Réunion régionale de l’APALA JUIN 2005 = Séminaire d’allergo-botanique

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Réunion régionale de l’APALA JUIN 2005 = Séminaire d’allergo-botanique

Réunion régionale de l’APALA JUIN 2005 = Séminaire d’allergo-botanique

vendredi 24 juin 2005, par Dr Henri Malandain, Dr Hervé Couteaux, Dr Philippe Richard, Dr Stéphane Guez

Les allergologues d’Aquitaine se sont réunis les 17 et 18 Juin 2005 à Vers sur Lot pour un séminaire allergo-botanique dans le cadre de l’APALA. Epaulé par une météo radieuse et la participation de tous, ce week-end s’est déroulé dans une ambiance extrêmement conviviale. Définir les problématiques des pollinoses tant au niveau botanique que clinique et étudier les apports des allergènes recombinants dans les co-réactivités, ont été les points forts d’une réunion que chacun s’accordait à reconnaître comme particulièrement enrichissante.

Présentation de la réunion par le Dr Hervé COUTEAUX

Les week-end allergo-botaniques sont nés il y a 6 ans, de l’intérêt qu’un groupe d’allergologue portait à la pollinose, pathologie familière associant nature et allergologie mais dont la prise en charge pose un certain nombre de problèmes.

En effet, la simplicité de cette pathologie n’est qu’apparente et très vite des questions [1] ont surgies, de toutes sortes et à tous niveaux : la pollinose, souvent prise comme exemple d’une pathologie allergique type, se voyait promis des succès thérapeutiques faciles mais la réalité de cette affection, plus complexe qu’il n’y paraît en première analyse, les succès partiels des immunothérapies « spécifiques » nous ont peu à peu conduits à « avoir une manière de penser à rebours des idées reçues qui fait réfléchir » (Bresson).

D’autant que l’on observe depuis une dizaine d’années une certaine tendance à la simplification : en caricaturant un peu, on peut dire qu’il est effectivement plus simple de traiter tous les polliniques avec un seul et même extrait, mais pas nécessairement pertinent, en tout cas, cela mérite d’être vérifié.

Progressivement le désir d’approfondir notre compétence en matière de pollinose n’a fait que se renforcer. Cela suppose d’aborder de front les nombreuses difficultés propres à cette pathologie.

La pollinose est une affection régionale, voire locale. La fréquentation de nos collègues dans les congrès nous renseigne rapidement sur ce point : nous ne parlons pas de la même pathologie selon notre région de provenance. La connaissance de la flore locale et régionale ainsi que ses tendances évolutives sont donc un préalable indispensable...rarement satisfait...

Ayant étudié les Poacées d’Aquitaine (édition en cours) nous avons isolé une cinquantaine d’espèces dont la plupart n’ont jamais fait l’objet d’études.

Prenons l’exemple de la molinie bleue (Molinia coerulea).

  • Le genre Molinia est phylogénétiquement proche du genre Phragmites.
  • Cette Molinie couvre des milliers d’hectares dans les landes, pollinise abondamment et n’a jamais été étudiée.
  • Cette étude présente-t-elle un intérêt quelconque ? Non si les espèces de Poacées présentent des réactivités croisées systématiques, oui dans le cas contraire. Or, l’existence d’un seul contre exemple comme le Cynodon dactylon, à l’allergénicité particulière, nous prouve que la réponse est oui : on ne peut donc préjuger du résultat pour ce qui concerne la Molinie bleue, ni d’ailleurs pour l’Oyat, planté sur 200 km de littoral.

La connaissance des caractéristiques locales de la flore peut seule vous permettre de savoir, qu’en Aquitaine par exemple, nous commençons à noter la présence d’Ambroisie, que la Pariétaire n’est pas exceptionnelle.

L’évolution de la flore locale ne peut être ignorée : l’exemple du Cyprès dans le Sud-est est parlant avec 3 cas de pollinoses signalés en 1962 par Charpin, 40 cas dès 1978 par Carbonel jusqu’au problème de santé publique actuel...

La connaissance des milieux est un corollaire évident de la connaissance de la flore : il n’est que de voir la modification galopante des paysages par l’homme et donc l’explosion d’espèces adventices, allergisantes pour la plupart...

Pour les tenants de cette simplification, la constatation du parallélisme entre l’allergénicité des pollens et la classification des végétaux a vite servi de caution au délaissement des particularités régionales.

Par ailleurs la classification des Angiospermes a subi depuis cette assertion un bouleversement (réfutant les classifications classiques, prises pour base de ce parallélisme) avec notamment la prise en compte de tous les caractères héritables, y compris moléculaires et génomiques, dont on comprend qu’ils sont évidemment primordiaux en matière d’allergénicité. L’allergénicité se passe au niveau moléculaire, partie prenante de la phylogénie des espèces. Comment dès lors continuer à ignorer les bases élémentaires de la classification phylogénique ?

Dans la démarche diagnostique d’une pollinose, l’allergologue fera la synthèse des données de l’entretien et des résultats des tests cutanés :

  • Mais quels extraits tester ? Là encore choisir les extraits c’est connaître la flore locale, apprécier la place des espèces présentes dans la classification, savoir si ces espèces sont suffisamment voisines de celles dont on a tiré les extraits disponibles pour laisser augurer d’une pertinence suffisante...
  • Et quelle interprétation des co-réactivités ? Quelle espèce est à l’origine de la sensibilisation primaire ? Quelle autre espèce ne réagit que par co-sensibilité ? C’est tout l’apport des notions de familles moléculaires et des allergènes recombinants qui nous permettra de faire le tri.

Au final, l’allergologue devra confronter les résultats de ses investigations à son appréciation de l’environnement du patient et l’on retombe sur une connaissance indispensable de la flore et des milieux régionaux, en particulier pour la période de pollinisation : les calendriers sont inopérants, les variations pouvant dépasser un mois d’une année à l’autre et certaines espèces (comme le Dactyle aggloméré) connaissent plusieurs floraisons dans la « saison ». Seule l’observation sur le terrain (évidemment conditionnée par une connaissance minimum de la flore locale) vous permettra d’apprécier l’état de la végétation et de prévoir la pollinisation à 15 jours -3 semaines.C’est toute l’importance de la phénologie.

Envisager la problématique globale des pollinoses dans un abord pluridisciplinaire, telle a donc été l’ambition de ce séminaire, avec un plan des interventions suivant le cheminement sinueux de la plante à la molécule : ces interventions se sont succédées comme suit :
 Les principales plantes allergisantes. Notions de base de la classification phylogénique. Application à la classification de l’APG II du point de vue de l’allergologue : Hervé Couteaux, allergologue libéral.
 Les différents milieux régionaux ; caractéristiques, évolution, dispersion des plantes (notamment allergisantes). Philippe Richard, Docteur en écologie végétale, conservateur du jardin botanique de Bordeaux.
 Démarche clinique en pollinoses : le diagnostic est une synthèse dont les étapes sont analysées sous l’angle de leur contribution et de leur reproductibilité. Stéphane Guez, praticien hospitalier en charge de l’allergologie, CHU Bordeaux.
 Co-réactivités multiples en pollinose : l’apport de la biologie. Henri Malandain, biologiste au CHR Bretagne-Atlantique.


