AAAAI 2004 : lundi 22 mars.

mardi 23 mars 2004 par Dr Alain Thillay, Dr Hervé Masson6279 visites

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AAAAI 2004 : lundi 22 mars.

AAAAI 2004 : lundi 22 mars.

mardi 23 mars 2004, par Dr Alain Thillay, Dr Hervé Masson

Décidément, le début du printemps à San Francisco n’est guère agréable. Vous qui projetez de visiter cette belle ville, n’hésitez pas à retarder votre départ : il fait un peu frais, beaucoup de vent et beaucoup de nuages. Finalement, nous sommes bien mieux au chaud dans les salles de conférence.

Par Dr Hervé Masson

 L’impact des housses de matelas sur l’exposition nocturne à Der P1 et l’asthme : C. Marriott, Camperdown, Australia

  • Les auteurs avaient deux objectifs : développer un moyen rapide d’évaluer l’exposition à l’allergène acarien durant la nuit et étudier l’effet des housses sur la literie.
  • Ils ont utilisé un système d’analyse d’échantillons nasaux de Der P1 qu’ils pratiquaient 30 minutes, 2 H et 4 H après le coucher et au réveil.
  • Ces échantillons étaient aussi prélevés dans un groupe de patients allergiques aux acariens pendant 4 semaines, puis 4 semaines encore après l’utilisation de housses sur le matelas, les oreillers et couettes.
  • Le taux d’allergène inhalé pendant toute la nuit est directement proportionnel à celui des 30 premières minutes dans le lit.
  • Les housses diminuent le taux d’allergène inhalé de seulement 1,8 fois et entraînent une diminution significative des symptômes d’asthme et d’allergie. Par contre, elles n’ont aucun effet sur le débit de pointe, la consommation de bêta²-agonistes et les valeurs spirométriques.
  • Les housses ont un effet modéré mais significatif sur la dose inhalée de Der P1 et l’asthme mais pas d’effet sur la fonction ventilatoire mesurée.

L’utilisation de housses sur la literie n’a plus besoin de démontrer son efficacité.

Cependant, cette étude montre qu’il ne faut pas en attendre plus que ce qu’elle peut donner. En particulier, l’asthme allergique n’est pas beaucoup amélioré et il faudra de toutes façons poursuivre les autres traitements, en particulier l’immunothérapie spécifique en cas d’allergie.

 Voies de sensibilisation dans l’allergie à l’arachide. : A. T. Fox, London,

  • La sensibilisation à l’arachide des nouveaux nés reste non élucidée. L’hypothèse qu’elle survient in utéro ou lors de l’allaitement au sein a été explorée dans cette étude.
  • Il s’agit d’une étude rétrospective par questionnaire. 2 groupes ont été constitués : allergiques à l’arachide ou non.
  • La consommation d’arachide chez les mères d’enfants allergiques n’était pas significativement différente du groupe témoin que ce soit durant la grossesse ou l’allaitement.
  • Les auteurs concluent que le fait qu’il n’y ait pas de différence entre la consommation d’arachide du groupe allergique et du groupe témoin ne plaide pas en faveur d’une sensibilisation in utero ou durant l’allaitement. Il faudra d’autres études pour comprendre d’où provient cette sensibilisation.

Bien évidemment, il s’agit d’une étude rétrospective par questionnaire et donc sujette à toutes les précautions habituelles du fait du risque de biais.

Elle apporte tout de même comme renseignement que les enfants allergiques à l’arachide n’ont pas été plus exposés que les non allergiques à l’arachide durant la grossesse ou les premiers jours de la vie.

Ce résultat va donc à l’encontre des études qui prônent un régime d’exclusion chez la maman pendant la grossesse. Peu ou beaucoup d’allergènes, ne semble pas influencer la sensibilisation de l’enfant.

