Rencontre de printemps de l’APALA - 13 et 14 mai 2006 - Arcachon

mercredi 17 mai 2006 par Dr Hervé Couteaux1732 visites

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Rencontre de printemps de l’APALA - 13 et 14 mai 2006 - Arcachon

Rencontre de printemps de l’APALA - 13 et 14 mai 2006 - Arcachon

mercredi 17 mai 2006, par Dr Hervé Couteaux

Lors de la journée de formation de l’APALA (Association des allergologues d’Aquitaine), nous avons eu une excellente présentation de la problèmatique des réactivités croisées en allergologie par le Dr Hervé Couteaux. Vous trouverez ici le compte-rendu de cet exposé.

Problématique des réactivités croisées en allergologie

Introduction : réaction allergique et réactivités croisées :

Une histoire simple ?
 Contact entre un sujet et un allergène.
 Synthèse d’IgE spécifiques de cet allergène.
 Sensibilisation et allergie.

La réalité peut être vue différemment :
 Contact avec un autre allergène
 Synthèse d’IgE pas spécifiques du tout...
 Sensibilisations fréquemment multiples, même sans contact préalable, à des allergènes non pertinents, avec ou sans réaction clinique.

Les réactivités croisées sont notre paysage quotidien :
 Réactions cliniques à plusieurs produits naturels allergisants.
 Réponses multiples aux tests cutanés.
 Tableaux cliniques discordants avec les tests cutanés.
 Mise en jeu d’« allergènes » connus pour être fréquemment impliqués dans des réactivités croisées.

Un paysage quotidien sur lequel nous allons essayer de changer notre regard.

Notions préliminaires à l’abord des réactivités croisées :

Définition d’un allergène.
 Cette définition a longtemps été variable :

  • Pour le patient : la poussière
  • Pour l’allergologue : l’acarien ou ses déjections
  • Pour l’immunologue et le biologiste : La molécule Der p 1

 Elle est maintenant bien précise :

  • Un allergène est une molécule définie dont la reconnaissance par le système immunitaire déclenche une série d’activations cellulaires avec synthèse d’IgE
  • L’allergène provient d’une source (Dactylis glomerata, par ex.)
  • La dénomination IUIS des allergènes utilise les 3 (ou 4) premières lettres du genre (Dac pour Dactyle) suivi, après un espace, de la première lettre de l’espèce (ou des 2 premières en cas de risque de confusion) : Dac g pour Dactylis glomerata, par exemple.
  • A ce nom, on ajoute un chiffre arabe de référence de 1 à ... se référant parfois à la chronologie de caractérisation, et parfois non...
      • La profiline du Bouleau = Bet v 2
      • Celle du Dactyle = Dac g 12

IgE spécifiques ? hétérospécifiques ?
 Une même IgE, synthétisée en réponse à un contact avec un allergène précis, peut se lier à des épitopes différents, provenant notamment d’allergènes différents.
 Le terme d’IgE spécifiques est donc impropre.
 Un dosage d’IgE spécifiques n’est ni un dosage, ni spécifique.
 C’est un test d’IgE-réactivité pour un produit allergisant ou un allergène

Sensibilisation, polysensibilisation, Polyréactivité ?
 La sensibilisation d’un sujet à un allergène donné est définie par la présence d’IgE sériques se liant à cet allergène.
 Cette sensibilisation peut être le résultat du contact direct avec le produit allergisant ou relever d’une réaction croisée avec un allergène homologue.
 En pratique courante, rien ne permet de distinguer ces 2 types de liaison.
 En d’autres termes, on ne sait pas différencier une sensibilisation primaire d’une sensibilisation croisée.
 Cette réactivité croisée, cette hétérospécificité des IgE a lieu quand il existe une homologie entre les épitopes croisant.
 Cette réactivité croisée est fréquente : Il en résulte un risque élevé d’interprétation erronée des résultats des tests...
 Pour ces raisons, les sujets (multi) polysensibilisés ou ayant une (multi) polysensibilisation ne devraient être désignés que comme étant (multi) polyréactifs.

Les syndromes :
 Quand l’observation de nombreux patients s’avère concordante, on parle de « syndromes » (Bouleau-pomme, Latex-fruits exotiques).

