Congrès de l’EAACI 2011 : Dr Philippe Carré

mercredi 15 juin 2011 par Dr Philippe Carré936 visites

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Congrès de l’EAACI 2011 : Dr Philippe Carré

Congrès de l’EAACI 2011 : Dr Philippe Carré

mercredi 15 juin 2011, par Dr Philippe Carré

Hot Topic 1 : Hot topics in clinical allergy.

Cette session a fait le point sur les nouveaux médicaments de l’asthme, les racines de l’allergie et les indications des anti-IgE en dehors de l’asthme.

M. Weschler (USA) a fait le point sur l’évolution des traitements de l’asthme.

L’évolution des thérapeutiques a suivi les avancées de la physiopathologie de la maladie, avec des étapes successives aboutissant à des recommandations : de l’épinéphrine au début du siècle dernier, on est passé à la corticothérapie orale au début des années 1960, puis aux corticoïdes inhalés fortement dosés dans les années 1980, pour arriver aux anti-IgE au début des années 2000. Qu’y a-t-il à venir ?

L’évolution récente et à venir se fait vers des nouvelles techniques diagnostiques, de nouvelles stratégies de prise en charge globale et d’approches préventives et des approches thérapeutiques ayant trait aux médicaments (nouvelles molécules ou nouvelles formulations, nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché, et nouvelles procédures en cours de validation, comme la thermoplastie) :
 les nouvelles formulations de produits inhalés s’orientent vers des systèmes

  • plus faciles à utiliser,
  • indépendants du débit inspiratoire,
  • ayant une déposition pulmonaire élevée,
  • une taille plus petite des particules et
  • des indicateurs de doses plus performants

 en ce qui concerne les médicaments déjà existants, on s’oriente vers

  • des corticoïdes inhalés en prise unique avec des particules plus petites,
  • des béta-mimétiques de longue action en prise unique et avec moins d’effets secondaires,
  • et de nombreuses associations en prise unique sont en cours de développement

 de nouveaux médicaments sont en cours de développement, en particulier

  • de nouveaux inhibiteurs des leucotriènes et
  • de nouveaux inhibiteurs des IgE ;
  • des études concernent aussi des molécules orientées vers le métabolisme du VIP, des neuropeptides, des canaux potassiques et d’inhibiteurs de la toux

 des études concernent aussi des médicaments n’ayant pas actuellement d’indication dans l’asthme :

  • le tiotropium, actuellement destiné à la BPCO ; une étude publiée en 2010 dans le NEJM a montré que l’association tiotropium/béclométasone avait des résultats proches de l’association salmétérol/béclométasone
  • des essais de macrolides sont en cours, avec des résultats divergents ; dans une étude publiée par Sutherland en 2010 dans le JACI, cette approche ne montrait pas d’effet significatif
  • plusieurs études ont été publiées sur l’intérêt des anti-TNF alpha dans l’asthme sévère, là encore avec des résultats non concordants pour l’instant
  • de nombreux travaux s’intéressent aux effets de certaines cytokines et chémokines, soit inhibitrices soit activatrices (2 études publiées dans le NEJM en 2009 et 2010 ont montré que les anti-IL5 avaient un effet positif sur les exacerbations asthmatiques ; des essais sont en cours aussi avec d’autres cytokines, comme les anti-IL3 qui seraient efficaces dans un sous-groupe d’asthmatiques

 enfin l’auteur a évoqué les travaux en cours sur l’efficacité de la thermoplastie dans l’asthme, qui vise à s’opposer à la contraction des fibres musculaires de la paroi bronchique, responsable de l’obstruction, en chauffant à l’aide d’un cathéter endo-bronchique la paroi des bronches au-delà des bronches principales, de façon à obtenir leur relâchement (plusieurs études ont montré une amélioration des symptômes et une amélioration de la qualité de vie).