SYSTÉMATIQUE DES PLANTES ALLERGISANTES

Pourquoi s’intéresser à la classification des plantes ?

Dr Hervé COUTEAUX

Que ce soit lors à la lecture des relevés polliniques ou dans la réalisation de tests cutanés, la pratique allergologique est étroitement liée à la connaissance des plantes allergisantes.

Nous choisissons tel mélange à tester plutôt que tel autre, ignorons telle famille alors que nous testons systématiquement telle autre, choisissons tels extraits thérapeutiques en fonction d’arguments qui tiennent souvent davantage d’un conformisme ambiant que d’une connaissance appliquée de la systématique botanique dont nous ne percevons pas toujours la nécessité, voire l’utilité.

Nous sommes cependant tous d’accord sur le fait que la pollinose est une affection régionale en ce sens qu’elle est étroitement liée aux caractéristiques locales des plantes et de leurs pollens.

Les extraits diagnostiques et thérapeutiques dont nous disposons sont pourtant les mêmes quel que soit notre lieu d’exercice.

Un rapide examen de la flore locale nous fait apparaître des espèces anémophiles abondantes, non étudiées du point de vue de leur allergénicité, et dont nous n’avons aucune idée de la « parenté » avec les espèces que nous utilisons. Or cette parenté nous est donnée par la classification qui trouve là un intérêt pratique.

Comment pouvons-nous interpréter les tests cutanés, choisir avec discernement tel extrait thérapeutique et, au total, appréhender les pollinoses de façon efficace, sans aucune notion de systématique végétal ?

 La classification de Whittaker :

Avant d’aborder les végétaux, peut-être est-il utile de rappeler les grandes lignes de la classification des organismes vivants, telle que l’a conçue Whittaker en 1969.

Les organismes vivants se divisent en :

  • Eucaryotes (dont là où les cellules comportent un noyau séparé du cytoplasme par une membrane nucléaire)
  • Procaryotes (dont là où les cellules ne comportent pas de noyau). Ce groupe est essentiellement composé de bactéries.

Les eucaryotes unicellulaires sont les protistes tandis que les pluricellulaires comportent les animaux, les champignons et les végétaux.

Dans les végétaux, nous laisserons de côté les Rhodophytes (algues rouges) pour nous intéresser aux Chlorobiontes, l’ensemble des plantes vertes.

Les Chlorobiontes sont constitués des algues vertes, peu intéressantes du point de vue pollinique et des Embryophytes, les plantes terrestres qui se répartissent en mousse, fougères, et Spermatophytes (les plantes terrestres).

Les Spermatophytes comprennent les Cycadophytes (le groupe du Cycas), les Coniférophytes et les Antophytes.

Les Coniférophytes se divisent en Gingkoales (le groupe du Gingko) et Gymnospermes (graines nues généralement portées par des écailles ouvertes regroupées en cônes).

Les Anthophytes pour leur part englobent les Gnétophytes, groupe primitif rappelant les conifères, et les Angiospermes (dont les organes reproducteurs sont condensés en une fleur et dont les graines fécondées sont enfermées dans un fruit).

Angiospermes et gymnospermes constituent notre réservoir de plantes allergisantes.

 Les classifications anthropocentriques :

Parler des plantes allergisantes, c’est déjà faire une classification en se référant à l’usage que nous avons de ces plantes en allergologie.

Historiquement, ce type de classification a été largement utilisé et on a longtemps classé les plantes selon l’usage qu’on en n’avait : plantes alimentaires, ornementales, médicinales, etc...

Les classifications n’ont cessé d’évoluer :

 La nomenclature, ensemble des règles ou des termes utilisés pour classer les êtres vivants est toujours la même depuis 1758, d’où une certaine impression d’immobilisme ; impression trompeuse car, depuis le XVIIIe siècle, apparition de la biologie scientifique, la systématique (sciences de la description des êtres vivants et de la biodiversité) n’a cessé de s’adapter aux progrès.

 La première révolution a été pour la systématique, comme pour toute la biologie, la théorie de l’évolution qui a permis de comprendre que l’ordre apparent de la nature, dont la classification rend compte, s’explique par les relations de parenté entre tous les organismes vivants.

Rappelons que jusqu’au XVIIIe siècle, les plantes étaient considérées comme des créations divines fixes et définitives...

 La seconde révolution a été la compréhension des mécanismes de l’hérédité et de la transmission des gènes dans les populations, qui manquait à la théorie de Darwin et qui a permis d’émettre et de tester des hypothèses sur les mécanismes de l’évolution qui sont à l’origine de la formation des espèces animales et végétales.

C’est toute l’histoire de l’évolution des caractères, et de leur passage d’un état primitif à un état dérivé plus évolué caractérisant de nouvelles espèces.

 La troisième révolution de la systématique est purement méthodologique : il s’agit de l’apparition de la systématique phylogénétique, dite couramment « cladisme », qui regroupe les êtres vivants sur un type particulier de ressemblances, celles des ressemblances qui sont évolutivement innovantes au sein de l’échantillon d’espèces à classer.

Les principes de la systématique phylogénique (ou phylogénétique) :

Le degré de ressemblance est corrélé au degré de parenté : cette évidence se heurte rapidement à une difficulté majeure qui est que la similitude n’est pas un fait objectif mais une interprétation.

Cette notion de ressemblance est en effet capitale (à tel point que l’on distingue actuellement les différents types de classification selon leur concept de similitude), mais piégeuse : certaines ressemblances ne sont que le fait du hasard ou d’une pression d’un environnement commun et ne témoigne absolument pas d’une ancêtre commun.

On appellera homoplasies le partage de caractères ne résultant pas d’une ascendance commune mais résultant par exemple d’une même pression de l’environnement.

Seules les homologies, partage de caractères hérités d’un ancêtre commun, sont pris en compte dans la classification phylogénétique. En cladistique, la similitude est appréciée sur certains caractères seulement, ceux qui sont évolutivement innovants.

La construction phylogénétique s’appuie sur le concept de base de la descendance avec modifications.

La classification phylogénique ne valide que des groupes issus d’un ancêtre commun (monophylétiques) quel que soit les caractères utilisés, morphologiques, moléculaires, génomiques ou autres... En d’autres termes, il s’agit de réunir dans un groupe tous les descendants d’un même ancêtre ; seuls les groupes qui répondent à ce critère sont retenus dans la classification.