  • Mêmes réactivités associant tel et tel produit.
  • Ordre d’apparition des réactivités.
  • Confirmation in vitro d’une inhibition d’un produit par l’autre, etc.

 Quand un lien causal et temporel est ainsi confirmé, la coréactivité clinique semble ressortir de l’appellation d’allergies associées.

Souvent, on se contente d’une simple description :
 Fruits à coque : 35 à 50% de risque de réaction à un autre fruit exotique :

  • Noix
  • Noisette
  • Amande
  • Pistaches
  • Pignons
  • Noix de Cajou
  • Noix du Brésil
  • Noix de Pécan
  • Noix de Macadamia
  • Il s’agit là de groupes hétérogènes de produits allergisants issues de familles taxonomiques diverses.

Classification des réactivités croisées :

Classification classique :

  • Réactions croisées : se rapportant aux tests in vitro.
  • Sensibilisations croisées, se rapportant aux tests cutanés.
  • Allergies croisées, se rapportant aux réactions cliniques.

Proposition de classification (d’après Henri Malandain) :

Réactivité clinique cutanée sérique cellulaire
Référence produit allergisant extrait allergénique Produit ou molécule basophiles

Les réactivités croisées concernent-elles seulement des allergènes de même voie de pénétration ?

  • Non, pas nécessairement, cf acariens-escargots.

Les réactivités croisées ne s’observent-elles qu’à l’intérieur du règne végétal ou animal ?

  • Oui, la plupart du temps, mais il existe des contre-exemples : Farine de blé - Thioredoxines humaines, Soja - Caséine du lait de vache.

La proximité taxonomique paraît l’explication la plus évidente des réactivités croisées :
 Deux organismes vivants V1 et V2 taxonomiquement proches peuvent comporter des allergènes suffisamment similaires pour que des IgE synthétisées à la suite d’un contact avec l’un des allergènes de V1 puissent réagir avec un autre allergène de V2.

 Avec deux questions corollaires qui nous serviront de fil conducteur :

  • Comment la définir ?
    • Variétés d’une même espèce ?
    • Espèces appartenant au même genre ?
    • A la même famille ?
    • Au même ordre ?
  • Où s’arrête la proximité ?

Réactivités croisées entre variétés d’une même espèce ?
 Données immunologiques :

  • Cichorium endivia L.1753 ssp endivia (endive) convar Crispus (Chicorée frisée) convar. Latifolium (Scarole). Famille des ASTERACEAE.
  • Cucurbita pepo L.1753, ssp ovifera (pâtisson) ssp pepo (courgette, courge, citrouille). Famille des CUCURBITACEAE.

 Commentaires :

  • Très peu d’études, tant en immuno qu’en clinique.

Réactivités croisées entre taxons d’un même genre :
 Données immuno :

  • La très forte CR entre D.Pte et D.Far autorise à restreindre le diagnostic et l’immunothérapie à une seule espèce, D.Pte. (Henri Malandain, 2006).

 Pratique allergologique :

  • En pratique, personne ne sait. On se base souvent sur les tests cutanés, tout en sachant qu’un test négatif peut traduire une sensibilisation à un Ag qui n’est pas dans le flacon et un test positif, une réactivité croisée...
  • Commentaires :
    • Il existe un certain degré de pratique commune à l’ensemble des allergologues (D.Pte/D.Far = fréq.) Mais les pratiques sont le plus souvent hétérogènes, parfois sans justifications solides.
    • Une telle situation est fonction :
      • De la confiance (?) que l’allergologue porte à ses produits, mais surtout :
      • De la difficulté d’apprécier la corrélation entre les données immunologiques et la réalité allergologique.

Réactivités croisées entre taxons d’une même famille :
 Pollens :

  • Données cliniques :
    • Bousquet, 1985 : 4 espèces d’Oleaceae communes en zone Méd. ont été étudiées sous l’angle de la réactivité croisée de leurs pollens : Olivier (Olea europea), Frêne (Fraxinus excelsior), Troëne (Ligustrum vulgare) et Filaire (Phillyrea angustifolia).
    • Résultats : haut degré de corrélation entre les dosages d’IgE spécifiques, mais 3 sera étaient particulièrement positifs pour une seule espèce.
    • Tous les tests (RAST inhibition, isoelectric focusing et immunoélectrophorèse croisée en tandem) ont montré un haut degré de réactivité croisée, même si il n’y a pas d’identité totale entre ces 4 espèces de pollens.
  • Commentaires :
    • Un certain degré de réactivités croisées mais des profils individuels de sensibilisation.
    • mais on fait comme si... POACEAE : Dactyle ou 3, 5, 12 gram ? BETULACEAE : Bouleau ou Mix ?

