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Congrès de l’EAACI 2011 : Dr Cyril Hoarau
mercredi 15 juin 2011, par
Perspectives dans l’inflammation respiratoire : apports des études expérimentales
Dans cette session, les différents orateurs apportent un éclairage sur l’inflammation bronchique et l’immunorégulation dans l’asthme.
Remodelage dans l’asthme : conséquence de facteurs mécaniques ?
par Tschumperlin Daniel
L’asthme est caractérisé par une obstruction, une hyperréactivité et une inflammation bronchique, associées à un remodelage des bronches.
De récentes études suggèrent que ce remodelage intervient précocement dans l’enfance et serait la conséquence de l’ hyperpolarisation Th2 classiquement rapportée dans l’asthme.
Tschumperlin émet cependant une autre hypothèse.
L’inflammation pourrait être la conséquence de facteurs mécaniques.
L’équipe de Tschumperlin a mis au point un modèle expérimental permettant d’appliquer un facteur de compression mécanique imitant les phénomènes de bronchoconstriction dans l’asthme sur des cellules épithéliales bronchiques humaines.
Il met ainsi en évidence que des facteurs mécaniques peuvent induire, au niveau des cellules épithéliales bronchiques, la production de cytokines comme le TGFb connu pour intervenir directement dans le remodelage bronchique.
Il a récemment mis en évidence que la pression peut également favoriser la sécrétion d’une nouvelle molécule appelée YKL-40 (chitinase-like protein) qui est augmentée au niveau des bronches de patients allergiques et qui interviendrait chez la souris de façon importante dans le remodelage.
La prise en compte de ce facteur mécanique sur le remodelage devrait conduire à des recommandations sur la prise en charge thérapeutique des patients asthmatiques, en association avec les anti-inflammatoires classiquement utilisés dans l’asthme.
L’immunoregulation et la tolérance dans l’asthme par Mark Larché
Au cours de cette communication, M Larché va successivement aborder l’immunorégulation en commençant par un bref historique et les leçons de dame Nature qui ont contribué à l’émergence du concept de régulation.
Il va ainsi rappeler le rôle de l’environnement sur le développement des maladies allergiques, qui a récemment été confirmé par une étude dans N. Engl J Med (Ege MJ, 2011, 364 :701-709) avec notamment le rôle protecteur de la vie à la campagne, à l’origine de la théorie hygiéniste.
Il va successivement rappeler les différentes populations de cellules régulatrices T naturelles (nTreg) et acquises (iTreg avec « i » pour induit !) mais parler également de populations B qui possèdent également des propriétés régulatrices.
Une des particularités des populations régulatrices est liée à la capacité de production d’interleukine 10 (IL-10) qui est une cytokine capable de supprimer la prolifération de nombreux lymphocytes effecteurs. Certains virus comme EBV utilisent ainsi cette propriété des cellules régulatrices à produire de l’IL10 pour échapper au système immunitaire.
Si l’allergie a longtemps été associée à un défaut Th1/Th2 avec une hyperpolarisation Th2, il apparait aujourd’hui qu’il s’agit d’avantage d’un défaut des Treg quantitatif et/ou qualitatif.
Il ainsi été rapporté qu’il existe un défaut de cellules régulatrices naturelles chez les patients allergiques comparativement aux sujets sains qui ont une réponse IL-10 prédominante en réponse aux allergènes alimentaires et environnementaux (M Akdis, J. Exp Med. 2004).
La production IL-10 par ces cellules régulatrices permet ainsi la suppression de lymphocytes de type Th2 producteur d’IL-4 de façon spécifique vis-à-vis d’un allergène donnée (Karisson, 2004 ; J Exp Med).
Il est par ailleurs rapporté que les enfants qui ne présentent pas d’allergie aux protéines du lait de vache possèdent davantage de cellules régulatrices (CD4+CD25+) que les enfants allergiques à cette protéine. Le défaut n’est cependant pas uniquement quantitatif mais également qualitatif (Harti, JACI ; 2007).
