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SFAIC 2004 : le congrès du Dr Isabelle Bossé 1, 2 et 3 avril
lundi 5 avril 2004, par
Parmi les nombreux posters présentés, 15 étaient sélectionnés pour être présentés en session plénière, et deux d’entre eux se verront remettre un prix. La session de discussion de posters du jeudi après midi est un exercice difficile pour les orateurs mais passionnant pour le public. Le vendredi, les controverses sont des joutes oratoires animées sur des sujets aussi variés que la pollution, les chats et les endotoxines. Une mise au point sur la prise en charge de l’urticaire chronique a retenu mon attention. Le dernier jour, j’ai assisté à la communication du Pr Moneret-Vautrin sur les urgences en allergologie.
Les auteurs de ces posters doivent réussir l’exploit de présenter leur travail en 3 minutes, et deux minutes sont consacrées aux questions : on va ainsi à l’essentiel.
Les thèmes sont très variés allant de la cytométrie de flux à une expérience intéressante d ‘un « pollinier » dans la région Nantaise.
Commençons par le plus rébarbatif mais pas le moins intéressant :
L’utilisation de la cytométrie de flux sur phase solide pour la surveillance de l’air
M Thibeaudon.
Je vous passerai les détails techniques, pour en venir à l’intérêt de cette méthode encore purement expérimentale (et d’un coût très élevé) : les pollens sont marqués par un colorant et repérés par une auto fluorescence, ce qui permet de les compter même en très faible quantité et en quelques minutes.
Cette technique permet par ailleurs de différencier par exemple le pollen d’ortie qui n’est pas allergisant de celui de la pariétaire qui l’est, alors que jusqu’à présent on ne pouvait déterminer que le groupe « urticacées ».
Pour rester dans les pollens, le poster de MF Fardeau
l’olivier en Provence : faut-il le surveiller ?
On l’a vu avec les pollens de cyprès, la modification des plantations ornementales dans le sud de la France a provoqué un essor des pollinoses liées à ces arbres.
En sera t’il de même pour l’olivier ? En effet, cet arbre commence à envahir toute cette région et même au delà , mais dans des proportions moindres.
Ici, il représente une histoire, des circuits touristiques sont organisés dans les oliveraies, les moulins à huile etc.., une source de revenus pour les agriculteurs et un bon moyen de limiter les incendies de forêt.
Cette pollinose est bien étudiée dans les pays producteurs (Espagne, Italie, Grèce), et la sensibilisation à l’olivier, même si elle presque toujours associée à celle au frêne, au troène, existe en tant que telle, et il ne serait pas étonnant de voir apparaître une nouvelle pathologie liée à cet arbre millénaire.
Ce doit être la journée printanière de ce 1er avril, le poster suivant rapporte une expérience Nantaise très originale :
le pollinier sentinelle
Dr Antoine
En association avec diverses organisations et administrations, les allergologues et les botanistes nantais ont planté un jardin expérimental avec les 12 espèces d’herbacées et les 7 espèces d’arbres ou arbustes qui sont les plus allergisantes dans cette région.
Toutes ces plantes sont cultivées dans des conditions écologiques optimales.
L’épanouissement des fleurs est observé tous les jours entre 11 et 16 heures.
La première fleur observée constitue le signal d’alerte pour l’espèce concernée.
Les données seront comparées à celles des relevés polliniques du RNSA, aux conditions météorologiques.
Cette expérience pourrait être étendue à tout le territoire, permettant ainsi une attitude préventive encore plus « pointue ».
Après le printemps, l’été, et la caniculaire saison 2003, qui a fait couler beaucoup d’encre, mais cette
observation de MT Guinnepain
, n’a certainement pas fait la une des journaux à sensation, et pourtant elle mérite qu’on s’y attarde.
En effet, juste après la canicule, début septembre, les températures étaient encore élevées.
8 patients ont consulté pour une urticaire au froid. Au froid ? direz-vous par 30 ° à l’ombre ? oui, car de fait, cette maladie rare ( 2 à 5 % des urticaires chroniques), est provoquée par la baisse brutale de la température cutanée.
On les connaît bien en hiver, mais dans les conditions climatiques extrêmes de l’été dernier , ces patients ont eu des réactions sévères : 4 chocs ou des symptômes persistants résistants aux thérapeutiques.