H. Renz (Allemagne) a évoqué les racines et la modulation épigénétique de l’asthme.

Si le schéma habituel de la maladie la fait dépendre d’un phénotype particulier en lien avec un génotype, ce sont surtout les interactions gènes/environnement qui vont déterminer le développement des maladies inflammatoires chroniques, leur initiation, leur progression et le remodelage qui y est associé, sous l’effet de plusieurs facteurs d’agression ; l’immunité adaptative qui en découle va pouvoir s’orienter soit vers une réaction de protection et de tolérance, soit vers une réaction d’inflammation chronique.

Tous ces mécanismes font intervenir des gènes dis « de susceptibilité », au sein d’un environnement microbiotique, où intervient non seulement la muqueuse respiratoire mais aussi la muqueuse digestive.

L’auteur a pris l’exemple de l’effet de l’exposition précoce à un environnement bactérien des enfants qui vivent dans les fermes, qui va moduler le phénotype allergique de ces enfants.

On sait que l’exposition après l’âge de 5 ans a un effet faible ou nul sur la protection contre l’allergie, et que l’exposition continue des enfants a l’effet le plus puissant.

Il s’agit d’un modèle d’immuno-régulation précoce ; d’autres exemples existent, comme la protection infantile trans-maternelle par exposition de la mère au lactobacillus pendant la grossesse. On commence à mieux comprendre les mécanismes moléculaires qui sous-tendent les modifications des gènes qui aboutissent à cette régulation épigénétique.

D. Deleanu a fait le point sur les données de la littérature concernant les indications des anti-IgE en dehors de l’asthme.

Si l’omalizumab (représentant pour l’instant unique de cette classe) a une indication unique dans l’asthme allergique persistant sévère avec exacerbations, il a été utilisé :
 dans les maladies respiratoires :

  • dans certains asthmes non allergiques avec IgE élevées
  • dans la rhinite allergique
  • dans la polypose sino-sinusienne
  • dans l’aspergillose broncho-pulmonaire allergique (ABPA)
  • dans le syndrome de Churg et Strauss
  • et même dans la BPCO avec IgE élevées !

 dans la dermatite atopique
 dans différentes formes d’anaphylaxie
 dans d’autres indications : urticaire chronique, mastocytose systémique, allergie au latex en milieu professionnel, allergie alimentaire grave, allergie médicamenteuse (1 cas décrit dans une allergie grave à l’insuline)
 à titre de traitement associé dans des échecs ou lors d’effets secondaires graves liés à des désensibilisations, notamment dans le cas des allergies graves aux venins avec réactions sévères lors des tentatives de traitement anti-allergique
 dans d’autres pathologies non allergiques : syndrome hyper IgE, éosinophilie gastro-intestinale, anaphylaxie idiopathique.

Les preuves d’efficacité de nombre de ces traitements sont fragmentaires, car il s’agit de beaucoup de cas cliniques isolés répertoriés dans la littérature. En pratique :
 dans l’asthme et la rhinite, il y a clairement des preuves formelles avec des études contrôlées en double-aveugle contre placebo
 dans l’urticaire et l’eczéma, il y a des séries de cas
 pour le reste, il s’agit surtout de cas rapportés isolés.

Il y a donc besoin d’études complémentaires pour valider ces indications éventuelles (sur un site officiel dédié à cette problématique, 26 projets d’études sur les anti-IgE cherchent à recruter des patients).


Questions sur l’immunothérapie aux venins.

Cet atelier de travail s’est intéressé à trois questions qui posent parfois problème en matière d’allergie aux venins :
 y a-t-il une indication à traiter les patients ayant fait une réaction locale étendue ?
 faut-il traiter à vie les allergiques au venin d’abeille ?
 comment prendre en charge les doubles sensibilisations ?

La désensibilisation aux venins est-elle indiquée dans les réactions locales étendues ?

Qui mieux que David Golden (Baltimore, USA), grand spécialiste nord-américain des hyménoptères, pouvait traiter ce problème ?

Les réactions locales étendues (RLE) sont définies par des réactions locales d’environ 10 à 15 cms de diamètre, résolutives en 3 à 10 jours, ayant une morbidité significative, altérant la qualité de vie et nécessitant souvent la prise de corticoïdes oraux.