Par ailleurs, les lymphocytes Th2 possèdent la capacité d’inhiber la fonction et le développement des cellules régulatrices (Cosmi Blood, 2004 ; Mantel, PlosBiol 2007).
Larché rapporte enfin que l’immunothérapie spécifique de l’antigène induit vis-à-vis d’un allergène donné la production de cellules régulatrices et que son équipe a développé une vaccination spécifique pour les squames de chat (Worm M, JACI 2011).
En conclusion, Larché insiste sur le rôle des microorganismes dans le développement du système immunitaire et particulièrement sur l’induction de populations régulatrices, le défaut de ces populations chez les patients allergiques et l’importance d’utiliser des peptides immunogènes ciblant les cellules T pour induire de la tolérance.
Larché a su en quelques diapositives synthétiser l’essentiel de ce qui est à savoir sur le rôle des cellules régulatrices dans la physiopathologie des maladies allergiques et leur importance dans les mécanismes de l’immunothérapie.
Pathogénie de la dermatite atopique
Au cours de cette session, les auteurs ont abordé les 3 éléments clés intervenant dans la physiopathologie de la dermatite atopique :
– l’aspect génétique avec l’exposé de Alan Irvine qui a présenté les mutations de la « filaggrine dans la dermatite atopique »,
– l’aspect environnemental avec l’exposé de Peter Schmid-Grendelmeier sur « Hôte et les facteurs environnementaux » et
– l’aspect immunologique avec l’exposé de Thomas Bieber sur « les nouveautés sur l’immunopathologie de la dermatite atopique ».
Mutations du gène de la filaggrine par Alan Irvine.
L’histoire naturelle de la dermatite atopique (DA) est marquée par l’absence de lésion à la naissance mais avec un début en moyenne vers 3 à 4 mois mais avec 90% des cas des symptômes présents à 1 an.
Un certain nombre de mutation a été rapporté à la DA, comme celles du gène SPINK5, d’un variant du gène WAS et bien entendu celles de la filaggrine.
Au niveau des kératinocytes, la filaggrine intervient dans l’hydratation de la couche cornée et une anomalie de cette dernière est responsable d’un trouble de la perméabilité.
Les mutations décrites pour le gène de la filaggrine sont nombreuses mais semblent différentes entre les européens et les asiatiques avec des données imprécises chez les sujets de race noire par manque d’études.
Irvine rapporte cependant que 1 européen sur 10 présente une mutation « null » d’un allèle pour la filaggrine, ce qui est responsable d’une diminution de 50% de la protéine dans la peau, avec comme conséquence une peau sèche et un risque élevé de DA.
Une double mutation « null » est présente chez 1 européen sur 400, ce qui est responsable d’une absence de filaggrine dans la protéine dans la peau avec comme conséquence un risque sévère de DA.
Ces données entre mutations de la filaggrine et risque de DA ont été confirmées par des méta-analyses. Cependant les études de cohorte ont permis de mettre en évidence une pénétrance de 38 à 42%, ce qui fait environ que 60% des patients qui sont porteurs d’une mutation « null » de la filaggrine ne développent pas de DA.
Irvine évoque ainsi la possibilité de facteurs environnementaux qui pourraient intervenir dans l’expression de la maladie. Il expose ainsi des études récentes qui rapportent une augmentation de la perte de fonction de la filaggrine (chez des sujets porteurs de l’allèle muté) s’il existe une l’exposition néonatale au chat (JACI 2011).
A propos du rôle exact de la filaggrine dans la DA, il précise que les mutations ne sont ni nécessaires ni suffisantes pour expliquer le concept « inside/outside » par un défaut de la barrière cutanée.