Ces patients ont eu un test au glaçon et leur temps de réaction a été plus court que lors des précédents tests effectués.
Alors : plus de boissons glacées, de climatisation, et surtout de baignades par été caniculaire, le risque de mort étant non négligeable. Il a été constaté cet été une augmentation très significative des noyades, mais de là à dire qu’elles étaient en partie dues à l’urticaire au froid ???
Restons dans la pathologie cutanée avec une communication qui m’a particulièrement intéressée, parce que m’étant trouvée souvent démunie devant cette pathologie
les eczémas diffus du sujet âgé
MS Doutre
Pathologie fréquente, excessivement invalidante, combien de patients disant « Docteur, si vous ne me soulagez pas je préfère mourir... », tant le prurit y est insoutenable.
Cette étude porte sur 45 patients de plus de 65 ans, ( m = 77 ans) 13 femmes et 32 hommes, avec un eczéma étendu chronique ou récidivant depuis au moins 2 mois. Le diagnostic a été clinique et confirmé par biopsie dans 35 cas.
Il a été réalisé un interrogatoire précisant les antécédents, les facteurs de contact, les médicaments (avec la notion de chronologie), la topographie etc.. , des examens complémentaires Ig E sériques, tests de contact orientés.
Le diagnostic porté
- chez 7 patients était « dermatite atopique »,
- chez 13 patients « eczéma de contact » et
- chez 3 patients « eczéma d’origine iatrogène ».
- Chez 22 malades aucun diagnostic n’a pu être porté.
Cependant, chez des sujets âgés, polymédicamentés, on peut se poser la question d’un déficit de diagnostic d’allergie médicamenteuse. Les tests cutanés médicamenteux n’ont pas été réalisés : difficultés pratiques, absence de résultats validés de ces tests médicamenteux.
Il est certain qu’une avancée dans ce diagnostic passera certainement par une amélioration des techniques de tests aux médicaments.
Médicaments également dans cette présentation de Mr Lavaud
réintroduction médicamenteuse en hôpital de jour. Bilan rétrospectif de 3 ans
Les résultats parlent d’eux-mêmes : sur 88 patients , seuls 8 ont présenté un test de réintroduction positif reproduisant les manifestations inaugurales.
Les principales molécules testées étaient : les bétalactamines, les AINS, l’aspirine, la lidocaïne.
Cette étude met en exergue les difficultés à poser le diagnostic d’allergie médicamenteuse sans test de provocation.
Il faut préciser que les réactions allergiques sévères ( choc, Lyell.. ) n’ont pas subi ces réintroductions.
Les patients sont actuellement recontactés pour un suivi : ont-ils repris la molécule incriminée au départ et dans quelles conditions ? ont-ils fait une réaction ? sur les premiers résultats ( 30 patients) un seul a refait une réaction très modérée à une bétalactamine.
Fabienne RANCE a présenté un poster épidémiologique sur l’incidence de l’allergie alimentaire de l’enfant à Toulouse
caractéristiques des allergies alimentaires chez les enfants d’âge scolaire
Ces résultats ont été obtenus par questionnaire pour estimer la prévalence de l’allergie alimentaire.
Ils expriment ce qui ressort des études récentes de prévalence : 6.7% d’allergie alimentaire chez les enfants d’âge scolaire, avec les aliments phare : le lait, l’œuf, l’arachide, puis les fruits à coque et la famille poisson /crustacés.
A noter une seule différence significative sur l’âge par rapport à l’allergène : le lait de vache dont l’âge moyen est de 6 mois.
A noter la fréquence de la pathologie cutanée (62 %), et le nombre non négligeable de chocs anaphylactiques (12, soit 4.9 %).
Pour terminer cette sélection de posters, le travail du Dr Annesi-Maesano
observatoire des pathologies allergiques de 3916 patients : une maladie allergique vient rarement seule
Il n’est pas encore très loin le temps où la maladie allergique n’était pas reconnue en tant qu’une seule et même pathologie du système immunitaire à expressions variables.
Cet observatoire, outre la confirmation des relations bien connues et bien documentées de la relation rhinite / asthme, a permis de mettre en évidence la relation très importante entre rhinite et conjonctivite, et également entre dermatite atopique et eczéma de contact.