Quelle en est la fréquence ?
 Dans une étude de Graif en 2006 portant sur plus de 10.000 enfants, 7.6% ont présenté globalement une RLE, et 13.6% si l’on tient compte de ceux ayant déjà été antérieurement piqués ;
 dans une autre étude de Graft chez des enfants, le taux était de 37% ; dans une étude de Golden en 2009 sur 41 adultes ayant une allergie prouvée, un test réaliste de piqûre s’est accompagné de quasi 100% de RLE.

Quel est le risque de réaction systémique en cas de RLE antérieure ?
 Il peut être évalué globalement d’après les études entre 2 à 10%, et moins de 2% pour les réactions systémiques sévères ; il s’agit donc d’un risque faible.

L’immunothérapie (IT) est indiquée chez les patients ayant une histoire de réaction systémique avec un bilan positif ; deux problèmes sont débattus : que faire en cas de simple réaction cutanée isolée, et en cas de RLE qui nous intéresse ici ?

On sait (Oude-Elberink 2009) que l’IT aux venins améliore la qualité de vie des adultes ayant présenté une réaction cutanée isolée par rapport à la mise à disposition d’adrénaline en kit.

L’IT aux venins est-elle efficace pour prévenir les RLE ?
 un essai d’IT sublinguale pour des RLE après piqûres d’abeille a été publié en 2008 dans le JACI (Sevenno) : l’efficacité était partielle
 en 2009, le Groupe hyménoptères de l’EAACI a conclu que ce traitement n’était pas recommandé, en raison d’une absence d’efficacité dans près de 50% des cas

Golden a étudié 41 patients allergiques dont le diagnostic a été confirmé par un test de piqûre réaliste ;
 sur les 29 patients traités, une piqûre réaliste a été réalisée tous les ans pendant 4 ans :
 8 patients ont eu une RLE (nécessitant 1 fois des corticoïdes), et l’étendue de la RLE était diminuée d’environ 40 à 50%.

Au total, pour Golden :
 les arguments pour l’IT sont :

  • prévenir les réactions systémiques : chez les patients à très haut risque, en milieu professionnel par exemple ? Est-ce efficace ? Oui puisqu’il y a plus de 95% de protection
  • prévenir les RLE ultérieures : quand elles sont fréquentes et que l’exposition est inévitable ? Est-ce efficace ? Oui puisqu’il y a de 50 à 70% de diminution de la durée et/ou de l’étendue des réactions ultérieures
  • améliorer la qualité de vie des patients, en raison de la morbidité des RLE et de la crainte d’une réaction systémique ultérieure par les patients. Est-ce efficace ? Oui d’après la littérature

 les arguments contre l’IT sont :

  • un bénéfice qui est dépassé par le risque : le risque de réaction systémique dû à l’IT (10 à 15%) excède largement le risque de réaction systémique à une piqûre spontanée (7%) ; de plus l’IT entraîne souvent des RLE
  • un bénéfice non justifié par le coût de l’IT
  • l’IT est seulement justifiée dans les recommandations pour prévenir l’anaphylaxie mettant en jeu la vie du patient, ce qui n’est pas le cas des RLE.

En conclusion, l’IT aux venins dans les RLE ne peut être qu’une indication rare, dans des cas très particuliers, et ne sera décidée qu’au cas par cas en accord avec le patient.

L’IT au venin d’abeille devrait-elle être poursuivie toute la vie ? (Béatrice Bilo, Italie).

L’allergie au venin d’abeille est particulière :
 les réactions systémiques (RS) à l’abeille représentent près de 50% du total des piqûres d’hyménoptères
 leur prévalence chez les apiculteurs est de 14 à 32% des piqûres, avec un risque plus important chez les sujets atopiques et chez ceux qui ont une rhinoconjonctivite ou de l’asthme au contact des ruches
 de plus, la fréquence des piqûres est plus importante dans les familles d’apiculteurs que dans la population normale, avec une sévérité identique
 en cas de test réaliste par piqûre d’abeille chez des sujets ayant présenté une RS à l’abeille, la fréquence des RS au test réaliste est de près de 50% des cas
 l’efficacité et la tolérance des IT à l’abeille sont moins grandes qu’avec la guêpe.