Cependant, le modèle de souris (maft) déficiente pour la filaggrine ou les études chez l’Homme (par la technique de la mesure de perte d’eau au niveau de l’épithélium par spectroscopie : transepidermal water loss =TEWL) démontrent une augmentation de la sensibilisation percutanée, de l’inflammation allergique, de la sensibilisation IgE dépendante et des cytokines de type Th2 et Th17.
Il rapporte également avec les mêmes modèles, une augmentation importante du « priming des allergènes » et surtout que l’inflammation peut réduire l’expression de la filaggrine avec notamment un effet régulateur négatif des cytokines de type Th2 (Howell 2007, Kezic & Irvine 2011).
L’exposé de Irvine nous a permis de faire le point sur le rôle de la filaggrine dans la DA.
Il apporte surtout, à mon sens, une introduction sur l’épigénétique avec notamment la démonstration que l’activité fonctionnelle de la filaggrine peut être modifié par l’environnement.
Cela peut expliquer la difficulté de corréler le génotype avec le phénotype et donc la nécessité dans les années à venir d’associer systématiquement dans toute étude génétique des paramètres environnementaux ce qui ne sera pas facile !
Hôte et environnement dans la dermatite atopique par Peter Schmid-Grendelmeier.
Dans la physiopathologie de la dermatite atopique (DA), les défauts de la barrière cutanée et les altérations de la réponse immune constituent les 2 principaux éléments de discussion, auxquels il faut rajouter l’environnement.
Parmi les facteurs environnementaux classiquement associés avec la DA, on distingue les allergènes, notamment alimentaires et les agents infectieux.
L’allergie alimentaire interviendrait de façon importante particulièrement chez le nourrisson et le jeune enfant, alors que les aéroallergènes ou les allergènes de contact interviendraient peu et plutôt chez l’adulte.
Les bactéries, notamment le staphylocoque, interviendraient également de façon importante mais aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte.
Parmi les allergènes rapportés dans la DA, on rapporte donc les aliments (lait, arachides, œufs…) plus fréquemment chez l’enfant mais également les acariens, les squames d’animaux ou les moisissures.
Les mécanismes sont soit de nature IgE dépendante, retardé ou mixte. Schmid-Grendelmeier rapporte cependant une étude récente sur le rôle protecteur de la vie à la ferme et le contact avec le chien pendant la grossesse (JACI 2011).
La colonisation aux staphylocoques aureus est associée à des manifestations plus sévère de la DA.
Ceci pourrait être la conséquence de l’effet direct des bactéries sur la perméabilité cutanée, mais également sur un effet sur le système immunitaire en augmentant l’activation et la différenciation lymphocytaire pour une augmentation de la production d’IgE.
Certaines études rapportent ainsi une amélioration de la DA après des traitements locaux répétés d’antiseptique.
Les bactéries ne sont pas les seules microorganismes associés avec la DA : les champignons comme le candida ou le malassezia semblent également impliqués mais avec une prévalence plus forte chez l’adulte (32 à 68%) que chez l’enfant (4 à 7%). Comme pour les bactéries, le malassezia pourrait agir sur le système immunitaire vers une réponse qui s’apparente davantage à de l’auto-immunité du fait que ce champignon possède protéine possédant une homologie de structure avec une protéine humaine (MnSOD).
Peter Schmid-Grendelmeier conclue que la barrière cutanée influence les effets des microorganismes sur la DA mais que ces derniers agissent sur la DA via un effet sur le système immunitaire.
La présentation de Peter Schmid-Grendelmeier a le mérite de faire le point sur l’implication des allergènes et des microorganismes dans la physiopathologie de la DA, en rappelant une approche originale ou la DA est comparée à une maladie auto-immune à IgE par homologie du malassezia et d’une protéine humaine.
Il n’y a cependant eu aucun développement de l’impact des bactéries sur le système immunitaire et particulièrement sur la différentiation lymphocytaire T et notamment sur les nouvelles populations T, comme les Th17, Th22 ou les Th9 !! Dommage !
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