Dermato-allergologie à Dijon, GERDA 2002

jeudi 26 septembre 2002 par Dr Philippe Auriol11385 visites

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Dermato-allergologie à Dijon, GERDA 2002

Dermato-allergologie à Dijon, GERDA 2002

jeudi 26 septembre 2002, par Dr Philippe Auriol

Du26 au 28 septembre se déroule à Dijon le congrès annuel du GERDA : Groupe de Recherche et d’Etude en Dermato-Allergologie.
Comme toujours, le programme est original et ambitieux, et la fréquentation importante par les allergologues Européens voire mondiaux.
Cette édition sera certainement dans la lignée de ses prédecesseurs : allergie aux parfums, dermatites aux antiseptiques, aspects chimiques et réglementaires, rôle des tensio actifs. Les sujets sont comme toujours : passionnants.

Sous un temps couvert mais doux les journées Dijonnaises du Gerda se sont ouvertes dans une ambiance studieuse et calme.

Après un mot d’accueil des Prs Collet et Lacroix, la première journée consacrée aux parfums : leur origine, leurs problèmes cliniques et leurs aspects chimiques la matinée s’est terminée sur les tests allergologiques utiles et nécessaires vis à vis des suspicions d’allergie aux parfums.

Nous revenons donc sur ces différents aspects.

Comment fabrique t on un parfum ?

Mme M.F Cano Brulos (groupe LVMH)

« Le parfum est à la frontière entre l’art et l’industrie ».

Issu d’une composition artistique répondant au cahier des charges d’un industriel, le parfum est une impression sensorielle qui peut-être obtenue par divers

chemins ou « recettes » dont la composition initiale reste la propriété de l’artiste et du scientifique et dont l’exploitation finale relève de l’industrie.

L’usage de produits sensibilisants est bien sûr limité au maximum et sa connaissance diffusée aux allergologues et dermatologues intéressés à l’allergologie mais le secret de fabrication propre à la recette de l’artiste reste un obstacle incontournable que ne résout que partiellement le recours à l’analyse chimique (ou au fractionnement) qui peut être réalisé.

Dermatites dues aux parfums : aspects cliniques

Dr Ducombs

Produit naturel (ou artificiel) responsable d’une sensation olfactive habituellement agréable, le parfum est pourtant une substance complexe dont le contact avec notre organisme n’est pas toujours anodin.

En Europe il est estimé que la population sensibilisée aux « fragrances mix » serait de l’ordre de 0,5 à 5,8% avec une prévalence plus forte chez les femmes et chez les sujets de plus de 65 ans, tandis que les enfants de moins de trois ans seraient plus épargnés.

Les localisations préférentielles des dermatites aux parfums sont : le visage, le cou, les oreilles ou les aisselles avec parfois des localisations péribuccales signant la réaction aux dentifrices , épices et aromates. Les localisations manuelles sont davantage issues de pathologies professionnelles liées à l’usage de produits de ménage parfumés.

Les signes cliniques de la maladie sont variés. Ils vont du simple prurit à l’eczéma allergique en passant par des plaques, des aspects psoriasiques ou pseudolupiques, voire des pigmentations ou dépigmentations locales. Il est rappelé le caractère aérien des parfums vaporisés (spray) responsable parfois de dermatites par procuration (eczéma chez le conjoint) et bien sûr les risques de photo-toxicité et de photosensibilisation qui leur sont attachés.

Le caractère « tout parfumé » de notre société rend difficile l’éviction pourtant seule à même de garantir la pérennité de la guérison.

L’orateur termine par une citation de Plaute : « La plus exquise senteur d’une femme, c’est ne sentir rien. »

Libres propos sur les parfums : aspects réglementaires et expérimentaux

Pr J.P. Marty

De façon très lyrique nos différents auteurs et poètes ont illustré l’importance des parfums pour nous humains : enchanteurs ou répulsifs, ils valorisent un sens sous estimé et sous utilisé de la nature humaine que nous n’utilisons bien souvent qu’inconsciemment.

Les parfums sont plus prosaïquement des « cosmétiques » et sont donc définis dans l’annexe 1 de la directive Européenne sur les cosmétiques (76/768/CEE du 27 juillet 1976) à ce titre le parfum doit donc être un produit ne posant pas de problème de sécurité sanitaire pour le consommateur lors d’une utilisation normale.

Pourtant, parmi les cosmétiques, la notion de recette de fabrication fait des parfums un ingrédient à part qui rend leur étiquetage vague et incomplet excluant parfois même les solvants utilisés pour leur obtention avec pour toute signalisation le mot « parfum » ou « arôme ».

Conscients de ce problème, les industriels se conforment de plus en plus aux recommandations de l’international fragrance association en mettant en œuvre des certificats de conformité identifiants les ingrédients connus pour être sensibilisants ou photo-toxiques avec leurs pourcentages malheureusement les solvants n’ont pas été pris en compte : ils sont pourtant capables d’exacerber tel ou tel ingrédient.