D’autres éléments sont à prendre en compte :
 l’efficacité de l’IT est immédiate après que la dose de maintenance ait été obtenue (même dans les protocoles par rush)
 la dose de venin est à considérer : en effet, les piqûres d’abeille libèrent de 50 à 140 µg de venin par piqûre, contre 10 fois moins pour la guêpe ou le frelon (même si une mise au point récente dans le JACI (Houliston 2011) a montré une efficacité de l’IT chez les enfants avec une dose de maintenance de 50 µg ; mais il s’agit d’une étude rétrospective, chez de jeunes enfants, sans test réaliste).

Les questions qui se posent face aux facteurs de risque en cas de piqûre d’abeille sont :
 de déterminer le risque de l’échec de l’IT
 de déterminer les facteurs qui influencent le risque d’une réaction anaphylactique pendant l’IT
 et les facteurs qui influencent le risque de récidive de RS après arrêt du traitement ; on sait que ces facteurs sont principalement :

  • les piqûres d’abeilles,
  • l’âge adulte,
  • des RS sévères avant traitement,
  • des RS pendant l’IT (aux injections ou spontanées),
  • une mastocytose associée,
  • un taux basal élevé de tryptase (Bonifazi, Immunotherapy 2011).

En conséquence, l’auteur nous propose des recommandations :
 une durée minimale de 3 à 5 ans d’IT à l’abeille s’impose chez tous les patients, l’arrêt plus tôt ne pouvant se décider que si les tests cutanés et les IgEs sont négativés ; l’indication d’une trousse d’urgence doit être discutée au cas par cas
 des durées d’IT plus longues, voire indéfinies, doivent être discutées chez les patients allergiques au venin d’abeille (recommandations EAACI) :

  • en cas de risque élevé de RS très sévère (âge avancé, histoire antérieure de RS très sévère, maladie respiratoire ou cardio-vasculaire associée, mastocytose ou taux de tryptase augmenté, utilisation de certains médicaments comme les béta-bloquants)
  • en cas de RS aux injections de rappel ou aux piqûres spontanées pendant l’IT
  • chez les patients hautement exposés comme les apiculteurs et les membres de leurs familles, ou en cas d’autre exposition professionnelle ou de loisir avec un risque d’exposition très élevé
  • une mise au point récente sur les allergies aux insectes a été publiée dans le JACI en 2011, et reprend les recommandations pour poursuivre l’IT plus longtemps en cas de facteurs de haut risque (réactions presque fatales avant l’IT, RS pendant l’IT, allergie à l’abeille, exposition fréquente, taux de tryptase élevé, maladies et traitements particuliers associés).

Y a-t-il des alternatives à l’arrêt de l’IT ?
 La seule est l’espacement de la fréquence des injections ;
 de nombreuses études ont été publiées sur ce problème, allant de 6 à 12 semaines, et même à 6 mois, avec contrôle par des tests réalistes de piqûre ; mais cette pratique n’est pas validée, notamment pour l’abeille, et il faut se rappeler que les apiculteurs qui ont moins de 10 piqûres par an sont ceux qui ont le plus souvent des RS lors des repiqûres, ce qui incite à être très prudent dans l’espacement des injections de maintenance.

Comment prendre en charge les double sensibilisations ? (Günter Sturm, Autriche).

Les causes des doubles sensibilisations sont diverses :
 la présence de déterminants carbohydrates (CDD) communs pour l’abeille et la guêpe
 une véritable double sensibilisation aux allergènes de la guêpe et de l’abeille
 une sensibilisation croisée à la hyaluronidase (Api m 2 / Ves v 2) par identité séquentielle partielle entre l’abeille et la guêpe
 de même pour la dipeptidylpeptidase (Api m 5 / Ves v 3).

Quelles sont les approches pour essayer de résoudre ce problème ?
 les techniques d’inhibition des IgE
 l’inhibition par Western blot
 le diagnostic moléculaire (recombinants)
 le test d’activation des basophiles (TAB).

