Les asthmatiques des pays pauvres ont-ils le même comportement statistique ?

vendredi 13 octobre 2006 par Dr Clément FOURNIER1334 visites

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Les asthmatiques des pays pauvres ont-ils le même comportement statistique ?

Les asthmatiques des pays pauvres ont-ils le même comportement statistique ?

vendredi 13 octobre 2006, par Dr Clément FOURNIER

Les facteurs de risque d’asthme aigu grave avec mise en jeu du pronostic vital sont bien identifiés dans les populations des pays riches, mais beaucoup moins dans les populations en voie de développement. Cette étude cas contrôle dans une population de type « tiers-monde » a analysé ces facteurs de risque, et là... surprise....

Étude cas contrôle de l’asthme sévère engageant le pronostic vital dans une population en voie de développement. : L van der Merwe1, A de Klerk1, M Kidd2, P G Bardin1,3 and E M van Schalkwyk1

1 Lung Unit, Department of Internal Medicine, Tygerberg Hospital and University of Stellenbosch, Cape Town, South Africa
2 Centre for Statistical Consultation, University of Stellenbosch, Cape Town, South Africa
3 Department of Respiratory and Sleep Medicine, Monash Medical Centre and University, Melbourne, Australia

dans Thorax 2006 ;61:756-760

 Contexte :

  • Des facteurs de risque distincts de mort par asthme n’ont pas été identifiés dans les populations en voie de développement.
  • Cette étude était réalisée afin de distinguer les facteurs de risque d’asthme sévère engageant le pronostic vital (ASPV), préambule au décès par asthme, dans un pays en voie de développement.

 Méthodes :

  • Une étude cas contrôle était réalisée dans un hôpital universitaire desservant une population en voie de développement dans la province occidentale du Cap, en Afrique du Sud, pendant la période d’octobre 1997 à avril 2000.
  • 30 patients consécutifs avec ASPV admis en unité de soins intensifs (USI) étaient comparés à 60 patients asthmatiques chroniques, sans histoire d’ASPV, qui avaient été vu en externe dans le service de pneumologie de l’hôpital pendant la même période.

 Résultats :

  • Le risque d’ASPV par comparaison aux contrôles augmentait avec les facteurs suivants :
    • le sexe féminin (odds ratio (OR) 3.3 ; 95% CI 1.2 à 9.6, p = 0.02)
    • une habitation rurale (OR 8.1 ; 95% CI 2.6 à 25.3, p = 0.0005)
    • l’absence de revenus formels réguliers (OR 5.7 ; 95% CI 2 to 16.6, p = 0.002)
  • Les patients avec ASPV avaient plus souvent été admis à l’hôpital l’année précédente (OR 8 ; 95% CI 2.5 to 25.2, p = 0.0009), et avaient consulté plus d’une fois aux urgences l’année précédente (OR 4.4 ; 95% CI 1.19 to 16.4, p = 0.04).
  • Les patients avec ASPV utilisaient moins souvent des corticoides inhalés (OR 5.6 ; 95% CI 1.9 to 16.5, p = 0.003) et plus souvent du fénotérol inhalé (OR 6 ; 95% CI 2.2 to 16.2, p = 0.0004).
  • Les patients avec ASPV avaient également des mesures en moyenne plus basses de VEMS (66.9 % de la théorique versus 82.5 % de la théorique ; p = 0.03), et de rapports VEMS / CV (60.7 % de la théorique versus 69.6 % de la théorique ; p = 0.05) ; ces mesures étant réalisées avant l’épisode d’ASPV.

 Conclusion :

  • Les facteurs de risque d’ASPV identifiés dans une zone géographique caractérisée par un contexte socio-économique de « tiers-monde » sont globalement analogues à ceux des autres types de populations.
  • Une habitation rurale et la pauvreté pourraient augmenter le risque d’ASPV.

Cette étude originale pose une question dont la réponse n’est pas forcément évidente : une population en voie de développement présente-t-elle les mêmes facteurs de risque d’asthme aigu grave avec mise en jeu du pronostic vital que les populations « standards » des pays développés ?

Et là... surprise ! Les facteurs de risque identifiés dans cette population sont relativement analogues à ceux d’une population plus riche : antécédent de consultation en urgence l’année précédente, utilisation exclusive de bronchodilatateurs sans traitement de fond par corticoides inhalés, VEMS plus bas, milieu social défavorisé, pauvreté.

On pourrait émettre une critique : en ciblant une population de « tiers-monde », on cible d’emblée un facteur de risque d’asthme grave, à savoir un milieu social défavorisé. Cependant, cette notion reste relative au niveau de société dans lequel on vit. Comme cette étude est réalisée au sein d’une communauté globalement défavorisée, avec des cas contrôle issus de la même population, il est notable de voir que les plus défavorisés parmi les défavorisés sont les plus touchés.

Bien sûr, ces résultats concernent une population limitée d’Afrique du Sud, mais il est intéressant de voir que les facteurs de risques de gravité d’une maladie sont les mêmes dans des populations différentes, ce qui n’est pas vrai pour toutes les maladies. Dans l’asthme, l’environnement naturel a peut être moins d’influence que l’environnement social.