 Nous entrons actuellement dans une quatrième phase d’évolution de la systématique, dont l’origine est technologique. Grâce aux techniques récentes d’amplification de l’ADN (comme la PCR, polymérase chain reaction), il est devenu possible d’accéder directement aux caractères élémentaires du génome.

Finalement, la systématique moderne (que l’on peut confondre avec la phylogénie) prend en compte tous les caractères héritables, depuis ce qui est visible (anatomie et morphologie, bases des classifications traditionnelles) jusqu’aux séquences d’ADN.

 Le cladogramme ou arbre phylogénétique :

Les résultats de la classification phylogénétique s’expriment sous la forme d’un arbre, tentant de prendre en compte tous les caractères héritables, macroscopiques, moléculaires et génomiques, obtenu (à partir de ces nombreux critères) à l’aide d’algorithmes complexes. Des algorithmes différents peuvent donner des résultats différents. La classification actuelle est continuellement remaniée en fonction de nouvelles informations.

Un exemple de cladogramme obtenu en classant trois espèces, A, B et C en fonction de six caractères notés de 1 à 6 présents soit à l’état primitif, noté 0, soit à l’état évolué noté 1.

Cladogramme

L’approche cladistique cherche à déterminer des caractères propres à une branche qui « signent » une divergence.

La technique restant la même quel que soit le taxon (rang hiérarchique quelconque d’une classification) : espèce, genre, tribu, sous famille, ordre,...

On a pu ainsi élaborer le (un ?) cladogramme des sous familles pour les Poacées ( Schéma réalisé d’après le site : www.mobot.org)

Cladogramme de la famille des Poacées

Quand on obtient un tel cladogramme, on peut vérifier sa « pertinence » (en effet, en théorie, il n’y a qu’un cladogramme valide) par des techniques mathématiques comme le Bootstrap et le Jacknife, dont le principe et d’observer les changements après avoir fait varier tel ou tel caractère ou groupe de caractères.

Comme nous l’avons précisé plus haut, il est possible de choisir comme taxon de départ les genres des Poacées et l’on obtient le cladogramme suivant, tiré du site www.plantphysiol.org.

Dans ce tableau, à la place d’une simple liste de genres, on a une véritable structure de parenté, reflétant l’évolution de cette famille.

Certains genres, à forte similitude, sont regroupés en tribus, elle-même regroupées en sous familles, puis en familles, puis en ordres.

La classification APG est la classification scientifique des angiospermes la plus récente, établie selon les travaux de l’Angiosperms Phylogeny Group.

  • Elle traduit les efforts faits en systématique pour que le système de classification reflète au plus près la réalité historique des liens de parenté (ou phylogénie) entre les espèces, qu’elles soient actuelles ou éteintes.
  • Cette classification introduit, même au niveau des familles, de notables changements avec la classification classique. Par exemple, l’ancienne famille des Liliacées est maintenant éclatée en une dizaine de familles.
  • Reflet d’un consensus sur les connaissances acquises lors de sa publication en 1998, cette classification a été révisée en 2003 (APG II).

L’intégralité de cette classification est en accès libre sur le site blackwell synergy.

 Un exemple d’utilisation pratique de la classification :

Comme on l’a dit plus haut, la nomenclature n’a pas été modifiée depuis 1758.

Il s’agit d’une nomenclature binomiale (c’est-à-dire constituée de deux noms) bien codifiée.

Chaque nom d’espèce comporte donc un premier nom, celui du genre, qui commence par une majuscule, suivi du nom de l’espèce en minuscules, le tout en Italique et suivi par le nom ou l’initiale du premier descripteur et de l’année de cette description.

Pour se repérer dans les noms d’espèces, il y a plusieurs moyens dont les flores, mais aussi Internet, par exemple avec le site de l’index synonymique de la flore de France.

  • L’Index Synonymique de la Flore de France est une liste alphabétique des taxons de la flore spontanée et cultivée française, leurs synonymes et leurs hybrides.
  • Il comporte environ 62 000 citations de taxons.
  • La syntaxe utilisée suit les règles du Code International de la Nomenclature Botanique ; elle est complétée par : les références bibliographiques de la diagnose des taxons, des nombre chromosomiques, et par la citation des espèces types des genres.

Si l’on est intéressé par l’allergénicité d’une espèce, on pourra faire des recherches sur le site www.allergome.org ou encore www.allergen.org, le site de l’IUIS.

Prenons un exemple pratique :

La fiche d’Agrostis alba, après vérification de la nomenclature pourrait plutôt s’envisager la manière suivante :

Avec une question qui reste en suspens : si Agrostis alba non L. est identique à Agrostis stolonifera, L.1753, comment savoir à partir de quelle espèce précise a été caractérisé Agr a 1 ?

 Conclusion :

L’histoire des classifications botaniques reflète les rapports que l’homme a entretenu avec la nature : à l’aspect purement utilitaire a succédé une analyse détaillée de la morphologie des végétaux.

Avec les développements de la science, l’analyse devenait plus fine et les caractères étudiés plus nombreux.

Il a fallu la théorie de l’évolution puis une seconde révolution, celle de Hennig et de la systématique phylogénétique pour que la classification se hisse au niveau d’une véritable science, la systématique, et devienne un outil réellement performant.


Pollinisation et localisation des plantes allergisantes.

Dr Philippe RICHARD

 Introduction :

  • L’objectif de la présentation est de présenter un panorama de plusieurs milieux tels que nous les rencontrons dans le sud-ouest, et de montrer les documents généraux qui existent et qui peuvent donner une idée de la dispersion de la végétation.

 La carte climatique de la France :

  • L’analyse de la carte dans la région Aquitaine fait apparaître le type de milieu, la tendance méditerranéenne en zone littorale (puisque l’on repère la présence de l’Arbousier), l’autre de climat océanique un peu plus continental, avec des amplitudes thermiques plus grandes.
  • On constate des variantes dues à la longitude, à la latitude et au relief.
  • En région Aquitaine, nous pouvons distinguer les milieux suivants :
    • La dune
    • La lande humide et la lande sèche
    • Les coteaux calcaires, avec pelouses et prairies sèches : ce milieu se caractérise par des pelouses qui peuvent donner des sols assez riches.
    • Les forêts : chênaies acidophiles, chênaies-charmaies neutrophiles.

 La carte pédologique de France :

  • Son analyse montre des sols acides, que l’on dénomme podzols qui se sont formés sur des terrains acides (ce qui ne se fait qu’en climat chaud) : le terme podzol vient de Russie et signifie cendre. Les eaux s’infiltrent et les nutriments migrent vers le bas, les acides organiques se décomposent mal.
  • Ces végétations sont très diversifiées et riches en plantes allergisantes.

