Arrivé sous la pluie au palais des congrès Moscone West de San Francisco pour ce samedi matin.
J’ai laissé mes collègues rédacteurs choisir leurs sessions et me suis reporté sur la chasse aux « abstracts » qui donne toujours une bonne impression des sujets des centres d’intérêt des allergologues du monde entier.
Toute une session de posters était donc réservée aux allergies alimentaires, à l’immunothérapie spécifique des aliments et à l’induction de la tolérance alimentaire.
Nombre de travaux ont été effectués sur divers trophallergènes dont principalement le lait de vache, l’arachide et l’œuf de poule.
Une première étude d’origine espagnole “Early Induction Of Oral Tolerance Protocol (OTI) In Children With Cow’S Milk Allergy. M. Reche1, T. Valbuena1, A. Fiandor2, A. Padial1, A. Cañete1, C. Pascual1 ;
1Hospital Infanta Sofía, Madrid, SPAIN, 2Hospital Universitario La Paz, Madrid, SPAIN.”
Cette étude concerne 20 enfants âgés de moins de 2 ans présentant tous une allergie avérée au lait de vache qui ont été séparés en deux groupes appariés.
Les enfants du groupe patients subissaient une induction de tolérance orale, les autres étant soumis au classique régime d’éviction stricte.
Un an après, ils sont réévalués et de façon statistiquement significative tous les enfants du groupe induction de tolérance orale sont non allergiques au lait alors que seuls 3 patients du groupe témoins (régime) ne sont pas réactifs. Les enfants du groupe patients ont clairement des IgE spécifiques plus basses pour le lait de vache. Tout cela sans effets secondaires notables.
Une autre étude aborde justement l’aspect sécurité de l’immunothérapie orale à l’arachide, « The Safety of Peanut Oral Immunotherapy in Peanut Allergic Subjects in a Single Center Trial B. Weldon, G. Yu, S. Neale-May, T. Hunter, K. Nadeau ;
Stanford University, Stanford, CA.”
Les 24 sujets âgés de 5 à 45 ans présentaient des réactions cliniques modérées à sévères à l’ingestion d’arachide et avaient des IgE spécifiques supérieures ou égales à 7 kU/L.
Le protocole d’ITO comprenait la prise de 3777 doses d’abord avec une initialisation à l’hôpital puis une période de deux semaines à domicile d’augmentation des doses puis doses d’entretien.
21 patients ont rapporté des réactions pour la plupart légères (85%) résolutives avec la prise d’anti-histaminiques.
Il a été noté 3 réactions sévères ayant nécessité l’administration d’adrénaline.
De l’avis des auteurs, on peut considérer cette méthode comme suffisamment sûre.
D’autres auteurs, américains cette fois-ci “Oral Immunotherapy (OIT) of Food Allergy (FA) Successfully Desensitizes Most Patients :
A. R. Gallucci, R. L. Wasserman, R. W. Sugerman, N. Mireku-Akomeah, D. M. Pence, N. A. Long ;
DallasAllergyImmunology, Dallas, TX.”, rappellent combien l’allergie alimentaire représente un handicap dans la vie courante où l’éviction alimentaire ne met pas à l’abri d’un contact accidentel avec le trophallergène redouté.
Ils ont pratiqué un examen rétrospectif d’études concernant l’immunothérapie orale alimentaire pour l’œuf, le lait, l’arachide et le blé.
Cette revue relate l’histoire de 75 patients qui ont subi cette immunothérapie vis-à-vis du trophallergène responsable.
10 patients n’ont pas été acceptés dans l’étude du fait de réactions immédiates par trop sévères, d’une oesophagite à éosinophiles ou d’un dégoût alimentaire marqué.
53/85 réactions sont apparues chez des patients ayant un taux d’IgE spécifiques prédictif à plus de 95% d’un risque anaphylactique.
Les auteurs ont recouru 22 fois à l’adrénaline.
La majorité des patients ont vu leur risque de réaction anaphylactique se réduire avec une amélioration de la qualité de vie.