Au niveau Européen, le projet de 7e amendement du 6 juin 2002 propose l’introduction du texte suivant « Les parfums ne doivent pas être utilisés là où ils ne jouent pas un rôle essentiel, en particulier pour les produits destinés aux enfants et les produits pour l’hygiène intime ».

Des comités scientifiques (SCCNFP) proposent de limiter les concentrations en divers substances jugées « à risque » mais celles-ci font également partie de produits naturels (plantes, fleurs épices) ou autres que cosmétiques (produits nettoyants, désodorisants ou même médicaments !).

Quels que soient les choix finaux, il n’en résultera jamais de disparition du risque allergique mais d’une diminution de celui-ci, d’une meilleure gestion du risque.

Laissons nous rêver à un futur qui sentira bon, malgré tout.

Aspects chimiques des allergies aux parfums

Pr JP Lepoittevin

Les parfumeurs travaillent avec une base de plus de 3500 molécules odorantes. Elles peuvent être naturelles ou synthétiques et leur allergénicité est également très variable : haptènes, prohaptènes, allergisantes par oxydation ou autre transformation chimique.

9 familles de molécules ont été identifiées comme fréquemment responsables des allergies :
Les aldéhydes, les cétones, les aldéhydes esters et cétones alpha-bêta insaturés, les phényls esters, les hydroquinones et précurseurs, les catéchols et précurseurs, les anhydrides, les amines aromatiques et enfin, les halogénures.

Au delà de ces allergènes de contact s’ajoute une susceptibilité individuelle liée à notre capacité à dégrader, modifier, métaboliser ces substances.

Les terpènes et produits d’oxydation des matières végétales sont omniprésents et participent à la pharmacopée pour leurs qualités antiseptiques ce sont également de redoutables allergènes difficilement évitables.

La limitation de l’allergénicité d’un parfum relève donc de précautions diverses : à la source mais aussi dans la conservation de la substance qui se modifie à l’air, à la chaleur, à la lumière.

Parfums - Allergènes classiques et nouveaux allergènes : comment les tester ?

Pr Goosens

Allergènes récurrents de notre environnement les parfums sont omniprésents dans nos activités : du topique pharmaceutique aux produits industriels, en passant par les produits ménagers. Pourtant au delà des parfums de la batterie standard : les produits de dégradation et/ou les contaminants sont également responsables de dermatites.

La batterie standard Européenne comprend en parfums le baume du pérou, la colophane et les fragrances mix et la prévalence de la sensibilisation à ces allergènes semble être de l’ordre de 6 à 12%. Au delà de cette batterie, l’usage d’huiles essentielles en complément sont utiles pour améliorer les dépistages de ces sensibilisations.

Les techniques à utiliser pour diagnostiquer une sensibilisation aux parfums ne doivent pas se limiter aux traditionnels patchs tests mais souvent il faudra les compléter d’un ROAT (repeated open application tests).

Il existe des associations de sensibilités aux parfums (huile de lavande, huile de pin et huile d’écorce d’orange) mais aussi des associations « logiques » par familles de plantes comme par exemple les Astéracées ou encore entre familles chimiques comme l’aldéhyde et l’alcool cinnamique.

Tous ces petits faits montrent que le test « fragrance mix » actuel est limité, ne permettant un diagnostic que dans au mieux 80% des sensibilisations, un fragrance mix 2 devrait venir remplacer le précédent dans un proche avenir.

Petite histoire du parfum

Dr Pons-Guiraud

De l’Orient il y a plus de 4000 ans à l’Europe d’aujourd’hui, le parfum est le témoin de notre désir de séduction, de rêve et de mieux être :les expressions « bien se sentir » et « se sentir mieux » témoignent de ce désir permanent.

Le terme parfum vient du latin « per fumum » signifiant « à travers la fumée » et il s’appliquait alors aux offrandes purificatrices faites aux dieux.

Les Egyptiens ont longtemps utilisé les baumes dans toutes les classes de la population et ont fait preuve de nombreux raffinements avec les cônes de suif parfumés portés par tous.

Les Grecs les utilisent en eaux parfumées aux herbes et aux fleurs, en huiles et déjà : en thérapeutique. Ce sont eux qui ont effectué les premières distillations et…les premiers flacons connus.

Les Romains ne sont pas des adeptes des arts du parfum et Cicéron disait même que l’ « on apprécie bien plus ce qui sent la terre que ce qui sent le safran ». Pourtant à l’époque de Néron les banquets signent l’arrivée des senteurs de façon massive : aliments, parfums d’intérieur mais également dans les thermes.

Le moyen âge signe la consécration des plantes dans l’usage médical plus que pour leurs senteurs qui témoignent de la décadence antique pourtant les médecins persans reviennent vite vers la distillerie et sont les grands parfumeurs de l’époque.

La Renaissance signe l’usage des parfums en crèmes, onguents ou papier comme « masquant » des odeurs corporelles.

Au 18e siècle Grasse domine la parfumerie mondiale et l’art du flacon trouve là son apogée.