 La carte de la végétation :

  • Sur ces cartes, on remarque essentiellement trois types de milieu : les landes acides, la culture de pins maritimes et les zones cultivées.
  • Par exemple, dans l’entre deux mers, il existe plus de végétation spontanée, à l’exception de la forêt pubescente résiduelle.
  • L’examen de ces cartes, combiné avec l’analyse des vents, permet de voir à quoi sont exposés les gens en matière de pollens.

 Les landes :

  • Les landes humides sont caractérisées par la présence de bruyère, de Molinie (Molinia caerulea) et de genêt anglais.
  • Les différents types de lande sont modulés par la profondeur de la nappe phréatique. Pour les landes humides océaniques, cette nappe est toujours à proximité de la surface, affleurant en période pluvieuse et à moins d’1 mètre de profondeur le reste du temps. Ce milieu concerne les plateaux des zones interfluves (entre deux cours d’eau) et l’écoulement se fait difficilement.
  • Dans les Landes sèches, on trouve l’avoine de Thore (Pseudarrhenatherum longifolium) qui paraît fortement allergisante ainsi qu’un Agrostis, Agrostis curtisii.
  • Au sud des landes de Gascogne, la lande va laisser place à un paysage composite. Quand on arrive à la limite de la vallée de l’Adour, il existe des milieux qui se rapprochent des Landes sur lequel on voit naître des pelouses calcaires et des prairies humides (les barthes de l’Adour) ainsi que de larges zones cultivées.

 Le cordon dunaire :

  • Sur la dune, de nouvelles espèces sont en vue qui poussent maintenant sous une forêt stabilisée depuis environ 150 ans. Cette forêt est de plus en plus diversifiée d’ouest en est (Pins maritimes, chênes verts).
  • Pour fixer la dune, on a planté de l’Oyat (Ammophila arenaria) sur 200 kms de long : cette quantité considérable de Poacées n’a jamais fait l’objet d’aucune étude...
  • on trouve également d’autres Poacées sur la dune, notamment Corynephorus canescens.
  • Vers l’intérieur, la forêt se superpose au paysage de landes déjà décrites (Pin maritime et chêne pédonculé).

 Les pelouses :

  • C’est un substratum de sol peu épais, qui se recolonise au début avec des plantes annuelles, sur un substrat riche en calcaire.
  • De nombreuses graminées se retrouvent sur ces pelouses : Alopecurus pratensis, Bromus erectus, Vulpia fasciculata et Brachypodium pinnatum.
  • La forêt pubescente représente l’évolution ultime de la pelouse.

 La forêt d’influence méditerranéenne :

  • Localement, dans le Lot, sur des faciès thermophiles calcaires. Les espèces dominantes sont le chêne pubescent, le chêne vert et tout un cortège de plantes xérophiles calcicoles (excursion de l’après-midi).
  • Elle représente l’évolution ultime des paysages sur calcaire de tout le territoire.

 Conclusions :

  • On constate une uniformisation des paysages par les plantes cultivées : auparavant, les espaces cultivés avaient leur propre terroir, mais on a standardisé des variétés afin que les plantes deviennent indifférentes à la nature des sols.
  • De plus, l’adjonction de produits phytosanitaires a éliminé la végétation adventice.
  • Dans ces conditions, on peut espérer que la mise en jachère des terres pourrait peut-être permettre une recolonisation.

Démarche clinique en pollinoses.

Dr Stéphane GUEZ

 Introduction :

 Si les pollens gênent les patients, ils font également souffrir les allergologues :

Cette introduction en guise de boutade souligne la difficulté rencontrée quotidiennement par l’allergologue dans la prise en charge de ces patients polliniques surtout lorsqu’il veut identifier de façon précise le ou les pollens en cause dans une perspective thérapeutique basée sur l’immunothérapie spécifique.

Toute la problématique du diagnostic allergologique se retrouve dans l’exploration d’une pollinose.

L’objectif de cet exposé est de réfléchir sur les difficultés rencontrées à chaque étape du diagnostic en suivant le plan habituel d’une consultation, pour préciser les limites de chacun des outils utilisés par l’allergologue.

 Le diagnostic de pollinose est une synthèse.

D’emblée, il faut préciser qu’aucun examen à lui seul ne permet de porter un diagnostic de certitude aussi bien sur l’existence d’une allergie que sur l’identification précise du ou des pollens en cause.
Pourtant, il faudra répondre à ces deux questions deux questions à la fin de la consultation.

La démarche de l’allergologue va en réalité reposer sur des « aller et retour » entre :

  • l’interrogatoire,
  • les tests cutanés
  • en s’aidant des relevés de comptages polliniques spécifiques à sa région.

Cela va ensuite conduire à la prescription d’un traitement symptomatique et/ou d’un traitement spécifique.

 Évaluation de l’apport de l’interrogatoire dans le diagnostic de pollinose :

L’interrogatoire est souvent considéré par les allergologues comme l’examen clé pour valider les résultats des tests cutanés qui ne permettent pas de faire la différence entre une sensibilisation et une allergie vraie.

Cet interrogatoire permet également de choisir les allergènes qui seront testés ensuite sur le plan cutané.

Cette confiance dans les données de l’interrogatoire part du principe qu’il est fiable, reproductible et contributif.

Une étude récente déstabilise cette opinion (Ann Allergy Asthma Immmunol 2003, 91 : 26-33, PB Williams et al.)

  • Les auteurs de ce travail ont proposé à des allergologues répartis sur 2 sites : un site universitaire et un site libéral, d’interroger 145 enfants et de répondre après un interrogatoire systématisé, s’ils retenaient ou non un diagnostic d’allergie probable vis-à-vis des allergènes suivants : chat, chien, alternaria, acariens, ambroisie, chêne.
  • Sinon, il était possible de répondre : interrogatoire non contributif. Ils pouvaient alors éventuellement demander une IDR complémentaire à l’allergène étudié.
  • Puis les résultats des tests cutanés étaient donnés et il était possible de reprendre le diagnostic initial.

L’analyse des résultats s’est faite selon la méthodologie suivante :

  • si concordance entre interrogatoire, tests cutanés et IgE spécifiques = on parle d’allergie en cas de positivité ou d’absence d’allergie en cas de négativité.
  • s’il y a une discordance entre interrogatoire en faveur d’une allergie, et tests cutanés et IgEs négatives = on parle de faux positifs,
  • et en cas d’interrogatoire ne retenant pas d’allergie mais avec tests cutanés positifs et IgEs positives alors on parle de faux négatifs (puisque le critère d’étude est l’interrogatoire).
  • enfin, si l’examen clinique ne permettait pas de dire si le patient est allergique ou non : selon la concordance des tests cutanés et des IGEs on retient le diagnostic d’allergie ou absence d’allergie.
  • Et s’il y a discordance entre tests cutanés et IgE spécifiques, le diagnostic ne peut être porté.