Autre question abordée par d’autres auteurs, “Effect of Peanut Oral Immunotherapy (OIT) on Other Food Allergen-Specific IgE Levels. J. A. Bird1, M. Kulis2, N. Kamilaris2, P. Varshney2, L. Pons2, B. Vickery2, A. W. Burks2 ;
1University of Texas Southwestern Medical Center, Dallas, TX, 2Duke University Medical Center, Durham, NC”,
Est-ce que le fait de pratiquer une immunothérapie orale à l’arachide joue un rôle sur l’IgE réactivité associée à d’autres aliments comme la noisette, la pistache, le soja ou l’œuf ? Significativement l’importance de l’IgE-réactivité spécifique de l’arachide diminue en cas d’immunothérapie spécifique orale à cette légumineuse mais ne modifie en rien celle des autres aliments co-réactifs.
Des auteurs israéliens « Adverse Reactions During Home Dosing on a Milk Oral Immunotherapy (MOI) Program
M. B. Levy, M. R. Goldberg, M. L. Stein, A. Elizur, A. Cohen, M. Zimmerman, Y. Katz ;
Assaf-Harofeh Medical Center, Zerifin, ISRAEL.” ont évalué les réactions adverses lors d’une immunothérapie spécifique orale au lait de vache.
L’étude regroupe 103 patients chez qui une allergie au lait de vache a été mise en évidence.
Le protocole comprenait une phase de 4 jours d’hospitalisation afin d’obtenir la dose maximale tolérée individuelle.
Cette dose était ensuite répétée à domicile deux fois par jour durant 24 jours, puis le cycle était répété. Tous les patients avaient reçu des instructions afin d’utiliser correctement, en cas de besoin, bronchodilatateur, antihistaminiques, corticoïdes et adrénaline auto-injectable.
72/103 patients ont été capables de tolérer plus de 150 mg de protéines de lait après trois cycles.
Sur 2453 doses, il y a eu 40 injections d’adrénaline (1,6%) et 88 autres traitements. Pas d’hospitalisation. Les auteurs estiment qu’il s’agit d’un rapport bénéfice/risque acceptable dans le cas de cette allergie très handicapante.
Nous redoutons tous les réactions allergiques sévères lors de ce type de traitement, mais qu’en est-il des réactions ne mettant certes pas le pronostic vital en jeu mais particulièrement gênante comme l’oesophagite à éosinophiles. ?
C’est le propos de l’étude suivante, « Peanut Oral Immunotherapy (OIT) of Food Allergy (FA) Carries a Significant Risk of Eosinophilic Esophagitis (EoE).
R. L. Wasserman, R. W. Sugerman, N. Mireku-Akomeah, A. R. Gallucci, D. M. Pence, N. A. Long ;
DallasAllergyImmunology, Dallas, TX”.
Si l’immunothérapie orale améliore nettement la qualité de vie, si les réactions immédiates sont quasiment toujours maitrisées, qu’en est-il du risque d’oesophagite à éosinophiles avec son cortège symptomatique de douleurs abdominales, de dyspepsies, de vomissements, de diarrhées ?
Dans cette étude rétrospective reprenant le cas de 75 patients présentant des allergies alimentaires à l’œuf, au lait, à l’arachide ou au blé et ayant été traitées par immunothérapie orale, 39 d’entre eux ont développé de novo une symptomatologie digestive évocatrice d’oesophagite à éosinophiles.
De plus, il n’existe pas d’élément prédictif de cette réaction adverse.
Ainsi, si certes, l’immunothérapie orale apparaît comme étant efficace, ce qui encourage à y recourir, par contre, le développement imprévisible de l’oesophagite à éosinophile limite son usage.
Autre étude concernant les réactions non-IgE dépendante lors d’une immunothérapie spécifique au lait de vache, « Non-IgE Mediated Reactions to Milk Oral Immunotherapy (MOI).
M. L. Stein, M. R. Goldberg, M. B. Levy, G. Herman, E. Broide, A. Elizur, A. Cohen, M. Zimmerman, Y. Katz ;
Assaf-Harofeh Medical Center, Zerifin, ISRAEL.”
Ici, les 103 patients enrôlés ont suivi 4 cycles d’immunothérapie orale.
Onze d’entre eux ont subi des réactions non-IgE incluant vomissements, douleurs abdominales, refus de prendre du lait.
La modification du protocole permettait rapidement la sédation symptomatique et la diminution l’éosinophilie sanguine.
Le seul patient ayant subi une fibroscopie œsogastrique avait une biopsie présentant un infiltrat significatif à éosinophiles.
Il faut retenir de ces études que l’immunothérapie orale spécifique des trophallergènes est sans nul doute une voie d’avenir.
