L’eczéma c’est vraiment énervant.

mercredi 9 mars 2011 par Dr Céline Palussière1083 visites

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L’eczéma c’est vraiment énervant.

L’eczéma c’est vraiment énervant.

mercredi 9 mars 2011, par Dr Céline Palussière

Eczéma du nourrisson, troubles du sommeil du nourrisson et santé mentale à l’âge de 10 ans : l’étude prospective de cohorte de naissance LISAplus. : Schmitt, J., Chen, C.-M., Apfelbacher, C., Romanos, M., Lehmann, I., Herbarth, O., Schaaf, B., Kraemer, U., von Berg, A., Wichmann, H.-E., Heinrich, J. and the LISA-plus Study Group (2011),

Infant eczema, infant sleeping problems, and mental health at 10 years of age : the prospective birth cohort study LISAplus.

dans Allergy, 66 : 404–411. doi : 10.1111/j.1398-9995.2010.02487.x

 Contexte :

  • Les études transversales suggèrent une association entre l’eczéma et les problèmes de santé mentale, qui peut être altérée par des problèmes de sommeil, mais les preuves prospectives manquent.
  • Nous avions pour but d’étudier de façon prospective les relations entre l’eczéma du nourrisson (avant l’âge de 2 ans), les troubles du sommeil (avant l’âge de 2 ans), et le risque de troubles mentaux à l’âge de 10 ans.

 Méthodes :

  • Entre 1997 et 1999, une étude de cohorte de naissance a été constituée à Munich, Leipzig, Wesel et Bad Honnef, en Allemagne, et suivie jusqu’à l’âge de 10 ans.
  • Le diagnostic d’eczéma porté par un médecin, les problèmes de sommeil rapportés par les parents, et les facteurs de risques environnementaux connus pour l’atopie étaient régulièrement mesurés jusqu’à l’âge de 10 ans.
  • La santé mentale était mesurée grâce au SDQ (Strength and Difficulties questionnaire, version parentale) à l’âge de 10 ans.
  • Nous avons appliqué un modèle de régression logistique ajustant les facteurs environnementaux et de mode de vie, les comorbidités allergiques, et les antécédents familiaux d’allergie.

 Résultats :

  • Sur la cohorte initiale de 3097 nouveaux-nés, 1658 (54%) ont été suivis jusqu’à 10 ans, et 1578 (51%) étaient éligibles pour analyse.
  • Dans le modèle entièrement ajusté, les enfants ayant présenté un eczéma du nourrisson avaient un risque augmenté d’hyperactivité/troubles de l’attention à l’âge de 10 ans [odds ratio (OR) 1.78 ; intervalle de confiance de 95% (IC95%) 1.02-3.09].
  • L’eczéma du nourrisson concomitant à des troubles du sommeil était prédictif de problèmes émotionnels [OR 2.63 ; IC95% 1.20-5.76] et troubles des conduites (OR 3.03 : IC95% 1.01-9.12) à l’âge de 10 ans.

 Conclusions :

  • L’eczéma du nourrisson associé à des troubles du sommeil apparaît comme un risque de développement de problèmes de santé mentale.

Les liens entre l’eczéma et les facteurs émotionnels sont très souvent évoqués : les manifestations cutanées sont alors considérées comme le reflet d’un désordre psychique, en particulier l’angoisse.

Les auteurs allemands de cette étude ont cherché à mesurer un lien potentiel, mais en l’envisageant dans l’autre sens : les troubles psychiques comme conséquence d’un eczéma du nourrisson.

Une cohorte de 1600 nouveaux-nés a ainsi été suivie jusqu’à l’âge de 10 ans, avec évaluation de l’état cutané par un médecin et prise en compte des facteurs de risque atopiques de l’enfant. A 10 ans, les parents remplissaient un questionnaire permettant d’évaluer l’état psychique de l’enfant.

Une évaluation chiffrée d’un état psychique, grâce à un questionnaire (le questionnaire SDQ comporte 25 items à renseigner)... la méthode peut laisser dubitatif quant à la prise en compte des paramètres qui entrent en compte pour un enfant de 10 ans. L’étude n’était cependant pas menée par des psychiatres ou psychologues, et le retentissement psychique de l’atopie n’était qu’un des points étudiés dans cette cohorte, tout comme l’exposition aux polluants ou aux allergènes.

Quoi qu’il en soit, l’eczéma diagnostiqué chez les nourrissons avant l’âge de 2 ans était un facteur de risque de troubles de l’attention (risque multiplié par 2) et de troubles des conduites à 10 ans (risque multiplié par 3 lorsque l’eczéma s’accompagnait de troubles du sommeil).

Nos petits patients souffrant d’eczéma seraient ainsi plus à risque de développer des troubles émotionnels au cours de leur enfance, notamment lorsque leur sommeil est perturbé. Il n’était déjà pas facile de supporter de voir ces bébés se frotter dans leur lit à cause des démangeaisons, la prise en compte de l’eczéma n’en devient que plus impérative.

L’hypothèse développée ici est tout à fait originale, en renversant le lien de causalité habituellement évoqué entre psychisme et eczéma. La réalité se tient peut-être entre les deux, avec un auto-entretien de l’eczéma par le stress, et des difficultés émotionnelles favorisées par le prurit et les troubles du sommeil.

Bien que la technique d’évaluation psychologique semble quelque peu réductive, cette étude a ainsi le mérite de mettre en lumière la nécessité d’une prise en charge globale de l’individu atopique, dans sa composante somatique et psychique.