Les résultats sont les suivants :

  • L’interrogatoire, de façon globale prédit 14% fois plus d’allergie qu’il n’en existe vraiment, et il a ignoré 24% de patients non allergiques.
  • Le site allergologique universitaire a une concordance de 44% entre interrogatoire et tests cutanés/dosages des IgEs.
    • On observe cependant qu’il y a de nombreux patients pour lesquels le diagnostic d’allergie est retenu alors que les tests cutanés sont négatifs.
    • Ce site privilégie le taux des IgEs au détriment des tests cutanés. Ainsi, 40 résultats de tests cutanés sont dits négatifs, alors qu’objectivement ils sont pourtant positifs selon les critères habituels.
  • Le site libéral a une concordance de 22%. Il y a beaucoup plus de diagnostics d’allergie retenus pour des taux faibles d’IgE spécifiques (IgEs).
    • 73% des interrogatoires non contributifs sont résolus après réalisation des tests cutanés et des IgEs.
    • Ce site privilégie les tests cutanés et retient comme positif des valeurs d’IgE spécifiques qui sont faibles.
    • Beaucoup d’IDR sont pratiquées en cas de doute, mais elles ne sont pas finalement contributives au diagnostic.

Ainsi :

  • Ce travail démontre que l’interrogatoire n’est vrai pour porter un diagnostic d’allergie présente ou absente que dans 50% des cas au maximum et qu’il est négatif jusqu’à 25% des cas selon les allergènes recherchés.
  • Les variations observées entre allergologues reposent sur les croyances des uns et des autres sur la valeur de certains examens par rapport à d’autres : ainsi certains retiennent les tests cutanés comme l’examen de référence alors que d’autres retiennent plutôt la valeur des IgE spécifiques.
  • Globalement, les allergologues n’aiment pas donner une réponse tranchée de type « oui » ou « non », et cela influence le diagnostic vers un « sur diagnostic » d’allergie.

On retiendra donc pour sa pratique quotidienne :

  • que l’interrogatoire surestime l’allergie
  • qu’il ne permet pas de repérer convenablement les allergènes en cause : il faut donc utiliser pour les tests cutanés des batteries standards basées sur les pollens rencontrés dans sa région par le patient.
  • que l’interprétation des IgE spécifiques est très variable selon l’importance donnée à l’interrogatoire et aux tests cutanés : il n’est donc pas possible de fixer un seuil permettant de porter à lui seul le diagnostic d’allergie ou non.
  • L’IDR n’apporte rien pour le diagnostic de pollinose par rapport aux prick-tests.

 Évaluation de l’apport des tests cutanés dans le diagnostic de pollinose :

Idéalement les tests cutanés devraient être reproductibles, sensibles, spécifiques et bien corrélés à la clinique.

Cela est vrai lorsque les tests sont très positifs ou totalement négatifs. Par contre dans les résultats intermédiaires le problème est beaucoup plus complexe.

La question en fait est de savoir si le test cutané est réellement un test objectif.

On sait qu’il dépend de multiples variables :

  • Dépendantes du patient : l’âge, l’état cutané, la prise de médicament qui interfère avec l’importance de la dégranulation mastocytaire
  • Dépendantes de la technique : qualité de l’extrait utilisé, technique du test lui-même en fonction de matériel utilisé, localisation du test (différence entre l’avant-bras et le dos).
  • Mais il y a également une variable souvent sous estimée qui dépend uniquement de l’allergologue : c’est l’évaluation des résultats en terme de positivité ou négativité, et l’interprétation par rapport aux données de l’interrogatoire.

Une étude a cherché à évaluer ce paramètre des tests cutanés qu’est le regard de l’allergologue sur l’évaluation du résultat (Ann Allergy Asthma Immunol 2002, 89 : 368-71. WA McCann, Dr Ownby).

  • Pour cela, des tests cutanés ont été photographiés avec une échelle millimétrique et photographie des témoins négatifs et positifs. Il s’agit de photos d’excellente qualité permettant de bien voir papules et érythèmes.
  • Ces photos ont été montrées à 70 allergologues qui avaient également à leur disposition une fiche standard de l’histoire clinique des patients testés.

Les résultats :

  • Hélas, il y a très peu de photos qui donnent une interprétation identique par tous les allergologues.
  • Seulement 5 photos sur 22 sont toutes interprétées de la même façon. Les résultats les plus discordants sont ceux intermédiaires, pas franchement positifs mais pas totalement négatifs. Pourtant, si on observe strictement les règles de lecture (qui étaient rappelées avec la lecture des photos) il aurait été possible de classer les tests d’une façon exacte et identique pour tous les allergologues (ici, l’échelle utilisée est le nombre de croix qui est fonction de façon précise du diamètre de la papule et de l’érythème).

Que conclure de ce travail ?

  • Il semble que les allergologues dans l’interprétation des résultats soient très influencés par les donnés de l’interrogatoire.
  • Comme on a vu que celui-ci n’était pourtant pas fiable à 100% on conçoit donc la possibilité d’erreurs en cascades puisque l’allergologue surestime l’allergie à l’interrogatoire et va se conforter dans son idée en interprétant positivement un test cutané pourtant objectivement négatif.
  • Il n’y a donc pas rectification réelle du diagnostic par la pratique des tests cutanés.

On retiendra donc pour la pratique clinique :

  • qu’il faut certainement interpréter les tests cutanés d’une façon strictement « mathématique » en cherchant à donner un résultat de type oui/ non écrit de façon claire avant de confronter ces résultats aux données de l’interrogatoire et du comptage pollinique.

 Les tests cutanés sont-ils reproductibles à long terme ?

Ce travail (U Bodtger et al., Allergy 2003, 58 : 1180-86) récent a montré que lorsque les tests sont refaits à intervalles réguliers ils sont reproductibles dans 67% des cas pour des tests positifs et dans 100% des cas lorsque les tests positifs sont corrélés à une histoire clinique positive.

La reproductibilité des tests négatifs est de 95% et diminue à 87% en cas d’autres sensibilisations associées.

Aucun patient n’ayant une histoire clinique non évocatrice d’allergie n’a un test de provocation allergique positif, et en cas de test cutané initial positif on observe une négativation de ce test avec le temps.

Les patients qui gardent un test positif deviennent authentiquement allergiques : une positivité sans histoire clinique positive initiale peut donc traduire un début de sensibilisation.

Donc les tests cutanés sont fiables à long terme.