Certes, il faudra préciser les protocoles, les valider. Certes, il faudra sans doute passer par une hospitalisation de courte durée pour obtenir en toute sécurité la dose tolérable.
Qu’il ne faudra pas la redouter du seul fait de réactions allergiques parfois possiblement sévères, elles sont toutes accessibles à un traitement efficace d’urgence.
Que le rapport bénéfice/risque est en faveur de son usage.
Par contre, la prévalence du risque d’oesophagite à éosinophilie nécessite d’être précisée, les facteurs prédictifs à découvrir ainsi qu’un traitement préventif.
Et qu’enfin bien sûr, des études de plus grande envergure et avec des protocoles de plus haut niveau statistique sont nécessaires pour confirmation. En effet, ces petites études montrent trop souvent des résultats disparates.
Autre aspect dans le cadre large de l’allergie alimentaire est le traitement par l’Omilizumab, « Treatment Of Severe And Persistent Food Allergy With Omalizumab
M. Peña Peloche, M. Hinojosa Macías, B. De La Hoz Caballer, S. Terrados Cepeda, M. Berges Gimeno, B. Huertas Barbudo, E. Álvarez-Cuesta ;
Allergy Division Ramon y Cajal Hospital, Madrid, SPAIN. »
Ces auteurs ont sélectionné sept enfants de plus de 6 ans présentant la persistance d’une allergie au lait de vache ou à l’œuf de poule ayant tous des antécédents d’anaphylaxie, des tests cutanés et sériques positifs.
Ils ont reçu durant 16 semaines un traitement adapté par Omalizumab. Quatre patients ont pu subir un TPO sans aucune réaction. Les trois autres ont pu pratiquer une induction de tolérance orale.
Nous voyons ici tout l’intérêt du recours à l’anti-IgE tant du point de vue du risque d’allergie aiguë alimentaire que dans la facilitation de l’induction de la tolérance, ici dans le cas de l’allergie alimentaire persistante sévère.
L’Omalizumab trouve une autre indication accessoire dans la dermatite atopique, « Omalizumab Is Effective On Atopic Dermatitis Patients With Very High Ige Without Neutralizing Serum Ige And Down-regulating FcεRi On Basophils
W. Hung1, J. Chen2, T. Chang2, Y. Chen1,3 ;
1Taichung veteran general hospital, Taichung, TAIWAN, 2Genomics Research Center, Academia Sinica, Taipei, TAIWAN, 3School of Medicine, National Yang-Ming University, Taipei, TAIWAN.”.
Deux adultes présentant une dermatite atopique persistante ayant des niveaux d’IgE totales sériques respectivement à 6240 et 9700 U/L ont été inclus.
Avant la mise en place du protocole Omalizumab, la DA a été évaluée à l’aide du score SCORAD, des IgE totales sériques et des IgE fixées sur les FcεRI des basophiles.
Quarante-deux jours plus tard une nouvelle évaluation est pratiquée. Pour le patient numéro un, le SCORAD passe de 55 à 14, les IgE libres diminuent de 25,2% et les IgE fixées sur les basophiles de 41,8%. Pour le deuxième patient, ces chiffres sont respectivement de 39 à 21, 69,4% et 61,5%.
Ce travail confirme le rôle moteur central des IgE et montre un intérêt certain dans le traitement de ces DA persistantes de l’adulte qui grèvent gravement la qualité de vie.
Autre aspect de l’allergie à l’œuf de poule, celui de son implication dans un risque de réaction lors de l’usage de vaccins cultivés sur œuf, comme c’est le cas pour le vaccin grippal. « Effect of Egg Allergy on Influenza Vaccination.
S. L. Logsdon, K. F. von Tiehl, A. H. Assa’ad ;
Cincinnati Children’s Hospital Medical Center, Cincinnati, OH.”
Certes, il s’agit d’un sujet déjà maintes fois débattu et qui semble avoir été tranché. Cette étude confirme aucun cas d’anaphylaxie n’est survenue après vaccination. Les auteurs de conclure que les tests cutanés avec le vaccin grippal avant de pratiquer la vaccination n’a que peu d’intérêt.
J’ai pu m’entretenir avec un des auteurs d’une étude concernant une suspicion d’allergie au nitrile. « Hypersensitivity To Nitrile As A Contact Allergen. S. Kumar1, J. Moallem2, R. Joks2 ;
1Virginia Commonwealth University, RICHMOND, VA, 2SUNY Downstate Medical Center, BROOKLYN, NY”.