Il faut préciser qu’il s’agit de patients adultes, et donc n’apparaît pas la relation peau /appareil respiratoire à laquelle on peut s’attendre chez l’enfant.
Cet observatoire est une mine de renseignements que l’auteur va exploiter dans les mois à venir et qui permettra sans aucun doute de faire avancer nos connaissances sur la globalité de la maladie allergique.
Pour conclure cette session, des idées originales, des techniques nouvelles, des études épidémiologiques à grande échelle, et une constatation déjà faite mais qui mérite qu’on y revienne jusqu’à ce que ce concept soit définitivement acquis par tous les professionnels de santé et par les autorités compétentes : l’allergie est une entité multisymptomatique , mais qui nécessite une approche et une prise en charge globale par des spécialistes que sont les allergologues.
Les controverses attirent toujours un large public, l ‘amphithéâtre était ce matin plein à craquer : faut-il y voir un intérêt bien français pour la polémique ou simplement l’envie de clarifier un peu ces situations controversées dans les congrès , les publications sur des sujets qui nous concernent au quotidien ?
Et à la fin de ces controverses, qui sont restées des joutes verbales fort civiles, aura-t-on la réponse à nos interrogations : oui ou non ?
La première a concerné la pollution ( extérieure) : favorise t’elle l’émergence des allergies ?
Mme M.C. Kopferschmitt- Kubler a plaidé pour, Mr M. Aubier contre.
Voici le résumé des arguments présentés par et l’autre des protagonistes.
POUR :
Historiquement ( étude de 1987) les japonais ont montré que les pollinoses étaient plus accentuées près des axes routiers. Une autre étude montre que l’habitat rural est un facteur protecteur et l’habitat urbain aggravant.
Autre constatation : l’augmentation du trafic routier, et l’augmentation de l’habitat urbain.
Plus récemment, il a été démontré que les particules diesel ( très petites et non quantifiables dans l’air) stimulaient la formation d’Ig E spécifiques et augmentaient la production de cytokines dans un modèle animal. Chez l’homme elles augmentent la production d’Ig E chez le sujet sain, et chez l’atopique sensibilisé le taux d’Ig E spécifiques anti ambroisie. Elles entraînent également des sensibilisations à des néo allergènes chez l’atopique.
Cependant les études présentent des biais méthodologiques, certaines sont en faveur, d’autres pas. Le seul indicateur de pollution pour les particules diesel est le trafic routier, les particules trop petites n’étant pas mesurables.
Les dernières études ( après 2000) font tout de même état de certaines constatations :
– La sensibilisation aux pollens est proportionnelle au trafic routier
– Le taux de NO 2 est en relation avec la prévalence de la rhinite
– La mesure du trafic et de certains des polluants émis ( NOX, O3, CO) est en relation avec la prévalence de la rhinite
– Enfin l’étude ISAAC montre que les pollens captent ces particules et qu’ils servent de transporteur de celles- ci vers le poumon, ce qu’on peut certainement considérer comme peu favorable au tissu pulmonaire.
Cependant, l’orateur insiste beaucoup sur la multiplicité des facteurs étiologiques de l’allergie, et ne positionne la pollution que parmi tous les autres.
CONTRE :
Un petit bémol avant de développer les arguments contre : à court terme, il est admis que la pollution a un effet délétère sur l’appareil respiratoire et ceci de façon aiguë. On a tous en tête les informations radio ou télévisées au moment des pics de pollution qui correspondent effectivement à une majoration de la pathologie respiratoire aiguë.
Mais, Mr Aubier s’est basé sur deux seules études, qui pour lui, suffisent à apporter de l’eau à son moulin.
– La première est une étude sur l’évolution de la rhinite et de l’asthme sur deux générations : mères et filles, pères et fils : constatation, peu étonnante, les deux pathologies ont augmenté. Les conclusions de cette étude sont que la pollution a un effet sur l’apparition et l’aggravation des maladies allergiques à court terme, mais pas à long terme.
– La deuxième étude ( Von Mutius 92) :
- La comparaison entre les pathologies respiratoires entre l’Allemagne de l’est et l’Allemagne de l’ouest , il y avait plus de bronchites à l’est qu’à l’ouest ; et plus de rhinites, d’atopie et d’asthme plus à l’ouest qu’à l’est.