On retiendra pour la pratique :

  • La répétition des tests cutanés peut permettre de préciser le diagnostic allergologique car un faux positif va devenir réellement négatif.
  • Par contre si le test reste positif, il faut reprendre l’interrogatoire car le patient est certainement vraiment allergique à l’allergène testé.

 Évaluation de l’apport des données du comptage pollinique dans le diagnostic de pollinose :

L’intérêt du comptage pollinique repose sur l’hypothèse suivante : le comptage serait une estimation indirecte du risque de conflit allergène / patient allergique pendant la saison pollinique.

Mais le problème majeur est qu’actuellement il n’y a aucun système cohérent qui permet de relier compte pollinique et symptomatologie clinique.

Les estimations dans la littérature observent 3 types d’approche (Ann Allergy Asthma Immunol 2001, 86 : 150-58. DA Frenz ) :

Il y a des comparaisons :

  • entre comptage pollinique avec un capteur de toit et avec un capteur porté par le patient : l’objectif est de savoir si le comptage pollinique reflète réellement le risque d’exposition aux pollens du patient ?
  • entre compte pollinique et manifestations allergiques : l’objectif est d’évaluer la solidité du lien entre exposition et allergie ?
  • Enfin comparaison entre les différents pollens : comment apprécier au mieux le potentiel allergisant d’un pollen ?

 Études entre comptage pollinique par recueil de pollens par un capteur de toit et par un capteur de proximité immédiate au patient :

De nombreux travaux sont concordants pour observer :

  • que le patient qui travaille à l’extérieur est plus exposé qu’un patient qui travaille dans un bureau
  • que le patient est globalement exposé à moins de pollens par rapport aux résultats observés avec les capteurs de toit.
  • Qu’il n’y a aucune corrélation aussi bien sur le plan qualitatif que quantitatif entre capteurs de toits et capteurs de proximité.
  • Plus le patient est proche de la source pollinique (jardin etc..) plus il est exposé aux pollens avec une décroissance proportionnelle à l’éloignement
  • Les capteurs de toits comptabilisent plus de pollens certainement parce qu‘en réalité à la surface du sol, ces pollens sont arrêtés par de nombreux obstacles et s’impactent en particulier sur les façades des immeubles et des habitations.

Donc le comptage pollinique tel qu’il existe actuellement n’est pas le reflet réel de l’exposition des patients aux pollens aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif.

 Études entre compte pollinique et manifestations allergiques :

Les études dose-réponses réalisées dans des chambres de provocation montrent qu’il faut en pratique beaucoup plus de pollens pour déclencher une allergie que le nombre de pollens habituellement rencontré lors des comptages polliniques.

Il n’est donc pas possible de disposer de valeurs seuils pour chaque allergène permettant pour tous les patients de déterminer le nombre de pollens au de-là duquel il y a déclenchement d‘une allergie (comme cela a par contre était observé pour les acariens).

Cela est du à 2 phénomènes : l’effet priming et l’inflammation secondaire.

  • Le terme de priming traduit la notion du développement d’une hyper réactivité du patient au fur et à mesure qu’il est exposé à un même allergène. Ainsi, progressivement, on observe une aggravation de sa symptomatologie immédiate pour des doses de plus en plus faibles d’allergènes. On voit donc qu’il n’est plus possible de relier alors de façon simple le compte pollinique avec le risque allergique.
  • De la même façon, l’effet inflammation retardée, traduit pour certains malades le développement de manifestations symptomatiques dans les jours qui suivent une exposition allergénique. Même si le pic pollinique disparaît, la symptomatologie s’aggrave donc de façon indépendante à la présence actuelle ou non de pollens.

En pratique on retiendra donc :

  • L’absence de relation linéaire entre le nombre de pollens et l’importance de la symptomatologie clinique

 Études portant sur les différences de sensibilisation en fonction des pollens :

(Raynor GS et al., J Allergy 1970, 45 : 329-32 -
Frenz DA, Ann Allergy Asthma Immunol 2000, 84 - 481-91
)

Certains pollens sont très allergisants et d’autres beaucoup moins.

Ainsi, une population allergique se sensibilise plus à certains allergènes, de façon indépendante au nombre total de ces allergènes dans l’atmosphère. Un allergène majeur peut sensibiliser beaucoup de patients, alors même qu’il est présent en faible quantité dans le comptage pollinique.

Ce caractère plus allergisant ou non d’un pollen est complexe ne reposant pas seulement sur la structure protéique du pollen.

D’autres facteurs interviennent comme la vitesse du pollen, sa capacité à se déplacer, la distance de recueil par rapport à l’origine de la source pollinique.

  • un pollen ayant un poids faible diffuse plus largement qu’un pollen lourd. Il peut alors voyager très à distance de sa source et couvrir un territoire qui s‘élargit en éventail. Plus on s’éloigne de la source, plus le nombre de pollens recueillis est stable alors que plus on se rapproche de la source plus les variations entre les comptes polliniques sont importantes.
  • Ainsi, dans une étude à Sydney, (CH Katelaris et al, Ann Allergy Asthma Immunol 2004, 93 : 131-136) réalisée à l’aide de capteurs distants de quelques kms, on observe des résultats totalement différents aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif.
    Donc pour un allergologue de cette ville qui peut avoir des patients venant de divers points de la ville, l’exposition aux allergènes est en réalité très différente selon le quartier d’habitation.

En pratique :

  • on retiendra donc l’importance de la prise en compte de la végétation locale dans la symptomatologie du patient
  • du caractère aléatoire de la réalité d’exposition du patient aux pollens par rapport aux données du comptage pollinique
  • de l’importance à accorder aux pollens présents en faibles quantités mais qui ont un pourvoir allergisant majeur.

Par ailleurs, ces comptages ne prennent pas en compte les fractions allergisantes libres sous forme d’aérosols submicroniques. (WR Salomon, JACI 2002, 109 (6) : 895-99)

  • Il a été montré en particulier pour expliquer les épidémies d’asthme et de rhinite lors des orages, qu’il existe une exposition liée non aux pollens mais à des fractions de pollens.
  • Sous l’effet de l’humidité, les pollens peuvent éclater et libérer des petites particules très allergisantes qui peuvent se déplacer très rapidement, véhiculées également par la pluie.
  • Ces microparticules ont la capacité en raison de leur faible taille de pénétrer dans le poumon profond.
  • Il y a donc un risque allergique majeur mais qui est ignoré actuellement par les méthodes de recueil pollinique.

Enfin, il faut se méfier des idées reçues comme par exemple de considérer que les pollens ne sont présents qu’au printemps.