Nous le savons en milieu hospitalier les produits en nitrile remplacent ceux en latex en cas d’allergie.
L’étude ne regroupe malheureusement que 3 patients présentant une réaction au contact du nitrile, ils ont tous trois subi un test cutané modifié au nitrile (piqure de la peau, puis du nitrile puis de l’ensemble) à la recherche d’une réaction immédiate et des tests épicutanés à l’aide de Finn Chamber à la recherche d’une réaction retardée.
Les trois patients ont eu des réactions immédiates mais aucun des réactions retardées.
Cette étude est très critiquable. S’agit-il vraiment de réactions IgE dépendante ? Ne pourrait-il pas s’agir de réactions non spécifiques ? Nous voyons assez souvent des soignants se plaindre d’allergie au latex alors même que le bilan allergologique est parfaitement négatif. Il se peut que nous soyons dans le même cas ici. Toutefois, il faudra être vigilant. Et ne pas hésiter à tester le nitrile.
Mécanismes de l’induction de la tolérance dans la maladie allergique.
Judith A. Woodfolk, Associate Professor, Asthma et allergic diseases Center, University of Virginia. USA
Avant d’aborder ces mécanismes, il convient de rappeler la définition de la tolérance.
- Il s’agit d’une anomalie de la réponse immunitaire à l’encontre d’un antigène étranger créée par manipulation du système immun.
- Ainsi, il faut comprendre la tolérance comme un processus actif.
Pour l’auteur, toutes les variétés connues d’immunothérapie spécifiques induisent l’acquisition de la tolérance. Toutes ces approches font intervenir l’induction des lymphocytes T régulateurs et la suppression de la réponse pathogène Th2.
Les objectifs de l’induction de la tolérance sont
- l’amélioration symptomatique,
- la diminution de la libération des médiateurs par les mastocytes et les basophiles,
- l’augmentation de la production des anticorps bloquant comme les IgG1, IgG4, IgA,
- la diminution de la production des IgE,
- le switch Th2 vers Th1,
- la diminution de la prolifération des cellules T et
- l’augmentation du nombre des T régulateurs (CD25+ Foxp 3+, CD25+ IL10+).
Les lymphocytes T régulateurs jouent un rôle clé dans la correction de la pathogénie de la maladie allergique à IgE.
- Ces Treg CD25+ CD4+ sont à l’origine de la production de l’IL-10 ou du TGF-Bêta qui permettent d’accroitre la suppression de Th2, ce qui aboutit à une protection contre le développement de la maladie allergique et améliore la symptomatologie.
- De nombreuses études sur l’homme montrent que les T régulateurs modulent la réponse Th2 induite par l’allergène avec diminution de la sécrétion des interleukines propres à cette cellule.
- C’est ce qui a été décrit dans le cas des patients recevant une immunothérapie spécifique des pollens de Graminées.
Il est intéressant de revenir sur l’IL-10.
- Une étude d’AKDIS met en évidence, dans le cadre d’une ITS ultra-rush au venin d’abeille, une diminution de la prolifération in vitro des cellules T exposées à la PLA2.
- Ces modifications qui apparaissent au septième jour et se maintiennent ensuite durant la poursuite de l’ITS sont associées à une diminution des cytokines du profil Th2 et à une augmentation marquée de l’IL-10.
Autre aspect qui m’apparaît intéressant, c’est la notion d’allergène tolérogène. L’auteur rappelle un travail de son équipe.
- L’exposition naturelle à de hauts niveaux d’allergènes félins dans l’environnement induit une réponse immune protective avec modification de la réponse Th2, augmentation des IgG spécifiques de Fel d 1 sans IgE ou symptômes.
- L’étude de la cartographie des épitopes des cellules T spécifiques de Fel d 1 permet d’identifier deux chaines dont la partie amino-terminale de la chaine numéro 2 induit préférentiellement soit IL-10 soit INF-gamma, que les cellules proviennent de sujets allergiques ou non allergiques.
- La moitié des patients présentant une modification de la réponse Th2 exprimaient le complexe majeur d’histocompatibilité HLA-DBR1 allèle *0701.
D’autres études suggèrent que les cellules T CD25+ peuvent supprimer la réactivité vis-à-vis d’un allergène par une façon indépendante de l’IL-10.