- La suite de cette étude ( jusqu’en 96), l’occidentalisation de l’est a fait diminuer le taux de pollution et on a vu augmenter le nombre d’allergiques à l’est et diminuer le nombre de bronchites.
- Précisions importantes : les vieilles Trabans soviétiques étaient probablement plus polluantes que les BMW et autres Mercedes dernier cri, mais il y avait aussi moins de voitures. Et la pollution de l’est était essentiellement due à l’industrie et au charbon. On voit donc que cette étude, quelle qu’en soit sa valeur ne compare peut-être pas des données très comparables.
Des arguments biologiques viennent conforter l’hypothèse de la non implication de la pollution dans l’émergence des maladies allergiques : les particules diesel n’ont aucun effet sur les cellules denditriques présentatrices d’antigènes, ni sur la cytotoxicité, la seule différence peu significative étant une faible diminution des cellules de Langerhans quand elles sont exposées aux particules diesel.
En conclusion, oui la pollution en particulier par les particules diesel, intervient dans la pathologie respiratoire en particulier allergique, mais de manière aiguë, et ne semble pas avoir d’incidence très notable dans l’augmentation des maladies allergiques.
C’est en fait la question qui nous est souvent posée : pourquoi les maladies allergiques augmentent , Docteur ? c’est la pollution n’est ce pas ? on ne se lancera pas dans des explications bien confuses pour nos patients, et nous pourrons leur répondre : oui et non.
Deuxième pomme de discorde : le chat.
Là c’est encore pire que la voiture, toucher au chat, est un crime de lèse-majesté, et beaucoup de patients affirment d’emblée : on a un chat Docteur, mais jamais on ne s’en séparera...
Alors que leur répondre ? De toutes façons, ne pas se leurrer, ils ne s’en sépareront pas, à la rigueur ne plus le faire dormir dans leur lit...
Contre les chats
Mr Tunon De Lara, va sa faire honnir de la SPA et des adorateurs de Raminagrobis, puisque pour lui point de salut pour ces doux animaux à poils : le pilori.
La sensibilisation allergénique est multipliée par 8.3 pour les acariens et par 5.3 pour les poils de chat, quand un animal est présent.
Il y a plus de symptômes si le chat est présent (étude ECRH). (Cqfd )
Une étude de cohorte sur 36 mois, mesurant le degré d’exposition aux allergènes de chat : plus elle est élevée, plus les symptômes sont présents.
Plusieurs techniques ont été proposées :
– Laver le chat toutes les semaines et au besoin en profiter pour le noyer...
– Certains médicaments ont été proposés pour les endormir, donc ils diffuseront moins d’allergènes dans l’air ambiant. ( acepromazine)
– et des sauvages ont même proposer de les castrer...
Plus sérieusement, qu’en est-il de l’effet protecteur des chats sur la survenue d’une sensibilisation allergique ?
Plus les années d’exposition et la concentration d’allergènes augmentent , plus la sensibilisation et les symptômes augmentent.
Il faudrait des doses énormes d’allergènes pour faire baisser les Ig E et les symptômes, en quelque sorte pour provoquer « une désensibilisation naturelle »
Pour les chats
Le Dr Dalphin, ardent défenseur de la gente féline a essayé de convaincre la salle du bien fondé de la présence des chats pour protéger les futurs petits allergiques.
Les études présentées, montrent que les expositions fortes prénatales peuvent diminuer le risque de sensibilisation.
Dans les années 90 , là où il y avait un animal , le risque allergique était augmenté ( études d’Hesellmar, mais qui a l’inconvénient d’être prospective).
Les enfants exposés pendant la première année de vie ont moins de risque de sensibilisation.
Une méta analyse, montre une diminution du risque chez les enfants de < 6 ans et une augmentation du risque chez les enfants de > de 6 ans.
Dans les 9 études de cohorte, il est démontré un effet protecteur qui est plus net s’il n’y a pas d’hérédité allergique.
8 sur 9 études montrent une protection, et 2 études montrent un risque plus élevé.
La protection par le chien semble plus forte que celle apportée par le chat.
