Retour du congrès de l’American Thoracic Society

jeudi 7 octobre 2004 par Dr Isabelle Bossé2235 visites

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Retour du congrès de l’American Thoracic Society

Retour du congrès de l’American Thoracic Society

jeudi 7 octobre 2004, par Dr Isabelle Bossé

L’ATS ,où plus de 6000 communications et posters sont présentés , ne concerne les allergologues que pour une petite partie, mais qui nous est primordiale dans notre pratique quotidienne. Peu d’entre nous s’y rendent, mais des choses très intéressantes y sont dites.

La Société Française de Pneumologie, depuis 4 ans, organise une journée "Mission ATS" qui permet une revue complète des évènements les plus marquants et publie dans sa revue le travail des rapporteurs qui font la synthèse par sujet des principales communications.

Ce que nous faisons en allergologie pour allergique .org depuis maintenant 3 ans !

Cette Mission ATS a eu lieu cette année grâce au soutien des laboratoires GSK, à Paris. L’organisation de cette journée a été aussi remarquable que les synthèses rapportées.

Vous trouverez, ici, un "résumé" des "résumés" qui nous concernent.

En dehors des sujets "asthme", ces communications sur

la pollution particulaire,

rapportées par le Dr LT Nguyen m’ont paru intéressantes, car de nouvelles pistes explicatives apparaissent.

Les particules diesel ( DEP) représentent 80 % des particules émises. Leur taille < 10µ permet leur pénétration dans les voies respiratoires basses.

Ces particules sont constituées d’une phase organique et d’une phase particulaire, elles contiennent en outre des métaux lourds.

Les résultats de plusieurs études ont été communiqués :

  • une étude de Kapp et coll. a montré que le dioxyde de titanium (de taille 0.1µ) pénètre toutes les ultrastructures cellulaires chez le rat exposé, au niveau du poumon, et par conséquent au niveau des organes périphériques par la circulation.
  • une autre étude de Mollahern et coll. a montré chez des souris exposées à la circulation routière (au bord d’une autoroute !) une baisse de la fertilité en particulier si l’exposition de l’animal est précoce (à 10 semaines de vie). Les particules diesel inhibent les fonctions macrophagiques et diminuent la production de cytokines pro ou anti-inflammatoires.
  • l’étude de Hiramatsu et coll. a mis de façon claire en évidence le rôle des DEP sur la résistance à l’infection par mycobacterium tuberculosis chez des souris. La charge bactérienne dans le poumon est 4 fois plus élevée au bout de 6 mois d’exposition ( 7 heures /jour, 5 jours /semaine), ce qui suggère de façon plus générale une diminution de l’immunité anti-infectieuse générée par l’inhalation de DEP.
  • une étude de Mundanhara et coll. sur des macrophages alvéolaires humains montre que l’exposition aux particules diesel entraîne une augmentation de production de TNF -alpha, d’IL 8, et de PGE 2, ceci après 24 heures d’exposition.

Par ailleurs les DEP induisent l’expression de CYP1 A1 et répriment celle de CYP 2 B1, qui participent à la production de radicaux libres de l’oxygène.

Il existe une corrélation entre le NO exhalé et le taux de particules diesel dans l’air ambiant.

La zone la plus sensible selon Cappo et coll. serait la jonction bronchiole /sac alvéolaire, là où la lumière est la plus étroite.

De plus, outre la taille des particules qui joue un rôle important, plusieurs équipes ont montré que la toxicité des particules dépendait également de la capacité oxydative de chaque particule à taille égale.

Les métaux jouent probablement un rôle dans la toxicité des particules de par leur capacité oxydative. Cette production de radicaux libres par les DEP et les gaz entraîne un déséquilibre avec le potentiel anti oxydatif de l’organisme.

En conclusion les DEP sont toxiques :

  • elles entraînent une mortalité prématurée de 30.000 cas par an en France
  • elles augmentent la morbidité ; asthme, cancers, infections, fertilité, maladies cardio vasculaires.

Les patients cibles sont les asthmatiques, les insuffisants respiratoires chroniques et les malades cardio vasculaires.

Des programmes d’études sont mis en place au niveau régional, national et européen.

Il est dommage de constater que les moyens mis en œuvre n’ont pas l’ampleur de la campagne anti-tabac ou pour la sécurité routière.

Dans l’asthme, deux aspects sont évoqués : les facteurs étiopathogéniques , présentés par le Dr O.Molinier et les thérapeutiques par le Dr Housset.