- Ainsi, chez des patients recevant une ITSL acariens domestiques depuis 12 mois (étude en double aveugle contre placebo), l’efficacité clinique est associée à une augmentation des T régulateurs indépendamment de l’IL-10 mais dépendant du TGF-Bêta dans la suppression des cellules T spécifiques de l’allergène.
A noter toutefois, que dans le domaine de la modulation immune des mécanismes allergiques IgE dépendants, il est difficile de faire la distinction entre l’induction de Tregs adaptatifs et l’expansion des Tregs naturels.
En intégrant l’ensemble des ces données autour des interactions entre cellules dendritiques, cellules T effectrices et Tregs, nous pouvons distinguer différentes actions.
- Celles concernant la suppression directe des cellules T par l’IL-10, l’IL-35, TGF-Bêta, la consommation d’IL-2, la galectine-1 et la cytolyse.
- Celles concernant la suppression des CPA par CTLA-4/CD80 ou CD86, LAG-3/CMHII, CD39/AMP, Nrp-1.
- Celles concernant des mécanismes et des molécules additionnels LAP, GARP, IRF-4 (Th2) et STAT-3 (Th17).
En définitive, quel est le meilleur moyen d’induire une tolérance via les T régulateurs ?
- Il suffit de constater le nombre des acteurs impliqués pour comprendre que la réponse ne sera pas univoque.
- Nous pouvons commencer par l’immunothérapie allergénique sous toutes ses formes tant du point de vue de la voie d’administration que du type d’allergènes (extrait, allergène purifié, peptide).
- Ensuite viennent l’action des infections bactériennes comme les probiotiques, les bifidobactérium ;
- les antagonistes systémiques synthétiques TLR agonistes (LPS) ;
- les modulateurs immuns helminthiques ou dérivés ;
- la vitamine D ;
- et, enfin les approches pharmacologiques comme les glucocorticoïdes, IL-2 ou acide rétinoïque.
En résumé, améliorer la fonction des Tregs apparaît comme un objectif clé du traitement des maladies allergiques IgE dépendantes comme l’asthme et la dermatite atopique.
C’est sans doute en connaissant mieux les propriétés des Tregs humains, que l’on pourra développer des stratégies thérapeutiques d’induction de tolérance allergénique à long terme.
Immunothérapie alimentaire : désensibilisation ou tolérance ?
Stacie M. Jones, division of Allergy and Immunology, Department of Pediatrics, Arkansas Children’s Hospital, University of Arkansas for Medical Sciences, Little Rock, Arkansas, USA.
Jusqu’à présent le seul traitement drastique de l’allergie alimentaire est représenté par l’éviction et le recours aux médications d’urgence.
L’allergie alimentaire, maladie multifactorielle par excellence , fait intervenir à la fois des influences génétiques et environnementales.
L’immunothérapie spécifique injectable n’est pas possible du fait des risques encourus par le patient. Les stratégies de prévention primaires sont décevantes.
Ici, l’auteur a voulu faire le point sur la relation entre l’hypersensibilité alimentaire et la tolérance oral et explorer les nouvelles approches thérapeutiques pour moduler la réponse allergique alimentaire.
Quelles sont les nouvelles approches thérapeutiques de l’allergie alimentaire ?
Le but de ces thérapeutiques consiste dans la combinaison d’une désensibilisation et/ou de tolérance.
– La désensibilisation est définie comme
- une modification de la dose-seuil du trophallergène responsable ingéré entrainant les symptômes allergiques.
- Les marqueurs de la désensibilisation incluent l’augmentation des IgG4 et la réduction des IgE avec une diminution de l’activation des mastocytes et des basophiles et de leur sécrétion en médiateurs.
Par contre, la tolérance est
- l’induction à long terme de modifications immunologiques associées à la possibilité de prendre l’aliment sans symptômes et sans avoir besoin d’un traitement.
- Les mécanismes d’induction de la tolérance incluent une modulation active de la réponse immune promouvant le développement de cellules T régulatrices et une diminution de la réponse Th2.
Quelles sont donc les alternatives à la traditionnelle injection d’immunothérapie spécifiques ?
– La médecine traditionnelle chinoise.
- Il s’agit d’un traitement non allergénique spécifique.
- La formule d’herbe de l’allergie alimentaire, en anglais Food Allergy Herbal Formula (FAHF-2) a montré sur des modèles murins une promotion de la tolérance et une protection vis-à-vis de l’anaphylaxie. Des essais sur l’humain sont en cours et semblent prometteurs.