Le 19e siècle est celui de la chimie et de l’industrialisation qui se complètera rapidement de la mondialisation où une dizaine de grand groupes se partagent 80% du marché mondial

Au delà de la senteur ce sont tous les effets des parfums qui sont désormais exploités : rôle dans l’immunité, le psychisme, l’endocrine : tantôt relaxant, tantôt stimulant ce sont parfois aussi des antiseptiques.

Au travers du temps les usages des parfums varient, ils témoignent toujours de l’esprit du temps.

Allergie aux cosmétiques : quoi de neuf ?

Dr Vigan

Au delà des allergènes usuels que sont les parfums, les cosmétiques sont sources de nombreuses sensibilisations.

Les cosmétiques sont selon le code de Santé Publique (Art.L.65 P8-1 du livre 5) :

« Toute substance ou préparation autre que les médicaments, destinée à être mise en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain ou avec les dents et muqueuses en vue de les nettoyer, de les protéger ou de les maintenir en bon étét, d’en modifier l’aspect, de les parfumer ou d’en corriger l’odeur. »

Quels sont donc ces nouveaux allergènes ? Il est difficile de déjà déterminer s’il s’agit bien de « nouveautés » ou de remise au goût du jour d’anciens allergènes.

Les suspects du moment sont :

 Parfois lié à un mélange (mix) : comme avec l’huile essentielle du tea tree oil ou le shellac du mascara.
 Parfois incertains comme la vitamine C, ou le methoxy17/dodécyl glycol copolymere
 Parfois présents dans des sources multiples comme l’IPBC conservateur nouveau venu en cosmétique mais très utilisé dans des produits de l’environnement.
 Parfois issus de « la médecine naturelle » : akylammonium amidobenzoate
 Parfois peu..publiés : quaternium22, noir oxyde de fer, laureth 9ou isopalmityl glycéryl sébacate.

D’autres sont justes remis au goût du jour :

 La ppd pour laquelle des alternatives se font jour mais pour laquelle l’usage s’étend désormais aux tatouages semi-permanents..
 La cocamidopropylbétaïne dont la composition a changé mais qui rapporte tout de même de nouveaux cas.
 Les filtres solaires :où les allergiques au kétoprofène semblent également réagir à l’oxybenzone et aux substances qui lui sont proches.

D’autres sont issus de la cosméto vigilance :
 Anaphylaxie aux collagènes
 urticaire aux huiles de sésame ou aux protéines de blé

Le dynamisme de l’industrie du cosmétique est source d’innovations permanentes mais il est également source de réactions nouvelles ou de remise au goût du jour d’allergènes déjà connus.

Le point sur les tensio actifs

Dr Milpied-Homsi

Les tensio actifs sont des substances qui se placent entre deux milieux non missibles selon leur caractère ionique, ils sont classés en anioniques ou cationiques.

 Les anioniques sont surtout détergents et moussants.
 Les cationiques sont plutôt germicides
 Les non ioniques sont plus doux et émulsionnants.
 Les amphotères très détergents et moussants mais pourtant assez bien tolérés d’où leur usage dans les shampooings.

 Les anioniques présentent un pouvoir sensibilisant faible (lauryl sulfate de sodium, lauryl ether sulfate de sodium).
 Les cationiques sont connus pour leur effet sensibilisant avec en acteur majeur le chlorure de benzalkonium.

Très variés et omni-présents, les tensio actifs étaient connus pour leurs effets irritants, désormais il convient de noter aussi des effets allergisants, rares mais présents.

Dermatites de contact aux antiseptiques

Pr Barbaud

La réactivité cutanée lors de l’usage des antiseptiques n’est pas une nouveauté, pas plus que l’allergénicité potentielle de certaines de ces substances.

Par ordre décroissant de fréquence de sensibilisation les antiseptiques allergisants sont :

 Thiomersal
 Merbromine
 Iode
 Cetrimide
 Chlorhexidine
 Chloracétamide
 Alcool
 Hexamidine
 Chlorure de Benzalkonium

A noter que l’alcool éthylique donne des allergies essentiellement par les ajouts qui lui sont faits : camphre, tartrazine ou autre colorant mais qu’il est parfois responsable de sensibilisation authentiques immédiates ou retardées. Il se testera alors en test ouvert avec de l’alcool pur ou en patchs à l’alcool pur à lecture retardée (48 à 96heures). Il existe des allergies associées avec certains corticoïdes.

Tous les antiseptiques sont sensibilisants : leur usage répété sur des peaux lésées est un facteur de risque de sensibilisation et les conséquences peuvent parfois aller bien au-delà de la réaction locale entraînant la contre-indication ultérieure des produits de même parentée.


Une longue et intéressante journée consacrée aux allergies dermatologiques et bien au delà : les parfums sont notre quotidien et ont envahi tous les domaines de notre vie. Il existe bien sûr des sensibilisations nouvelles, des allergènes nouveaux mais au delà, c’est notre façon de vivre qui doit être imprégnée de ces risques de façon à ce que nous assumions nos risques....agréablement !

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