Congrès de l’AAAI 2011 par Philippe Carré

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Congrès de l’AAAI 2011 par Philippe Carré

Congrès de l’AAAI 2011 par Philippe Carré

lundi 28 mars 2011, par Dr Philippe Carré

Symposium : 100 ans d’immunothérapie allergique : passé, présent et futur.

Le congrès américain d’allergologie ne pouvait pas faire l’impasse, en cette année 2011 sur le centenaire de la découverte de l’immunothérapie allergique par Noon et Freeman en 1911.

Harold Nelson (Denver) a retracé les étapes principales de l’histoire de ce siècle écoulé.
 En 1911, Noon et Freeman réalisent « une inoculation prophylactique contre le rhume des foins ». Noon publie dans le Lancet que « la rhume des foins est dû à une toxine soluble. Les patients présentent une réaction idiosyncrasique de sensibilité à cette toxine ». Avec Freeman, ils croyaient que l’inoculation d’un extrait de pollen de phléole produisait des anti-toxines.
 En 1921, Carl Prausnitz et Heinz Küstner démontrent qu’un anticorps est la base de la sensibilisation, par le transfert passif de la sensibilité cutanée au poisson : Küstner était très allergique à l’ingestion de poisson ou à l’injection sous-cutanée d’un extrait de poisson ; son sérum a été injecté par voie intradermique à Praustnitz ; 24h plus tard une injection intradermique au même endroit d’un extrait de poisson a entraîné une réaction cutanée positive à type d’œdème ; la technique de Praustnitz et Küstner a ensuite été utilisée pendant la moitié du 20è siècle pour montrer la présence « d’anticorps réaginiques ».
 En 1965, Lowell et Franklin ont rapporté dans le NEJM les premières « études en double-aveugle sur l’efficacité et la spécificité du traitement injectable dans l’allergie au ragweed »
 En 1968, Johnstone a rapporté dans Pediatrics la « valeur de l’hyposensibilisation dans le traitement de l’asthme chez des enfants, avec un suivi de 14 ans » : à 4 ans, 81% des enfants traités avec des extraits à haute dose étaient indemnes d’asthme versus 58% de ceux avec des extraits à faible dose et 18% avec le placebo, et à l’âge de 16 ans les pourcentages étaient respectivement de 78%, 66% et 22%
 Les conclusions tirées des études de Lowell et Johnstone montraient que :

  • l’immunothérapie allergénique est efficace cliniquement dans le traitement de la rhinite allergique et de l’asthme
  • elle est spécifique de l’allergène administré
  • elle est dose-dépendante
  • elle est efficace quand administrée avec des mélanges d’allergènes chez des patients multi-sensibilisés

 En ce qui concerne les mécanismes de l’immunothérapie :

  • Robert Cooke disait en 1935 « que les études montraient le développement sous traitement d’un type d’anticorps à action bloquante ou inhibitrice, qui préviennent l’action de l’allergène sur l’anticorps sensibilisant »
  • En 1982, Gerald Gleich a rapporté les effets de 6 ans d’immunothérapie sur l’évolution des anticorps IgE et IgG au ragweed, qui ont été surveillés 2 ans avant et 4 ans après le début de l’immunothérapie : il était noté une augmentation abrupte des IgE spécifiques avec le traitement, avec un blocage de l’augmentation pendant la saison pollinique et une diminution progressive par la suite ; les IgG spécifiques augmentaient avec le traitement et restaient élevées
  • En 1982, Rocklin a montré l’implication de cellules suppressives spécifiques de l’antigène au cours de la désensibilisation
  • En 1997, Hamid a rapporté l’augmentation des cellules exprimant le mRNA pour l’IL-12 dans la peau de patients désensibilisés au pollen, les cellules IL-12 étant corrélés positivement avec les cellules IFNγ et inversement avec les cellules IL-4.