Quels sont les allergènes en cause :
 pour les guêpes :

  • Ves v 1 (Phospholipase A1)
  • Ves v 2 (Hyaluronidase)
  • Ves v 3 (Dipeptidylpeptidase IV
  • Ves v 5 (Antigènec 5), qui a une haute sensibilité avec les différentes techniques utilisées
  • le profil de sensibilisation est donc limité à peu d’allergènes,
    • rVes v 5 est valable pour le diagnostic en routine, la sensibilité de rVes v 5 est plus grande que celle des extraits de venin de guêpe,
    • rVES v 1 n’est pas nécessaire, mais augmentera la sensibilité
  • la détermination des IgEs à rVes v 5 est suffisante pour exclure une sensibilisation croisée à la guêpe

 pour l’abeille : il y a au moins 10 allergènes (Api m 1 à 10)

  • rApi m 1 a une sensibilité plus faible que le CAP
  • il y a souvent une sensibilisation à de multiples allergènes : la sensibilisation de rApi m 1 est de 67.5%, et celle de rApi m 1,2,10 est de 85%
  • en conclusion : il y a donc un large échantillon de sensibilisations allergéniques, rApi m 1 est disponible pour le diagnostic de routine, la sensibilité de rApi m 1 est plus basse que celle de l’extrait de venin d’abeille, et la détermination des IgEs à rAPI m 1 n’est pas suffisante pour exclure une sensibilisation relevante au venin d’abeille

 en pratique : rApi m 1 a une sensibilité trop faible (57 à 82%), et rVes v 5 a une sensibilité suffisante (90 à 97%).

Le TAB
 est un test validé, utile chez les patients ayant une histoire clinique et des tests non concluants, et réduit la fréquence des doubles sensibilisations (de 72% par rapport au CAP, article de Sturm sous presse) ;
 l’auteur a déterminé la valeur prédictive négative du TAB chez 20 patients ayant une double sensibilisation avec les tests ID et le CAP, et une mono-sensibilisation au TAB, en réalisant un test réaliste par piqûre avec l’insecte ayant donné un TAB négatif : sur 5 piqûres réalistes, il n’y a eu aucune réaction systémique.

La valeur diagnostique des IgE anti-CCD est faible : la sensibilité du CAP CCD est de 51% (Sturm, Plos ONE 2011) à 73% (Jin, JAI 2010).

En conclusion, l’auteur rappelle que :
 le diagnostic moléculaire est utile, mais rApi m 1 n’est pas suffisant pour un diagnostic correct
 de plus, au moins rApi m 2 et rApi m 10 sont nécessaires
 le TAB est utile chez les patients ayant une double sensibilisation (faisant baisser leur fréquence à 17.1%)
 la broméline ou le CAP CCD ne sont pas appropriés pour résoudre le problème de la double sensibilisation.


Les nouvelles molécules dans l’inflammation allergique.

Cette réunion a fait le point sur trois groupes de molécules qui interviennent dans l’inflammation allergique :
 les neurotrophines
 les oxydants et les anti-oxydants
 l’ostéopontine.

M. Lommatzsch (Allemagne) a fait la synthèse sur les neurotrophines.

L’inflammation neurogénique est connue depuis longtemps dans l’inflammation asthmatique, passant par des voies afférentes jusqu’aux neurones sensitifs des voies aériennes, et des voies efférentes vagales innervant le muscle lisse et les glandes muqueuses, expliquant la bronchoconstriction et la production de mucus.

Mais cette dysrégulation existe dans l’ensemble des maladies allergiques :
 Il existe une hyperréactivité neuronale dans l’asthme, avec une activité réflexe centrale augmentée, une augmentation de la synthèse et de la sécrétion de neuropeptides, un « switching » phénotypique des neurones sensitifs, une hyperactivité des ganglions parasympathiques, des modifications de l’expression des récepteurs muscariniques, et des modifications dans le largage des neurotransmetteurs
 Cette activité neurologique est aussi présente dans la peau des patients atteints de dermatite atopique, et joue un rôle dans la perception douloureuse de l’inflammation cutanée, en particulier dans le grattage ; de nombreuses terminaisons nerveuses sont présentes dans le derme ; la recherche d’un dermographisme chez un sujet non atopique entraîne une réaction cutanée rouge (vasodilatation) alors qu’elle entraîne une réaction cutanée blanchâtre chez l’atopique (vasoconstriction), ce qui rend bien compte d’une régulation locale différente.
 La régulation nerveuse est également très perturbée dans la rhinite allergique et rend compte des principales composantes cliniques (prurit, rhinorrhée, congestion, mouchage…).