 Aliments :

  • Données cliniques :
    • Rosaceae = pommes,abricots, cerises, fraises, framboises, pêches, brugnons, nectarines, poires, prunes, amandes.
    • 55% de réaction à un autre fruit de la famille. Le risque de réagir à plus de 3 fruits est inf à 10%
    • Poaceae : céréales. Si allergique au Blé, 25% de risque d’allergie à autre céréales.
    • Fabaceae = Pois, pois chiche, petits pois, soja, fèves, haricots, lentilles, lupin et arachide. Si allergique à l’arachide, 5% de risque d’allergie à autre aliment des Fabaceae.
  • Commentaires :
    • La proximité taxonomique est un facteur dont l’influence est variable selon les familles.
    • La réactivité clinique aux aliments est généralement très spécifique.
    • Les patients sont rarement allergiques à plus d’un aliment de la même famille botanique.
    • Cependant, quand on regarde les cohortes espagnoles, il n’est pas rare qu’il existe des réactivités cliniques à plusieurs fruits des Rosacées...

Réactivités croisées entre taxons d’un même ordre :
 Données immuno biologiques :

    • Bet v 1 est considéré comme un marqueur des Fagales (BETULACEAE + FAGACEAE + JUGLANDACEAE)

 Commentaires :

    • Bet v 1 apparaît comme le seul marqueur d’un ordre : pas d’autre marqueur pour un autre ordre...
    • Plutôt un cas particulier qu’un concept.

Réactivités croisées entre taxons d’une même classe ?
 Données cliniques :

  • Lait de vache et laits de plusieurs Mammifères (chèvre, brebis, ânesse, jument)
  • Pour les allergiques au LDV, 90% de risque d’allergie avec chèvre et brebis,
  • Mais seulement 4% de risque d’allergie avec le lait de jument...
  • Commentaires :
    • Pour ces données, la taxonomie n’explique rien.

Au total, la proximité taxonomique : indiscutable ? admise ? discutable ? utile ? :
 Indiscutable ? Par exemple entre variétés d’une espèce ou espèces d’un même genre ?

  • La réactivité croisée peut être suggérée par les données immuno.
  • Mais elle doit être confirmée par des travaux cliniques, encore insuffisamment nombreux.

 Admise ? Par exemple entre deux espèces d’un genre différent ?

  • Jonas Lidholm (directeur du secteur recherche et développement Phadia) ne voit aucune différence entre Phleum et Lolium.
  • Philippe Richard (Botaniste) en voit, lui.
  • Qu’en est-il des allergologues ? et des biologistes ?

 Au total :

  • Facile à évoquer.
  • Difficile à préciser.
  • Peu utilisée.
  • La proximité taxonomique est donc souvent discutable et pose un certain nombre de questions :
    • Où se situe la limite ?
    • Quand cesse-t-on d’être proche ?
    • Quand a-t-on la certitude de l’éloignement ?

 En conclusion :

  • La proximité taxonomique des sources n’est pas le seul facteur des réactivités croisées et n’est pas le facteur déterminant.
  • Tout simplement parce que la source ne peut plus être confondue avec l’allergène.
  • Le problème doit donc être envisagé au niveau moléculaire.

Que devient la proximité taxonomique au niveau moléculaire ? :

On peut classer l’allergène et ses homologues, c’est-à-dire les membres d’une même famille de protéines, de la même manière qu’on le fait pour les organismes vivants.

Prenons l’exemple des Profilines :
 Ce sont de petites protéines de 13 à 15 kDa.
 Hautement conservées au cours de l’évolution.
 A l’origine de nombreuses réactivités croisées.

Arbre non enraciné des profilines (selon Radauer-Breiteneder).