 Anaphylaxie induite par l’effort dépendante de l’ingestion de crevettes : C. J. Vital, New Orleans

  • L’anaphylaxie induite par l’effort due à la crevette est une cause rare encore.
  • Il s’agit de la description du cas d’un jeune homme de 23 ans, souffrant de rhinite allergique, qui est hospitalisé en urgence après la survenue d’urticaire, dyspnée et chute tensionnelle durant un cross-country.
  • Il a décrit d’autres épisodes moins violents et le point commun est la consommation de crevettes.
  • L’effort avec un estomac vide, d’autres aliments que la crevette et l’ingestion de crevette sans exercice ne déclenchent aucun symptôme.
  • Les tests cutanés industriels à la crevette étaient négatifs. Il existait aussi des tests positifs aux pollens, acariens et thon, praire, langouste, poisson, bœuf et porc.
  • Une épreuve de réintroduction à la crevette avec exercice a de nouveau déclenché l’anaphylaxie. Par contre, sans effort, il n’y a pas eu de symptômes.
  • La consommation des aliments positifs, avec et sans effort, n’a déclenché aucun symptôme.

Voici une observation intéressante pour les cliniciens que nous sommes.

Tout d’abord, elle confirme l’intérêt de la clinique. Le patient avait lui-même fait le diagnostic en faisant le lien avec la consommation de crevette.

Par contre, le test industriel n’a rien apporté. L’étude ne parlait pas du résultat des dosages d’IgE spécifiques.

Il est aussi fréquent, chez ces patients très allergiques, de retrouver des tests positifs à tellement d’allergènes variés que l’on finit par mettre en doute tous les résultats. Chez ce patient, la liste est longue mais la mise en situation par l’épreuve de réintroduction avec exercice a permis de montrer que parmi toutes ces positivités, seule la crevette était responsable.

Il s’agit donc d’un excellent exemple de la prépondérance de la clinique sur les résultats d’examens complémentaires.

 Plusieurs cas d’anaphylaxie à des substances inattendues

La présentation de cas cliniques permet d’élargir notre champ d’action à la recherche de nouveaux allergènes. Voici quelques accidents aigus d’origines variées.

  • Anaphylaxie au nectar de chèvrefeuille : le suc de cette plante est très sucré et les auteurs décrivent le cas d’une petite fille de 8 ans qui a fait un choc dans les 5 minutes suivant sa consommation.
  • Anaphylaxie à la pectine contenue dans un produit de contraste radiologique :
    • il s’agit d’une homme de 59 ans qui a déclenché une urticaire, angiœdème et asthme 15 minutes après un lavement baryté.
    • Le test cutané au Barigraf (le produit de contraste) était positif.
    • La pectine utilisée comme excipient a été le seul composant positif au test cutané.
    • Les auteurs ont aussi démontré une allergie croisée avec la noix de cajou, la pistache et d’autres noix.
    • Les médecins devraient donc se méfier de la pectine contenue dans les produits de contraste, surtout chez les patients allergiques aux noix.
  • Accident anaphylactique au latex découvert après le troisième épisode : cette observation n’est pas à proprement parler une allergie inattendue.
    • Il s’agit seulement d’un patient chez qui on n’a pensé à l’allergie au latex comme cause d’accident peropératoire qu’après qu’il ait développé une allergie à la pèche.
    • Lors des deux premiers épisodes, le bilan avait porté sur les anesthésiques généraux du fait de l’absence de facteur favorisant la sensibilisation au latex. Les auteurs concluent d’ailleurs qu’il faut tester le latex même s’il n’existe pas de facteur de risque.
    • À la place des auteurs, j’aurais eu honte et je n’aurais pas publié...

Par le Dr Alain Thillay

 Lien familial dans la polypose nasale parmi des sujets asthmatiques.
Haroldson S.W. et coll. Minneapolis Minnesota Etats-Unis.

  • Des travaux antérieurs ont suggéré un facteur héréditaire dans le développement de la polypose nasale. Cette étude se proposait d’approfondir cette hypothèse parmi des patients asthmatiques et leur famille.
  • Un total de 120 familles a été étudié (il fallait que deux collatéraux soient asthmatiques et que les deux parents soient vivants).
  • Tous les sujets répondaient à un questionnaire et subissaient un test de provocation bronchique non spécifique avec évaluation de la réversibilité et des tests cutanés concernant les aéroallergènes classiques. L’existence de polypes nasaux était déterminée par l’autoquestionnaire.
  • Dans la population considérée globale, la fréquence des polypes nasaux était de 4,9% alors que parmi les paires de collatéraux (asthmatiques) cette fréquence s’évaluait à 11,9%. Les résultats de cette étude sont significatifs statistiquement.
  • Cette étude suggère un caractère héréditaire du lien polypes nasaux et asthme.