En conclusion, Nelson a rappelé qu’à la suite de la description initiale de Noon en 1911, les 100 premières années de l’immunothérapie ont montré :
 l’efficacité de ce traitement avec un grand nombre d’allergènes à la fois dans la rhinite allergique et dans l’asthme
 qu’il existait une réponse immunologique complexe , associant un blocage des anticorps, une suppression des IgE, une génération de cellules suppressives spécifiques de l’allergène (Cellules Treg) et une déviation immune d’un profil de réponse TH2 à un profil TH1.


Poster sur l’épidémiologie de l’asthme.

Evaluation de l’association de l’asthme à un déficit sélectif en IgA ou un déficit immunitaire commun variable : étude cas-contrôle (Juhn, Mayo Clinic, Rochester).

Les auteurs sont partis de la constatation que les infections respiratoires sont une comorbidité fréquente de l’asthme, et qu’il pourrait exister un phénotype particulier d’asthme associé à des déficits immuns.

Ils ont comparé un groupe de 39 sujets jeunes (étude réalisée dans un centre de pédiatrie) ayant un déficit avéré en IgA ou un déficit commun variable, à un groupe de 78 sujets contrôles (étude cas/contrôle), pour définir le pourcentage de sujets asthmatiques dans les 2 groupes : il y avait 39% d’asthmatiques dans le groupe déficitaire et 10% dans le groupe témoin (p=0.0003), avec un OR de 4.6 dans le groupe déficitaire.

Même s’il s’agit d’une étude rétrospective et d’une petite population, les auteurs concluent qu’il existe un sous-groupe d’asthmatiques chez qui est associé significativement un déficit immunitaire en IgA ou un déficit commun variable, ce qui peut expliquer le risque augmenté d’infections bactériennes dans cette population ; la recherche d’un tel déficit devrait être faite chez les asthmatiques faisant des infections à répétition.

Posters sur le traitement de l’asthme.

Efficacité de l’Omalizumab dans l’asthme sévère en milieu gériatrique (Verma, Los Angeles).

Dans une étude rétrospective les auteurs ont comparé les données médicales de 17 patients d’âge moyen 61 ans ayant un asthme sévère, un an avant et un an après le début d’un traitement par omalizumab ; les résultats montrent que le traitement était associé :

  • à une réduction significative des exacerbations nécessitant des coticoïdes oraux (p<0.01)
  • une amélioration du VEMS (p<0.01)
  • une amélioration du score de contrôle de l’asthme (ACT) à 3 mois, 6 mois et 1 an du début du traitement (p<0.01)
  • à un arrêt total des corticoïdes oraux chez 2 des 5 patients cortico-dépendants, 3 mois après le début du traitement.
  • il n’y a eu aucun effet secondaire sévère.

Il existe une tendance à l’augmentation de fréquence de l’asthme dans la population plus âgée ; ces patients ont des comorbidités et prennent de nombreux médicaments, ce qui rend le traitement de leur asthme plus problématique ; alors que la plupart des études sur l’omalizumab ont été réalisées dans des populations jeunes, cette étude montre une efficacité comparable dans la population gériatrique.

Cette étude montre par ailleurs que l’asthme allergique à IgE est important aussi dans ce groupe de patients ayant un asthme sévère.

Les auteurs recommandent de faire un essai de 3 mois de traitement par omalizumab chez ces asthmatiques sévères atopiques mal contrôlés par un traitement conventionnel, en se basant pour l’évaluation sur le nombre d’exacerbations nécessitant des corticoïdes oraux, le changement du VEMS et le score ACT.

Effets d’une combinaison à faible dose de fluticasone et de salmeterol (FS) sur le taux de NO dans l’air exhalé (NOe) et l’hyperréactivité bronchique dans l’asthme persistant léger (Pasha, New York).

Le traitement de l’asthme repose sur la surveillance des symptômes et de la fonction respiratoire ; mais on sait que l’inflammation des voies aériennes peut être présente dans des asthmes bien contrôlés.