Alors, on a bien senti dans la salle une certaine sympathie pour felix felix, mais serait-il bien raisonnable de répandre ce bruit à la population, qui trouvera là une justification à faire passer de 8 à 10 ou 12 les millions d’animaux domestiques, à les laisser envahir lits et canapés... et alors quelle sera notre crédibilité, à nous , pauvres allergologues, qui depuis des décennies, faisons de l’éviction une de nos batailles quotidiennes, bien que souvent perdue d’avance.
Les endotoxines ont-elles vis à vis de l’allergie un rôle protecteur ou aggravant
: Mme Kauffmann contre Mr De Blay
Une certitude, qui ne fait donc plus l’objet de controverses : la protection des enfants nés dans les fermes suisses, allemandes, autrichiennes, vis à vis de l’allergie.
Plusieurs études l’ont montré, restent certains paramètres qui ne sont pas pris en compte, l’absence totale de pollution, l’alimentation de ces enfants par exemple.
En tout état de cause, ils ne sont pas très nombreux à vivre dans ces conditions, et on imagine mal la population faire un retour massif à des conditions de vie rustiques pour éviter de devenir allergique...
Les hypothèses évoquées sont les suivantes :
– L’hygiène, les substances microbiennes, les endotoxines, qui agiraient en faveur des Th 1 ou d’un équilibre Th 1 / Th 2 .
– Une immunotolérance faisant basculer les Ig E vers les Ig G 4 ;
– Le style de vie, avec une certaine ruralité.
Penchons nous sur les endotoxines qui ont fait le sujet de nombreuses publications : l’une d’elles montre en effet une courbe superbe de la diminution de l’atopie corrélée à l’augmentation des endotoxines dans le matelas.
L’incidence des Ig E spécifiques aux allergènes intérieurs est de 17 % chez les enfants à la ferme contre 32% chez les enfants de la ville, pour les allergènes extérieurs mêmes résultats : 4.7 % à la ferme contre 24.2 % à la ville.
De même les Ig E spécifiques diminuent chez les personnes qui ont vécu au moins 10 ans à la campagne.
Sur ces résultats on peut conclure que les enfants nés à la campagne et y vivant sont protégés de la sensibilisation allergique par rapport aux enfants des villes.
Mais sont-ce les endotoxines qui les protègent ?
Ce n’est pas l’avis de F. De Blay, qui pense plutôt qu’elles seraient un facteur aggravant. Elles auraient également un rôle protecteur, mais dans certaines conditions seulement.
Les doses d’endotoxines dans l’air que nous respirons et qui entrent donc dans nos poumons, sont extrêmement faibles, y compris dans les fermes.
Par contre lorsqu’il y a des endotoxines dans la poussière cela entraîne une baisse du VEMS et une augmentation des scores cliniques et des consommations médicamenteuses.
Il est certain que les enfants des fermes sont moins allergiques, mais il ne semble pas prouvé que les taux d’endotoxines soient plus élevés, celles-ci ne joueraient donc pas le rôle protecteur que certains lui attribuent.
Alors, bienheureux les petits autrichiens campagnards qui ne seront pas allergiques, ou en tout cas moins que leurs copains des villes ; mais devons nous pour cela organiser des stages à la ferme avec contacts rapprochés des vaches, chiens, chats, cochons , couvées pour éradiquer la hausse des allergies ??
Voilà bien le propos des controverses : se terminer sur une interrogation qui n’aura sûrement pas de réponse univoque avant quelques années, mais qui permet d’entretenir le dialogue et de remplir les salles de congrès.
Une session de vendredi après-midi a été consacrée à
l’urticaire chronique
, avec trois communications d’approche très différentes.
La première consacrée à l’urticaire dans les maladies systémiques, comme nous le verrons ne concerne que des cas rares, mais il faut savoir y penser dans certaines conditions. (B. Gramel).
La deuxième s’est intéressée à la qualité de vie des patients souffrant d’urticaire chronique, dont on peut facilement imaginer qu’elle soit altérée. ( J.J Grob).
Enfin, un résumé fort pratique, en 10 points de la conférence de consensus, nous permettant au quotidien de ne plus nous "perdre" devant cette difficile pathologie.( M.S Doutre).
En ce qui concerne
les maladies systémiques
, dont un des symptômes peut être l’urticaire, il y en a 5 grandes familles, que je me contenterai de citer, en insistant sur deux d’entre elles.