L’inflammation allergique présente dans les maladies allergiques (asthme allergique, dermatite atopique et rhinite allergique) est donc liée à un dysfonctionnement neuronal qui explique les symptômes cliniques : mais quel en est le lien exact ?

La croissance et l’activité neuronales sont contrôlées par des neurotrophines, qui sont des médiateurs qui ont une longue durée de vie par rapport aux médiateurs inflammatoires :
 le BDNF (brain-derived neurotrophic factor)
 le NGF (nerve growth factor)
 le NT-3 (neurotrophine 3)
 le NT-4/5 (neurotrophine 4/5).

Le BDNF est stocké dans les plaquettes (environ 100pg par million), lié à des récepteurs de faible affinité (p75 NTR). On le trouve aussi sur les leucocytes et les cellules épithéliales.

La première preuve du rôle des neurotrophines dans l’allergie a été publiée par Bonini en 1996, qui a montré que les patients allergiques avaient des taux très élevés de NGF par rapport à des témoins ; on a montré par la suite que :
 sur des modèles animaux d’asthme allergique, il existait une régulation anormale du BDNF sur les cellules musculaires lisses des voies aériennes
 chez les patients asthmatiques, il existe non seulement une dysrégulation locale, mais aussi systémique, les taux de BDNF sérique étant plus élevés que chez les contrôles
 une relation significative existe entre le taux de BDNF et le débit de pointe ou l’hyperréactivité bronchique attestée par la PC20 à l’histamine. Cette relation n’est plus retrouvée chez les patients sous stéroïdes inhalés.

L’auteur a évoqué aussi le problème des effets secondaires éventuels des béta-agonistes et en particulier les hypothèses concernant la perte de contrôle de la maladie qui pourrait être induite par les béta-agonistes.

Dans une étude publiée dans Thorax en 2009, il rapporte une augmentation de la synthèse de BDNF chez des patients traités par salmétérol, par rapport à des patients sous fluticasone ou sous association des deux molécules, corrélée à une augmentation de l’hyperréactivité bronchique ; le mécanisme pourrait passer par l’activation par le salmétérol, par le biais de l’AMPc, d’une région promotrice du gène du BDNF, entraînant une activation du BDNF-mRNA et une synthèse accrue de BDNF.

Dans la dermatite atopique, il a été montré aussi une augmentation de synthèse de NGF, qui est diminuée sous l’effet des stéroïdes locaux, ainsi que de BDNF ; il est intéressant de noter que la relation entre symptômes et augmentation du BDNF n’a été significativement positive que dans les dermatites « intrinsèques »

Dans la rhinite allergique, on a montré :
 une augmentation du taux de NGF dans le liquide de lavage nasal
 une augmentation du BDNF dans la muqueuse nasale, corrélée au score de symptômes cliniques

Au total :
 il existe dans l’asthme allergique, la dermatite atopique et la rhinite allergique, une synthèse accrue de BDNF et de NGF, avec augmentation des concentrations systémiques (sauf probablement dans la rhinite où elle n’est que locale), le tout étant corrélé aux symptômes cliniques (à la forme intrinsèque pour la dermatite)
 l’auteur émet deux hypothèses :

  • soit la stimulation des voies aériennes ou de la peau entraînent une augmentation des taux de neurotrophines, à l’origine de l’inflammation allergique puis des symptômes cliniques
  • soit c’est la stimulation muqueuse qui entraîne l’inflammation allergique, elle-même entraînant la synthèse accrue des neurotrophines.

