Une panacée méconnue : la désensibilisation !

mardi 28 février 2012 par Dr Geneviève DEMONET1356 visites

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Une panacée méconnue : la désensibilisation !

Une panacée méconnue : la désensibilisation !

mardi 28 février 2012, par Dr Geneviève DEMONET

Association de l’immunothérapie spécifique allergénique sous-cutanée avec l’incidence des maladies auto-immune, des maladies ischémiques cardiaques et de la mortalité : Allan Linneberg, Rikke Kart Jacobsen, Lasse Jespersen, Steen Z. Abildstrøm

dans The Journal of Allergy and Clinical Immunology - February 2012 (Vol. 129, Issue 2, Pages 413-419, DOI : 10.1016/j.jaci.2011.09.007)

 Contexte :

  • L’immunothérapie spécifique allergénique sous-cutanée (ITSC) est un traitement bien documenté de la maladie allergique IgE-médiée.
    On sait peu de choses sur les effets potentiels de l’ITSC sur le risque d’autres maladies chroniques liées au système immunitaire.
  • Dans les années passées, quelques observations ont été rapportées qui pourraient faire craindre que l’ITSC puisse agir comme déclencheur de maladies auto-immunes.

 Objectifs :

  • Nous avions comme but d’évaluer l’association entre l’ITSC et l’incidence des maladies auto-immunes, des maladies ischémiques cardiaques (MIC) aussi bien que de la mortalité toute cause confondue.

 Méthodes :

  • Tous les citoyens danois n’ayant pas d’autre pathologie connue ont été repérés et suivis par l’intermédiaire des registres centraux sur les médications et les admissions hospitalières.
  • Les personnes recevant une ITSC et celles traitées par des médicaments anti-allergiques conventionnels (TAC ; stéroïdes nasaux ou antihistaminiques oraux) ont été comparées en ce qui concerne la mortalité et le développement de maladies auto-immunes, d’infarctus aigu du myocarde (IAM) et de maladie ischémique cardiaque (MIC).
  • Une régression de Cox (analyse de survie) avec l’âge comme échelle de temps sous-jacente, a été utilisée pour estimer les risque relatifs (hazard ratio [HRs] avec IC 95%) associés à l’ITSC comparativement au TAC avec un ajustement pour l’âge, le sexe et le statut socio-économique.

 Résultats :

  • Durant la période de 10 ans de l’étude (1997-2006), un total de 18 841 et 428 484 personnes ont été suivies respectivement dans les groupes ITSC et TAC.
  • Le fait de recevoir une ITSC était associé avec un taux de mortalité abaissé (HR, 0.71 ; IC 95%, 0.62-0.81) et une incidence plus basse d’IAM (HR, 0.70 ; IC 95%, 0.52-0.93), de MIC (HR, 0.88 ; IC 95%, 0.73-1.05), et de maladie auto-immune (HR, 0.86 ; IC 95%, 0.74-0.99).

 Conclusion :

  • Dans cette étude observationnelle basée sur les registres, le fait de recevoir une ITSC était associée à un risque abaissé de maladie auto-immune mais aussi de décès toute cause confondue comparativement au TAC.

Les réactions secondaires immédiates de la désensibilisation sont bien connues. Les effets adverses sur le long terme, par la modulation induite sur le système immunitaire, le sont beaucoup moins.

Au fil des ans, des observations isolées de syndrome de Sjögren, de sclérose en plaque, de sclérodermie, de péricardites récidivantes ou de vascularite ont été rapportées au décours d’une immunothérapie spécifique sous-cutanée.
Par précaution, l’existence d’une pathologie auto-immune est d’ailleurs une contre-indication à la pratique d’une désensibilisation.

La relation entre immunothérapie spécifique et pathologie ischémique cardiaque n’avait par contre jamais été explorée jusqu’ici. C’est chose faite dorénavant avec une étude pharmaco-épidémiologique observationnelle danoise menée sur les données des registres de prescriptions et d’hospitalisations.

Tous les patients ayant eu une nouvelle prescription d’un extrait allergénique pour immunothérapie spécifique sous-cutanée (ITSC) de janvier 1997 à décembre 2006 ont été inclus dans ce travail, soit 18 841 personnes.

Un groupe contrôle de 428 484 allergiques a été constitué par des patients ayant eu un traitement médicamenteux symptomatique (antihistaminique oral, corticoïdes nasaux) avec au moins 2 prescriptions sur une année.

Les patients ayant eu, dans les 10 ans avant l’inclusion, une pathologie chronique cardio-vasculaire, auto-immune ou cancéreuse ont été exclus de ce travail, tout comme les personnes ne résidant pas au Danemark pendant la même période.

Durant la période de suivi, 25 900 décès ont été enregistrés, 214 dans le groupe ITSC et 25 686 dans le groupe contrôle.

La prescription d’une désensibilisation s’est avérée clairement associée avec une
baisse de 29% du risque relatif de mortalité comparativement au groupe témoin.

Cet effet du traitement sur la mortalité était identique quel que soit le groupe d’âge considéré (18-30 ans, 30-50 ans ou plus de 50 ans à l’entrée dans l’étude).

L’effet de l’ITSC sur la mortalité était significativement plus fort durant les 6 premiers mois de traitement qu’ensuite.

Des pathologies auto-immunes ont été observées chez 206 patients du groupe ITSC et chez 6071 du groupe contrôle.

L’existence d’une désensibilisation était associée avec une légère, mais significative, baisse de l’incidence des pathologies auto-immunes, plus forte dans les 6 premiers mois du traitement mais cette fois de façon non statistiquement significative.

En ce qui concerne les pathologies ischémiques cardiaques, 48 cas ont été observés durant les 10 ans de suivi dans le groupe ITSC et 3657 dans le groupe témoin.
Une fois encore, l’incidence était plus faible, et de façon significative, pour les patients désensibilisés, après ajustement pour l’âge au moment de l’inclusion, le sexe et le statut socio-économique. L’effet était aussi plus fort dans le 6 premiers mois de traitement que par la suite mais de façon non significative.

Pour finir, la prescription d’une ITSC s’est avérée associée avec une incidence plus basse de cancers gastro-intestinaux mais de façon non significative.

On ne peut savoir, à la lecture de ce travail, si les résultats observés reflètent un réel effet immuno-modulateur bénéfique de l’ITSC ou si on les doit à des biais méthodologiques. Malgré de nombreuses précautions pour éviter les biais de recrutement et l’analyse multivariée, certains patients à risque ont pu en effet être écartés de l’immunothérapie spécifique. Aucun renseignement sur le mode de vie des patients (tabagisme…) n’est par ailleurs connu.

En dépit de ces considérations, cette étude se veut néanmoins rassurante sur le retentissement de l’immunothérapie spécifique sur le système immunitaire. L’hypothèse d’une augmentation du risque de maladies auto-immunes n’est pas confirmée.

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