Il a été montré par ailleurs que la mesure du NOe était corrélée à l’inflammation des voies aériennes, réduite par les corticoïdes et modulée par le traitement bronchodilatateur. Le NOe peut donc être un marqueur de l’inflammation des voies aériennes, reproductible chez les sujets asthmatiques avec une technique de mesure appropriée, et il est inclus dans les recommandations de l’ERS et de l’ATS.

Par ailleurs, l’HRB est aussi un marqueur de l’asthme et peut servir de référence.

Les auteurs ont donc examiné la relation entre le taux de NOe et l’HRB, et le VEMS, avant et après 4 semaines de traitement par une association de FS chez 18 patients atopiques porteurs d’un asthme persistant léger.

Il existait une corrélation entre le taux de NOe et la dose liminaire de bronchoconstricteur permettant une baisse de 20% du VEMS, avant et après traitement, ce qui confirme que le NOe peut être utile comme marqueur d’inflammation des voies aériennes dans l’asthme.

Ses avantages associent une technique non invasive, qui peut être répétée, qui est faisable chez l’enfant et les patients ayant une obstruction sévère où les autres techniques de mesure de l’HRB et de l’inflammation


Symposium sur la pratique de l’immunothérapie en 2011.

Mise au point 2011 sur les réactions secondaires à l’immunothérapie sous-cutanée et sublinguale aux Etats-Unis (Bernstein).

De 1973 à 2007, 83 décès secondaires à l’ITS injectable ont été rapportés, mais aucun depuis 2007.

Une étude rétrospective a été réalisée sur les années 1990-2001 auprès de tous les membres de l’AAAI : 25% (646) ont répondu :

  • 41 décès ont été colligés, ce qui fait 1 pour 2.5 million d’injections et 3.4 décès par an
  • et 1 réaction presque fatale (« near fatal ») par million d’injections
  • il apparaît clairement des facteurs de risque :
    • l’asthme persistant sévère ou l’asthme incontrôlé représentent plus de 60% des réactions fatales ou presque fatales
    • on retrouve une réaction systémique antérieure dans 53% des cas,
    • une ITS aux pollens dans 47%,
    • un retard dans l’utilisation de l’épinéphrine dans 43%,
    • une erreur de dosage dans 35%,
    • un délai d’attente insuffisant dans 12%,
    • un début du choc après plus de 30 mn dans 9%,
    • et dans 2% des cas un traitement associé par béta-bloquants ou inhibiteurs de l’ECA.

Dans une étude publiée en 2004, Bernstein avait rapporté 17 cas de décès dont 6 survenus après un délai de 30 mn après l’injection.

Une étude prospective de surveillance des effets secondaires de l’IT a été conduite de juillet 2008 à juillet 2009 (et rapportée dans Annals of Allergy en 2010) : 13% des réactions sévères ont débuté après un délai supérieur à 30 mn, qui ont toutes été traitées par épinéprine.

Il n’est pas surprenant de constater qu’une seule diapositive de tout l’exposé a concerné l’ISL, qui est très peu pratiquée aux Etats-Unis ; l’auteur a juste rapporté que les réactions locales sont fréquentes, qu’aucun décès n’a été rapporté, mais que des réactions systémiques existent : 2 anaphylaxies ont été rapportées après la 1ère dose chez des patients qui avaient eu auparavant une réaction systémique après ITSC.

Deux grandes études américaines sur l’ITSL aux pollens de graminées n’ont montré aucune réaction anaphylactique, bien que 21% des sujets étaient asthmatiques.

Mise au point sur les notions à connaître pour optimiser la sécurité des patients sous ITSC
(Calabria).