On retrouve donc dans le cadre des maladies auto immunes :
– Le lupus érythémateux aigu disséminé
– Le syndrome de Gougerot Sjögren
– La polychondrite atrophiante
– Les thyroïdites auto immunes.
Ces pathologies nous viennent à l’esprit quand nous voyons une urticaire, car ce sont des pathologies dans lesquelles depuis longtemps nous savons que l’urticaire peut être un symptôme.
Les autres maladies systémiques sont la maladie de Still de l’adulte, le syndrome de Schnitzler et la cryoglobulinémie, les fièvres périodiques héréditaires et la mastocytose systémique.
Les fièvres périodiques héréditaires comportent plusieurs maladies toutes héréditaires autosomiques dominantes ou récessives dont les gênes sont actuellement connus de même que les protéines concernées et, selon la maladie, touchent des ethnies particulières.
Parmi elles, on retrouve la fièvre méditerranéenne familiale, la plus fréquente ; le traps anciennement connu sous le nom de fièvre hibernienne familiale ; le syndrome hyper IgD et, plus connu, le syndrome de Muckel-Wels.
Sont également rattachées à cette catégorie, l’urticaire familiale au froid et le syndrome CINCA qui touche les enfants.
Les points communs à ces maladies sont les poussées fébriles récurrentes, les signes abdominaux (essentiellement des douleurs), les signes cutanés (essentiellement de l’urticaire), des atteintes musculaires et articulaires inflammatoires, parfois une surdité ou une atteinte ophtalmique.
La différence entre l’urticaire familiale au froid et l’urticaire au froid que nous connaissons bien est que la première s’accompagne de poussées inflammatoires déclenchées par des ambiances froides, le délai nécessaire d’exposition au froid est d’environ 2 heures et le test au glaçon est négatif.
La mastocytose systémique peut, en fait, être différenciée très facilement d’une urticaire chronique en raison de l’aspect des lésions qui est toujours celui d’une urticaire pigmentée fixe. Elle est due à l’accumulation anormale de mastocytes, non seulement dans la peau mais dans d’autres organes, entraînant des manifestations gastro-intestinales, des lésions osseuses, hépatiques, spléniques et ganglionnaires.
Certaines formes peuvent évoluer vers une leucémie à mastocytes.
Ce catalogue de maladies systémiques rares doit rester présent à notre esprit même si la probabilité pour que nous y soyons confrontés est absolument infime.
Qualité de vie du patient urticarien
Un questionnaire de qualité de vie français, à visée dermatologique, a été mis au point pour évaluer la qualité de vie des patients souffrant d’urticaire chronique idiopathique.
En effet, on pouvait imaginer que cette maladie altérait la qualité de vie et cela a été prouvé pour :
- l’image de soi,
- les désavantages sociaux,
- la douleur
- le prurit
- l’insomnie
L’intérêt de ce questionnaire est qu’il apporte le point de vue du patient et non celui du médecin, qu’il permet une approche globale.
Le seul inconvénient est, qu’à partir d’un questionnaire purement individuel, on en fait un outil normatif qui donne l’avis moyen des patients.
Points forts de la conférence de consensus sur l’urticaire
La conférence de consensus de janvier 2003 a permis de clarifier enfin la conduite à tenir face à une urticaire chronique. Cependant, ce document est très complet et complexe. Il ne permet donc pas une utilisation quotidienne.
Mme le Pr Doutre en a donc extrait 10 points forts que nous devons garder à l’esprit.
– L’interrogatoire et l’examen clinique sont fondamentaux.
- Ils permettent déjà de faire le diagnostic d’un certain nombre d’urticaires : urticaire physique, de contact, systémique, génétique,
- de rechercher les facteurs déclenchants ou aggravants : alimentaires, médicamenteux ou psychologiques.
– Quelques examens complémentaires sont à prescrire lorsque l’on a déjà une orientation vers une urticaire particulière (dosage de la TSH, recherche d’une cryoglobuline ...), mais toujours en fonction des données de l’interrogatoire et de l’examen clinique.
– Si rien ne permet une orientation, les examens complémentaires systématiques sont sans intérêt.
– Les explorations allergologiques ne doivent pas être systématiques mais les tests alimentaires, médicamenteux ou aux aéroallergènes doivent être réalisés lorsqu’ils semblent utiles.