Des travaux ont montré qu’il n’en est rien. (J Laurent et al, Allergy 1994, 49 : 696-701)

  • Ainsi, pour des patients présentant en hiver des symptomatologies respiratoires très évocatrices d’allergie, un recueil pollinique a montré qu’effectivement il existe de pics de pollens essentiellement liés aux pollens d’arbres.
  • L’aulne, le noisetier, le cyprès ont des chatons en fin d’automne qui sont prêts. Pour peu que le temps soit sec et chaud, il y a ainsi des libérations ponctuelles de pollens.
  • Ces pollens vont avoir un effet de priming, expliquant alors le déclenchement d‘une saison pollinique sévère dès l’apparition de pollens de graminées même si ces pollens sont en faibles quantités.

En conclusion :

On voit donc que le diagnostic allergique reste bien difficile !!

Pourtant, l’allergologue travaille bien puisque :

  • il traite de façon efficace ses patients
  • et de nombreuses études ont permis de valider l’immunothérapie spécifique en particulier dans la pollinose, preuve s’il en est que le patient était bien allergique à l’allergène identifié et avec lequel il a été traité.

L’objectif de ce travail n’a donc pas été de déprimer l’allergologue mais au contraire de montrer l’ensemble des difficultés auxquelles il doit faire face et l’importance de son expérience pour porter un diagnostic fiable et précis.

Vouloir caricaturer le diagnostic allergique à un seul examen (dosage d’IgE par exemple) serait on le voit une erreur grossière.

Il faut tout l’art d’un spécialiste qui apprend tout au long de sa carrière la capacité allergisante de chaque pollen et sa traduction en terme de manifestations cliniques, de tests cutanés et d’IgE spécifiques pour arriver à déjouer tous les pièges de ce diagnostic.

L’expérience dans le domaine de l’allergie aux pollens est là plus qu’ailleurs totalement irremplaçable.


Quelle aide peut apporter la biologie en cas de poly-réactivité pollinique ?

Dr Henri Malandain

Le diagnostic d’une pollinose est souvent simple : l’enquête allergologique et les tests cutanés permettent d’apporter une réponse thérapeutique claire et appropriée.

Mais il arrive que le tableau clinique soit en partie discordant avec les résultats des tests cutanés, ou que la positivité de ces derniers soit multiple.

Ces poly-réactivités existent aussi au niveau des tests d’IgE-réactivité sérique (les "RASTs"), de sorte que l’exploration biologique classique n’apporte pas non plus de réponse à la question "Mon patient est-il cliniquement réactif à tous les pollens trouvés positifs ou bien est-il sensibilisé à certains et seulement co-réactif à d’autres ?".

La co-réactivité (ou "réactivité croisée") est un phénomène fréquent du à la présence d’allergènes (molécules allergisantes) suffisamment ressemblants dans différents produits allergisants ; par exemple dans différents pollens.

Ces allergènes homologues rendent difficile la distinction entre une véritable sensibilisation et une simple co-réactivité, d’autant que les contacts avec les pollens sont par nature multiples : graminées, bouleau, frêne et armoise, ou bien graminées, cyprès, pariétaire et platane, etc, etc..

Les grands progrès réalisés ces dernières années dans la caractérisation biochimique des allergènes ont permis de montrer l’existence de familles d’allergènes.

  • Certaines de ces familles sont plutôt caractéristiques d’une sorte de pollens (par exemple, les Ole e 1-like dans les oléacées), tandis que d’autres familles d’allergènes se retrouvent dans l’ensemble des pollens.
  • Ces allergènes ubiquitaires sont dénommés "panallergènes" et deux familles sont notamment connues pour être des panallergènes dans les pollens : les profilines et les polcalcines (ou 2EF-hand calcium-binding proteins).

Parallèlement à cette meilleure connaissance des allergènes, le génie génétique a permis de synthétiser des allergènes purs pouvant trouver leur utilité dans le diagnostic des maladies allergiques, voire dans leur traitement vaccinal.

  • Ces allergènes "recombinants" apportent une réponse beaucoup plus précise que les extraits classiques au niveau du diagnostic :
  • en effet les extraits actuels contiennent de très nombreux allergènes et la positivité du test ne renseigne pas sur les allergènes réellement impliqués pour le patient testé ; de plus, la quantité de ces différents allergènes dans l’extrait est mal connue, quand elle n’est pas variable d’un fabricant à un autre.
  • Les allergènes recombinants ont l’avantage de corriger ces deux défauts. S’ils ne sont pas encore utilisés pour les tests cutanés, il est d’ores et déjà possible de pratiquer des tests d’IgE-réactivité sérique avec quelques uns d’entre eux : en ce qui concerne les pollens, des tests CAP Pharmacia sont ainsi disponibles pour des allergènes recombinants de bouleau, de fléole et de pariétaire.

 Comment utiliser ces tests en pratique ?

Supposons un patient présentant une réactivité cutanée pour le bouleau, les graminées et l’armoise mais dont la symptomatologie ne cadre pas avec les périodes de pollinisation de toutes ces plantes.

La mesure de l’IgE-réactivité sérique pourrait corroborer les tests cutanés, des RASTs positifs étant alors trouvés pour le bouleau, une graminée et l’armoise.

Mais on n’en saurait pas plus sur la réalité des sensibilisations de ce patient : est-il vraiment allergique au bouleau, par exemple, alors que ses symptômes débutent en mai ?

La mesure de l’IgE-réactivité vis à vis d’allergènes recombinants peut apporter une aide précieuse pour comprendre le statut immunologique du patient.

Dans notre exemple, il a été trouvé un rast positif pour rPhl p 12 (profiline de fléole), un rast positif pour rPhl p 1 + rPhl p 5 (allergènes caractéristiques des pollens de graminées) et un rast négatif pour rBet v 1 (allergène du bouleau, caractéristique des pollens de fagales).

  • Ces résultats orientent vers une pollinose vis à vis des graminées, associée à une co-réactivité vis à vis du bouleau et de l’armoise par sensibilisation du patient aux profilines des graminées.
  • Les positivités cutanée et sérique du patient pour les extraits de bouleau et d’armoise s’expliquent par la présence de profilines dans ces deux pollens.
  • Le patient possède des IgE anti-profilines, issues d’une sensibilisation aux graminées, et ces IgE sont co-réactives avec les profilines de bouleau et d’armoise.
  • La trace immunologique représentée par les tests positifs obtenus avec les extraits classiques de bouleau ou d’armoise pourra être interprétée de manière plus précise avec les recombinants, l’allergie vis à vis du bouleau, par exemple, pouvant être minimisée puisque le patient ne réagit pas à un allergène caractéristique de ce pollen comme Bet v 1.

Le tableau ci-après indique les cas où des pollens peuvent donner des tests positifs par co-réactivité (profilines et polcalcines) ou de façon plus ciblée sur un groupe de pollens.

En combinant, selon les données de l’enquête allergologique, 2 ou 3 tests utilisant des recombinants il est possible de résoudre un certain nombre de problèmes diagnostiques.