Une fois de plus, on ne sait pas encore qui de la poule ou de l’œuf est l’initiateur de cette synthèse des neurotrophines. Reste à imaginer les applications thérapeutiques éventuelles…

Cansin Sackessen (Turquie) a fait une synthèse sur le rôle des oxydants et des anti-oxydants.

Les oxydants (anion superoxyde, radicaux hydroxylés, peroxyde d’hydrogène, acide nitrique), dont la fonction est de tuer les substances agressives, sont à l’origine du stress oxydatif, qui peut entraîner des manifestations cliniques multiformes dans l’ensemble de l’organisme, et notamment au niveau pulmonaire (asthme, BPCO, allergies, cancer, SDRA).

Les sources endogènes des oxydants sont
 la chaîne mitochondriale respiratoire,
 les microsomes et
 les enzymes ;

Les sources cellulaires associent :
 les cellules inflammatoires : neutrophiles, éosinophiles, macrophages, monocytes
 les fibroblastes
 les cellules épithéliales, alvéolaires et bronchiques
 les cellules endothéliales

Les sources exogènes sont :
 l’ozone
 la fumée de tabac
 les radiations
 les composés chimiques environnementaux

Leurs effets moléculaires sont :
 l’inactivation des anti-protéases
 l’induction de l’apoptose
 l’activation de NF-kB
 l’activation de AP-1
 l’augmentation de l’expression des gènes des cytokines pro-inflmmatoires.

Le déséquilibre de la balance oxydants/anti-oxydants entraîne sur les voies aériennes :
 une contraction des muscles lisses
 une augmentation de la perméabilité
 une altération des récepteurs béta
 une augmentation de la production de mucus
 une altération de l’élimination des médiateurs inflammatoires
 une hyperréactivité bronchique
 un dommage épithélial.

Les anti-oxydants peuvent être d’origine :
 enzymatique : la superoxide dismutase, la catalase, la glutathion peroxydase, les protéines de réduction : thioredoxine, peroxtredoxine, glutaredoxine…
 non enzymatique :glutathion, vitamines C et E, béta-carotène, acide urique.

L’auteur a conduit, dans une population de plus de 300 enfants asthmatiques, une étude dont les buts étaient :
 de déterminer l’importance du stress oxydatif dans le plasma et des échantillons de condensats d’air exhalé
 de rechercher les déterminants du stress oxydatif dans l’asthme, en tenant compte de la sévérité de la maladie et des polymorphismes génétiques
 de déterminer la présence des systèmes anti-oxydants dans l’asthme.

Les résultats montrent que :
 il y a une augmentation, chez les asthmatiques , du malondialdéhyde (oxydant) et une baisse de la glutathion réductase
 le polymorphisme Val/Val de la glutathion S transférase est significativement associé à un taux élevé de MDA et une baisse du taux de glutathion réduite
 le génotype Val/Val de la glutathion S transférase augmente significativement le risque d’asthme modéré à sévère

Au total :
 il y a un stress oxydatif puissant chez les enfants asthmatiques
 le stress augmente avec la sévérité de la maladie
 le génotype val/val, sur le locus GSTP1 ile105val peut être un facteur important pour déterminer le degré d’atteinte oxydative
 les enfants asthmatiques ayant certains génotypes pourraient être de meilleurs candidats à un traitement antioxydant.

Les conclusions générales de l’auteur sur les oxydants et les anti-oxydants sont les suivantes :
 l’asthme modéré de l’enfant est associé à une diminution des taux des anti-oxydants à la fois enzymatiques et non enzymatiques
 en ce qui concerne les anti-oxydants enzymatiques, les taux extracellulaires de superoxyde dismutase et de glutathion peroxydase sont diminués
 en ce qui concerne les anti-oxydants non enzymatiques, les niveaux d’acide glycique et glutamique, qui participent aux étapes finales de la formation de la glutathion réduite, sont significativement abaissés chez les asthmatiques
 les anti-oxydants non enzymatiques : acide ascorbique, α-tocophérol, lycopène et β-carotène sont significativement diminués chez les enfants asthmatiques
 le glutathion est la molécule clef de la défense anti-oxydante
 de plus, dans une autre étude, l’asthme mais aussi la rhinite allergique sont associés à une augmentation du stress oxydatif dans les voies aériennes des enfants ; cependant, la coexistence des deux maladies n’augmente pas davantage le stress oxydant.