Plusieurs points ont été abordés :

  • la survenue d’une réaction locale ou locale étendue (RLE) ne prédispose pas à une réaction systémique lors des injections suivantes ; mais si la fréquence des RLE augmente, elle est alors associée à une augmentation du risque
  • les réactions sévères retardées surviennent au moins 30 mn après l’injection ; on les retrouverait dans 13 à 50% des réactions sévères, mais leur sévérité reste moins importante que celles des réactions immédiates ; si elles surviennent, elles imposent une surveillance prolongée, et en cas de récidive elles imposent l’arrêt du traitement
  • les réactions systémiques biphasiques sont définies par la récidive au moins 24h après l’injection ; deux études se sont intéressées à ce sujet :
    • ces réactions concernaient 10 à 23% des patients avec réaction systémique,
    • elles étaient en règle moins sévères,
    • les facteurs de risque étaient un âge plus élevé,
    • le sexe féminin,
    • et le fait d’avoir reçu au moins 1 fois de l’épinéphrine pendant la phase initiale du traitement ; elles nécessitaient rarement l’utilisation d’épinéphrine
  • en ce qui concerne les béta-bloquants : 2 rétrospectives récentes n’ont pas montré d’augmentation de la fréquence des réactions systémiques ; mais qu’en est-il de leur sévérité et de la réponse au traitement par épinéphrine ? Il faut distinguer le cas des pneumallergènes et des venins en cas de réaction systémique :
  • pour les pneumallergènes, s’il n’y a pas d’alternative aux BB, il vaut mieux arrêter l’ITS
  • pour les venins, il faut peser le rapport bénéfice/risque, qui est différent ; si pas d’alternative aux BB pour raison cardiaque, faire l’IT sous BB, car il y a un risque vital vis-à-vis des hyménoptères si on ne fait pas l’ITS
  • Immunothérapie aux venins et inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) :
    • ils peuvent altérer la dégradation des kinines vasoactives générées pendant l’anaphylaxie, expliquant une hypoventilation et une chute de pression artérielle ;
    • s’il y a eu des cas rapportés, deux cohortes rétrospectives n’ont pas retrouvé d’association entre IECA et réactions systémiques pendant l’IT ;
    • dans une étude multicentrique rapportée par Rueff (2009) concernant les venins, il a été noté un risque d’anaphylaxie plus sévère, surtout pendant la phase d’entretien, sans par contre d’augmentation de la fréquence globale des réactions
  • en ce qui concerne l’utilisation des antiH1, ils induisent un risque théorique de masquer une réaction systémique précoce, et d’en retarder le diagnostic ; ils diminuent les réactions locales étendues pendant la phase de rush des venins, mais pas pendant la phase de maintenance
  • enfin a été abordée l’utilisation de l’omalizumab associée à l’ITS aux venins :
    • dans une étude prospective rapportée par Massanari dans le JACI en 2010, évaluant 248 asthmatiques non contrôlés par des stéroïdes inhalés et allergiques, la tolérance de l’ITS a été évaluée au cours de la phase initiale du traitement sur 4 semaines (acariens, chat ou chien) ;
    • les patients ont reçu de l’omalizumab pendant 16 semaines (13 semaines avant l’ITS et au cours des 3 premières semaines) ;
    • le nombre de réactions systémiques est passé de 26.2% à 13.5% des patients traités par omalizumab.

L’auteur en conclut (concernant toujours l’IT par voie injectable) que :

  • les réactions locales étendues peuvent dans certains cas augmenter le risque de réaction systémique
  • les réactions retardées et biphasiques ne sont pas rares et les patients doivent en être avertis
  • les BB peuvent augmenter le risque de sévérité des réactions systémiques, de façon différente entre les pneumallergènes et les venins
  • les IECA augmentent le risque de sévérité des réactions systémiques dans les allergies aux venins
  • l’omalizumab semble avoir un effet protecteur sur la fréquence des réactions systémiques au cours de l’ITS
  • la prémédication par des antiH1 a une efficacité sur les réactions locales étendues pendant la phase initiale du traitement par les venins.

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