Dans la pratique il n’est pas utile de pratiquer la mesure de l’IgE-réactivité vis à vis des 2 profilines ou des 2 polcalcines : une seule suffit, selon le pollen dominant localement (ex. rBet v 2 et/ou rBet v 4 là où la pression pollinique du bouleau est importante).

D’autres allergènes recombinants sont testables mais leur intérêt est moindre : rPhl p 2, bien que caractéristique des graminées, est moins souvent positif que rPhl p 1 ou rPhl p 5 ; et rPhl p 4 et rPhl p 13 sont susceptibles d’avoir des homologues dans d’autres pollens que les graminées, tout en n’étant pas des panallergènes. De plus, ces 2 allergènes sont glycosylés et posent le problème d’une éventuelle co-réactivité avec des épitopes glucidiques, les CCD (ou Cross-reactive Carbohydrate Determinants).

Le problème des CCD peut dans certains cas être simplifié par l’utilisation d’un autre test, le CAP broméline.

  • En effet, la broméline, qui est un allergène en milieu professionnel, contient une glycosylation assez représentative des chaînes glucidiques des allergènes d’origine végétale.
  • Un test broméline trouvé positif, chez un patient non exposé à ce produit, indique la présence d’IgE reconnaissant des CCD.
  • Ce test positif pourra expliquer la présence de résultats in vitro positifs mais discordants avec la clinique et/ou les tests cutanés.
  • A l’inverse, un test broméline négatif conserve leur valeur aux autres positivités in vitro (ex. pollens, aliments végétaux, latex).
  • La pratique d’un test broméline a notamment sa place quand les tests cutanés ne sont pas réalisables ou interprétables.

Au total, ces nouveaux tests in vitro préfigurent ce que sera dans quelques années la biologie dans le domaine du diagnostic allergologique.

  • Avec l’obtention d’un grand nombre d’allergènes recombinants (ou purifiés) il sera fait appel à des tests d’un format très différent, à la fois plus complexes et plus précis : les "puces à allergènes".
  • Ces tests in vitro regrouperont des dizaines, voire des centaines, d’allergènes différents et donneront un "allergotype" dont l’interprétation, en grande partie effectuée par des algorithmes experts, sera d’une grande aide pour l’allergologue.

En attendant ce saut technologique, les tests actuels avec des recombinants, même en nombre restreint, permettent de se préparer à cette nouvelle vision du diagnostic, tout en rendant d’ores et déjà de précieux services.

  • Certains allergènes seraient extrêmement utiles pour compléter le panel actuel, notamment Ole e 1 (pollen d’olivier), Art v 1 (pollen d’armoise), Amb a 1/2 (ambroisie), Cup a 1 (cupressacées) et Fra e 1 (frêne).

Enfin, il faut souligner que ces tests ont vocation d’être prescrits comme complément d’une démarche diagnostique spécialisée car leur interprétation nécessite d’être effectuée en tenant compte des autres éléments de l’enquête allergologique, notamment des tests cutanés.

Ces tests in vitro avec des allergènes recombinants ne sont donc pas adaptés au médecin n’ayant pas une compétence en allergologie.


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Questions en suspens

 Pathologie saisonnière ?

  • Alors que certaines graminées fleurissent dès Janvier (Poa annua, Mibora minima) et que d’autres refleurissent en Septembre si ce n’est plusieurs fois au cours de la saison (Dactylis glomerata) en fonction de la météo ?

 Quel est l’allergène : Le pollen ?

  • Les particules libérées lors de chocs osmotiques dans des conditions météo particulières ?
  • Les pollens altérés par les polluants ?
  • Les particules d’environ 0,1µ de diamètre mises en évidence dans l’atmosphère ?
  • Des émanations non polliniques d’autres structures de la plante dont on sait qu’elles expriment l’allergène ?
  • La molécule de béta-expansine ou d’autres molécules ?

 Pouvons nous dresser une liste exacte des plantes allergisantes ? Avons-nous recensé de façon exhaustive les co-réactivités inter et intra-familiales (Poacées) ?

 Au mois de Mars, la population a déjà reçu environ 50% du pollen total de l’année et pourtant la symptomatologie n’est guère présente : pour quelle raison ? La quantité n’est pas tout...

 Quel impact des panallergènes comme les profilines, les polcalcines ? Des pan-épitopes comme les CCD ?

 Quelles sont les conditions d’expositions et ses facteurs de variations ?

 La présence simultanée de plusieurs types de pollens donne-t-elle lieu à un phénomène de potentialisation ?

 Qu’en est-il des éventuels effets non spécifiques ? Pollution, pollens de pins ?

 Combien de temps un pollen conserve-t-il son allergénicité ?

  • Goodale avait établi en 1916 qu’ils pouvaient conserver leurs propriétés pendant plus de 25 ans...

 Des pollens tombés au sol sont « attaqués » par des moisissures, des insectes ?

  • En résulte-t-il une libération allergénique ?
  • Quel est le rôle exact de la pluie, de la rosée, dans la production de particules de faible diamètre à forte pénétration bronchique ?

 Une même espèce est-elle iso-allergisante, c’est-à-dire constante dans son allergénicité ?

  • Le Dactyle de la région parisienne a-t-il les mêmes allergènes que le Dactyle du Sud-ouest ?
  • Où ces variations s’arrêtent-elles ?
  • Les allergènes du pollen d’une plante varient-ils au cours de la saison ? Si oui, selon quels facteurs ? Sur un même arbre, par exemple, on a mesuré que le côté exposé au Sud est plus riche en allergènes...

 Est-ce le pic de pollens ou la nature de ce pic qui est déterminant dans la symptomatologie ?

  • Ces pics sont-ils le fait de certaines espèces seulement ?
  • Les modalités de libération du pollen (brutale ou progressive) conditionnent-elles les réponses allergiques ?

 Comment expliquer qu’un pollen se retrouve sur le capteur 10 à 15 jours après que l’observation directe ait relevé sa présence sur le terrain ?

 Pourquoi ne semble-t-il pas exister de familles allergiques aux pollens de Bétulacées comme c’est le cas pour les Poacées ?

 Quels sont les facteurs du passage de l’état de sensibilisation à l’allergie ?

 Quelle est l’explication précise du « priming effect » mis en évidence par Connell dès 1969 ?

 L’asthme pollinique s’observe généralement lors des pics polliniques : simple mécanisme réflexe entre voies respiratoires hautes et basses ou rôle des particules submicroniques d’amidon remplies d’allergènes et libérées par l’humidité ou d’autres facteurs ?

 Que sait-on des pollinoses de proximité ?

 Une surface herbacée produit plus de pollens que la même surface plantée d’arbres ; que sait-on de l’évolution de cette proportion arbres-herbacées ?