Au total, il y a un déséquilibre très fort de la balance oxydants/anti-oxydants dans l’asthme et la rhinite :
 les anti-oxydants enzymatiques sont abaissés
 les anti-oxydants non enzymatiques sont aussi abaissés
 les marqueurs oxydatifs sont plus élevés

Mais les anti-oxydants suffisamment puissants pour contrebalancer cette atteinte oxydative importante restent à découvrir…

Davina Simoes a abordé le sujet de « l’ostéopontine, des éosinophiles et du remodelage des voies aériennes ».

La question est de savoir si l’ostéopontine (Opn) fait partie de la réponse allergique TH2.

L’Opn est une cytokine qui a été décrite en 1989 (Eta-1) ; on sait :
 qu’elle est une cytokine importante dans l’immunité TH1
 qu’elle existe sous 2 iso-formes
 qu’elle est exprimée par les cellules T activées, les macrophages , les cellules dendritiques et les cellules tissulaires inflammatoires
 qu’elle a une variété de différents motifs fonctionnels qui peuvent se lier à plusieurs récepteurs
 ceci explique en partie que Opn ait une fonction pléiotropique et soit impliquée dans différents processus physiologiques et pathologiques.

Les cellules dendritiques sont très importantes dans le processus d’activation allergique spécifique et de polarisation de la voie TH2 ; elles sont aussi cruciales dans les phénomènes d’allergie des voies aériennes ; en 2007, l’équipe de Simoes a montré (Nature Medicine) que :
 l’Opn joue un rôle fondamental dans l’allergie des voies aériennes par la régulation des cellules dendritiques
 l’Opn est exprimée par les éosinophiles des patients atopiques, et son expression est corrélée au nombre d’éosinophiles de l’expectoration
 l’Opn induit une migration significative des éosinophiles.

De plus :
 l’Opn est associée au remodelage tissulaire dans plusieurs modèles de fibrose
 ses propriétés de remodelage sont associées à une induction, une prolifération et une migration des fibroblastes et des cellules musculaires lisse
 l’Opn a la capacité d’induire in vitro une production de collagène par des lignées de fibroblastes murins, associée à une augmentation de sa déposition dans la matrice extracellulaire, dans des modèles d’asthme chronique.

L’auteur a aussi montré (AJRCCM 2009) que le déficit en Opn protège contre le remodelage des voies aériennes et l’hyperréactivité bronchique dans l’asthme chronique.

Par ailleurs :
 l’hyperplasie des cellules à gobelets est réduite en l’absence d’Opn
 de même que la prolifération des cellules sous-muqueuses
 alors que la prolifération des cellules musculaires bronchiques humaines est augmentée par l’Opn
 et que les taux d’Opn sont augmentés dans le surnageant des expectorations dans l’asthme sévère réfractaire (équipe de Samoes, Thorax 2010).

En conclusion, l’auteur pense que :
 initialement l’Opn supprime l’inflammation allergique des voies aériennes et permet les réponses de réparation tissulaire qui conduisent au remodelage pulmonaire
 elle propose que chez les individus sensibilisés, les cellules inflammatoires et les cellules résidentes épithéliales qui sont recrutées deviennent activées et sécrètent des cytokines pro-inflammatoires, alors que dans un second temps elles produisent des cytokines régulatrices ou anti-inflammatoires, telles que l’Opn et le TGF-β, pour prévenir une inflammation excessive et un dommage tissulaire. Cependant, si l’expression de l’Opn est altérée, une augmentation des modifications structurelles des voies aériennes apparaît, qui conduit à un remodelage excessif et à un déclin de la fonction respiratoire.

Ces mécanismes nouveaux sont une approche intéressante à la physiopathologie de l’asthme ; reste à connaître leur implication exacte dans toute la chaîne complexe de la maladie.


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