérêt prophylactique de cet allaitement.
– Il n’est pas recommandé de proposer de façon systématique du lait de soja pour prévenir l’AA ou modifier le terrain atopique.
– Les hydrolysats peuvent être proposé pour prévenir une AA chez les enfants à risques qui ne peuvent être nourris exclusivement au lait maternel. Il n’est pas conseillé de retarder l’introduction des aliments au delà de 4 à 6 mois. Il n’y a aucune preuve concernant l’intérêt de repousser l’age de la diversification alimentaire.
Traitement d’urgence :
– Il doit être rapide et repose en premier sur l’adrénaline en IM. Il n’est pas prouvé une efficacité des anti-histaminiques ou des corticoïdes.
– Il est proposé une surveillance du patient pendant 4 à 6 h après l’anaphylaxie.
– Le patient et son entourage doivent être éduqués à la manipulation de ce traitement dans l’urgence.
– Le GL indique une attitude pratique différente : adrénaline également en SC, réalisation des vaccins de façon fractionnées.
En conclusion, ce GL souligne des points importants :
– la clinique, les tests cutanés ou les IgEs chacun séparément ne peuvent faire le diagnostic d’AA
– il est proposé de tester de façon systématique les enfants ayant une DA modérée à sévère qui ne s’améliore pas
– pas d’intérêt à tester de façon systématique les enfants à risque
– les taux très élevés d’IgEs sont associés à un risque allergique plus grand et une allergie persistante (mais ces données doivent être validées par des TPO)
– Bien qu’insuffisantes, les données publiées permettent de proposer une alimentation au sein jusqu’à 4 à 6 mois
– Il n’y a aucune preuve pour retarder la diversification alimentaire après 6 mois
– Aucun régime alimentaire chez la mère n’est justifié aussi bien pendant la grossesse que l’allaitement
– Pour les enfants à risque, la prévention de l’AA repose sur le lait maternel ou les hydrolysats.
– L’adrénaline est le traitement de première ligne en IM pour l’anaphylaxie.
A la fin de son exposé H Sampson rappelle que le GL se veut une aide pour le praticien et les patients mais que ces recommandations reflètent à la fois les données de études et les opinons des experts et aucun n’est infaillible et ne peut se substituer au jugement clinique d’un praticien face à son malade.
Le deuxième exposé a été fait par une non allergologue, le Dr Barbara P Yawn, qui travaille dans l’équivalent de notre PMI.
Cette conférence était curieuse, et avait pour objectif de rappeler finalement l’étendue de non connaissance des non allergologues concernant l’AA.
Elle fait donc part de son désarroi pour savoir comment reconnaître une AA, qui tester et comment etc. et elle a listé un grand nombre de questions …. auxquelles les allergologues surtout s’ils ont lu le GL peuvent répondre !!
Enfin la dernière conférence a critiqué le GL.
Le Dr A Wood a relevé les faiblesses et les manques de ce consensus.
– Il a d’abord rappelé que pour satisfaire aux règles d’inclusion des études, de très nombreuses publications ont été évincées : sur 12378, il a été retenu 72 publications.
– Sur ces 72, 1 méta analyse sur incidence et prévalence, 18 pour le diagnostic, 53 pour la prise en charge et la prévention.
– Le niveau de preuve est fort pour 7% des données, la contribution de l’avis des experts étant très élevé.
– Cela explique par exemple :
- les chiffres flous de prévalence entre 2% et 10%, et l’absence de preuve formelle d’une augmentation ou non des AA
- les hydrolysats sont proposés chez les enfants à haut risque sans donner une définition standardisée de ce qu’est un enfant à haut risque et quel hydrolysat ?
Les « gaps » dans les connaissances sont donc très nombreux :
– Peu de données sur l’allergie aux additifs alimentaires
– L’estimation du risque anaphylactique va de 13 à 65%
– On ne connaît pas l’histoire naturelle de l’AA
– On connaît mal les cofacteurs de morbidité et de mortalité dans l’AA
– Peu de données sur l’histoire naturelle de l’AA chez l’adulte
– Que deviennent les allergies non IgE ?
– Quel est l’impact d’un régime d’éviction sur le devenir d’un asthme associé, de la DA ou d’une gastrite à éosinophiles ?
– Le TPO est le meilleur moyen diagnostic mais aussi le plus dangereux ! Tous les autres moyens diagnostics conduisent à une surévaluation du diagnostic allergique alimentaire
– Est-ce que des tests cutanés avec les recombinants sont intéressants ?
– Les tests in vitro pour le diagnostic d’une AA non IGE ne sont pas performants
– Il n’y a pas de biomarqueurs ayant à la fois une bonne sensibilité et une bonne spécificité pour faire à la fois le diagnostic d’une allergie alimentaire IgE et non IgE.
– L’intérêt des tests natifs n’est pas prouvé.
– De même en prévention, il y a de nombreuses incertitudes aussi bien pour l’alimentation de la mère pendant l’accouchement et durant l’allaitement.
Pour conclure : cette session permis de mesurer à la fois nos connaissances actuelles dans tous les domaines de l’AA avec une actualisation exhaustive grâce à ce Guideline, mais aussi l’étendue des incertitudes qui persistent aussi bien pour le diagnostic, la prévention et le traitement de l’AA.