– Un bilan allergologique doit être systématiquement réalisé dans :
- les urticaires de contact,
- les urticaires alimentaires.
– Il n’y a pratiquement aucune étude qui montre l’implication d’infections parasitaires ou virales dans les urticaires, il ne faut donc pas réaliser de recherche systématique mais uniquement orientée.
– L’intérêt des biopsies cutanées doit être discuté. En effet, la lésion histologique retrouvée est toujours la même : un infiltrat polymorphe, parfois une vascularite, mais dans la plupart des cas celle-ci n’est pas liée à une maladie systémique. Cependant, si l’urticaire est atypique et/ou est associée à des manifestations extra-cutanées, la biopsie sera nécessaire.
– L’attitude thérapeutique dans l’urticaire chronique idiopathique isolée est actuellement la prescription d’un anti-histaminique de deuxième génération pendant 4 à 8 semaines en continu.
– Une évaluation doit être réalisée après ce traitement.
- Si les symptômes ont disparu, l’arrêt du traitement sera progressif.
- Si l’urticaire est persistante :
- on se posera la question de l’observance, de la suppression des facteurs déclenchants et aggravants et on réinterrogera le patient.
- un bilan simple est réalisé : NF, VS, CRP, TSH, anticorps anti-thyroperoxydases.
- si aucune anomalie n’est retrouvée, on peut remplacer la molécule anti-histaminique, ou associer deux anti-histaminiques et enfin, proposer des traitements alternatifs en sachant qu’ils n’ont aucune AMM et que peu d’études les ont validés : Quitaxon, Singulair, Exacyl ...
– Une prise en charge psychothérapeutique peut être proposée à un certain nombre de patients.
Cette conférence de consensus a permis aux médecins chargés des urticaires chroniques idiopathiques de clarifier toutes les informations qu’ils avaient depuis 20 ans, de comprendre qu’il s’agit d’une maladie chronique inflammatoire et que lorsque les quelques rares étiologies ont été éliminées, cette pathologie doit être prise en charge comme une maladie chronique.
Samedi 3 avril - Urgences
La dernière matinée du congrès a été consacrée en partie aux urgences en allergologie avec deux communications, l’une sur l’épidémiologie de l‘anaphylaxie pré-létale et létale, sur laquelle on a effectivement peu de données et l’autre sur les facteurs de risque au sens large des allergies graves.
La première communication de Mme Monneret Vautrin, fait donc le point sur les cas d’anaphylaxie grave, de grade III ou IV.
La recherche effectuée sur Pubmed fait état de 550 références avec les termes « anaphylaxie fatale « ou « létale ».
Le premier cas est répertorié en 1905 après une réintroduction du lait chez un nourrisson.
L’incidence semble être selon les études d’environ 0.015 %. Le risque létal est de 0,65 à 2 % des chocs, aux EU ce chiffre atteindrait 1500 morts par an.
Il existe des disparités très importantes selon les études, les pays, peut-être liées à des habitudes de recours aux services d’urgence plus ou moins « faciles ». Une constante est retrouvée partout : le faible nombre d’anaphylaxies sévères chez l’enfant ( 0,0002%).
Le cas particulier de la France où le réseau d’allergo-vigilance permet de recenser certainement un plus grand nombre de cas, fait état de chiffres beaucoup plus élevés : 31 % d’enfants en 2002 parmi les réactions anaphylactiques déclarées. Il faut noter malheureusement deux cas mortels : à 11 et 15 ans par ingestion de soja et de protéines caprines.
Il y a probablement un biais dans ces chiffres : certaines mortsinexpliquées subites ne sont pas rapportées à l’anaphylaxie et certains diagnostics ne sont peut-être pas portés : l’anaphylaxie grave est très certainement sous évaluée.
Les causes des anaphylaxies graves ont ensuite été citées cas par cas : on retrouve bien sûr les classiques :
- allergies alimentaires ( arachide, fruits à coque, protéines de chèvre , de brebis, escargot). La tranche d’âge la plus touchée est les adolescents et les adultes jeunes. De même l’asthme est un facteur de risque potentiel très important.
