Faut-il interdire les anesthésies générales aux coiffeuses ?

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Faut-il interdire les anesthésies générales aux coiffeuses ?

Faut-il interdire les anesthésies générales aux coiffeuses ?

mardi 5 novembre 2013, par Dr Stéphane Guez

Prévalence des IgE contre les agents bloquants neuromusculaires dans les métiers de la coiffure et de la boulangerie. : S. Dong, D. S. Acouetey, R.-M. Guéant-Rodriguez, D. Zmirou-Navier, T. Rémen, M. Blanca, P. M. Mertes and J.-L. Guéant,

dans Clinical & Experimental Allergy, 2013 (43) 1256–1262.

 Introduction :

  • Les réactions IgE médiées contre les agents bloquants neuromusculaires (NMBAs) sont les principales causes de réactions d’hypersensibilité immédiate en anesthésie. -*Leur présence prédominante, en l’absence d’exposition antérieure aux curares, suggère un risque lié à l’exposition environnementale.

 Objectif de l’étude :

  • Il a été d’étudier la prévalence des IgE spécifiques vis-à-vis des ammoniums quaternaires dans 2 populations de la région Nord-est de la France, professionnellement exposées aux composés riches en ammoniums quaternaires,.

 Matériel et Méthode :

  • Il s’agit d’une étude rétrospective d’une population d’apprentis évaluée dans les 2 ans après leur période d’apprentissage.
  • Les populations professionnellement exposées suivantes ont été étudiées :
    • population coiffure (n = 128) comparée
    • à celle des boulangers/pâtissiers (n = 108)
    • et à des sujets contrôles appariés non exposés (n = 379).

 Résultats :

  • Il est observé une fréquence multipliée d’un facteur 4.6 des IgE positives contre les ammoniums quaternaires dans la population coiffure (HD) par rapport aux boulangers/pâtissiers (BP) et au groupe contrôle (C).
  • Les tests d’inhibition compétitive des ammoniums quaternaires par radio-immuno-assay sur sépharose (QAS – IgE RIA) avec la succinyl-choline sont significativement plus élevés dans le groupe HD par rapport aux groups BP et C, avec un pourcentage d’inhibition respectivement de =
    • 66.2 +/- 7.4,
    • 39.7 +/- 6 et
    • 43.8 +/- 9.9, p<0.001.
  • Les IgE spécifiques contre les ammoniums quaternaires reconnaissent aussi 2 composants largement utilisés dans les métiers de la coiffure :
    • le chlorure de benzalkonium
    • et le polyquaternium 10,
  • au test d’inhibition compétitive des IgE-RIA.
  • Lorsqu’on regarde l’ensemble total de la population étudiée,
    • le fait d’être dans les métiers de la coiffure
    • et d’avoir un taux d’IgE total > 100 kU/l
  • sont 2 facteurs prédictifs significatifs d’une sensibilisation IgE contre les ions ammoniums quaternaires,
  • dans une analyse multi variée d’un modèle tenant compte de l’âge, du sexe, de l’exposition professionnelle, de l’augmentation de la concentration en IgE totales (> 100 kU/L) et des IgE positives contre les pneumallergènes (Phadiatop) (respectivement, p = 0.019 et p = 0.001).

 Conclusion et applications cliniques.

  • L’exposition à des facteurs d’environnement professionnels dans les métiers de la coiffure, augmente la sensibilisation IgE contre les NMBAs et les composés riches en ammoniums quaternaires utilisés dans la coiffure.
  • A coté de l’hypothèse concernant la pholcodine, cette étude suggère que l’exposition répétée aux composés riches en ammoniums quaternaires utilisés dans la coiffure représente un facteur de risque de sensibilisation aux NMBAs.

Dans cette étude, les auteurs mettent en évidence un risque significativement très augmenté d’avoir des IgE positives contre les curares chez les sujets pratiquant les métiers de la coiffure. Ceci en raison d’une réactivité croisée avec des produits riches en ammoniums quaternaires.

Ce travail est très intéressant car il explique et confirme pourquoi certains patients font une réaction d’hypersensibilité immédiate aux curares lors d’une anesthésie générale alors qu’il s’agit de la première intervention, donc du premier contact avec ces produits anesthésiques.

Actuellement, il y a une forte suspicion concernant la pholcodine, agent antitussif qui, par réactivité croisée pourrait expliquer une sensibilisation entraînant une allergie lors du contact avec des NMBAs.

Cette étude propose une autre explication : la richesse en produits contenant une structure ammonium quaternaire, produits qui sont utilisés quotidiennement dans les métiers de la coiffure. Les tests immuno-allergologiques réalisé prouvent bien l’implication de ces produits.

Il convient donc maintenant de savoir comment utiliser cette information : faut-il faire des tests allergologiques systématiques aux professionnels des métiers de la coiffure avant une anesthésie générale ? Les auteurs ne le pensent pas tout en notant que ces IgE spécifiques sont bien corrélés à une allergie vraie aux curares…