– La thérapeutique par l’anti-IgE monoclonal humanisé, Omalizumab.
- Déjà utilisée efficacement lors d’immunothérapie rush dans la rhinite et l’asthme allergiques.
- Des études sont en cours dans le cadre de l’allergie alimentaire comme adjuvant de protocole d’immunothérapie orale.
- Dans certaines études sur des animaux, ceux-ci montraient de hauts niveaux de mRNA transcripts de Foxp3 et de TGF-Bêta dans l’intestin ce qui suggère une modification de la réponse immune locale muqueuse.
– L’immunothérapie peptidique.
- Des souris sont traitées par des injections sous-cutanées avec un peptide (épitopes immunodominants de l’ovalbumine) et sont protégés de l’anaphylaxie lors du TPO.
– L’immunothérapie épicutanée.
- Dans des modèles animaux et cutanés ex-vivo, il est suggéré que cette immunothérapie visant les cellules de Langerhans et les cellules dendritiques dermiques module la réponse immune.
- Une étude pilote concernant l’allergie au lait de vache chez l’enfant montre une bonne tolérance et l’absence de sensibilisation.
- A 3 mois, les résultats tendent à mettre en évidence une amélioration dans le groupe traitement.
– L’immunothérapie sublinguale.
- Thérapeutique qui a déjà fait la preuve de son efficacité dans l’allergie aux aéroallergènes.
- Des investigateurs ont eu recours à cette immunothérapie dans le cadre de l’allergie à la noisette et, dans un seul cas, pour le traitement d’une allergie au kiwi mettant en jeu le pronostic vital. -*D’autres essais sont en cours pour de nombreux trophallergènes.
– L’immunothérapie orale (ITO) et induction d’une tolérance orale spécifique.
- Le plus souvent, les investigateurs utilisent des poudres de protéines alimentaires incorporées à un véhicule neutre par voie orale.
- Les protocoles sont de plus en plus standardisés avec une phase initiale d’augmentation de la dose jusqu’à la dose qui sera maintenue chaque jour.
- L’efficacité est vérifiée par TPO.
- La plupart de ces protocoles concerne le lait, l’œuf, le poisson et apparaissent efficaces chez 77% des patients traités.
- Des études sont en cours pour vérifier l’efficacité, la sécurité et les mécanismes mis en jeu.
- Une étude tend à montrer que la consommation d’œuf cuit chez des individus allergiques avérés à l’œuf pourrait avoir un effet thérapeutique par immunomodulation.
- Dans le domaine de l’allergie au lait de vache, des études pratiquées sur des enfants traités par ITO objectivent une diminution de la taille de la réactivité cutanée, une diminution des IgE spécifiques sériques et une augmentation des IgG4 spécifiques.
– ITO chez les patients allergiques à l’arachide.
- L’auteur rapporte une étude effectuée par son équipe sur 29 enfants allergiques à l’arachide.
- 27 de ces enfants ont pu ingérer la dose maximale de 5 grammes de protéines d’arachide lors du TPO après ITO.
- D’autres études retrouvent les mêmes résultats.
- Dans le travail de l’auteur, l’efficacité clinique est liée à une diminution de la réactivité des tests cutanés et une diminution de l’activation des basophiles.
- Si en début de traitement, il a été constaté une augmentation des IgE spécifiques, il existe ensuite une diminution de celles-ci à 12 ou 18 mois d’ITO.
- Sur le plan de la sécurité, la plupart des réactions ont lieu lors de la phase initiale d’accroissement des doses.
En conclusion, les avancées dans la compréhension des mécanismes immunologiques sous-jacents à l’allergie alimentaire et dans les connaissances de la complexité de la réponse immune muqueuse, nous permetten d’aboutir à de grands progrès dans le traitement définitif de l’allergie alimentaire.
Nous savons aussi que cette thérapeutique ne sera pas univoque, pouvant associer des protocoles de désensibilisation/tolérance donc de traitements spécifiques, mais aussi associée à des traitements non spécifiques comme, par exemple, la médecine traditionnelle chinoise ou le recours aux probiotiques pour ne citer que ceux-ci.
La prise en charge du patient allergique alimentaire est en train de prendre un virage décisif pour arriver enfin à la guérison de ces patients qui voient leur vie mise en danger et subir des contraintes du fait de régimes alimentaires souvent compliqués à mettre en œuvre.