- Allergies médicamenteuses : elles se caractérisent par un collapsus cardio vasculaire, les facteurs de risque étant l’état cardiaque antérieur et l’utilisation de béta bloqueurs. On retrouve également les médicaments bien connus pourvoyeurs d’allergie : les pénicillines, les AINS, les produits de contraste iodés, et les médicaments anesthésiques dont en premier lieu les curares puis les antibiotiques, sans oublier les chocs peropératoires au latex.
- Allergies aux venins d’hyménoptères : elles représentent de 11 à 29 % des étiologies d’anaphylaxie sévère. Le seul « avantage » de cette pathologie étant la prévention possible grâce à l’immunothérapie spécifique.
- Enfin, et plus exotiques, mais non moins inquiétantes les anaphylaxies aux fourmis d’origine uruguayenne et brésilienne qui sévissent aux EU et en Australie, où on déplore en 3 ans 32 cas mortels et 10, respectivement.
En conclusion , le taux admis d’anaphylaxie sévère varie de 0.01 à 0.09 % , dont 1 % seraient létales chez l’adulte. Il reste un vide important de diagnostic qui nécessiterait une collaboration plus étroite entre urgentistes et allergologues.
L’autre communication de ce samedi matin concerne les
facteurs de risque des allergies graves
( Pr Dutau)
Plutôt que de faire un catalogue un peu rébarbatif de ces facteurs de risque, car ils sont nombreux, je me suis arrêtée plus particulièrement sur quelques uns.
– Bien souvent les allergies alimentaires ou médicamenteuses sont associées à la consommation d’alcool et ceci est d’ailleurs souvent bien décrit par les patients.
L’alcool semblerait intervenir comme histamino libérateur non spécifique. Deux études épidémiologiques ont mis en évidence le rôle de l’alcool dans l’augmentation des Ig E sériques totales chez des patients non atopiques, et l’autre que la consommation d’alcool est associée à une prévalence plus élevée des sensibilisations polliniques.
Il faut certainement prévenir les patients avec des allergies alimentaires de ce risque accru.
– Dans le même type de facteur non spécifique se place également l’effort, bien connu pour déclencher les « anaphylaxies induites par l’exercice ».
Il s’agit parfois de l’exercice physique seul , parfois de l’exercice physique associé à un aliment.
Mais l’effort déclenche également des crises d’asthme parfois sévères et, peut-être spectaculaire mais moins grave, une urticaire cholinergique.
En ce qui concerne l’anaphylaxie liée à un aliment, elle est Ig E dépendante, mais nécessite impérativement l’association des deux facteurs et le plus souvent l’effort doit être prolongé.
De nombreux aliments ont été incriminés, de même que l’association avec d’autres facteurs de risque tels le stress, le froid, certains médicaments.
L’anaphylaxie postprandiale induite par l’exercice survient après n’importe quel aliment et n’est bien sûr pas Ig E dépendante.
– Enfin des anaphylaxies idiopathiques sont décrites avec un risque de mortalité accru, dans la mesure où aucun facteur déclenchant n’est pas retrouvé.
Ces cas représentent de 6 à 20 % des anaphylaxies, et restent très angoissantes pour le patient qui doit avoir une trousse d’urgence en permanence à portée de main.
– Enfin, une cause bien étrange de cas d’asthmes aigus graves : les orages.
La première description date de 1985, où pendant deux jours en juillet en Angleterre, le nombre d’hospitalisations pour asthme aigu grave a été multiplié par 6 au minimum. La cause a été imputée à la présence de spores de moisissures particulières en grand nombre pendant cet orage.
Une autre « épidémie » d’asthme en Australie cette fois (admissions aux urgences multipliées par 20) lors d’un orage qui aurait inondé d’une pluie de pollens d’ivraie et ceci à deux reprises pendant le printemps austral en 87 et 89.
De fait il a été constaté que le nombre de grains de pollens, qui explosent précipités par terre par la pluie violente, augmenterait de 5 à 10 fois par rapport à un jour sans pluie.
Les allergiques au pollen se croyaient à l’abri les jours de pluie, et bien non, en tout cas pas sous l’orage.
Des facteurs de risque certainement plus importants en nombre de cas et en gravité existent, mais la revue est parfaitement bien faite. Vous la retrouverez dans le numéro spécial de la Revue Française d’Allergologie.
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