Dermatite atopique : le bouc émissaire est en fait un chat !!

lundi 29 septembre 2008 par Dr Stéphane Guez3201 visites

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Dermatite atopique : le bouc émissaire est en fait un chat !!

Dermatite atopique : le bouc émissaire est en fait un chat !!

lundi 29 septembre 2008, par Dr Stéphane Guez

La dermatite atopique est une maladie certes qui s’améliore le plus souvent au cours de la vie mais qui handicape sérieusement les premières années du nourrisson atteint. Il serait très important de déterminer les facteurs à l’origine de cette affection chronique invalidante.

Interaction entre gènes et environnement dans l’apparition de l’eczéma de la petite enfance : les mutations qui entraînent une perte de fonction de la filagrine augmentent lors d’une exposition néonatale au chat. : Bisgaard H, Simpson A, Palmer CN, Bønnelykke K, McLean I, Mukhopadhyay S, Pipper CB, Halkjaer LB, Lipworth B, Hankinson J, Woodcock A, Custovic A.

Copenhagen Prospective Studies on Asthma in Childhood, Danish Paediatric Asthma Centre, Copenhagen, University Hospital Gentofte, Copenhagen, Denmark. bisgaard@copsac.com

dans PLoS Med. 2008 Jun 24 ;5(6):e131.Click here to read

 Introduction :

  • Les variants entraînant une perte de fonction du gène qui code l’expression de la filagrine (FLG) sont des facteurs déterminants de l’eczéma.
  • Les auteurs proposent l’hypothèse suivante : une altération de la barrière physique cutanée chez les patients ayant une altération de la filagrine pourrait potentialiser les effets d’une exposition environnementale.
  • Les auteurs ont donc étudiés s’il existe une interaction entre les mutations de la filagrine et l’exposition environnementale (animaux domestiques et acariens) sur le développement d’un eczéma atopique.

 Matériel et méthode :

  • Les auteurs ont utilisé les données, portant sur le très jeune age, d’une étude de cohorte qui suit des enfants à haut risque depuis la naissance au Danemark.
  • Les résultats ont été également appliqués à une cohorte d’enfants non sélectionnés et suivis depuis la naissance en Angleterre.
  • Les marqueurs principaux étaient :
    • l’age de début de l’eczéma,
    • l’exposition environnementale incluant :
      • la présence d’un animal domestique dans l’habitat
      • et les taux d’allergènes en acariens et animaux domestiques.

 Résultats :

  • A Copenhague, (n=379), les mutations de la FLG :
    • augmentent le risque d’eczéma durant la première année de vie (p=0.005)
    • avec une augmentation du risque liée à une exposition au chat parmi les enfants ayant une mutation de la FLG (p<0.0001).
  • L’exposition au chien est modérément protectrice (p=0.05) mais n’est pas liée au génotype de la FLG.
  • A Manchester (n=503) une association significative et indépendante entre le développement d’une eczéma à l’age de 12 mois et la mutation de la FLG est confirmée (p=0.02).
  • De plus le risque augmente du fait de l’interaction entre la présence d’un chat à domicile à la naissance et le génotype de la FLG (p=0.01), avec une absence de relation significative avec la présence d’un chien à domicile (p=0.43).
  • Les allergènes acariens n’ont aucun effet sur aucune des 2 cohortes.
  • Ces résultats sont indépendants d’une sensibilisation.

 Conclusions :

  • Les auteurs ont démontré une interaction significative entre la perte de fonction par mutation de la FLG et le fait qu’il y ait un chat au domicile dans l’apparition d’un eczéma dans les premiers mois de vie et ceci dans 2 cohortes de naissance indépendantes.
  • Ces données suggèrent que le fait d’avoir un chat mais non un chien augmente de façon significative le risque de développer une dermatite atopique dans les premières années de vie chez des enfants ayant une mutation délétère de la FLG, mais non parmi les enfants n’ayant pas cette mutation.
  • Les patients ayant une mutation de la FLG devraient bénéficier d’une éviction totale du chat mais pas du chien dans la petite enfance.

Dans ce travail épidémiologique, les auteurs trouvent une relation entre des mutations modifiant la filagrine et la présence d’un environnement riche en allergène du chat chez les nourrissons atteints de dermatite atopique. Cette association n’existe pas pour les autres allergènes comme les acariens ou le chien.

Ce travail doit être pris sans doute avec beaucoup de précaution.

L’hypothèse d’une anomalie du gène codant pour la filagrine et responsable d’une altération de la barrière cutanée avec augmentation de la perte d’eau et sécheresse est très séduisante. Des mutations ont été trouvées qui sont associées avec des formes sévères de dermatite atopique.

Mais le lien avec l’environnement peut se discuter.

D’abord dans ce travail, et cela dans les 2 cohortes, le nombre de patients ayant une mutation du gène de la filagrine est trop petit et encore moins ceux qui ont un chat à domicile (5 patients dans l’étude de Copenhague et 11 dans l’étude anglaise). Même si le lien statistique semble fort, le nombre de patients est très faible et un seul patient mal classé changerait entièrement les résultats.

D’autant que l’on peut être étonné de l’absence de lien démontré avec d’autres allergènes pourtant communs dans l’environnement comme les acariens ou le chien.

Il faut donc attendre des confirmations avant de ré-interdire un chat à la maison, d’autant que d’autres études épidémiologiques ont montré l’inverse : à savoir qu’un chat à la maison rendrait moins allergique que l’absence de chat.

Sauf à penser que l’allergène du chat (mais lequel ?) aurait une fonction immunologique très particulière qui favoriserait spécifiquement le développement d’une dermatite atopique ?