Ce travail confirme ce que nombre d’allergologues cliniciens ressentaient intuitivement. Le mérite est donc d’en faire la preuve.

Deux regrets toutefois, d’abord, de ne pas avoir les résultats des tests cutanés, ce qui permettraient de distinguer les asthmes allergiques des asthmes non allergiques afin de vérifier si l’association aux polypes est liée au type étiologique d’asthme, et, d’autre part, le fait que l’existence des polypes ne soit indiquée uniquement par questionnaire.

J’aurai préféré une nasofibroscopie. Il y a là un biais de recrutement.

  Urticaire allergique de contact due à un caméléon chez un patient sensibilisé au ficus benjamina.
Jarisch R. et coll. Vienne Autriche.

  • Il s’agit de l’étude du cas d’un homme âgé de 31 ans qui présentait une histoire de longue date de rhino-conjonctivite évoluant de mars à mai.
  • Ce patient possédait depuis un an un caméléon comme animal de compagnie et souffrait de prurit, érythème et poussées urticariennes au contact de son animal préféré. Ces réactions apparaissaient rapidement après le contact et n’étaient pas observées chez d’autres personnes au contact de ce même reptile.
  • Les tests cutanés confirmaient une allergie aux pollens de bétulacées et mettaient en évidence des sensibilisations aux acariens domestiques, épithélias du chat et au ficus benjamina.
  • En reprenant l’histoire, les investigateurs ont appris que le caméléon se promenait sur un ficus présent au domicile du patient dont il ne souffrait pas à priori sur le plan respiratoire. L’examen des feuilles du ficus a permis de constater la présence de traces de griffures. De fait, les griffes du caméléon portaient des particules de latex du ficus.
  • Il s’agissait donc d’une allergie au ficus benjamina par procuration via un caméléon !!!

Vraiment la profession d’allergologue est un métier merveilleux. Il faut penser à tout, même au caméléon. On attendra encore un peu pour une vraie allergie à la peau de reptile.

  Effets de la température sur l’éclosion des œufs d’acariens et leur concentration en allergènes.
Boitano J.J. et coll. Bangkok Thaïlande, Colombus Ohio Etats-Unis.

  • Le but était de soumettre des œufs d’acariens à une gamme de températures afin d’évaluer l’effet sur leur éclosion dans le but de limiter leur allergénicité.
  • Les œufs d’acariens ont été soumis à des températures variant de 40 à 70 ° Celsius par palier de 10° C en chaleur sèche ou humide et de plus en exposition directe à la lumière du soleil.
  • De plus, l’exposition au froid a été testée, à 4° C, -10°, -20°, -40° et -70°C. La durée de l’exposition variait de 30 minutes à 5 heures. Les échantillons de contrôle étaient examinés après avoir séjournés à température ambiante durant 15 jours.
  • Un pourcentage d’éclosion inférieur à 16% était observé pour la chaleur sèche à 60° et 70°C et l’exposition directe à la lumière solaire ; une chaleur humide à 60° et 70°C ; et l’exposition à un froid de -70°C.
  • En condition normale, à température ambiante intérieure d’un habitat le pourcentage d’éclosion excédait 90%. La moyenne de concentration en Der p 1 par œuf était de 1 ng/ml.
  • L’exposition à des températures extrêmes à long ou à court terme permettait d’obtenir de faibles pourcentages d’éclosion des œufs d’acariens.

Il est évident que le recours à des températures extrêmes pour lutter contre le développement des acariens est un moyen efficace. Toutefois en pratique il est difficile de soumettre son matelas à de telles conditions.

On remarquera que le lavage à 60°C des housses de matelas, d’oreiller, de couette et les oreillers eux-mêmes est possible et sera efficace.

