EAACI 2013 : le congrès d’Agnès Juchet et Michel Piot

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EAACI 2013 : le congrès d’Agnès Juchet et Michel Piot

EAACI 2013 : le congrès d’Agnès Juchet et Michel Piot

lundi 8 juillet 2013, par Dr Agnès Juchet

Session allergie alimentaire.

Comment prévenir l’allergie à l’arachide ? :
Gedeon Lack, Angleterre

La sensibilisation à l’arachide peut se faire par voie cutanée chez les jeunes nourrissons atteints d’eczéma. Ces enfants ont une barrière cutanée altérée.

Les études ont montré l’existence, dans 50% des cas d’eczéma modéré à sévère, de mutations de la filaggrine, protéine intervenant dans la structure de la couche cornée.

  • Ces mutations sont présentes chez 10% des caucasiens.
  • Elles augmentent la perméabilité de la barrière cutanée aux allergènes ( Brown SJ et la. JACI 2011 ; 127 (3-4):661-667).
  • Elles multiplient le risque d’allergie à la cacahuète par 3,8 et augmentent le risque d’apparition d’une rhinite et d’un asthme chez les enfants atteints d’eczéma.

La présence de protéine d’arachide biologiquement active dans la poussière de maison, notamment dans les matelas et les aires de jeux pour enfants est un marqueur de l’exposition environnementale à la cacahuète. Cette présence est proportionnelle à la consommation d’arachide par les parents et par la mère pendant la grossesse ( Fox AT et al. JACI 2009 ; 123 : 417-23).

La fréquence de sensibilisation à l’arachide chez les enfants ayant une mutation de la filagrine augmente avec l’exposition environnementale (Sandilands A et al. Nature Genetics 2007 ;(5):650-4).

À l’opposé de la voie cutanée sensibilisante, les études montrent que l’exposition orale précoce induit une tolérance.

Pour l’arachide, l’étude princeps bien connue est celle de Du Toit (JAllergy Clin Immunol 2008 ; 122 : 984-91).
 Cette étude a comparé plus de 5000 enfants juifs scolarisés en Angleterre et en Israël .
 Les anglais, qui ont consommé très peu d’arachide dans la petite enfance (0 gramme par semaine entre 8 et 14 mois) ont une prévalence d’allergie à l’arachide de 1,8% alors que les israéliens qui en ont consommé 7,1 g par semaine au même âge ont une prévalence d’allergie de 0,17% (p<0,001).

Les études portant sur la consommation précoce de lait ( Katz Y et al. J Allergy Clin Immunol 2010 ; 126 : 77-82) et d’œuf ( Koplin J et al. J Allergy Clin Immunol 2010 ; 126 : 807-13) vont dans le même sens.

Les stratégies pour prévenir l’allergie à la cacahuète doivent donc associer une réduction de l’arachide dans l’environnement domestique, un traitement précoce et intensif de l’eczéma du nourrisson et une ingestion orale précoce d’arachide.

Un essai randomisé contrôlé d’induction de tolérance orale chez les nourrissons atopiques est en cours en Angleterre avec l’étude LEAP (Learning Early About Peanut Allergy) ( Du Toit G. J Allergy Clin Immunol 2013 ; 131 : 135-43).
 À ce jour, 640 nourrissons âgés de 4 à 11 mois, atteints d’eczéma ou d’allergie à l’œuf ont été inclus.
 320 ont consommé de l’arachide de façon précoce à partir de l’âge de un an, trois fois par semaine et 320 ont réalisé une éviction stricte jusqu’à l’âge de 5 ans.
 À 5 ans, 5% des enfants du groupe consommation d’arachide ont un TPO positif à l’arachide contre 14% dans le groupe éviction.
 La question ultérieure est de savoir si la tolérance est ensuite persistante à la fin de l’ITO après une période d’éviction.
 Les résultats définitifs de l’étude permettront peut être de répondre à cette question cruciale : la consommation précoce d’allergènes alimentaires chez des enfants à haut risque atopique pourrait prévenir le développement de l’allergie alimentaire soit en induisant uniquement un phénomène de désensibilisation transitoire soit une guérison définitive de l’allergie.

Prise en charge de l’allergie alimentaire :
Motohiro Ebisawa, Japon

La prise en charge de l’allergie alimentaire au Japon est peu différente de la prise en charge en Europe.

Elle passe par un diagnostic médical précis, une éducation du patient à une éviction alimentaire appropriée et à une lecture correcte des étiquetages et par la réalisation d’un plan de traitement d’urgence écrit.

Le patient doit connaître ses signes précoces d’allergie, les signes d’anaphylaxie et savoir quand et comment utiliser les antihistaminiques et l’adrénaline auto-injectable.

Il faut savoir que les aliments à déclaration obligatoire sur les étiquetages varient en fonction des régions du monde. Par exemple, le sésame n’est pas a étiquetage obligatoire aux USA et au Japon. Les fruits tels que l’orange, le kiwi. La pêche, la pomme et la banane sont à étiquetage obligatoire au Japon, de même que le bœuf, le poulet et le porc.

Les indications d’utilisation de l’adrénaline auto-injectable différent également en fonction des pays : elles sont voisines au Japon et en Europe, mais sont beaucoup plus larges aux USA où il est recommandé de l’utiliser dès le stade d’urticaire généralisée isolée.

Au Japon comme en Europe, le diagnostic de l’allergie alimentaire repose sur la réalisation d’un TPO, permettant de savoir si la tolérance est acquise et sinon, de proposer la mise en place d’un protocole d’immunothérapie orale (ITO).