 Toutes les profilines végétales croisent entre elles.
 Il y a environ 30% d’identité de séquence entre les profilines végétales et celles des champignons.
 Il y a environ 30% d’identité de séquence entre les profilines végétales et celles des animaux.

Comment essayer de comprendre les réactivités croisées ?

Le système immunitaire reconnaît les épitopes des allergènes
 Les épitopes T, reconnus par les cellules T, sont séquentiels, c’est à dire caractérisés par une séquence d’une dizaine d’acides aminés.
 Les épitopes B, sont reconnus par les IgE. Dans ce cas, c’est la conformation spatiale d’une petite partie de la protéine qui est reconnue.
 L’homologie des épitopes concernera donc à la fois :

  • La séquence d’AA
  • La surface apparente, résultant de la conformation tridimensionnelle.

 Homologie séquentielle et conformationnelle.

  • Séquentielle : la comparaison des séquences d’AA nous donne un certain pourcentage d’identité de séquence. _ Oui, mais le changement d’un seul AA modifie parfois complètement la réactivité ... _ Ce pourcentage est-il donc pertinent ?
  • Conformationnelle : appréciée par le pourcentage de surface conservée ? _ C’est cette surface qui va être appréhendée par l’IgE : donc plus pertinent que l’identité de séquence pour apprécier les CR ?

 Peut-on alors conclure avec Heimo Breiteneder que l’allergénicité est une fonction de la structure ?_ Si oui, la conservation de surface apparente serait le facteur de réactivité croisé le plus important.
 Il reste que la proximité taxonomique reste globalement un facteur favorisant l’homologie des allergènes.

En pratique, l’allergologue a trois objectifs et certains moyens :

Les objectifs :

  • Objectif diagnostique : de la source allergénique responsable de la sensibilisation.
  • Objectif de prévention des risques d’allergie par réactivité croisée inattendue.
  • Objectif thérapeutique : ne pas détériorer l’état des patients par des restrictions alimentaires sans fondement.

 Pour atteindre ces objectifs, il faut :

  • Disposer de tests diagnostics moléculaires. (Qu’il s’agisse de molécules naturelles ou recombinantes).
  • Connaître les caractéristiques des allergènes et les possibilités de réactivités croisées.

 Les moyens dont disposent l’allergologue :

  • Depuis Hippocrate, l’histoire et l’examen clinique.
  • Depuis 1974, les dosages d’IgE.
  • Depuis 1908, les tests cutanés qui ont peu évolués depuis cette date.

 Les extraits allergéniques :

  • Composition connue ? Non.
  • Les allergènes de la source sont-ils dans le flacon ? Non.
  • Trouve-t-on des allergènes d’autres sources ? Oui, c’est arrivé (contamination d’un extrait de chien par des acariens).
  • La composition d’extraits d’un même labo est-elle constante ? Non, les changements de lots s’accompagnent de variations non contrôlées.
  • Le contenu en allergènes majeurs est-il contrôlé ? _ Les laboratoires pharmaceutiques nous disent contrôler (selon des procédures internes) le contenu des extraits en Ag majeurs._ Valenta a étudié le contenu en allergènes d’extraits provenant de 5 laboratoires pharmaceutiques.
LaboBet v 1Bet v 4
Labo 1 19.61 10.21
Labo 2 12.31 3.92
Labo 3 7.52 10.85
Labo 4 1.62 7.01
Labo 5 19.07 6.40

Selon l’étude de Valenta, il y a plus d’écart pour les concentrations en Ag majeurs (de 1.6 à 19.6) que pour l’Ag mineur étudié (3.9 à 10.8).

Dans ces conditions, pourquoi ne pas désensibiliser un patient sensibilisé à un Ag mineur, apparemment largement aussi présent que l’Ag majeur dans l’extrait ?

Actuellement, l’allergologue ne dispose pas encore des tests moléculaires nécessaires.

La connaissance des allergènes est une étape indispensable à la compréhension des réactivités croisées :

  • Au niveau strictement moléculaire.
  • Et même infra-moléculaire (épitopes...)
  • Ainsi qu’au niveau des familles moléculaires, de leurs caractéristiques et de leur répartition au sein des organismes sources.

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