Il reste à inventer un matelas anti-acariens comportant un système de chauffage interne permettant de porter une ou deux fois par semaine l’ensemble du matelas à 70°C. Peut-être pas aussi incongru que cela ?

  Acariens dans les préparations alimentaires : produits à bases de farine contaminés par les acariens.
De Merell D.G. et coll. Nouvelle Orléans Louisiane Etats-Unis.

  • Il existe au minimum 3 cas publiés d’anaphylaxie après ingestion de beignets du commerce contaminés par des acariens domestiques ou des allergènes d’acariens domestiques. Ces patients avaient des tests cutanés positifs aux acariens et négatifs aux constituants alimentaires.
  • Le but de cette étude était de déterminer la fréquence de la contamination par les acariens domestiques de différents paquets de beignets du commerce avant et après ouverture.
  • Vingt paquets intacts de beignets avec des dates de péremption différentes ont été collectés. Chaque paquet a été examiné par microscopie optique et par dosage des antigènes d’acariens à l’aide d’une méthode de mesure par anticorps monoclonaux.
  • Dans 6 des 8 paquets au-delà de la date d’expiration, la présence d’acariens a été déterminée par microscopie et dosage des antigènes.
  • Deux des 12 boites non expirées, bien que parfaitement scellées, contenaient des acariens visibles en microscopie et des allergènes.
  • Tous ces paquets ouverts étaient ensuite fermés soigneusement et stockés à température ambiante et ré-examinés deux semaines plus tard. Les boites contenant déjà des acariens étaient marquées par une augmentation du nombre d’acariens. Parmi les boites exemptes d’acariens au départ, deux se trouvaient contaminées.
  • Ainsi, la plupart (75%) des boites ayant dépassée la date de péremption et 17% des boites non expirées contenaient des acariens domestiques avant ouverture. L’exposition à l’air en température ambiante provoque une prolifération rapide des acariens une fois le paquet ouvert.
  • Ainsi, ces constatations peuvent augmenter le risque de réactions allergiques incluant le choc anaphylactique chez les sujets sensibilisés aux acariens.

Lorsqu’un sujet sensibilisé aux acariens subit un choc anaphylactique qui ne fait pas sa preuve, on pense alors souvent aux allergènes croisant (crustacés, escargots) mais on oublie la contamination alimentaire par les acariens eux-mêmes.

J’ai récemment fait le diagnostic d’un œdème de Quincke avec localisation laryngée et crise d’asthme chez une jeune fille que je suis pour allergie aux acariens. Elle n’avait mangé, ni crustacés, ni escargots mais un certain fromage du centre de la France que l’on affine traditionnellement dans des pots en terre poreux entreposés à l’humidité et « ensemencés » par des acariens, probablement de stockage. Il fallait y penser !

  Anaphylaxie due à Ipomoea Batatas.
Velloso A. et coll. Madrid Espagne.

  • La patate douce, Ipomoea Batatas, membre de la famille des Convolvulaceae, est largement utilisée dans l’alimentation. Pourtant, il n’y a pas de réactions allergiques publiées.
  • Les auteurs rapportent 3 cas d’allergie à la patate douce dont un seul patient était allergique.
  • Dans les 3 cas, les réactions étaient assez sévères : urticaire généralisée, angio-œdème, chute tensionnelle, nausées, vomissements.
  • Les explorations suivantes ont été pratiquées : prick-prick natif, prick avec extrait, ELISA IgE et Immunoblot.
  • Tous les tests cutanés étaient négatifs. Cependant, les IgE spécifiques étaient détectées par ELISA et/ou Immunoblot dans les 3 cas. Les bandes allergéniques retrouvées étaient de 54-64 kD, 19-24 kD et 74 kD.
  • Les tests pratiqués avec les autres aliments étaient tous négatifs.
  • A priori, il s’agit des 3 premiers cas d’anaphylaxie à la patate douce. En effet, les auteurs n’ont pas retrouvé d’autre cas publié dans la littérature.

Et voilà, encore une nouvelle allergie alimentaire qui ne manquera pas de se développer du fait de la mondialisation des cuisines exotiques. A suivre.

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