Parmi les différentes

nouvelles hypothèses étiopathogéniques de l’asthme

 : la théorie hygiéniste revisitée, les facteurs de grossesse qui jouent sur l’atopie, l’influence de l’allaitement maternel de nouveau remis en cause, les facteurs génétiques dans l’asthme sévère, et de nouvelles données sur le remodeling.

On savait que les enfants de fratrie multiple étaient moins asthmatiques, probablement par bascule de la balance Th 1 / Th 2, en raison des contacts infectieux fréquents avec leurs frères et sœurs.

Un auteur propose une autre explication : la "désensibilisation " de la mère pendant les grossesses répétées permettant aux enfants derniers nés d’être moins atopiques.

JM Harris a comparé 483 femmes à 138 hommes. 15 % des femmes perdent précocement après la grossesse leur positivité des prick tests aux aéroallergènes courants.

L’atopie disparaît plus facilement chez des femmes qui ont eu plusieurs grossesses ( p = 0.05) mais les symptômes de l’asthme restent identiques.

Quels sont les facteurs liés à la grossesse qui peuvent influencer l’atopie du nouveau né ?

Deux éléments ont été retenus comme pouvant favoriser l’eczéma atopique, la rhinite, les sifflements :

  • la prise d’antibiotiques
  • l’existence d’une HTA ou d’une pré-éclampsie ( nous en avons déjà parlé sur le site).

L’allaitement maternel : y a t’il du nouveau après la multitude d’études contradictoires de ces dernières années ?

Une étude de Johanson et coll. montre que le risque atopique est multiplié par 1.5 chez des enfants allaités par rapport à ceux qui reçoivent un lait de substitution, surtout si la mère est atopique et s’il n’y a pas d’animaux à la maison....

On va finir par vraiment s’y perdre ; allaiter ou pas, et de quels animaux parle t’on des vaches autrichiennes ou des cochons d’Inde ?

En conclusion une certitude : la grossesse et l’allaitement, donc la toute première enfance, sont des périodes clés pour l’avenir des petits atopiques.

La sévérité de l’asthme est-elle génétiquement déterminée ?

Le polymorphisme des récepteurs bêta adrénergiques pourrait aggraver l’hyperréactivité bronchique ou la résistance aux bêta 2 agonistes.

Il s’agit des profils suivants : homozygotes pour le codon 16 Arg/ Arg ou le codon 27 Glu / Glu.

Des études ont examiné la réponse de ces profils aux bêta 2 longue durée d’action et aux CSI sur les critères suivants : DEP, variabilité du PF, augmentation du NO exhalé suggérant les mêmes résultats pour ces médicaments que pour les bêta 2 à courte durée d’action , dans le groupe 16 Arg /Arg

Toutes ces études ont conclu à la confirmation d’une participation génétique au mauvais contrôle de l’asthme et à sa sévérité.

En ce qui concerne le remodeling bronchique certaines précisions ont été apportées :

La membrane basale est plus épaisse dans les asthmes sévères, les critères permettant de différencier asthme sévère et modéré sont :

  • la fibrose sous épithéliale
  • l’augmentation de l’épaisseur du muscle lisse bronchique
  • la diminution de la distance entre le muscle et l’épithélium.

Voici donc les principales nouveautés à retenir sur l’étiopathogénie de l’asthme.

Le deuxième volet de ces communications concerne les

thérapeutiques de l’asthme

avec plusieurs études qui permettent de connaître les meilleurs outils d’évaluation et les nouveautés thérapeutiques.

Obtenir le contrôle parfait de l’asthme est un objectif auquel nous aspirons, mais est-ce utopique et quels moyens pour y parvenir ?

On sait qu’il existe une mauvaise corrélation entre la sévérité de l’asthme et les exacerbations.

L’étude de P.DORINSKY a montré que 9 % des patients avec un VEMS < 50% ont une ou plusieurs exacerbations, mais que 40% des patients avec un VEMS > 70 % ont aggravé leur asthme.

L’asthme sévère n’est donc pas celui qui se déstabilise le plus facilement. Il faut donc contrôler les asthmatiques par des critères de sévérité, certes, ( GINA), mais aussi des critères de contrôle (questionnaires), des EFR, peut-être des marqueurs de l’inflammation devraient être pris en compte.