Ces protocoles d’ITO sont faits au Japon de façon courante pour l’œuf, le lait de vache, la farine de blé et plus rarement pour le soja, l’arachide, le sésame et la crevette.

Pour l’œuf, le protocole d’ITO est fait au Japon en trois étapes : petites quantité de gâteaux bien cuits contenant de l’œuf correspondant à 1/20ème de blanc d’œuf, puis 1/2 œuf entier sous forme de gâteaux puis un œuf entier sous forme d’œuf brouillé.

Au total, 436 ITO ont été mises en place. Le protocole d’ITO Japonais diffère un peu de ce qui est fait habituellement en France.
 Un TPO initial est réalisé à l’hôpital pour fixer le seuil réactogène.
 Puis l’enfant va consommer à domicile des quantités progressivement croissantes de l’aliment auquel il a réagi jusqu’à arriver à la dose réactogène, qu’il poursuit toujours à domicile pendant 3 mois.
 À l’issue de ces trois mois, il arrête pendant 15 jours l’ingestion de l’aliment et revient à l’hôpital pour un nouveau TPO.
 Si celui ci est négatif, la tolérance de l’aliment peut être considérée comme acquise.

Plus l’ITO est démarrée précocement, plus l’acquisition de tolérance est fréquente : à 4 ans, 84% des enfants ayant débuté l’ITO à partir de 6 mois sont devenus tolérants contre 38% des enfants ayant démarré l’ITO à partir de deux ans.

Les différentes études concernant l’ITO dans le monde montrent une efficacité variable selon les aliments et les équipes, allant de 36% pour le lait ( Longo et al. 2008) à 75% pour l’œuf ( Burks et la. 2012).

Les résultats japonais sont tout à fait excellents avec 85% d’efficacité pour l’œuf et 76% pour le lait au bout de 3 ans (résultats non publiés, uniquement communiqués lors du congrès).

Nouvelles modalités thérapeutiques dans l’AA :
Wesley Burks, États Unis

Les objectifs de l’immunothérapie en allergie alimentaire sont dans un premier temps la désensibilisation (augmentation de la dose d’aliment régulièrement ingérée) et si possible dans un second temps l’obtention d’une tolérance clinique (absence de réaction lors de l’ingestion alimentaire après arrêt de l’ingestion quotidienne).

La grande question est de savoir quelle est la durée d’arrêt du traitement nécessaire pour pouvoir parler de véritable guérison..

La tolérance peut être facilitée par la cuisson de l’aliment : cela a été montré pour le lait ( Novak-wegrzyn, Sampson et al. JACI 2008) et l’œuf . Les enfants tolérants le lait et l’œuf cuit ont beaucoup plus de chances de guérir définitivement que les enfants ne tolérant pas ces aliments cuits (Kim et al. JACI 2011 ; 128 : 125-131).

Les deux principales méthodes d’immunothérapie sont la désensibilisation sub-linguale, et l’ITO.

Deux études montrent de façon évidente l’efficacité de l’ITO dans l’allergie à l’œuf ( Jones, Burks, Sampson et al. NEJM, July 2012) et dans l’allergie à l’arachide (Varshney, Jones, Burks et al. JACI march 2011). Cependant, ces études, si elles montrent l’efficacité de la désensibilisation, prouvent la difficulté pour obtenir une tolérance à long terme.

Pour l’œuf , l’efficacité au bout de 10 mois d’ITO est de 75%, mais elle chute à 27,5% après 4 semaines d’arrêt de traitement. Elle remonte à 45% après 12 mois de traitement supplémentaire.

Il existe des marqueurs biologiques d’efficacité de l’ITO : augmentation de LT régulateurs, baisse de l’IL5 et de l’IL 13, augmentation du rapport IL10/IL13 (Kulis, Jones, Burks et al. AAAAI2012).

Une autre voie de désensibilisation est la voie épicutanée avec les patch type Viaskin° imprégnés de protéines sous forme de poudre.
 Une étude pilote prometteuse à été publiée par Dupont et al. dans le JACI 2010 chez des enfants atteints d’APLV.
 Elle a montré une multiplication par 12 de la quantité de lait de vache tolérée après 3 mois de désensibilisation sans effet secondaire sérieux, en dehors de réactions locales cutanées fréquentes.
 La tolérance de cette voie de désensibilisation est également bonne pour la cacahuète (Agbotounou et al. Allergy 2012).

Trois grandes études de désensibilisation épicutanée à l’arachide sont actuellement en cours : Arachild en France chez l’enfant, VIPES aux USA et en Europe chez l’adulte et l’enfant et CoFAR6 aux Etats-Unis chez l’enfant.

Dans les allergies alimentaires sévères, il est également possible de coupler l’ITO à un traitement anti-IgE par Omalizumab ce qui permet de réduire les effets secondaires (Nadeau, JACI 2011 ;127:1622-4).

Une étude de phase II est également en cours avec des herbes chinoises chez des adolescents et adultes avec allergie à la cacahuète, aux fruits à coque, au sésame, au poisson ou aux crustacés (Wang. Ann Allergy asthma Immunol 2010 ; 105:75-84).

La grande difficulté du futur dans l’immunothérapie en l’allergie alimentaire sera de résoudre la question de la tolérance à long terme après arrêt de l’exposition régulière à l’allergène.

Il faut auparavant répondre à trois questions :
 quels sont les mécanismes du développement des allergies alimentaires ?
 qu’est ce que la vraie tolérance ?
 est-il possible d’induire une tolérance à long terme dans l’allergie alimentaire ? Est-ce que le maintien d’une l’exposition régulière à l’aliment est nécessaire pour le maintien à long terme de la tolérance ?


Compte-rendu offert grâce au soutien du laboratoire ALK
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