Les questionnaires doivent être courts, simples, reproductibles, sensibles et refléter le contrôle de l’asthme à long terme.

A notre disposition :

  • asthma control questionnaire de JUNIPER
  • asthma therapy assessment questionnaire ATAC selon Wollmer.
  • asthma control test ACT selon Nathan et Schatz.
  • NARPP II

Le contrôle de l’hyperréactivité des voies aériennes à la métacholine peut être un moyen d’améliorer la thérapeutique, mais des tests réguliers à la métacholine sont-ils réalisables en pratique courante ?

La biologie apporte quelques informations :

  • l’éosinophilie sanguine n’est pas assez sensible
  • l’éosinophilie des expectorations est corrélée avec le VEMS et le test à la métacholine.
  • le NO exhalé est peu accessible et coûteux, mais non invasif.

Comment évaluer le contrôle de l’asthme ??

 chez l’enfant : le VEMS est un bon critère. Si le contrôle est moyen avec des exacerbations, il faut toujours se méfier d’une mauvaise observance.
 chez l’adulte : la maladie est sous-estimée. Les facteurs de risque sont, outre la non observance, la surconsommation de bêta 2, l’obésité ( IMC> 25 ) , l’anxiété, les troubles de l’humeur.
 chez le personnel soignant : les guidelines ne sont pas toujours respectés des généralistes : utilisation de bêta 2 , symptômes, diminution de l’activité physique sont suivis. Par contre ils négligent le VEMS ou le DEP. Pour les pédiatres le suivi se fait sur la toux.

L’adhérence au traitement est primordiale.

Les décès par asthme ont toujours été estimés entre 2500 et 3000 par an depuis des années et n’ont pas fait l’objet récemment d’études épidémiologiques.

Les précédentes études montraient, heureusement, que l’âge des patients était souvent élevé (> 75 ans) .

Hélas les morts de sujets jeunes existent encore, même si elles sont rares, et pourraient peut être évitées.

Un auteur K N’Guyen s’est intéressé aux critères favorisant le décès.

Les patients décédés faisaient partie du groupe où le contrôle de l’asthme était mauvais (fréquence des exacerbations, nombre d’hospitalisations, antécédents d’intubation).

Les critères fonctionnels également associés à un risque accru sont le VEMS < 80% et une perte de recul élastique du poumon.

Les asthmes d’apparition tardive sont souvent sans cause apparente.

Les auteurs (Milton et Coll ) ont recherché sur 906 patients les facteurs d’apparition :

  • L’obésité.
  • Le surpoids
  • Le sexe féminin.
  • Les antécédents familiaux d’asthme.
  • Une maladie respiratoire dans l’enfance ( peut être déjà de l’asthme ).
  • Le tabagisme n’a aucune influence de même que l’ethnie, mais l’air conditionné serait protecteur (moins d’allergènes ?).

Quelles nouvelles sur les traitements C S I ?

Il semblerait selon certains auteurs que l’on se dirige vers un allègement des indications.

En effet, selon les travaux de H A Booshey dans l’étude IMPACT, le traitement CSI ne serait pas nécessaire dans l’asthme persistant léger qui se rapproche du groupe d’asthme intermittent.

Cet auteur est en désaccord avec une autre étude START ( Pauwells et Coll) qui elle montrait l’efficacité du Budésonide à faibles doses, qui prévient les exacerbations et améliore le contrôle ( seulement dans les asthmes d’apparition récente < 2 ans ).

Un auteur ( S C Lazarus ) se penche sur l’intérêt des CSI chez les asthmatiques fumeurs, sachant que 10 à 30 % des asthmatiques fument. Dans cette population le VEMS de base était entre 70 et 90 % et le tabagisme modéré ( 0, 5 à 2 PA ).

Les résultats montrent

  • 1. Que le VEMS s’améliore après dipropionate de béclométasone chez l’asthmatique non fumeur mais pas chez les fumeurs.
  • 2. Pas de variation du VEMS dans les deux groupes sous monteluskat.
  • 3. D’autres paramètres s’améliorent chez le non fumeur : DEP matin et soir, réversibilité du VEMS, pas chez le fumeur.
  • 4. Le monteluskat améliore le DEP et diminue sa variabilité contrairement à la DPBM.

Chez les fumeurs, il y aura peut être à l’avenir une indication des antileucotriènes.


En conclusion, de nouvelles théories, de nouvelles stratégies thérapeutiques, à suivre dans les mois et années à venir.

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